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Situation générale et intuition de départ
L’objectif de cette communication est de présenter le projet le Dôme, projet encore en développement. Le but de cette présentation à des professionnel•le•s du travail social lors du congrès de l’AIFRIS est pour son auteur de récolter avis, remarques et critiques afin d’en affiner les contours et d’en préparer la mise en action. Le projet le Dôme concerne la partie francophone du canton du Valais, dans les Alpes suisses.
La Suisse est un pays réputé pour son haut niveau de vie et la qualité de ses infrastructures sociales et culturelles. Au-delà du cliché, notre pays n’échappe pourtant pas aux phénomènes de création de disparités selon qu’on se trouve dans un centre fortement urbanisé ou dans une région périphérique. Démontré depuis les années 1970 déjà, ce mécanisme n’a pas épargné les régions de montagne de la Suisse comme le Valais (STRAHM, 1981, p. 27).
Selon l’Office Fédéral suisse de la Statistique, la population de la Suisse s’est fortement urbanisée au cours des 20 dernières années. « Le profil social des agglomérations comme de l’espace rural tend ainsi à devenir de plus en plus celui d’une population citadine. Le statut social s’est amélioré, les modes de vie se sont individualisés, l’allophonie s’est accentuée et le processus de vieillissement a progressé.» (OFSP, 2015)
La Suisse est donc dans une situation paradoxale puisqu’elle voit d’une part augmenter son niveau de vie global et donc pour sa population une amélioration de l’accès aux infrastructures et services socioculturels et, d’autre part, dans ses régions périphériques, on assiste à un vieillissement accru et à un certain délitement du tissu social provoqué en partie par le regroupement dans et autour des centre urbains de la plupart des services économiques, sociaux et culturels : Magasins, services médicaux, administrations, infrastructures culturelles et sportives, etc.
Ce phénomène est encore accentué par un second paradoxe : les populations des régions rurales du Valais ont tendance à adopter de plus en plus des comportements urbains, favorisés entre autres par l’accès à internet et à la télévision numérique, le développement des voies de communication, la régionalisation de la scolarisation obligatoire et l’augmentation du prix des terrains à construire qui pousse de plus en plus de citadins à acquérir dans les villages de montagne, des biens immobiliers jusqu’alors réservés aux populations locales qui n’ont bien souvent plus les moyens de les conserver dans leur patrimoine.
Depuis les années 1980, l’animation socioculturelle s’est développée en Valais, dans un premier temps dans les 4 villes principales de Sion, Sierre, Martigny et Monthey. Elle s’est d’abord destinée à l’enfance et à la jeunesse en ouvrant des maisons de jeunes, puis à la culture et au développement de la vie associative, enfin, depuis les années 2000 elle prend son essor en essaimant dans les villages de plaine et en diversifiant ses champs d’intervention : personnes âgées et Etablissement Médico-sociaux, monde de la santé psychique, patrimoine et programmation culturelle, travail social hors-murs. Si l’on peut se réjouir d’une telle multiplication des initiatives et des postes professionnels en animation socioculturelle, il est cependant patent de constater que les villages et communes isolées des vallées latérales n’en profitent guère. Le projet présenté ici permet de combler quelque peu ce fossé.
Projet le Dôme dans ses grandes lignes.
A la base du projet le Dôme se trouvent les membres d’une troupe de théâtre forum dont l’auteur est membre fondateur et participant depuis une vingtaine d’années, la Troupe SILEX. Par ailleurs pour la plupart travailleuses sociales et travailleurs sociaux, les membres de SILEX proposent des interventions de théâtre forum auprès de publics divers, sur des sujets de société allant de la gestion du stress professionnel à la question du pouvoir dans les rapports de genre, en passant par la prévention des conduites à risque en matière de HIV, l’intégration des personnes étrangères, la violence dans le cadre scolaire, ou le respect des droits des personnes âgées. SILEX crée également des spectacles à la demande d’associations, d’écoles ou d’institutions sociales, en fonction de leurs propres besoins de réflexion. Formé•e•s à diverses techniques d’animation théâtrale, les membres de SILEX se rendent ainsi disponibles en dehors de leur propre programmation pour diverses interventions dans les cadres les plus variés.
La Troupe SILEX a acquis, voici quelques années, un chapiteau circulaire de 13m de diamètre, entièrement équipé (Scènes, gradins, chauffage, éclairage, sonorisation, petit mobilier…)
le Dôme, qu’elle utilise pour ses propres activités théâtrales, tout en le mettant à disposition, le reste du temps, pour des actions socioculturelles. C’est un outil aux qualités techniques et esthétiques particulièrement propices à la rencontre, au partage d’expériences, aux rassemblements communautaires ou encore à la performance artistique. Mobile, il peut être installé en une journée dans n’importe quelle localité ou quartier, ses dimensions permettent d’accueillir une centaine de personnes à la fois et l’atmosphère qui s’en dégage créée un espace chaleureux et sympathique.
Le projet le Dôme veut proposer aux populations des villages valaisans éloignés des centres urbains, un outil d’animation socioculturelle innovant. Par la mise à disposition d’un espace éphémère propice aux rencontres, le chapiteau… L’objectif est d’offrir un lieu ainsi que des ressources humaines, pour favoriser le développement d’une vie collective, la mise sur pied d’initiatives innovantes en matière de lien social, et par la stimulation des actions citoyennes des habitant-e-s, une possibilité de reprendre en main le pouvoir sur le territoire. Il s’inspire des théories de l’éducation populaire et du développement du pouvoir d’agir. (FREIRE, 1974 ; CHAMBERLAND, 2006) On pense que le lieu peut faire naître quelque chose au sein des communautés, réalisation qui, pour être durable, devrait être reprise par les habitant•e•s à leur propre compte au terme du projet.
Pour ce faire, nous avons prévu plusieurs temps dans la mise en place de ce projet :
1. Évaluation des besoins avec des techniques de diagnostique communautaire. (CHAMBERLAND et Al., 2010)
2. Mise à disposition du dôme et activités socioculturelles dans et par la communauté.
3. Bilan et pistes pour la suite à l’aide d’outils issus de la pédagogie de l’éducation populaire. (FREIRE, 1974 ; BOAL, 2006)
Le moment semble bien choisi actuellement, du fait d’une conjonction d’opportunités.
Une conjonction d’opportunités : savoir-faire, infrastructures, disponibilités, intérêts convergents…
Deux comédiennes de la troupe ont récemment fait le choix de consacrer une partie de leur temps de travail au développement des activités de SILEX. Ce regain d’énergie a immédiatement permis la création de nouvelles collaborations et la réalisation de nouvelles interventions de théâtre-forum. L’auteur, quant à lui a également réalisé plusieurs expériences de théâtre législatif (BOAL, 2003) à la demande d’associations citoyennes dans plusieurs localités du canton.
Plusieurs institutions d’animation socioculturelle ont utilisé le Dôme, à l’occasion d’une production de SILEX. L’association RLC, par exemple, a utilisé le Dôme comme espace communautaire en périphérie de la ville de Sion durant deux périodes d’environ 4 mois chacune en 2013. L’animatrice de l’association ASOA a, quant à elle, profité du dôme pour rencontrer des jeunes skateurs qui s’entrainaient à l’écart de leur village et pour mener à bien une animation de théâtre-forum en collaboration avec SILEX pour les enfants de 6è année primaire sur les questions de la gestion des comportements violents. Et, au printemps 2015, le Centre de Loisirs et Culture de la ville de Martigny a pu profiter, durant 6 mois, de l’installation du Dôme dans son enceinte, pour y réaliser diverses activités culturelles : concerts, spectacles pour enfants, projection du film d’une étoile locale du Hip Hop.
Toutes ces collaborations ont été sources de grande satisfaction et à chaque fois d’autres projets ont vu le jour à la suite de la présence du Dôme. Les animatrices et animateurs avec qui la collaboration s’est mise en place ont relevé l’important potentiel de développement que recèle ce type de projet.
Des acteurs de la culture et de la politique locale ont été invités lors des activités proposées et plusieurs se sont exprimés sur l’opportunité que représentait pour leur communauté le travail conjoint autour du Dôme, de SILEX et des associations partenaires.
SILEX compte en son sein deux professeurs de la HETS-VS, Haute-école supérieure de travail social. A plusieurs reprises, les comédiennes et comédiens de SILEX ont été sollicité•e•s par la HETS-VS dans le cadre de la formation des étudiantes et étudiants, futur•e•s professionnel•le•s de l’éducation sociale, du service social et de l’animation socioculturelle. Ce partenariat s’intensifiera encore à la rentrée 2015, avec de nouvelles interventions de SILEX dans plusieurs modules de formation de la HETS-VS.
La formation à la HETS-VS comportant une part pratique importante, il serait tout à fait envisageable d’engager des étudiantes et étudiants d’un module libre, par exemple, pour contribuer au développement voire à la réalisation du projet le Dôme. Des contacts ont déjà été pris dans ce sens.
Ce qui précède atteste de l’intérêt du projet, restent la planification et la mise en place et là toutes vos suggestions seront les bienvenues…
Porto, juillet 2015
Fabien Moulin, prof. HETS-VS
Bibliographie :
ALINSKY S., Manuel de l’animateur social ; Seuil, 1976
BOAL Augusto, Jeux pour acteurs et non-acteurs. Paris, La Découverte / poche, 1997.
BOAL Augusto, L'arc en ciel du désir. Paris, La Découverte, 2002.
BOAL Augusto, Théâtre de l'opprimé. Paris, La Découverte, 2006.
BUCCI Mario, La recherche-action participative, quel intérêt ? Echos du COTA. Bulletin trimestriel d’information du Cota ASBL. Septembre 2011. Pages 3-7. Bruxelles
CHAMBERLAND Manon, LE BOSSE Yann, CAYOUETTE Annie , MARTINEAU Suzie, Développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités : présentation d’un outil d’accompagnement , Vers de nouvelles
pratiques participatives ? Les politiques sociales n°3 et 4 / 2010, pages 17 et 18.
DYNAMO WEB, Travail de Rue, Manuel international. Eléments pratiques et méthodologiques Extraits du «Guide international sur la méthodologie du travail de rue à travers le monde» (Novembre 2008). www.dynamoweb.be FREIRE Paolo, Pédagogie des opprimés, Petite collection Maspéro, 1974.
HERMANN Michael, HEYE Corinna, LEUTHOLD Heiri, Soziokluturelle Unterschiede in der Schweiz: Vier Indizes zu räumlichen Disparitäten, Institut de Géographie de l’Université de Zurich et Office fédéral de la statistique, Neuchâtel (2005). (Ouvrage traduit en français uniquement sous forme PDF, disponible auprès de l’OFSP)
LABORATOIRE d’Innovation Sociale par la Recherche-Action, Pratique des espaces et innovation sociale ; Investir des espaces pour créer. http://labo.recherche-action.fr
NINACS William A., Empowerment et intervention : développement de la capacité d’agir et de
la solidarité, Presses de l’Université de Laval, 2008.
OFS/OFEFP/ARE, Monitoring du développement durable – Rapport final – Méthodes et résultats, Neuchâtel (2003).
STRAHM Rudolf. H., Pourquoi sont-ils si pauvres ? Faits et chiffres en 57 tableaux sur les mécanismes du sur/sous développement. Neuchâtel, A La Baconnière, 1981.
Cyberographie :
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.html?publicationID=2004
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.html?publicationID=3635
www.silex.org
Cinématographie :
TESSAUD Patrick, Brooklin, film qui met en scène KT Gorique, rappeuse et slameuse valaisanne, Premier prix du championnat du monde de rap freestyle End Of The Weak à New-York 2012.
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