La mise en valeur des savoirs expérientiels des personnes usagères : proposition d’un cadre réflexif basé sur la coproduction des services sociaux
Problématique
Au Québec, les programmes-clientèles des services sociaux ont mis en valeur une approche centrée sur l’offre de services existante (service led) sans tenir compte des aspirations de la personne dans la détermination de ses besoins et des moyens pour y répondre, ainsi que de l’évaluation des effets que produisent les services dans sa vie (Carrier, Morin et Garon, 2012). Plusieurs éléments de contexte peuvent expliquer cette tendance notamment l’importance accordée à la reddition de compte comme principal moyen de maximiser la production des services. En réaction à ce type d’approche, le Royaume-Uni a développé et implanté l’approche centrée sur les effets dans le domaine des services sociaux (Ellis, 2009). Celle-ci vise à ce que les pratiques d’intervention soient réfléchies et jugées comme un processus coproduit par la personne, son réseau et les intervenants afin de créer des effets positifs dans la vie de la personne et de ses proches (Garber, 2011; Slade, 2006; Miller, 2011). Elle vise une implication réelle des usagers au cœur des services qui leurs sont destinés. Or, implanter ce type d’approche dans le contexte des services sociaux québécois comporte des enjeux importants. Agir l’intervention en tenant compte des aspirations, des choix et des préférences de la personne signifie de repenser la façon d’apprécier les besoins, de développer les modalités pour répondre aux besoins ainsi que d’évaluer la qualité de l’intervention. C’est donc un changement de culture radical que nécessite l’implantation d’une telle approche (Power, 2013) tant sur le plan de la programmation, de la gestion que de l’intervention. L’objectif de cette présentation est d’exposer le cadre réflexif que nous avons produit pour accompagner le changement de culture qu’exige l’implantation d’une approche centrée sur les effets.
Méthodologie
Financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, notre projet de recherche a deux objectifs : 1. réaliser une analyse critique des approches centrées sur les effets dans le domaine des services sociaux au moyen d’une revue de littérature systématique (Machi et McEvoy, 2009); 2. élaborer un cadre réflexif pour accompagner le changement de culture que nécessite l’implantation de l’approche centrée sur les effets. Afin de soutenir cette élaboration, des missions d’observation et d’échange au sein d’institutions et d’organismes ont été réalisées en Écosse. Nous nous sommes également inscrits dans un processus itératif de coproduction partenariale impliquant des chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Institute for Research and Innovation in Social Services (IRISS) à Glasgow, des professionnels cadres et des intervenants provenant du Centre de santé et de services sociaux – Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke (CSSS-IUGS).
Résultats
Des résultats de nos travaux de recherche, nous dégageons trois dimensions essentielles à la mise en œuvre d’approches centrées sur les effets au Québec: l’évaluation de la différence, la coproduction et la valorisation des savoirs d’expérience. Le cadre réflexif que nous présentons propose de réfléchir ces dimensions à partir de trois logiques d’action : logiques de programmation, logiques de gestion et logiques d’intervention. Ce cadre vise à offrir pour les différents acteurs impliqués (personnes usagères, proches aidants, professionnels, gestionnaires) un exercice réflexif global et rigoureux du changement de culture espéré. Ce changement vise à situer la personne au cœur des services sociaux tout en lui donnant plus de pouvoir et de contrôle dans un processus de coproduction des services qui lui sont adressés. Nous expérimentons actuellement ce cadre réflexif dans le contexte des activités du centre affilié universitaire du CSSS-IUGS afin d’analyser et de suivre l’implantation de l’approche centrée sur les effets dans différents établissements de services sociaux au Québec.
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