Fiche Documentaire n° 3638

Titre Travail social et sida: bref bilan théorique des positionnements et pratiques

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Auteur(s) SACRAMENTO Octávio  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Travail social et sida: bref bilan théorique des positionnements et pratiques

Les maladies sont des manifestations qui transcendent la biologie et l'individu, révélant, au même temps, divers aspects et implications éminemment socioculturelles (Janzen, 2002; Adam et Herzlich, 2004; Pescosolido et al., 2011). Compte tenu des pratiques du risque associées et sa dense charge symbolique stigmatisant, l'infection par le VIH/sida est un cas assez révélateur de l’emplacement sociale de la maladie. C'est précisément ce cas qui est considéré dans la communication, accordant une attention particulière au rôle du travail social dans la production des pratiques et des savoirs sur une maladie qui, malgré les progrès de la biomédecine et les progrès en politiques publiques et réponses sociales (OMS, 2011, 2013), continue a pose terribles défis a les personnes, les familles et les communautés, en particulier lorsqu’ils sont dans une situation de vulnérabilité structural et matérielle, et subjugué a plusieurs processus de exclusion (Parker et Camargo, 2000; Piot, Greener et Russell, 2007; Sharpe et al., 2012). L'exercice proposé ici repose, avant tout, dans un travail de cartographie théorique des principaux axes d’analyse et d’action qui guident les stratégies nationales, portugaises, et internationales d’intervention sociale dans le contexte du VIH/sida. L’objectif principal est de comprendre la multiplicité des compétences intégrées, des procédures et des techniques – ses vertus, potentiel, limitations et effets pervers – qui font du travail social un champ de ressources fondamentales dans la lutte et le traitement de l’infection, surtout pour les personnes séropositives et pour tous ceux qui sont les plus proches et les plus touchés par ce problème de santé, comme partenaires, amis et famille.
À cette fin, sont considérés les cadres de l’intervention sociale qui supposent une importance particulière dans le domaine concerné, comme, entre autres: (i) la prévention, l'éducation pour la santé y la réduction des méfaits, en particulier dans des contextes plus propices à des comportements à risque (p.ex., utilisation de drogues injectables, prisons, prostitution de rue); (ii) la promotion et la participation interdisciplinaire dans les processus de test volontaire du VIH; (iii) le diagnostic social, counselling et soutien des personnes infectées et leurs familles, ainsi que la médiation en matière d’accès aux services et aux ressources, pour assurer la sauvegarde de leurs droits et de promouvoir la citoyenneté et l’inclusion sociale; (iv) la surveillance de médicaments anti-rétroviral – Highly Ative Antirretroviral Therapy (HAART) –, afin d’identifier et de surmonter des situations socioculturels qui peuvent compromettre l’adhérence thérapeutique, souvent citée comme un facteur essentiel dans le contrôle individuel et collectif de l'épidémie (Hall, Hall et Cockerell, 2011); (v) initiatives et pratiques conçues pour évacuer la charge stigmatisant et les exclusions (sida social) qui affectent toujours de nombreuses personnes séropositives – parfois dans les propres services d’assistance médicale et sociale –, et qui se présentent comme les principales contraintes qui affectent leur vie quotidienne.

Bibliographie

Adam, Philippe e Herzlich, C. (2004), Sociologie de la maladie et de la médecine, Paris: Armand Colin.

Hall, John, Brian Hall e Clay Cockerell, eds. (2011), HIV/AIDS in the post-HAART era: manifestations, treatment, and epidemiology, Shelton: PMPH.

Janzen, J. (2002), The social fabric of health: an introduction to medical anthropology, Nova Iorque: McGraw-Hill.

Parker, Richard e K. Camargo (2000), “Pobreza e HIV/AIDS: aspectos antropológicos e sociológicos”, Cadernos de Saúde Pública, 16, pp. 89-102.

Pescosolido, B.A., Martin, J.K., McLeod, J.D., Rogers, Eds. (2011), The handbook of the sociology of health, illness, and healing, Nova Iorque e Londres: Springer.

Piot P., R. Greener, e S. Russell (2007), “Squaring the circle: AIDS, poverty, and human development”, PLoS Med, 4(10): e314. doi:10.1371/journal.pmed.0040314.

Sharpe, Tanya, Caroline Voûte, Michelle Rose, Janet Cleveland, Hazel Dean, e Kevin Fenton (2012) “Social determinants of HIV/AIDS and sexually transmitted diseases among black women: Implications for health equity”, Journal of Women's Health, 21(3), pp. 249-254.

World Health Organization (2013), Global update on HIV treatment 2013: results, impact and opportunities, Genebra: WHO.

World Health Organization (2011), Global HIV/aids response: epidemic update and health sector progress towards universal access, Genebra: WHO.

Présentation des auteurs

Sacramento, Octávio

Degree in Social and Cultural Anthropology (Universidade Nova de Lisboa), Master in Sociology of Culture and Lifestyles (Universidade do Minho) and PhD in Anthropology (ISCTE-IUL). Assistant Professor at the University of Trás-os-Montes e Alto Douro (Vila Real, Portugal), researcher at the Center of Transdisciplinary Studies for Development (CETRAD-UTAD) and external researcher at Investigation Center in Social Sciences (CICS-UM). Its main research experiences include ethnographic fieldwork on female prostitution in the Iberian border regions, on HIV/AIDS social expressions, public policies and social responses, on Euro-Brazilian touristic/migratory mobilities and transnational configurations of intimacy, and, more recently, on women beneficiaries of social insertion income in the Douro region (Portugal).
CV Degois: http://www.degois.pt/visualizador/curriculum.jsp?key=4641782651459817

Communication complète

Le travail social et le sida: bref aperçu de quelques axes d’intervention



Octávio Sacramento

Université de Trás-os-Montes et Alto Douro
Département d’Économie, Sociologie et Gestion
Centre d’Études Transdisciplinaires pour le Développement
(centre financé par FCT, Portugal: UID/SOC/04011/2013)




1. Introduction

Les maladies sont des manifestations qui transcendent la biologie et l’individu, mettant en évidence des aspects et implications fortement socioculturelles (Pescosolido et al., 2011). L’infection par le VIH/Sida est un cas assez révélateur de la localisation sociale des maladies. C’est sur ce cas que je me penche dans cette communication. Plus concrètement, je cherche à esquisser un bref aperçu sur quelques-uns des apports du travail social à la gestion d’une maladie qui, malgré les progrès de la biomédicine et de ceux des politiques publiques et des réponses sociales (WHO, 2013), continue à lancer tant de défis aux personnes, aux familles et aux communautés, tout particulièrement quand celles-ci sont soumises à de multiples processus d’exclusion (Piot, Greener e Russell, 2007). Dans ce but, je prends en compte ce qui me paraît constituer les deux grands niveaux diachroniques de développement des stratégies et pratiques d’intervention sociale: (i) en amont, la sensibilisation, la prévention et la réduction de risques; (ii) en aval, le diagnostic social, le conseil et la médiation auprès des personnes (infectés et affectés) qui font l’expérience et vivent avec le VIH/Sida, afin de minimiser des contraintes auxquelles elles sont soumises et d’assurer leur intégration sociale.




2. En amont: la prévention et la réduction de risques

Dans la lutte contre le sida, de même que face à d’autres maladies infectieuses et contagieuses, les approches essentiellement proactives de développement de la prévention assument une importance décisive. Dans ce domaine de la prévention, les compétences et les pratiques de travail social – surtout quand elles résultent d’une formation adéquate en rapport avec les défis qui découlent de l’infection par le VIH (Sogren, Jones, Nathaniel & Cameron-Padmore, 2012) et sont articulées au sein de processus d’intervention multidisciplinaires – constituent des ressources fondamentales pour promouvoir des réponses ajustées et efficaces. Leur importance se manifeste, en premier lieu, en matière de promotion de la santé sexuelle et de la réduction des risques associés à l’utilisation de drogues injectables. Dans ce but, il est très important d’impliquer la communauté et les pairs dans ces initiatives de prévention.
Dans le champ de la santé sexuelle, une action dirigée aux quatre vecteurs auxquels Dowsett (2006) attribue la plus grande importance dans la propagation sexuelle du VIH assume une importance particulière: les vulnérabilités féminines, les responsabilités masculines, la sexualité juvénile et les cultures sexuelles marginalisées. Intervenir au niveau de ces cadres sociaux suppose un travail de sensibilisation, éducation et conseil socialement ample et transversal. Il ne suffit pas de concentrer les efforts de prévention dans les contextes et auprès des groupes les plus connotés, parfois de forme exagérée et imprégnée de préjugés, avec les infections sexuellement transmissibles (prostitution, populations migrantes, hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes). Il faut ne pas oublier que les comportements de risque dans le champ de la sexualité sont relativement disséminés, se manifestent dans une variété de générations, contextes, groupes et personnes dont les orientations sexuelles diffèrent. Il importe, donc, de comprendre et d’agir sur un scénario de circonstances socioculturelles sous-jacentes aux «prédispositions» pour la sexualité de risque. Il faut souligner ici, entre autres facteurs de causalité, les fortes asymétries de genre et les modèles hégémoniques de féminité et masculinité. Afin de réduire leur prépondérance et de prévenir, ainsi, la prédisposition culturelle favorable aux pratiques de risque, il ne suffit pas de diffuser des informations sur le VIH, de distribuer des préservatifs et de faire l’apologie du sexe sûr. Il est nécessaire de réaliser un travail social de fond, de long terme et doté d’un fort versant pédagogique, dirigé à la déconstruction de valeurs de genre dominantes et à la promotion d’une plus grande équité dans les relations hommes-femmes.
Tout comme les procédés qui visent à éliminer le risque d’infection par voie sexuelle, les stratégies de réduction des dommages auprès des utilisateurs de drogues injectables (UDI) sont la grande référence stratégique du travail de prévention de la transmission du VIH dans le champ de la toxicomanie. Soulignons ici les programmes d’échanges de seringues, de consommation assistée et de substitution opiace, qui établissent de nouveaux apprentissages et de nouveaux modes (plus sécuritaires) d’usage de la drogue (Piccolo & Knauth, 2002). Ils sont, en général, mis en œuvre par des équipes multidisciplinaires, dans lesquelles le travail social pourra apporter une approche sensible et adaptable aux spécificités sociales des groupes et des personnes en cause, essentielle pour promouvoir leur adhésion et leur implication dans la concrétisation des orientations des programmes.
La réduction de dommages entre les UDI, ainsi que les initiatives d’inhibition des pratiques sexuelles de risque, sont des procédés qui sont sérieusement compromis dans de nombreux pays dans lesquels il existe, par exemple, des cadres légaux qui criminalisent la toxicomanie et le travail sexuel, obligeant ces pratiques à être souterraines et pratiquement inaccessibles à l’intervention sociale. Des situations également préoccupantes se produisent dans de nombreux contextes de détention, comme c’est le cas du système pénitentiaire portugais, dans lequel il est possible d’observer «… la suroccupation des prisons, l’absence de distribution systématique aux détenus de seringues, de désinfectant pour le matériel d’injection et piercing, de préservatifs et de lubrifiants, en claire contradiction avec les principales recommandations de l’Onusida pour les prisons» (Ribeiro & Sacramento, 2014: 242-243). Ces cas nous montrent que le travail social dans le champ de la prévention du VIH devra être précédé par la neutralisation de nombreuses barrières structurelles qui le conditionnent sévèrement.




3. En aval: appui social, thérapeutique et déstigmatisation

Avec l’utilisation du traitement HAART (Highly Active Antiretroviral Therapy), depuis les dernières années du XXe siècle, le VIH/sida a cessé d’être une maladie fatale et est devenue l’une des nombreuses maladies chroniques. En même temps que cette modification significative, le paradigme de l’intervention et de la gestion de la maladie et de ses implications a été, de façon inévitable, profondément transformé – «from crisis management to sustained strategic response» (Piot, in Poindexter, 2010: xiii). Le rôle que le travail social peut jouer auprès des personnes séropositives et de leurs familles et communautés a simultanément gagné plus d’importance. Le service social de cas et communautaire sont deux des postures méthodologiques à prendre en compte pour mener une intervention qui soit, simultanément, personnalisée, ample et dense, intervenant sur les différents niveaux (individuel, familial et collectif) touchés par l’infection VIH/sida. Dans ce processus, la gamme des possibles lignes d’intervention est vaste. Face à l’impossibilité de développer une analyse détaillée, je me limite à signaler trois priorités dans le cadre desquelles le travail social peut produire des réponses qui permettent de dépasser quelques-unes des principales contraintes inhérentes à l’infection.
En premier lieu, je mets l’accent sur le diagnostic social, l’appui et le conseil auprès des personnes infectées et de leurs familles, ainsi que la médiation en vue de l’accès aux services et aux ressources qui assurent la sauvegarde des droits et promeuvent la citoyenneté et l’inclusion sociale. Ce sont d’ailleurs des procédés d’intervention déjà reconnus par la généralité des politiques publiques qui définissent les appuis sociaux formels dans le champ du VIH/sida, comme l’on peut le vérifier, par exemple, dans le document VIH/Sida – Orientações para a intervenção em serviço social (VIH/Sida – Orientations pour l'intervention en service social), de la coordination portugaise pour l’infection VIH/Sida (2010), ainsi que dans le Guia prático de apoios sociais a pessoas com VIH/sida e suas famílias (Guide pratique des appuis sociaux aux personnes atteintes du VIH/sida et de leurs familles), de l’Institute de Sécurité Social portugais (ISS, 2014).
En deuxième lieu, je souligne la proximité que les professionnels du travail social établissent (ou devraient établir) avec leurs utilisateurs comme posture décisive pour le suivi de la prise de médicaments antirétroviraux. Ce rôle d’accompagnement permet d’identifier et de surmonter les situations socioculturelles qui peuvent compromettre l’adhésion thérapeutique, en général désignée comme un facteur décisif pour le contrôle individuel et collectif de l’épidémie (Hall, Hall e Clay, 2011). Dans les situations les plus complexes, comme celles des personnes infectées ayant de graves problèmes de toxicomanie, l’adoption, par le professionnel, du rôle de responsable du cas (case manager) a l’avantage, entre autres effets positifs, d’augmenter l’adhésion thérapeutique (Kenya et al., 2015).
Finalement, la reconnaissance du rôle du travail social dans la définition d’initiatives et l’instauration de pratiques destinées à évacuer la lourde charge stigmatisante et les exclusions («sida social») qui affectent de nombreux séropositifs, jusque dans les services d’appui médico-social auxquels ils ont accès. C’est là un défi d’une extrême importance. Nous ne pouvons oublier que les stigmas associes au sida constituent l’un de ses aspects les plus néfastes et contraignants, qui en arrivent même à conditionner négativement l’adhésion aux institutions de santé et d’aide sociale.




4. Considérations finales

Après cette cartographie synthétique des principales lignes d’intervention sociale dans le domaine du VIH/sida, nous pouvons conclure à l’existence d’une multiplicité intégrée de dispositifs, compétences et procédés qui fait du travail social un champ de ressources inévitable dans la gestion de l’épidémie. Ses réponses sont produites en amont, avec l’objectif de réduire les risques et de développer la prévention, et en aval, afin de faire face aux défis soulevés par l’infection. De plus, il s’agit d’interventions dotées d’une grande transversalité sociale, cherchant à éviter d’exclure certains individus des messages de sensibilisation et tentant prendre en compte et intégrer dans ses réponses non seulement les personnes séropositives mais, également, ceux qui vivent de très près la maladie et sont par elle touchés, comme les partenaires, la famille et les membres du cercle de relations les plus proches. L’efficacité de cette posture sera d’autant plus grande qu’elle s’appuiera sur une approche compréhensive, culturellement sensible et capable d’intégrer de forme équilibrée réponses individuelles et réponses mises en œuvre à l’échelle communautaire.




5. Bibliographie

Coordenação Nacional para a Infecção VIH/Sida (2010). VIH/Sida – Orientações para a intervenção em serviço social. Lisboa, Coord. Nac. Inf. VIH/sida.

Dowsett, G. (2006). Algumas considerações sobre sexualidade e gênero no contexto da AIDS. Questões de Saúde Reprodutiva, I (1), 39-49.

Hall, J., Hall, B. & Cockerell, C., eds. (2011). HIV/AIDS in the post-HAART era: Manifestations, treatment, and epidemiology. Shelton, PMPH.

ISS (2014). Guia prático de apoios sociais a pessoas com VIH/sida e suas famílias. Lisboa, ISS.

Kenya, S. et al. (2015). Case management: Steadfast resource for addressing linkage to care and prevention with hospitalized HIV-Infected crack users. Journal of HIV/AIDS & Social Services, 14 (1), 95-109.

Pescosolido, B., Martin, J., McLeod, J., Rogers, A., eds. (2011). The handbook of the sociology of health, illness, and healing. Nova Iorque e Londres, Springer.

Piccolo, F. & Knauth, D. (2002). Uso de drogas e sexualidade em tempos de aids e redução de danos. Horizontes Antropológicos, 8 (17), 127-145.

Piot, P., Greener, R. & Russell, S. (2007). Squaring the circle: AIDS, poverty, and human development. PLoS Med, 4(10): e314. doi:10.1371/journal.pmed.0040314.

Poindexter, C. (2010). Handbook of HIV and social work: Principles, practice, and populations. Hoboken, NJ, John Wiley & Sons.

Ribeiro, F. B. & Sacramento, O. (2014). Epidemia sem fronteiras: Acção global, políticas públicas e o trajecto da luta contra a Sida em Portugal. In Martins, M., Marques, A., Costa, N. & Matos, A. (eds.). Trabalho em saúde. Desigualdades e políticas públicas (231-248). Braga e Rio de Janeiro, Centro de Investigação em Ciências Sociais (CICS-UM); Escola Nacional de Saúde Pública Sérgio Arouca; Fundação Oswaldo da Cruz.

Sogren, M., Jones, A., Nathaniel, K. & Cameron-Padmore, J. (2012). Reconfiguring social work education to fight HIV-AIDS: A model for developmental contexts. Social Work Education, 31 (7), 880-895.

World Health Organization (2013). Global update on HIV treatment 2013: Results, impact and opportunities. Genebra, WHO.

Résumé en Anglais


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