Fiche Documentaire n° 3654

Titre Innover dans l’accompagnement des grands précaires. L’exemple de la maison Goudouli à Toulouse

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l'auteur principal

Auteur(s) touhami slimane
MASLANKA Anne
 
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Innover dans l’accompagnement des grands précaires. L’exemple de la maison Goudouli à Toulouse

Crée au printemps 2011, la Maison Goudouli se présente comme un lieu de vie pour grands précaires - plus communément appelés clochards - localisé rue Goudouli à Toulouse, à quelques rues du cœur historique. Cet espace n’aurait jamais vu le jour sans le combat mené par les membres du GPS - le groupement pour la défense du travail social, au nombre duquel des professionnels de la rue - contre les atteintes systématiques portées aux plus vulnérables. A ce titre, ils n’hésiteront pas à réquisitionner, au nom du respect de leur mission, un bâtiment désaffecté de l’Etat où trouveront abri une poignée de sans toits malades et alcoolo dépendants. Le bras de fer trouvera son épilogue au tribunal administratif qui finira par valider le bien fondé du squat ouvert par les travailleurs sociaux. Aujourd’hui, la maison Goudouli, organisée en association loi 1901, occupe toujours les locaux de l’AFPA cédés à titre locatif par l’Etat. Reconnue d’utilité publique, elle bénéficie de subventions pour mener à bien ses actions.
Une histoire singulière et un fonctionnement atypique. La maison Goudouli se distingue en effet des centres d’hébergement classiques en s’affichant comme un habitat sans limite d’occupation, ce qui ne va pas sans poser de nouveaux défis à l’équipe pluridisciplinaire en charge du lieu, à l’instar de la question de la prise en charge des pathologies chroniques ou de la fin de vie. Ici, la prise d’alcool est tolérée sous conditions avec des résultats positifs sur la consommation journalière de résidents marqués par un lourd passé de polydépendance à l’alcool, au tabac et aux produits. Les « goudouliens » - et non les usagers - actuellement au nombre d’une vingtaine, participent parallèlement aux décisions et à la vie du lieu, s’impliquant quotidiennement dans la gestion d’une maison qui, faut-il le rappeler, est d’abord la leur. Une initiative primée en 2013 par les Lauriers de la Fondation de France au titre de projet novateur, légitimant, une nouvelle fois de plus, l’intérêt d’un tel dispositif qui peut servir de modèle complémentaire dans l’accompagnement des cassés de la rue qui, souvent, tendent à porter un regard négatif - et parfois justifié - à l’égard des centres d’hébergements dominants.
La communication adoptera la forme d’un exposé à deux temps. Après une présentation de l’historique et des spécificités du lieu, il s’agira d’établir le croisement entre une innovation sociale et le champ de la recherche en travail social . L’expérience locale fait en effet écho à de récentes analyses scientifiques tirés des SHS, en particulier aux travaux anthropologiques de Patrick Declerck sur les clochards de Paris et à la notion de « travail social radical » ( radical social work) issue du champ de la sociologie britannique, deux exemples sur lesquels nous nous attarderons pour illustrer l’exposé.

Bibliographie

FERGUSON (I), LAVALETTE (M), 2004, “Beyond power discourse: Alienation and social work”, British Journal of Social Work, 34 (3), p. 297-312,
DECLERCK (P), 2001, Les Naufragés - Avec les clochards de Paris, Plon, Paris.
LIMA(L), 2010, « Le travail social critique en Grande-Bretagne », Revue française des affaires sociales, n° 4, p.75-84.

Présentation des auteurs

Slimane Touhami – Dr en anthropologie de l’EHESS. Formateur-chercheur au CRFMS-ERASME-Toulouse
Anne Maslanka – Maison Goudouli-Toulouse

Communication complète

Crée au printemps 2011, la Maison Goudouli se présente comme un lieu de vie pour grands précaires - plus communément appelés clochards - localisé rue Goudouli à Toulouse, à quelques rues du cœur historique. Cet espace n’aurait jamais vu le jour sans le combat mené par les membres du GPS - le groupement pour la défense du travail social, au nombre duquel des professionnels de la rue - contre les atteintes systématiques portées aux plus vulnérables. A ce titre, ils n’hésiteront pas à réquisitionner, au nom du respect de leur mission, un bâtiment désaffecté de l’Etat où trouveront abri une poignée de sans toits malades et alcoolo dépendants. Le bras de fer trouvera son épilogue au tribunal administratif qui finira par valider le bien fondé du squat ouvert par les travailleurs sociaux. Aujourd’hui, la maison Goudouli, organisée en association loi 1901, occupe toujours les locaux de l’AFPA cédés à titre locatif par l’Etat. Reconnue d’utilité publique, elle bénéficie de subventions pour mener à bien ses actions.
Une histoire singulière et un fonctionnement atypique. La maison Goudouli se distingue en effet des centres d’hébergement classiques en s’affichant comme un habitat sans limite d’occupation, ce qui ne va pas sans poser de nouveaux défis à l’équipe pluridisciplinaire en charge du lieu, à l’instar de la question de la prise en charge des pathologies chroniques ou de la fin de vie. Ici, la prise d’alcool est tolérée sous conditions avec des résultats positifs sur la consommation journalière de résidents marqués par un lourd passé de polydépendance à l’alcool, au tabac et aux produits. Les « goudouliens » - et non les usagers - actuellement au nombre d’une vingtaine, participent parallèlement aux décisions et à la vie du lieu, s’impliquant quotidiennement dans la gestion d’une maison qui, faut-il le rappeler, est d’abord la leur. Une initiative primée en 2013 par les Lauriers de la Fondation de France au titre de projet novateur, légitimant, une nouvelle fois de plus, l’intérêt d’un tel dispositif qui peut servir de modèle complémentaire dans l’accompagnement des cassés de la rue qui, souvent, tendent à porter un regard négatif - et parfois justifié - à l’égard des centres d’hébergements dominants.
Cette initiative locale résonne dans le champs de la production scientifique en sciences humaines et sociales. L’expérience fait en effet écho dans le champs de la socio-anthropologie de l’exclusion, en particulier aux travaux anthropologiques de Patrick Declerck sur les clochards de Paris ( Declerck, 2001) . Le parallèle est évident entre un projet pluridisciplinaire et les analyses d’un ouvrage qui a renouvelé en profondeur tant l’architecture théorique que la réflexion sur l’accompagnent des grands précaires. L’un des points de convergence concerne par exemple la notion « d’espace transitionnel de soins » proposée par P.Declerck. A rebours d’une idéologie de la réinsertion sociale par le travail appliquée aux plus désocialisés , contre une logique de l’aide trop souvent pénalisée par ses contradictions , il préconise la mise en place d’un modèle adapté de prise en charge auquel la Maison Goudouli emprunte de nombreux traits : « Il ne s’agit plus de tenter d’impossibles guérisons ou de planifier de chimériques réinsertions mais de reconnaitre et d’accepter le caractère chronique et irréversible du mode de fonctionnement des sujets gravement désocialisés qui évoluent dans un Ailleurs, Ailleurs social et économique mais aussi Ailleurs symbolique et psychique équivalent à la psychose. Et comme la psychose, la grande désocialisation se maintient, se gère et s’accompagne au cours de la vie et jusqu’à la mort. L’enjeu thérapeutique consiste à éviter le pire : souffrances inutiles, morts prématurées. Il faut tâcher que le sujet puisse vivre son état le mieux possible. Vivre malgré tout et avec, quand même un peu de plaisir. » ( Declerck, op.cit.p.362) Dans ce type d’espace, la relation thérapeutique est régie par le principe de « neutralité bienveillante » qui, contre une logique de soin qui vire souvent à l’échec, obligeant le clochard à se confronter à des obligations de normalisations qui le dépasse et le blesse, doit au contraire libérer « une dynamique relationnelle au sein de laquelle soignant et soigné, l’un comme l’autre, sont libres de rester ce qu’ils sont. » (Declerck, op.cit.p.372)
Si d’autres aspects du fonctionnement de la Maison Goudouli interpellent des notions comme le « pouvoir d’agir » - certes limité étant donné la dégradation psychique et physique des habitants mais qui n’en imprègne pas moins les façons de faire pratiquées in situ - c’est dans la génèse du lieu de vie qu’il est également possible d’établir des connexions significatives avec le champs de la recherche en travail et ce, au-delà des frontières hexagonales. Les théories élaborées en Grande Bretagne autour de la notion de « travail social radical» permettent de poser un éclairage intéressant sur la naissance de la Maison Goudouli. Issue de la théorie critique du travail social, elle met l’accent sur la dénonciation des formes d’aliénations générées par les politiques néo-libérales qui ont marqué l’histoire contemporaine de la Grande Bretagne, aliénations qui affectent tant les publics que les modes d’interventions du travail social à travers la montée en force de la gestion managériale et de la rationalité technique de l’evidence-based social work. (Lima, 2010, p.12). Plaidant pour une remise au centre des débats des contraintes structurelles en mobilisant des notions comme la perte de contrôle des travailleurs sociaux ou l’impuissance des usagers, les théoriciens du travail social radical, à l’instar de Ian Ferguson ou de Michael Lavalette, défendent une position engagée « au service de l’action collective des personnes opprimées, un travail social de l’émancipation et de la résistance ». (Lima, op.cit. p.14). L’engagement collectif et le principe de désobéissance civile en sont les principaux leviers.
Cette grille de lecture peut s’appliquer à la naissance de la Maison Goudouli. Le refus de la fatalité par défaut de volonté politique, la naissance du squat qui a vu fédérer des compétences issues d’horizons différents, la prise de risque en se mettant en position d’illégalité et le procès gagné contre l’Etat au nom du respect de la mission assigné constituent autant d’épisodes qui coïncident avec un projet de travail social radical. La question devient ici politique. Si les fondateurs du lieu de vie se défendent de toute orientation ou référence idéologique, l’expérience Goudouli, appréhendée dans sa fin et ses moyens, elle, reste éminemment politique. A ce titre, l’initiative réconcilie l’action et son sens à l’heure où celui-ci est de plus en plus relégué au second plan sous les effets conjugués de la concurrence entre structures, de l’emprise gestionnaire et de la technicisation ( Chaffote, 2014). Sur ce point aussi, l’expérience Goudouli constitue une note d’espoir.




Bibliographie

CHAFFOTE (M), 10/2014, « Comment repolitiser le travail des éducateurs spécialisés ? », Mouvements des idées et des luttes.http://mouvements.info/comment-repolitiser-le-travail-des-educateurs-specialises/


FERGUSON (I), LAVALETTE (M), 2004, “Beyond power discourse: Alienation and social work”, British Journal of Social Work, 34 (3), p. 297-312,

DECLERCK (P), 2001, Les Naufragés - Avec les clochards de Paris, Plon, Paris.

DECLERCK (P), 2002, « Les Naufragés. Avec les clochards de Paris. Entretien avec Patrick Declerck », No Pasaran, n°7

LIMA(L), 2010, « Le travail social critique en Grande-Bretagne », Revue française des affaires sociales, n° 4, p.75-84.

Résumé en Anglais


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