Un parcours de formation professionnalisant pour préparer de futurs professionnels à rencontrer les défis de la pratique

Au Québec, pour exercer leur profession, les travailleurs sociaux doivent obtenir un diplôme universitaire de premier cycle. Plusieurs universités offrent un programme de formation préparant à la profession mais depuis 2012, le programme présenté dans le cadre de ce congrès, celui de l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, repose sur un parcours de professionnalisation (Leboterf, 2007). Ce programme arrive-t-il à former des professionnels conscients et critiques, capables d’analyse et de réflexion afin de répondre des exigences et des défis de la pratique professionnelle? C’est à cette question que nous nous efforcerons de répondre dans cet exposé.
Point de départ de la refonte de la formation en travail social à l’Université de Sherbrooke
La réflexion autour de la qualité de la formation en travail social en est une de longue date au Québec. La nécessité de revoir les programmes de formation est entre autres liée au contexte de la pratique en travail social qui ne cesse de se transformer (Bourque 2010, Cwikel et al, 2010). Alors qu’ils travaillaient autrefois davantage en silo en utilisant une seule méthodologie (individuelle, familiale, de groupe ou communautaire), il faut dorénavant habiliter les futurs praticiens et praticiennes à mettre en œuvre des approches interdisciplinaires et des pratiques intégrées. Dès lors, il devient essentiel de bien préparer les étudiantes et les étudiants à agir avec compétence dans des situations marquées par l’alourdissement et la présence de nouvelles problématiques sociales et par l’effritement du tissu social.
Les cinq familles de situations professionnelles et les activités de formation
Le programme met de l’avant un parcours de professionnalisation (Université de Sherbrooke :2008) conçu dans une logique d’étapes ancrée dans cinq familles de situations professionnelles : 1) Les situations d’accompagnement de personnes, de familles, de groupes ou de collectivités; 2) Les situations d’intervention sur des problématiques sociales et psychosociales en contexte volontaire et non volontaire; 3) Les situations d’évaluation en travail social; 4) Les situations d’intervention dans un contexte qui implique la complémentarité de plusieurs intervenantes et intervenants ou ressources; 5) Les situations qui exigent l’utilisation de ses habiletés en recherche pour comprendre les situations et pour l’avancement des connaissances et des pratiques.
En plus d’offrir des activités-cours classiques, le programme innove en proposant des activités transversales d’apprentissage de la pratique du travail social. Les activités transversales que sont les ateliers d’apprentissage de l’intervention, les agirs en situation de pratique, les stages d’observation et les séminaires de réflexivité balisent la progression de l’étudiante ou de l’étudiant dans son parcours de formation. Ces activités, qui impliquent beaucoup de partenaires dont plus d’une centaine de travailleurs sociaux issus de plusieurs milieux de pratique, permettent d’intégrer et de mettre en œuvre diverses ressources qui pourront être mobilisées dans des situations spécifiques.
Les retombées de la refonte du programme
À l’aube de la graduation de la première cohorte d’étudiants au printemps 2015, force est de constater que ce programme permet de relever le défi de former des futurs travailleurs sociaux capables de répondre aux exigences de la profession et d’être des agents de changements conscients et critiques. L’expérience des trois dernières années démontre que les allers- retours entre la théorie et la pratique, à partir d’activités de type cours et d’activités transversales, sont riches en apprentissages et en réflexions pour les étudiants et offrent des occasions d’enseignements innovants pour le personnel enseignant.

BOURQUE D. (2010) Transformation du réseau public de services sociaux et impacts sur les pratiques des intervenants sociaux au Québec. Cahier de l'ARUC-ISDC, no.13, 15 pages.
CARRERA, X., et COIDURAS, J. L. (2010). « La construction du sens autour de la notion de compétence dans des dispositifs universitaires en alternance », Éducation et francophonie, vol. 38, n° 2, p. 96-112.
COLLINS, D., BLEWETT, J., MANTHORPE, J. et TARR, S. (2010). « Social Work Practice Learning in Schools: Lessons for Practice », Practice : Social work in action, vol. 22, n° 2, p. 89-101.
CWIKEL, J., SAVAYA, R., MUNFORD, R. & DESAI, M. (2010). « Inovation in schools of social work : An international perspective », International Social Work, vol. 53, nº 2, p. 187-201.
HUFF, M., & HODGES, J. (2010). « A Practical Guide for Developing Effective Technical Standards in Social Work Programs », Journal of Baccalaureate Social Work, vol. 15, n° 2, p. 17-30.
LE BOTERF, G. (2007). Concevoir les programmes comme des parcours de formation : de quoi s’agit-il? : Document interne préparé pour le vice-rectorat aux études et le vice-rectorat aux études supérieures et à la formation continue, Université de Sherbrooke.
LE BOTERF, G. (2007). Professionnaliser; le modèle de la navigation professionnelle, Paris, Éditions d’Organisation.
OTSTCFQ (2012) Référentiel de compétences des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux.
RONDEAU, G., MATHIEU, R., COMMELIN, D. et LAUZON, M. (2005). « Regard comparative sur la séquence méthodologique et stage des baccalauréats en travail social dans les universités québécoises », Canadian Social Work Review, vol. 21, nº 1, p. 87-105.
SIMON, S., GUMZ, E., & MARLEY, J. (2010). « The 5-Year BSW–MSW Program: A New Curricular Option », Journal of Baccalaureate Social Work, vol. 15, nº 1, p. 67-82.
SOULET, M.H. (2008), De l’habilitation au maintien. Les deux figures contemporaines du travail social. L'Harmattan | Savoirs. 2008/3
TARDIF, J. (2006). L’évaluation des compétences; Documenter le parcours de développement, Montréal (QC), Éditions de la Chenelière.
UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE (2008). Les parcours de professionnalisation : Prochain pas marquant de notre avenir : Document de travail. Vice-rectorat aux études, Vice-rectorat aux études supérieures et à la formation continue.
VAN CALOEN, B., & LINDSAY, J. (2010). Description et enjeux actuels de l’agrément de la formation en travail social au Canada. Intervention, 132, 6-14.

Nathalie Delli Colli est professeure adjointe à l’école de travail social de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Sherbrooke depuis décembre 2012. Elle est aussi chercheure au Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS-IUGS.

Annie Lambert est professeure adjointe à l’école de travail social de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Sherbrooke depuis décembre 2012. Elle est aussi chercheure au Centre affilié universitaire du CSSS-IUGS.

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