Fiche Documentaire n° 3775

Titre Les formes contemporaines d'exercice du métier d'assistant social du travail: entre stratégie et créativité.

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Auteur(s) TOULOTTE Sarah  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Les formes contemporaines d'exercice du métier d'assistant social du travail: entre stratégie et créativité.

Dans le monde de l’entreprise en constance mutation, il existe une fonction souvent méconnue alors qu’elle est très ancienne. En effet, en France, le service social du travail, (c’est-à-dire les assistants sociaux exerçant en entreprise) se situe à l’origine du développement de la profession d’assistant de service social.
Au sein de l’entreprise depuis 1917, il a bénéficié d’une histoire très riche, et a été traversé par de multiples mutations, économiques, techniques et sociales.
Le recensement des assistantes sociales du travail reste difficile et relativement imprécis, on en dénombrerait à ce jour, autour de 3 500 en France ; « 3 100 soit 89% des assistantes sociales du travail sont salariées de l’entreprise, 350 exerceraient en service social interentreprises. Une trentaine en France exercerait sous un mode libéral, soit à peine 1% ».
Réfléchir sur le service social du travail, doit nécessairement se faire en abordant le monde de l’entreprise et le vécu des salariés.
Le monde de l’entreprise a vécu différentes formes d’organisation du travail, (Adam Smith, Frederick Winslow Taylor, Ford, Taiichi Ohno…). Depuis, les différentes formes d’organisation contemporaines s’inspirent, se calquent sur ces trois modèles en prenant en compte la réalité de l’entreprise basée sur une économie des coûts de production, une flexibilité de la main d’œuvre et une hyperactivité de l’entreprise face au marché, à la concurrence, à la mondialisation.
Du fait du chômage structurel et de la crise économique, on pourrait penser que les salariés, les travailleurs sont protégés (par rapport aux chômeurs et aux personnes en situation de vulnérabilité).
Ces nouvelles formes d’organisation du travail peuvent avoir un impact sur la santé des salariés. Difficultés d’adaptation de nombre de salariés fragiles, exigence de mobilité et de flexibilité, apparition des nouvelles technologies qui cassent les frontières entre la vie personnelle et professionnelle, individualisation plus grande du rapport salarial, apparition des risques psycho - sociaux …
L’accompagnement social des salariés devient de plus en plus complexe.
C’est un paradoxe de la société qui alors même qu’elle accomplit d’énormes progrès (notamment dans le domaine technologique ou dans le droit du travail), présente une dégradation de l’environnement et du climat au travail, avec les répercussions sur la santé des salariés.
L’assistant de service social se situe donc à l’interface de l’entreprise et du salarié, alors que ces derniers ont des préoccupations différentes.
Comment les assistants de service social du travail définissent elles aujourd’hui leur métier ?
Quelles sont les formes contemporaines d’exercice du métier ?
Dans ce contexte, quelles ressources les assistants sociaux du travail mobilisent-ils pour répondre à la demande sociale et à la demande institutionnelle ?
Comment composent-elles avec une réalité complexe (réalité mouvante des problématiques sociales, évolution constante et logique économique de l’entreprise…) ?
Face aux mutations et évolutions technologiques, sociales et économiques, quelles sont les marges de créativité et d’inventivité dont les professionnelles disposent dans leur pratique professionnelle ?

Bibliographie

Ouvrages :
ABALLEA, S, SIMON, C., Le service social du travail, avatars d'une fonction, vicissitudes d'un métier, L'Harmattan, 2004.
ASKENAZY, P., Les désordres du travail. enquête sur le nouveau productivisme, Seuil, 2004.
ANAS., Evolutions du monde du travail, évolutions du service social du travail, Actes des 54èmes journées d'étude du travail, la revue française de service social, n°218, Septembre 2005.
ANAS., Quand le service social du travail a rendez vous avec la mondialisation, la revue française de service social, n°202, 2001.
CHAMPY, F., La sociologie des professions, PUF, 2009.
CURIE, R., Le travail social à l'épreuve du néo - libéralisme, entre résignation et résistance, L'Harmattan, 2010.
DUBAR, C, TRIPIER, P? BOUSSARD, V., Sociologie des professions, Armand Colin, 3ème édition, 2011.
GAULEJAC, De, V., Travail, les raisons de la colère, Le Seuil, 2001.
Articles :
ASH., Le service social du travail repoussé aux marges de l'entreprise, n°2520, 31 Août 2007.
ASH., Sur le front des risques psycho-sociaux, le service social du travail, ,n°2694, 28 Janvier 2011.

Présentation des auteurs

Sarah TOULOTTE est assistante sociale de formation.
Elle est actuellement responsable des stages et des relations avec les sites qualifiants dans une école de service social.
Elle est doctorante en sociologie du travail au CNAM à Paris.

Communication complète

Dans le monde de l’entreprise en constance mutation, il existe une fonction souvent méconnue alors qu’elle est très ancienne. En effet, en France, le service social du travail, (c’est-à-dire les assistants sociaux exerçant en entreprise) se situe à l’origine du développement de la profession d’assistant de service social.
Au sein de l’entreprise depuis 1917, elle a bénéficié d’une histoire très riche, et a été traversé par de multiples mutations, économiques, techniques et sociales.
Le recensement des assistantes sociales du travail reste difficile et relativement imprécis, on en dénombrerait à ce jour, autour de 3 500 en France ; « 3 100 soit 89% des assistantes sociales du travail sont salariées de l’entreprise, 350 exerceraient en service social interentreprises. Une trentaine en France exercerait sous un mode libéral, soit à peine 1% ».
Réfléchir sur le service social du travail, doit nécessairement se faire en abordant le monde de l’entreprise et le vécu des salariés.
En effet, le monde de l’entreprise a vécu différentes formes d’organisation du travail, (Adam Smith, Frederick Winslow Taylor, Ford, Taiichi Ohno, Mayo, Crozier…). Depuis, les différentes formes d’organisation contemporaines s’inspirent, se calquent sur ces modèles en prenant en compte la réalité de l’entreprise basée sur une économie des coûts de production, une flexibilité de la main d’œuvre et une hyperactivité de l’entreprise face au marché, à la concurrence, à la mondialisation.
Du fait d’un chômage structurel et de la crise économique, on pourrait penser que les salariés, les travailleurs sont protégés (par rapport aux chômeurs et aux personnes en situation de vulnérabilité). Or, le contexte de travail et les formes d’organisation du travail peuvent avoir un impact sur la santé des salariés. Difficultés d’adaptation de nombre de salariés fragiles, exigence de mobilité et de flexibilité, apparition des nouvelles technologies qui cassent les frontières entre la vie personnelle et professionnelle, individualisation plus grande du rapport salarial, apparition des risques psycho – sociaux, souffrance au travail, cumul des difficultés sociales …
C’est un paradoxe de la société qui alors même qu’elle accomplit d’énormes progrès (notamment dans le domaine technologique ou dans le droit du travail), présente une dégradation de l’environnement et du climat au travail, avec les répercussions sur la santé des salariés.
L’accompagnement social des salariés devient donc de plus en plus complexe.
Dans un contexte mondialisé et hyper concurrentiel, l’innovation est pour les entreprises, devenu un moteur de la croissance économique. Elle serait un signe de vitalité pour l’entreprise, car si elle cesse d’innover, elle risque de péricliter à plus ou moins courte échéance.
Dans notre société contemporaine, cette capacité créative des entreprises est plus que jamais sollicitée. Trouver de nouvelles idées, imaginer des solutions originales commence a être reconnue comme une arme stratégique moderne pour l’entreprise qui vit dans un monde hyper concurrentiel. Pendant très longtemps, la culture organisationnelle et gestionnaire a pris le dessus sur ce pouvoir de l’innovation. Partager et développer la créativité comme a se voir comme une stratégie.
Cette créativité, cette inventivité commence à trouver sa place dans le champ du travail social, face à la complexité de l’accompagnement social, les travailleurs sociaux se doivent de réfléchir à de nouvelles pratiques.

Dans ce contexte difficile, quelles sont les marges de manœuvres que trouvent les assistants sociaux dans l’accompagnement ? Comment les assistants sociaux du travail font face à ces difficultés?
Quelles sont les formes contemporaines d’exercice du métier ?
Comment composent-elles avec une réalité complexe (réalité mouvante des problématiques sociales, évolution constante et logique économique de l’entreprise…) ?
Face aux mutations et évolutions technologiques, sociales et économiques, quelles sont les marges de créativité et d’inventivité dont les professionnels disposent dans leur pratique professionnelle ?
Comment permettre et encourager cette créativité, la transformation des idées chez les assistants sociaux du travail ?
Imaginer, créer, inventer c’est forcément prendre des risques. Comment apprendre à imaginer ?
Comment permettre la créativité qui se trouve aux antipodes de l’esprit de gestion, de planification, d’organisation ?
Alors que les moyens financiers se réduisent, que la rationalisation s’invite dans le service social, il s’agit ici de s’intéresser aux espaces de créativité qu’explorent les assistants sociaux du travail.
Dans un 1er temps, lorsque l’on parle d’innovation, de créativité, on pense de suite, à brainstorming … ; comment aller au-delà de cet exercice, en le liant au monde du travail en général et du service social du travail en particulier.

1.METHODOLOGIE UTILISEE :
Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une recherche de doctorat en sociologie du travail pour laquelle j’ai effectué des entretiens semi directifs auprès d’assistants sociaux exerçant en entreprises ou dans les administrations.
J’ai constitué mon échantillon en sollicitant un service social inter entreprises et des assistants sociaux exerçant en entreprises et dans les administrations.


2.MONOGRAPHIE DES ASSISTANTS SOCIAUX DU TRAVAIL, PROFIL SOCIOLOGIQUE:
2.1.Sexe des professionnels interrogés :
Nous avons interrogé au total 38 professionnels, répartis de cette façon :
36 femmes, soit 95 % et 2 hommes soit 5%.
Nous pouvons remarquer que notre échantillon est représentatif de la réalité, c'est-à-dire une profession qui est toujours majoritairement féminine.

2.2. Age des professionnels interrogés :
La plus jeune professionnelle rencontrée est âgée de 25 ans, la plus âgée a 60 ans, la moyenne d’âge est de 46 ans. Nous pouvons voir que les assistants sociaux « de plus de 51 ans » représentent la majorité des interviewés, ils sont au nombre de 18, soit 46 %.
La tranche d’âge « de 41 ans à 50 ans » compte 10 professionnels et représente 27% des professionnels interrogés.
La tranche d’âge « des 20 à 30 ans » représente une minorité des professionnels interrogés, (3 professionnels), soit 8%.
La tranche d’âge « des 31 à 40 ans » représente 19 % des professionnels, (7 professionnels).

2.3. Statut d’exercice :
Nous avons vu dans la partie théorique que le métier pouvait être exercé selon 3 statuts différents : en étant salarié de l’entreprise, en étant salariée d’un service social en entreprise ou en exerçant une activité indépendante.
Mon échantillon se décompose de cette façon :
Statut salarié :
(Soit 45% de mon échantillon)
d’une entreprise privée : 8 professionnels
d’une administration : FPT : 4 professionnels
FPE : 2 professionnels
FPH : 3 professionnels
Service social inter entreprises :
(soit 50% de mon échantillon) 19 professionnels
Statut libéral :
(soit 5% de mon échantillon) 2 professionnels

Nous constatons que le statut salarié représente 45% de mon échantillon ; les assistants sociaux salariés venant d’entreprises privées (à 47%) ou de la fonction publique (à 53%).
La fonction publique territoriale étant la plus représentée (soit 44 %), la fonction publique hospitalière représente 33% et la fonction publique d’Etat représente 22%.
La fonction publique a créé des services sociaux et est un des employeurs les plus importants, (Paturel, 2010).
Les assistants sociaux exerçant sous un mode libéral représentent 5% de mon échantillon.

3.LES DIFFERENTES FORMES CONTEMPORAINES D’EXERCICE DU METIER:
Il s’agit ici de présenter succinctement le contexte d’intervention des assistants sociaux en entreprise pour mieux appréhender ensuite les dynamiques créatives.
Si j’avais à résumer la mission principale:
Accompagner le changement (dans la vie professionnelle ou personnelle).

3.1.Une diversité de réalisation, dans une position d’interface :
Le métier d’assistant social du travail est à la fois un métier spécifique et généraliste. Spécifique ; car il s’inscrit dans le champ de l’entreprise, ouvre des thématiques propres à la vie professionnelle, et s’adresse spécifiquement au salarié et à sa famille.
Le contexte de travail et les formes d’organisation du travail peuvent avoir un impact sur la santé des salariés. Difficultés d’adaptation de nombre de salariés fragiles au poste de travail, exigence de mobilité et de flexibilité, apparition des nouvelles technologies qui cassent les frontières entre la vie personnelle et professionnelle, individualisation plus grande du rapport salarial, apparition des risques psycho – sociaux, difficultés liées à la maladie, l’invalidité, relations entre collègues, avec la hiérarchie, souffrance au travail, individualisation plus grande du rapport salarial, exigence de mobilité, de flexibilité de la main d’œuvre, de productivité, peur du lendemain du fait de la crise, de la mondialisation.
Les professionnels m’ont fait part également de problématiques sociales qui se complexifient et d’une augmentation des demandes, ainsi on leur demande de faire « plus avec moins », nous nous situons dans une injonction paradoxale, parfois dans une posture d’instrumentalisation.
La difficulté réside dans l’enchevêtrement des problématiques qui complique l’accompagnement, en effet, il n’est pas rare pour un professionnel d’accompagner un salarié ayant des difficultés financières, étant en instance de divorce et n’ayant pas un logement fixe.
C’est un métier aussi généraliste car le professionnel peut accompagner le salarié dans toutes les problématiques qu’il peut être amené à rencontrer « au travail » et « hors du travail » : comme la vie de famille (séparation, divorce, éducation des enfants…), l’aspect financier, (dossier de surendettement, difficultés budgétaires…) l’accompagnement dans le cadre du 1% logement, la maladie, les addictions, la dépendance des parents, la maladie d’un proche, l’accompagnement d’un deuil …

3.2.Des salariés parfois en situation de précarité :
Avant l’emploi était un rempart contre la pauvreté, parfois, maintenant, ce n’est plus le cas, avec l’apparition des travailleurs pauvres.
Du fait d’un chômage structurel et de la crise économique, on pourrait penser que les personnes qui sont salariées, sont protégées (par rapport aux chômeurs et aux personnes en situation de vulnérabilité), mais nous insistons à une précarité qui peut toucher maintenant des salariés.
Le salarié étant généralement dans l’incapacité de profiter des services sociaux de droits communs, (service social du conseil général, de la mairie …) du fait de son statut de salarié. L’assistant social se doit de faire face à une diversité de problématiques.

Le travail n’étant plus un rempart contre la pauvreté. La famille ayant évolué, ne permettant plus forcément à chacun de se ressourcer, l’assistant social devient l’interlocuteur privilégié dans l’entreprise (du fait notamment du secret professionnel). Son quotidien est ponctué de pratiques ordinaires et de pratiques innovantes.

4. L’INNOVATION, LA CREATIVITE, OU COMMENT OUVRIR D’AUTRES POSSIBLES :
4.1.Quelques définitions :
Dans le dictionnaire Larousse, la créativité se définit comme la capacité, la faculté d’invention, d’imagination, et l’innovation se définit comme introduire quelque chose de nouveau.
Il n’y a pas de créativité sans persévérance, sans résilience, sans foi indestructible et sans courage. (Bellenger, 2005).

Innover c’est réfléchir au processus qui amènera une pratique nouvelle.
On ne crée jamais à partir de rien, on fait toujours référence à quelque chose d’existant.
Innover, c’est bousculer les habitudes, la routine.
D’une façon générale, permettre la créativité c’est donner place au débat, à la confrontation.

Innover, c’est se permettre à penser qu’il est possible de bousculer l’ordre établi.
L’innovation rime avec transgression, (Karsz, 2012)
L’innovation suppose toujours une prise de risques. Parfois l’innovation accomplie ne ressemble guère à l’innovation prévue.
Créer c’est associer des éléments, des concepts que rien à première vue ne rapprochait. La création s’inscrit parfois dans un contexte inattendu, par hasard, on parle alors de « sérendipité ».

Innover, c’est penser à côté, faire le pas de côté, avoir de l’audace, s’affranchir.
L’instinct de créativité se nourrit d’une tendance à la transgression. L’action innovatrice est peu rationnelle, sujette à la déviance et fondée sur l’intuition mais c’est bien elle qui assure le renouvellement de l’économie (…) Les salariés innovateurs transgressent aussi les règles en encouragent la sanction. (Alter, 2003).
Innover, c’est prendre plaisir à rechercher des idées, en avoir envie.

L’innovation n’est jamais acquise, elle se re-travaille sans cesse sinon elle cesse d’être innovante….

4.2. Etat des lieux de pratiques innovantes chez les assistants sociaux du travail :
Nous verrons que l’innovation est avant tout un état d’esprit, ainsi, ce qui est innovant pour l’un, ne l’est pas forcement pour l’autre.
a. L’innovation ou comment tenter de répondre autrement à un besoin :
L’ISIC qui fait maintenant partie de nos pratiques, peut se révéler innovante dans la manière d’accompagner le public.
Une assistante sociale me dira que l’innovation pour elle, c’était la mise en place d’actions collectives au sein de l’entreprise, dans les années 1980 sur la thématique du handicap. « Oui, mais pour moi, ce n’est pas innovant, désolée, pour moi c’est un acquis depuis longtemps, je l’ai toujours fait, dès 1989, j’ai fait des actions collectives sur le handicap, sur le logement ».

Travailler avec les groupes : « le groupe pour moi ça peut être innovant, si on parle d’innovation, on parle de plus en plus de techniques de groupes, qui se rapproche plus du communautaire québécois, le groupe c’est vraiment faire évoluer le groupe par le groupe et c’est le groupe qui évolue ».

Ce sera pour une professionnelle, d’avoir participé à la réflexion sur la création d’une crèche d’entreprise.
« On avait essayé de mettre en place une crèche d’entreprise, il y a à peu près 5 ans, on avait pas mal travaillé, avancé sur le projet, on avait fait l’étude de faisabilité qui était payante et puis on a eu un changement de direction générale et le projet a été abandonné ».

L’innovation sera pour l’une, d’avoir participé à la création d’une entreprise adaptée au sein de l’entreprise dans laquelle elle travaillait, « il y a 15 ans, j’ai participé à la création d’une entreprise adaptée au sein de l’entreprise, ça me passionne parce que c’était le handicap, j’ai participé à part égales avec le DRH dans la réflexion, ça c’était innovant ».

L’innovation peut se voir dans le fait de proposer le paiement des congés payés notamment aux salariés en arrêt maladie de longue durée. « Ici, on a des choses originales qu’on a déjà mis en place, avec l’employeur, je fais parfois des congés payés au salarié, notamment ceux qui sont en arrêt maladie longue durée » Ou la création d’un logement relais. « on a mis en place un logement relais, je me suis rendue compte qu’on avait pas mal de salariés qui dormaient dehors et qui venaient me voir au bout de 3 semaines, ils dormaient dans leur voiture, mais ils continuaient à venir travailler quand même et donc on amis en place notre 1er logement relais fin 2012, avec notre collecteur 1% logement et une association, puisqu’en fait, je ne pouvais pas être locataire d’un appartement social, il faut un agrément, donc on a cherché une association. Nous avons un appartement avec 2 chambres qu’on a entièrement meublé, avec le catalogue …, ce qui nous permet d’accueillir des salariés expulsés ou en accidents de la vie. On va ouvrir notre 2ème logement bientôt. Je décide du montant du loyer avec ma collègue de l’association, selon la situation des personnes, fait, je n’ai pas envie que la personne décroche au niveau du loyer parce qu’après ça sera trop dur de payer un loyer ».

L’innovation peut se voir aussi dans une approche globale du salarié, d’être à l’initiative d’une marche pour les salariés durant la pause méridienne ou de proposer une chorale d’entreprise, dans le but de répondre à leurs besoins différemment, de mieux vivre ensemble, de se connaitre différemment : « l’innovation, c’est justement, quand on peut permettre à un moment donné, de proposer certaines choses aux salariés qui sortent de leurs cadres ordinaires, comme proposer une marche aux salariés, en disant, tiens on va peut-être être 200 et on va aller marcher, c’est aussi de dire, on peut faire autre chose, on est là tous ensemble, je me dis si on arrivait à mettre en place une chorale d’entreprise sur l’heure du midi, pourquoi pas ? C’est un peu développer le mieux vivre ensemble, de favoriser le lien, du contact, de l’échange ».

b. L’innovation ou comment reconstruire, développer des liens professionnels, du partenariat :
Être à l’initiative de partenariat nouveau, pour répondre de façon plus pertinente aux besoins des salariés, ce sera pour une assistante sociale d’une banque de travailler un partenariat spécifique pour la prise en charge de salariés victimes de hold-up : « en banque, il y a le risque hold-up, le risque agression au quotidien, on a signé un partenariat avec ….., qui est très engagée, c’est une nouvelle forme d’accompagnement, nous, on accompagne aussi au procès quand il y a des assises ou même en correctionnel, même si ça arrive un peu moins. On accompagne systématiquement les salariés parce que ça fait partie de notre travail d’accompagnement, on tente de les voir le jour même ou dans les 48 heures et on propose aussi des changements, quelqu’un qui est en caisse et qui ne veut plus avoir de caisse, on demande à ce qu’il soit mis dans une agence sans caisse, on a tout un processus comme ça ou on est assez écouté finalement quand il y a des enjeux sur le travail ».

Créer un réseau régional d’assistants sociaux en entreprise, pour éviter l’isolement et permettre la confrontation des pratiques professionnelles. « C’est un partage d’expériences, ça nous permet d’être à l’extérieur de l’entreprise, et l’on revient sur nos pratiques ».

« L’accord handicap avec une convention avec l’AGEFIPH et l’accord d’entreprise, ce qui était innovant c’était de travailler avec la direction à l’époque, c’était dans les années 1990 ».

c. L’innovation ou comment redynamiser, faire évoluer une pratique, redonner du sens au travail effectué, éviter le piège du « ça va de soi » :

L’innovation dans la posture que l’on peut avoir, en étant pro-actif, par la mise en place d’actions collectives préventives sur le budget par exemple : « on n’attend pas que le problème se présente, on tente d’apporter la solution avant », « en faisant des réunions d’information pour expliquer mon métier aux salariés », ou en effectuant diverses informations pour se faire connaitre, « d’être dans la démarche, je viens à vous ».

L’innovation peut se voir dans le souci que l’on a à aménager le bureau, pour permettre la relation, « quand je travaille un budget, je le fais côte à côte, et plus en face en de, ce n’est pas vraiment innovant mais pour moi ça a changé des choses dans ma relation avec les gens ».

L’innovation peut se voir pour certaines dans l’appropriation d’une posture différente dans l’accompagnement, notamment dans la façon de mener un entretien ou d’accompagner la personne, « Il y a 10 ou 15 ans, un rapport social, je ne le lisais pas aux gens et c’est entendant parler un peu autour de moi que je me suis dit c’est vrai ça leur appartient et systématiquement, je leur dit, on se revoit quand j’aurais fait le rapport social, je vous le lis et je vous le donne aussi, à vous ».

L’empowerment ou le développement du pouvoir d’agir (DPA) peut être appréhendé comme une piste pour permettre le renouvellement des pratiques professionnelles. Une pratique qui peut être aussi pertinente dans l’accompagnement individuel que collectif. L’approche centrée sur le DPA va proposer des outils très concrets qui permettent de dépasser les seules bonnes intentions en mettant en actes le fait de ne pas penser ou de ne pas faire à la place des personnes accompagnées.
Elle permet ainsi un changement de posture avec les usagers ; passer de celle d’expert (qui sait) ou de sauveur (qui veut le bien de l’autre) à celle de personne ressource. (Jouffray, 2015).
Cette approche appréhende différemment la façon de prendre en compte la problématique des personnes rencontrées. Ne se situant plus dans une position dans laquelle ils donnent des conseils, proposent des solutions …. Mais se situant plutôt dans la posture de créer les conditions pour que les personnes accompagnées agissent cet obstacle qui les empêche d’avancer.
Il s’agira donc d’élargir le regard et de repérer ensemble les acteurs en lien avec l’obstacle identifié mais qui n’en subissent pas directement les conséquences, mais de s’intéresser aux enjeux par rapport à cette question et de la façon dont on peut réussir à les impliquer. Ensuite, se dégageront des marges de manœuvre qui vont permettre d’ouvrir des pistes insoupçonnées au départ. Il s’agit de saisir la personne dans son environnement.

Cette démarche va aussi permettre la démarche d’une action conscientisante, en effet, cela n’a pas le même effet de s’entendre dire par un autre ce qu’on a été capable de faire plutôt que d’en prendre conscience par soi-même. Cela permet ainsi de s’en attribuer le mérite.

L’innovation peut se voir aussi dans le besoin pour le professionnel de recourir à de la supervision, dans le but de réfléchir aux situations sous un angle nouveau, de confronter sa pratique. « C’est tout l’intérêt de la supervision d’avoir un regard extérieur et nouveau ».
En effet, la supervision peut permettre de mettre en lumière une situation pour la voir autrement en enclencher éventuellement une autre approche. La supervision peut aussi permettre au professionnel de consolider son évaluation.
Il s’agit d’un professionnel du travail social formé à la supervision de ses pairs, à l’écoute d’un autre professionnel ou d’un équipe, afin d’analyser les situations, de mesurer les enjeux, de repérer les atouts et de dégager les possibles (…) le superviseur va favoriser l’émergence des potentialités du professionnels et encourager sa créativité dans le respect de ses missions institutionnelles. (Petit, 2007).
La supervision peut être vue comme un facteur de changement pour le travailleur dans le sens ou la demande de supervision instaure en elle-même une démarche positive puisque celui-ci manifeste ainsi sa volonté d’engager une réflexion sur sa pratique. La supervision va lui permettre de se dégager peu à peu de l’emprise du quotidien et le repenser sans a priori.


Conclusion :
Le travail social en général et le service social du travail est un secteur en mouvement du fait des importantes mutations dans le monde de l’entreprise, les professionnels se situant à l’interface du salarié et de l’entreprise.

Afin de donner un sens nouveau, de redynamiser, de revisiter une pratique, il peut être intéressant de regarder de près ces dynamiques d’innovation et de création chez les assistants sociaux, en voyant cela comme une façon de ne pas subir, de ne pas céder à la nostalgie, à l’épuisement, de voir cela comme une forme de stratégie, de mettre à jour et d’améliorer ce qui peut l’être.

Pour l’assistant de service social, il faut voir qu’au-delà de l’innovation, c’est avant tout donner du sens au travail social, se questionner, questionner sa pratique, en se rappelant pour qui on innove.
Alors que le Rapport des Etats Généraux du social sur la place des usagers encourage la créativité et les innovations sur l’ensemble des formes de participation en développant l’accompagnement de la démarche participative de toutes les personnes aidées ou accompagnées au-delà du périmètre de la lutte contre la pauvreté, il peut être intéressant de profiter de cet élan pour enclencher des dynamiques nouvelles, retrouver une dynamique et une utopie créatrice, (Bouquet, 2007).

Il ne s’agit pas d’être dans une vision utopiste de la créativité, ou d’être dans une injonction à …, mais d’appréhender cela comme une possibilité. Quel que soit son lieu d’exercice, une part d’invention et de créativité reste toujours possible au-delà d’une prescription générale et de directives particulières.

Résumé en Anglais


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