Fiche Documentaire n° 3968

Titre Apprenants, professionnels et formateurs: co-construire pour lutter contre les précarités

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l'auteur principal

Auteur(s) LEBEL Gaëlle
GOSSELIN Typhaine
LEDOUBLEE SANDRA
 
     
Thème La mutualisation des ressources éducatives européennes en formation

proposition retravaillée
 
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Apprenants, professionnels et formateurs: co-construire pour lutter contre les précarités

Lorsque nos apprenants entrent en formation d'éducateurs spécialisés, ils savent que la précarité existe. Ils y ont souvent été confrontés personnellement, ils se la représentent sous des formes variées. Notre travail de formateur s'inscrit dans différents registres, le premier étant celui de la connaissance. Il s'agit alors de donner aux apprenants des savoirs mobilisables tant sur le plan théorique que méthodologique, ce qui implique un processus de dé-construction. Dans cette perspective, la mise en lien des connaissances avec les représentations peut ébranler la conviction qui anime les futurs travailleurs sociaux. La force de leur volonté est pour nous un levier qu'il convient d'activer pour les faire cheminer vers une deuxième étape, celle de la professionnalisation. Le dispositif pédagogique de conception et conduite de projet, que nous avons pensé puis mis en œuvre, s'inscrit pleinement dans le cadre de la professionnalisation. Dans son approche des compétences professionnelles, Guy Le Boterf nous amène à penser la compétence comme une triangulation (savoir – pouvoir- vouloir) dont chacun des pôles interagissent pour rendre possible le savoir en action. C'est sur le registre du pouvoir que nous accompagnons les apprenants sur le chemin de l'intervention sociale.
Le dispositif est à la fois simple et complexe. Simple puisque le cadre fixé aux étudiants dans cette modélisation pédagogique présente des principes relativement peu contraignants. La complexité se joue dans la richesse des convictions, la créativité et les engagements dont font preuve les futurs professionnels pour mener à but leurs intentions. Complexité pour les étudiants qui saisissent cette occasion pour s’investir auprès des publics les plus démunis. Complexité également pour les formateurs que nous sommes pour guider et accompagner des projets toujours pertinents mais très variés.
A l'heure du rapprochement des formations au travail social dans le cadre européen, des étudiantes se sont interrogées sur les similitudes et les différences des formes de précarités entre la France et le Portugal, mais aussi sur les pratiques d'interventions du travailleur social dans un cadre budgétaire restreint.
L'idée de travailler dans le cadre de ce projet avec les professionnels portugais est né d'un souvenir d'enfance de l'une d'entre elles : image tenace d'une personne en situation de handicap mendiant dans une rue portugaise. Qu'en est-il des personnes en situation de handicap dans un pays décrit par les médias français comme un un territoire au bord du gouffre ? Comment les travailleurs sociaux portugais parviennent-ils à rester engagés auprès de publics de plus en plus précaires ? Comment réussir à continuer à mettre en œuvre des politiques sociales, dans le quotidien, quand les moyens budgétaires diminuent et rendre difficiles le pouvoir-agir ? Les objectifs retenus pour ce projet sont tout d'abord l'identification des similitudes et différences quant à la problématique adolescente au Portugal et en France, puis l'étude des médiations éducatives comme outil commun d'intervention social pour les intervenants portugais et français, et enfin, le partage des connaissances et des compétences éducatives entre deux pays.
Dans cette méthodologie de conception de projet, l'évaluation est une étape nécessaire qui permet de véritablement clôturer le projet. Cette communication, qui plus est dans le pays étudié, sera pour nous l'occasion d'exposer et d'évaluer à plusieurs voix la façon dont les apprenants et les formateurs d'un même centre de formation œuvrent, chacun à leur niveau, dans un même dispositif pédagogique pour intervenir face à la multiplication des précarités dans un contexte européen en mutation.

Bibliographie

Guy LE BOTERF (2000), Construire les compétences individuelles et collectives, éditions d'organisation

Stéphane Rullac et Cécile Soris, Ed Vuibert 2008« Conception et Conduite de projet éducatif spécialisé »

Jean René Loubat, Dunod, 2ème édition 2005« Elaborer son projet d’établissement social et médico-social »

Jean-Pierre Boutinet, PUF, 2ème édition 2007« Anthropologie du projet »

Présentation des auteurs

Gaëlle LEBEL est diplômée en Psychologie du développement, formation de formateur. Son parcours professionnel s'articule entre la formation professionnelle en tant qu'accompagnatrice en élaboration de projet professionnel et psychologue du travail et la protection de l'enfance en tant que psychologue. Elle occupe depuis 9 ans, un poste de formatrice au sein de l'Institut Régional du Travail Social de Basse-Normandie en France. Responsable du domaine de compétence 2 du diplôme d'Educateur Spécialisé, elle accompagne essentiellement les apprenants dans le cadre de l'élaboration de leur mémoire et dans l'acquisition de compétences liée à la méthodologie de projet.

Communication complète

« Nous projetions une formation plutôt qu’un enseignement », cette citation de Marc Ehrhard dans la préface d’un ouvrage relatant l’histoire de la formation des éducateurs spécialisés met en exergue toute la complexité d’accompagner vers une professionnalité, des adultes. La personne qui entre en formation, est à la fois habitée par de nombreuses représentations, conséquences latentes de souvenirs et d’expériences de vie, mais surtout d’une belle conviction sur laquelle elle va pouvoir s’appuyer pour donner du sens à son action. Cette volonté d’être acteur du monde dans lequel nous évoluons, est partagée par les formateurs que nous sommes, et chacun de sa place peut se saisir d’un espace pour y donner du sens. C’est de cette volonté, conviction et de toute évidence énergie dont nous allons nous faire écho, à deux voix, aujourd’hui, formateur et étudiants.
De notre place de formateur, l’équation est complexe. Il s’agit pour nous de combiner plusieurs paramètres afin de la résoudre. Le cadre contraint, en premier lieu, celui qui nous donne notre légitimité dans cette question d’utilité. A présents croqués dans des référentiels, les professionnels sont dépeints dans des dispositifs européens. Les compétences, les attributs qui qualifient la façon de concevoir une profession les représentations y sont nombreux et la marge d’interprétation souvent problématique. La loi nous impose au travers de ces référentiels, un cadre contraint de modalités (nombre d’heures d’enseignement, modalités de certifications) qui parait, de prime abord, très aliénant. Ces textes nous imposent effectivement ce vers quoi nous devons aller mais ne nous donnent aucune indication quant à la méthode. En second lieu, c’est bien là que peuvent s’exprimer nos convictions, nos valeurs, nos idéaux. L’équation prend forme, elle se résout dans notre volonté d’agir, notre sens pédagogique, notre fonction de formateur. Dans le centre de formation dans lequel nous œuvrons, notre philosophie s’enracine dans ce que l’on nomme savamment la psychopédagogie institutionnelle. Courant révolté des années 70, elle prône un faire ensemble, dans l’intérêt de tous. Une formation plutôt qu’un enseignement, dans laquelle la place de chacun serait importante pour que chacune des actions des fonctions représentées (formateurs, apprenants, personnels supports) pourrait mettre en forme ce que l’on nomme « utilité publique ». Lors de son discours inaugural de notre institut, Bernard Montaclair (premier directeur de l’école des éducateurs de la Haute Folie), livrait alors un précepte qui guide encore notre action aujourd’hui : « Ne peut être éducateur celui qui n’a pas saisi qu’il n’y a pas d’homme sans société ». Puis ajoute : « Pas d’éducation sans décentration, sans dépassement vers un collectif ». Le sens du collectif reste notre fer de lance, et l’approche humaniste dont nous nous revendiquons encore aujourd’hui, accompagne notre conception de la formation des éducateurs. Pas de science exacte, donc, seules l’incertitude, l’innovation et l’adaptation servent à baliser un chemin vers un l’objectif de former des adultes au métier exigent d’accompagner les autres au travers de leurs multiples précarités, inadaptations.
Lorsque la réforme du diplôme des éducateurs spécialisés, nous offre, en France, en 2007, 500 heures de formation sur la question du projet, nous nous positionnons pour ne pas réduire cet objet à une simple question méthodologique. Quoi de plus simple que de conjuguer un cadre de formation nécessitant l’expérimentation et les besoins repérés sur les terrains professionnels. Nous nous nourrissons, sans le savoir à l’époque, d’un sens de la pédagogie expérientielle, nous construisons, ce qui allait devenir les « Groupes Conception de Projet ». La consigne de ce dispositif de 40 heures est qu’au moyen de petits groupes (6 à 8 personnes) pour expérimenter la dynamique des groupes restreints, les étudiants doivent concevoir un projet à destination de publics.
Dans la continuité d’un enracinement théorique où s’entremêlent les approches institutionnelles et actives de la pédagogie, nous avons souhaité proposer aux apprenants une expérimentation de ce qu’on peut entendre par la méthodologie de projet. Depuis maintenant cinq ans, nous accompagnons des projets de toutes natures mais toujours solidement ancrés dans les besoins repérés dans le secteur social. Nous avons une fonction de support méthodologique, de questionnement du sens de l’action, il me semble que nous formons. Si nous devions aujourd’hui faire un état des lieux, et c’est bien de cet « arrêt sur image » que je suis venue vous présenter, nous pourrions dégager deux grandes tendances. La première s'inscrit dans le fait que les étudiants investissent ces espaces de formation pour lutter contre les précarités. En effet, dès le début de ce dispositif pédagogique, les étudiants ont saisi cette possibilité qui leur été laissée pour mener des projets qui pouvaient répondre à un manque. Manque de temps et manque de moyens des travailleurs sociaux sur le terrain pour monter des actions qui, bien que répondant aux besoins repérés des usagers, n’étaient pas envisageables. En petits groupes, ces apprenants choisissent de partir de ces besoins pour donner un plus, « améliorer l’ordinaire » de l’éducation spécialisée. On notera par exemple, l’organisation d’une journée conviviale auprès de ceux que l’on nomme « les gens de la rue », ou la création de spectacles de clown adaptés à un public porteur d’un handicap mental. Première tendance donc, faire d’un exercice pédagogique, un don solidaire de temps et de moyen au profit des usagers et des professionnels. Seconde tendance (et l’entrée des formations sociales dans l’espace européen nous y a conduit) saisir ces espaces pour œuvrer auprès des personnes le plus démunies certes, mais dans une dimension européenne, voire internationale. Ainsi des projets se sont montés en direction de la Belgique, de la Roumanie et du Portugal. L’objectif principal de ces projets était une connaissance des pratiques professionnelles des uns et des autres professionnels de l’action éducative, au-delà des frontières, penser ce qui fait du commun, et identifier nos différences. L’expérience de vie, les souvenirs et les représentations sont souvent la source de ces projets menés par les étudiants, ceux qui vont à présent faire entendre leur voix en est une parfaite illustration.

Étudiants en formation d'éducateur spécialisé, « La conception et la conduite de projet éducatif spécialisé » fait partie intégrante du référentiel de compétences que doivent acquérir tous éducateurs spécialisés en fin de formation. Dans ce cadre, nous avons réalisé, à sept étudiants, un projet à destination du Portugal.
L’objectif initial du projet était la découverte des pratiques professionnelles dans un pays européen autre que la France. Nous sept avons fait le choix de réunir nos forces dans la conception d'un projet vers le Portugal, dont l'un des membres du groupe est originaire. Nous avons étaient accueillis durant une semaine au sein de l’institution Lar de Santa Estafania à Guimaraes.

Lar de Santa Estafania a un modèle d’action éducative qui est unique, c’est une congrégation religieuse qui accompagne les jeunes au quotidien en lien avec les travailleurs sociaux. Cette méthode d’intervention unique restera gravée dans les mémoires des futurs professionnels que nous sommes.
Les travailleurs sociaux au sein de Lar de Santa Estefania détiennent un diplôme délivré par l’université appliquant le processus de Bologne. Ils ont pour mission les relations avec les familles, avec l’école et sont présents sur la structure en journée. Au-delà de la découverte des modes d'intervention auprès des jeunes et des populations en difficultés, nous avons approfondi nos connaissances sur les politiques sociales au Portugal.
En 2010, le Portugal fut touché par la crise économique, comme d’autres pays européens. Il y a eu des répercussions sur le secteur social. Les associations ont vu leurs subventions stagner ou baisser. Les travailleurs sociaux sont directement impactés dans leur accompagnement auprès des personnes en difficultés. Toute activité est onéreuse, les travailleurs sociaux utilisent les moyens existants de la structure, par exemple, les jeunes partent en vacances l’été dans une ferme qui appartient à l’établissement. Lors de notre séjour, nous avons fait de même, nous avons mis en place un atelier musique et danse grâce à l’existence d’une salle de musique avec des instruments.
Le travailleur social doit faire preuve de capacités d’adaptation afin d’accompagner au plus proche et au mieux les jeunes dans leurs parcours. De cette expérience, nous sept, retiendrons la richesse de cet échange avec Lar de Santa Estefania tant sur le plan professionnel que personnel.


MONTACLAIR Bernard, RICCO Pierre, EHRHARD Marc, Former des éducateurs. Une pédagogie citoyenne : L’école de la Haute Folie, Paris : Eres, 2002, 164 p.

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Résumé en Anglais


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