Fiche Documentaire n° 3781

Titre Des professions de proximité à la fonction d'encadrement : pour un Pouvoir Agir en commun

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Auteur(s) lansiaux valerie  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Des professions de proximité à la fonction d'encadrement : pour un Pouvoir Agir en commun

La situation actuelle des centres de formation au travail social est aujourd'hui particulièrement tendue et difficile. Il s'agit d'intégrer désormais la rationalisation initiée par les collectivités qui représentent, à tort ou à raison, une autorité allant bien au-delà de leur rôle de partenaires. L’adaptation à des contextes erratiques et complexes tend à se substituer à l'innovation, avec le risque latent de confondre l'efficacité des réponses (la réduction drastique des moyens, le « faire plus avec moins ») avec l'efficience des solutions (le dépassement de l'obstacle, le « faire mieux avec autant »). Cette extension de la sphère marchande concerne également l’ensemble des structures ESMS dites « sites qualifiants ».

Derrière ces évolutions, se développent des progrès mais aussi des risques de régression pouvant mettre à mal le processus de professionnalisation des acteurs sociaux et médico-sociaux. Dans ce contexte, comment éviter que le travail des futurs professionnels sociaux et médico-sociaux ne se réduise à une simple exécution de ces prescriptions élaborées par « d'autres » ? Comment la pédagogie peut-elle concilier des impératifs quantitatifs exogènes (parfois contradictoires) avec les objectifs qualitatifs fondateurs du travail social ? Nous pensons que des marges de manœuvre organisationnelles et individuelles existent, qu’il importe d’incorporer au plus tôt dans les parcours de formations au travail social et médico-social.

Cette communication se propose de restituer une expérience de formation en cours, visant à impulser un principe de transversalité entre une formation de niveau 5 (la formation Aide Médico Psychologique) et une formation d'encadrement de niveau 2 (la formation au CAFERUIS). Nous avons choisi de relier ces deux formations pour de multiples raisons. La première est issue d'un constat : les professionnels en situation d'encadrement fonctionnel sont de plus en plus amenés, pour des raisons d'élargissement de leur mission, à déléguer ; parce qu'ils sont de moins en moins présents de façon prolongée au sein des services, ils dépendent de plus en plus des informations qui leurs sont transmises ; informations remontées le plus fréquemment par les N-1 les plus proches (le plus souvent des ES, ME ou IDE). Or, il s'avère que de par leurs fonctions, ces professionnels N-1 ne sont pas quotidiennement les plus impliqués auprès des usagers. Nous avons pu constater que certaines observations pertinentes relevées par des AMP ne sont pas toujours transmises aux responsables de service parce que jugées peu intéressantes (voire peu « nobles »). Le manque de lien professionnel direct (hormis le lien hiérarchique) entre les cadres fonctionnels et les professionnels de proximité quotidienne peut accentuer l'idée, chez les AMP de n'être que des salariés de « seconde zone » des exécutants subalternes bons à faire plutôt qu'à agir. Impulser une dynamique de « travail ensemble » entre ces deux groupes professionnels dès la formation renforcera peut être leur collaboration ultérieure. Rompre avec l'instauration d'une « hiérarchie de l'ombre » qui amène les travailleurs sociaux et médico-sociaux à travailler au-dessous ou au-dessus des autres plutôt qu'avec les autres est notre deuxième raison. En ce sens, cette communication s'inscrit dans ce que l'on nomme le DPA (le développement du pouvoir agir). La troisième est notre proximité professionnelle avec ces deux formations, proximité qui facilite la mise en place, dans le cadre des préparations à la certification, d'une approche collaborative interprofessionnelle et interhiérarchique..

Les concepts (non exhaustifs) de Pouvoir Agir, d'Intelligence Collective, de Transversalité et de Management seront mobilisés en priorité.

Bibliographie

- Formation aux métiers d’aide à la personne : quelles pratiques pour quels référentiels ? , Contribution 3ème congrès de l’AIFRIS, Tunisie 2008.


- Entre motivations originelles et mutations actuelles : ou se situent les « obsédés » du social aujourd’hui ? Revue le Sociographe n° 22


- DEAMP : Comment former des professionnels dans un contexte concurrentiel ?, Contribution, deuxième Congrès international des formateurs en travail social et des professionnels francophones de l’intervention sociale, du 3/07/07 au 7/07/07 Namur, Belgique.


- Lutte contre l’illettrisme et alphabétisation : compétences et identités professionnelles des formateurs , co-auteur : Véronique Leclercq Actes du colloque (V) « Perspectives croisées sur la lecture et l’écriture », Association Belge pour La Lecture (ABLF), Caractère n°15 2/2004, juin 2004.

Présentation des auteurs

Titulaire d'un doctorat en Sciences de l'Education et Métiers de la Formation, l'auteur a réalisé plusieurs missions en lien avec les problématiques sociales et pédagogiques avant d'intégrer l'Institut Régional du Travail Social Nord - Pas de Calais où elle coordonne actuellement les formations de niveaux 5 et les formations à l'encadrement.

Communication complète

Cette communication se propose de restituer une réflexion pédagogique en cours visant, à impulser, à partir d’observations, un principe de transversalité entre une formation de niveau V (DEAMP ) et une formation d'encadrement de niveau II (CAFERUIS ).


Particularités du métier d'AMP et de la fonction de cadre de proximité : vers un processus de « méqualification » ?

Le métier d'AMP : vers un processus de sur diplomation ?
Les AMP sont considérés comme des professionnels au service d’une collectivité prenant en charge des besoins socialement reconnus. Sa proximité originelle avec des métiers issus du champ médical puis du champ de l'éducatif rend particulièrement difficile l'identification par les institutions et les professionnels eux-mêmes, à une mission spécifique . Les promotions de formation d'AMP se composent d'acteurs de tous âges, en poste ou peu expérimentés, parfois même en reconversion professionnelle. Nous constatons depuis quelque temps une dichotomie émergeante entre le niveau initial et le niveau professionnel atteint. Ce phénomène interroge, si ce n'est la notion de qualification professionnelle du moins la reconnaissance de son équivalence avec le niveau d'étude. Nous constatons ici une tendance à la sur diplomation.

La fonction de cadre de proximité : vers un processus de sous-qualification?
Reconnu comme un élément charnière dans l'organisation sociale et médicosociale, le cadre de proximité a pour principale fonction de rendre opératoires les orientations et la mission d'un établissement ou d'un service. Son champ d'action concerne tant l'organisation du travail que la gestion des ressources humaines. Assurant le management courant et la gestion de proximité, il se trouve investi d'un rôle de plus en plus important . Si le profil le plus fréquemment admis aujourd'hui encore en CAFERUIS demeure celui du travailleur social expérimenté, il semble que l'éducateur spécialisé et l'assistant de Service Social cèdent peu à peu la place à d'autres collègues issus parfois du même secteur (CESF, CIF... ) ou émanant du champ paramédical (IDE , Kiné, ergo....), voire du monde de l'entreprise. L'obtention du diplôme d'encadrement s'accompagne, à ce jour encore, d'une montée en qualification .Ce faisant, nous constatons une proximité de plus en plus prégnante entre la fonction traditionnelle de chef de service et celle de direction, au point qu'il nous est possible d'évoquer ici un phénomène émergeant de sous qualification.

Ce décalage entre la "tâche" à accomplir, la qualification requise et la reconnaissance professionnelle nous amène à envisager l’émergence d’un processus de méqualification . Nous entendons par « méqualification » le processus selon lequel la reconnaissance d'un métier ou d'une fonction ne dépendrait plus d'un niveau de qualification préalablement requis. Elle se distingue en cela de la déqualification qui vise à placer à un poste une personne ayant une qualification supérieure à ce poste (par exemple un ES occupant la fonction d'AMP); déqualifier quelqu'un, c'est reconnaître une "anomalie", c'est lui reconnaître le fait qu'elle n'est pas à sa place, qu'elle est "sous payée" ou " sous-exploitée" .Méqualifier quelqu'un, c'est dénier l'importance de sa qualification au sein de l'organisation : la personne se retrouve à la fois légitimée dans son métier ou sa fonction et sous-estimée (ou sur estimée) dans son rôle.




Le travail en équipe médico-sociale

Travailler dans le secteur social et médico-social, c'est travailler le plus souvent dans des institutions basées sur la division des fonctions de décision, de gestion et de production à l’intérieur d'une organisation linéaire verticale caractérisée par une hiérarchie importante, tout en évoluant dans une organisation fonctionnelle transversale . Les fonctions d'AMP et d'encadrement sont, comme la plupart des fonctions que l'on y trouve, des fonctions stratifiées, multiformes, très éclatées du fait de la grande variété des missions, des types de publics destinataires et des moyens mis en œuvre. Pour Robert Mucchielli l'équipe est vue sous l'angle d'une configuration des rôles dans laquelle les individus ont chacun une fonction particulière et où l'ensemble est une complémentarité des rôles ou des compétences, dans un objectif qui reste à la fois commun et suffisant . Nous proposons d'appréhender l'équipe médico-sociale sous cet angle de la coopération, coopération entre un nombre limité de professionnels différents qui se considèrent comme collectivement co-responsables de la réalisation d'un projet.

Structuration de l'équipe médico-sociale
De nombreuses recherches ont prouvé depuis longtemps l'existence d'une relation univoque entre la nature de la tâche et la structuration d'une équipe . Pour Roger Lambert , la tâche apparait comme un facteur essentiel car elle conditionne fortement les processus d'influence qui se développent dans les groupes. Roger Mucchielli précise : il importe de ne pas structurer identiquement des équipes chargées de tâches de natures différentes. Dans les structurations centralisées, la communication est de type informatif et elle est destinée à l'ensemble de l'équipe. Dans une structuration non centralisée, la communication est moins informative et relève plus de l'échange que de la transmission de l'information. Les tâches réalisées par le professionnel AMP exigent non seulement un travail commun et synchronisé selon des règles distinctes et formelles mais elles requièrent également des apports originaux et individuels . Les réunions d'équipe médico-sociale ainsi que le recours aux nombreux outils de transmission aident le cadre de proximité à organiser la transmission des observations et des échanges; ils marquent le passage d'une structure non centralisée à une structure centralisée et permettent à l'AMP la remontée d'informations et d'observations. Du moins en théorie........


Un exemple de situation problème relevée
L'équipe pluri professionnelle s'interroge depuis plusieurs semaines sur la situation d'un usager. L'usager dont il est question ici (nous le nommerons Paul) a été hébergé durant une longue période au sein de l'unité sans retour possible chez sa famille ; les parents vieillissants se sont retrouvés momentanément dans l'impossibilité de lui assurer un retour au domicile. Cette période d'éloignement familial a duré quatre mois durant lesquels l'équipe s'est employée à rassurer Paul et à maintenir le mieux possible le contact avec ses proches. Une fois l'alternance vie institutionnelle-vie familiale retrouvée, l'équipe constate un changement d'attitude chez Paul : les retours en institution se font difficiles et Paul se montre irritable, irascible. L'équipe s'interroge et tente de trouver des éléments de réponse en lien avec l’environnement institutionnel ou familial. Aucun changement tangible n'est venu, à priori modifier le quotidien de Paul . Un changement de traitement est envisagé. Lorsque cette possibilité est évoquée en équipe, une remarque émanant d'un professionnel AMP interroge la chef de service :"si ce traitement pouvait le rendre moins sensible au bruit ce serait bien". Après une "investigation" un peu plus poussée, il s’avère que la réaction de Paul émanait directement de multiples perturbations environnementales. Les parents de Paul, " durs d'oreille" ne s'étaient pas aperçu que le voisinage était depuis peu très bruyant. L'histoire ici se termine bien, mais pour une situation résolue, combien ont été irrésolues, voire mal résolues? Ce qu'il nous faut retenir ici c'est bien entendu, l'impact des observations et l'importance de leur prise en considération dans l'élaboration d'un accompagnement adapté.

Afin de respecter les normes scripturaires de cette contribution, nous nous sommes limités à une seule illustration. Cependant, nous retrouvons plusieurs éléments de réalité professionnelle récurrents et ordinaires. Comment se fait -il qu'une observation qui s'est avérée par la suite très importante n'ait pas été transmise? Nous pourrions élaborer plusieurs hypothèses d'explication : manque de perspicacité du cadre, problème dans la transmission des informations, routine des pratiques ou manque de questionnement de l'équipe, manque d'affirmation professionnelle de l'AMP....Nous privilégierons ici cette dernière supposition, non pas parce qu'elle nous paraît plus crédible, mais parce que nous pouvons mobiliser, dès à présent, des concepts et autres éléments d'information permettant d'étayer ce choix.


Existe-t-il une stigmatisation du métier d’AMP à l’intérieur des équipes médico-sociales ?
Peu de données empiriques permettent aujourd'hui de répondre à la question de l'estime de soi et de valider l'existence d'une reconnaissance positive ou négative interne accompagnant la professionnalisation des travailleurs sociaux en général et des AMP en particulier. Nous avons à plusieurs reprises constaté que beaucoup d’étudiants AMP considéraient les autres professionnels de l’équipe comme des supérieurs hiérarchiques. Nous nous sommes demandé si le statut « étudiant » n’était pas à l’origine de cette répartition implicite. Il s’avère que si le statut de stagiaire peut parfois expliquer le positionnement au sein d‘une équipe, il ne saurait en être la cause exclusive.
Nous avons déjà souligné l'apport que pourrait constituer une étude approfondie de la configuration identitaire des travailleurs sociaux . Les nombreux discours disqualifiant la fonction d'AMP dont nous sommes régulièrement les témoins nous confortent dans l'idée de la pertinence d'une telle étude et nous interrogent : comment peut-on travailler en collectif lorsqu'une partie de ce collectif attribue des marqueurs négatifs à l'autre partie? Comment impulser une dynamique de groupe et d'analyse des pratiques au sein de la formation professionnelle lorsque des acteurs de cette même formation incorporent des stéréotypes et des préjugés les uns sur les autres? Autre question plus embarrassante : les préjugés dont il est question ici, se construisent-ils durant la formation ou lui préexistent ils ?

Les notions de stigmate et de préjugé s’appellent mutuellement. Ainley note que les hommes ordonnent le monde dans lequel ils vivent en catégorisant les choses et leurs semblables. Cette opération de classification repose sur une différence qui peut être considérée de façon négative, positive ou neutre. Si nous retranscrivons cette classification dans le secteur médico-social, nous pourrions définir les AMP comme des acteurs possédants un attribut professionnel suffisamment discréditant pour ne pas être considérés comme des personnes compétentes à part entière, et cela indépendamment de leurs parcours scolaires et professionnels antérieurs. Nous émettons la possibilité que le manque d’affirmation de soi que l’on rencontre chez certains AMP peut être la conséquence de relations professionnelles en partie subordonnées en fonction du degré de proximité physique et quotidienne que le professionnel entretiendrait avec la personne accueillie.

La formation par alternance intègre l'idée selon laquelle un individu apprend du fait de ses expériences, au contact des autres et de l'environnement professionnel. Les interactions avec les autres constituent un élément essentiel de l'acquisition de connaissances nouvelles, au même titre que la technicité ou l’expertise. Prendre en compte, dans le cadre des pratiques de formation au travail social, les multiples relations informelles et sous-jacentes susceptibles d’ériger une hiérarchisation parallèle des fonctions et des compétences, permettra de mieux rendre visible les jeux d’acteurs. Amener les étudiants en formation d’AMP à percevoir ces jeux et enjeux dès la formation renforcera peut être leur affirmation professionnelle ultérieure ; renforcer l’affirmation professionnelle des AMP contribuera, selon nous, à atténuer l’instauration d’une « hiérarchie de l’ombre », facilitant par là même un travail collaboratif efficient.
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Résumé en Anglais


Non disponible