Fiche Documentaire n° 4001

Titre FORUM : EMPOWERMENT ET RENTABILITÉ ÉCONOMIQUE

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l'auteur principal

Auteur(s) GRAU Christiane
DELEZ Marie-Luce
Roduit Xavier François
 
     
Thème  
Type Forum, GT, Carrefour  

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Résumé

FORUM : EMPOWERMENT ET RENTABILITÉ ÉCONOMIQUE

Face aux exigences croissantes d’efficacité et de performance en travail social, ce forum propose l'exemple d'un mode d’intervention dans une communauté thérapeutique résidentielle traitant d'addictions, développant les liens sociaux et le pouvoir-agir de bénéficiaires vulnérables et dépendants avec des troubles associés. Cette pratique pédagogique leur permet progressivement d'exercer dignement et démocratiquement leur rôle social et de s’insérer de manière durable.
Hypothèses pédagogiques :
Principe : Lorsque quelqu'un perd un lien social, l'une des conditions nécessaires à son rétablissement consiste en la reconstruction cognitive de sa propre image. Cette reconstruction passe par une auto attribution de caractéristiques positives, par une conception de soi comme acteur relié aux autres et comme partie prenante au débat démocratique. Ceci requiert l'expérience que l’on peut influer sur les choses et les êtres, diriger ou maîtriser (au moins partiellement) les événements (Codol, J.-P., 1981). C’est dans un contexte stable, cohérent et durable que la personne va faire l'expérience que son identité personnelle est acceptée et acceptable, condition incontournable dans la perspective d'une insertion sociale véritable.
Constat : Les personnes dépendantes accueillies manifestent une identité fragile liée à des vécus, qui ne leur ont pas permis de se construire véritablement ou qui les ont déstabilisées physiquement et psychologiquement, au point qu'elles ne savent plus qui elles sont ni qui elles veulent être.
Hypothèse : Une intervention éducative développant chez les personnes des capabilités nécessaires à tenir leur rôle dans la société. Selon A. Sen, deux dimensions sont centrales : 1) le pouvoir d’agir (ou empowerment) exige que les bénéficiaires des politiques sociales disposent des moyens effectifs de mener la vie de leur choix ; 2) la liberté de choix requiert que ce choix soit réellement libre et non imposé par les représentants d’autorités publiques (Bonvin, 2012).
Une telle intervention équilibre les fonctions du corps, du cœur et de l'esprit, et s'articule autour de quatre conditions :
1) Une infrastructure appropriée dans un contexte protégé, exigeant et bienveillant pour permettre aux clients de s'engager en toute sécurité dans une transformation identitaire nécessaire à stimuler leur rêve de vie.
2) Des professionnels compétents sachant travailler selon une méthodologie rigoureuse et cohérente, afin de coacher chaque personne concernée vers sa propre image et la construction de sa vie.
3) Une communication qui reconnaît ces individus comme importants, compétents, avec les qualités suffisantes pour tenir leur place au sein d'un groupe démocratique et en assumer les conséquences. La circulation de l’information et la transparence dans les processus décisionnels facilitent l’activation du lien social.
4) Une méthodologie de coaching exigeante, incluant l'entraînement progressif à la participation, à l’entraide et au positionnement sur des questions sociétales.
Cette pédagogie sera soumise à une évaluation longitudinale systématique (à cinq ans) selon l'Analyse Coûts/Bénéfices (ACB), pour en évaluer les effets et la légitimer, par rapport à un modèle basé sur des mesures courtes et successives, apparemment moins chères, du fait que les coûts sont dilués entre divers services ou politiques, rendant impossible une évaluation totale du coût final de l’ensemble des mesures.
Alors,
- Comment convaincre les décideurs de la compétence des professionnels à structurer leurs interventions de manière durablement efficace ?
- Quels dispositifs créer pour que les destinataires de l’intervention sociale participent à l’évaluation des interventions qui leur sont destinées?
- Comment convaincre les décideurs de la nécessité d'une recherche en travail social qui évalue véritablement les impacts de divers modes d'intervention auprès des populations fragilisées ?

Bibliographie

SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE

• Bonvin, J.-M. (2012). Un nouvel objectif pour les politiques de solidarité : le développement des capabilités. Direction de la Prospective du Grand Lyon pour la démarche GLVS (Grand Lyon vision solidaire), page consultée le 23 janvier 2015. URL : www.millenaire3.com/Un-nouvel-objectif-pour-les-politiques-de-solidari.122+M5e87408ff1b.0.html.
• Burton-Jeangros, C. et Maeder C. (2011). Identité et transformation des modes de vie, Seismo, pp. 64-84.
• Codol, J.-P. (1981). Une approche cognitive du sentiment d'identité. Social Science Information, pp. 112-136.
• Dubar, C. (2000). La crise des identités. L'interprétation d'une mutation. Paris: PUF.
• GRAU MARTENET , Ch. (2012). Coacher avec la PNL. La caisse à outils du pédagogue du XXIème siècle. Lyon, Chronique Sociale.
• Kastersztein, J. (1981). Aspects psychosociaux de l'identité. Social Science Information, 20(95), pp. 95-109.
• Maris B. (2014). Houellebecq Economiste. Flammarion Ed. Coll. Essais.
• Meunier V./Mardsen E. (2009). L’analyse Coût-Bénéfice : Guide Méthodologique. Les cahiers de la sécurité industrielle. Institut pour une culture de sécurité industrielle, Cahier no 6 / 2009 (document pdf)
• Monnet, E. (2008). La théorie des « capabilités » d’Amartya Sen face au problème du relativisme, Tracés. Revue de Sciences humaines, page consultée le 23 janvier 2015. URL : http://traces.revues.org/211
• Ninacs W. (2003). Empowerment : cadre conceptuel et outil d'évaluation de l'intervention sociale et communautaire, page consultée le 18 janvier 2015. URL :http://envision.ca/pdf/w2w/Papers/NinacsPaper.pdf
• Ninacs, W.A. (2008). Empowerment et intervention : Développement de la capacité d’agir et de la solidarité. Québec. Les presses de l’Université Laval.
• Soulet, M.-H. (2011). Changement identitaire, vulnérabilité et agir faible. In C. Burton - Jeangros & C. Maeder (Ed.),Identité et transformation des modes de vie(pp. 85-99). Zürich: Seismo Verla.
• WINICKI P. (2014). Construire l'action publique" de revue M3, n°8, page consultée le 22 janvier 2015. URL : http://www.millenaire3.com/La-defiance-coute.122+M5fe776170b9.98.html

Présentation des auteurs

Ce forum sera animé par 3 intervenants :
1. Xavier Roduit, directeur des Foyers Rives du Rhône, communauté thérapeutique résidentielle traitant d'addictions, professionnel de l’action éducative. Valais - Suisse
2. Marie-Luce Délèz, professeure-chercheuse HES-SO Valais - Suisse, Dr en économie
3. Christiane Grau Martenet, professeure-chercheuse HES-SO Valais - Suisse, pédagogue

Communication complète

Pour concilier les exigences croissantes d’efficacité et de performances en travail
social, les communicants proposent l'exemple d'un mode d’intervention dans une
communauté thérapeutique résidentielle traitant d'addictions. Cette pratique
pédagogique permet à des individus vulnérables d'exercer leur rôle dans la
société démocratique. Elle favorise en particulier une insertion digne et durable,
compte tenu des caractéristiques et besoins des destinataires dépendants avec
des troubles associés, sans engendrer des coûts supplémentaires.
1. RUPTURES DE LIENS ET IDENTITÉ FRAGILE DES PERSONNES
DÉPENDANTES
Force est de constater que certaines personnes arrivent à l'âge adulte avec une
identité fragile, peu consistante, ne leur permettant pas de se positionner
aisément et de manière valorisante comme sujets citoyens. Ces personnes,
rencontrant des difficultés à agir de manière adéquate dans des situations
sociales ordinaires, sont parfois confrontées à des réponses pénibles, avec des
effets souvent différents de ceux attendus en termes d'insertion sociale et
d’engagement citoyen. Qu'est-ce qu'agir quand les ressources pour le faire, de
quelque ordre qu'elles soient manquent ? (Soulet, 2011)
Les personnes dépendantes accueillies ont cumulé une succession de cassures,
les empêchant de se construire véritablement ou les déstabilisant physiquement
et psychologiquement, au point qu'elles ne savent plus bien qui elles sont ni qui
elles veulent être. Selon Vincent de Gaulejac (1994), lorsque se succèdent :
 l'existence d'une rupture impossible à assumer,
 un enchaînement de ruptures produisant une perte de pouvoir sur sa
propre vie,
 un décrochage avec la vie autonome et une dépendance aux services
institutionnels pour vivre,
 la chute et l'entrée dans le monde des marginaux,
le résultat aboutit à l'exclusion. Marc-Henry Soulet (2011) s'interroge avec
pertinence sur les cassures qui ponctuent cette chute sur l'échelle sociale :
...l'exclusion marquerait le point de chute de ceux qui cumulent les handicaps
sociaux et individuels, réunissant ainsi les conditions objectives et subjectives de
ceux chez qui les mécanismes de rattrapage ne fonctionnent plus, de ceux qui
sont mis en position de ne plus agir ou réagir faute de pouvoir reprendre le
contrôle de leur vie suite à des échecs répétés, alors, on tend à dire
implicitement que la responsabilité de la non-intégration dans le marché du
travail repose sur la personne elle-même et non sur des facteurs extérieurs à
elle. Il s'agit pour le moins d'un glissement facile et peu responsable. Lorsque
quelqu'un perd le lien social, l'une des conditions nécessaires à un rétablissement
suffisant pour qu'il puisse décider de la manière de mener sa vie, consiste en la
reconstruction cognitive de sa propre image. Cette reconstruction passe par une
auto attribution de caractéristiques plus ou moins positives, par une conception
de soi comme acteur relié et partie prenante au débat démocratique. Ceci
requiert l'expérience que l’on peut influer sur les choses et les êtres, diriger ou
maîtriser (au moins partiellement) les événements (Codol, 1981).
2. INTERVENTION ÉDUCATIVE UTILE A UNE RECONFIGURATION
IDENTITAIRE
Selon Ninacs (2008), le processus individuel d'empowerment se traduit par un
enchaînement simultané d'étapes multidimensionnelles sur quatre plans menant à
l'autonomie : la participation, les compétences, l'estime de soi et la conscience
critique.
En référence implicite à la norme d'intégration sociale en vigueur, la
réhabilitation les personnes dépendantes considérées ici passe par l'appropriation
des compétences nécessaires à s'assurer un revenu autonome suffisant pour
leurs besoins et à interagir correctement dans les communautés sociales de
base. Même avec des rêves plus ambitieux, nous acceptons ces éléments comme
prioritaires, car incontournables sur le chemin de l'empowerment, dans le
contexte institutionnel concerné.
Pour que les personnes accueillies puissent recréer les liens nécessaires à leur
pouvoir-agir, elles doivent être aidées préalablement à reconfigurer leur identité,
à développer leurs capacités et ressources pour interpréter les situations
sociales, avant de choisir la réponse à y donner. Ce travail de développement de
soi est à considérer, non en tant que finalité, mais comme nécessité pour
expérimenter le fait d'être VIVANT, sujet d'une histoire qui donne l'espoir de se
réaliser et donc justifie les efforts fournis.
Wenger (2009) considère que c'est d'abord et avant tout par la pratique qu'on
expérimente de façon significative notre engagement dans le monde, en tant
qu'expérience de la vie quotidienne qui permet la construction du sens de soi et
de la vie. Cela suppose de vivre dans un monde où il est possible d'agir et
d'interagir, et de disposer des outils de communication appropriés.
Dans cette logique, la communauté de vie va servir de cadre micro social
favorisant les liens entre les processus d’apprentissages et les dynamiques
identitaires des membres. Pour Filliettaz, (2008)...accéder aux savoirs implique
nécessairement de prendre place dans des communautés de pratique ; et
progresser dans ces apprentissages équivaut également à changer de position au
sein de ces communautés.
C'est en vivant dans un contexte stable - donc prévisible - structuré et riche en
interactions, sécurisé et sécurisant, que la personne fragile vit des expériences
emblématiques favorables à la réflexivité, qu'elle repère des fonctionnements et
active des ressources pour y répondre selon sa subjectivité. Elle constate qu'elle
est acceptée et acceptable, et peut ainsi remanier sa représentation de soi et des
autres, et développer des modèles de citoyenneté en vue d'une possible insertion
sociale.
Ninacs (2006) précise ce modèle : Pour la réalisation du processus
d’empowerment individuel, il faut de l’interaction, des ressources, du temps et
quelque chose ayant une grande valeur aux yeux de l’individu concerné. La
reconfiguration identitaire est donc facilitée dans une communauté de vie
protégée et dynamique. Le cadre institutionnel donne aux personnes fragiles des
occasions d'annuler les évaluations négatives antérieures intériorisées et de
s'approprier progressivement des modes participation sociale nécessaires à
modifier leurs représentations de soi et des autres.
3. LES FOYERS DES RIVES DU RHÔNE
Pour redonner vie et sens au lien social les Foyers des Rives du Rhône pratiquent
une approche favorable à une construction identitaire.
3.1 Une communauté thérapeutique entraînant le lien social et le
pouvoir-agir
L’apprentissage de la vie sociale se prépare lentement pendant la cure puisqu'elle
résulte, entre autres, de l'approfondissement du travail sur soi accompli par le
résidant durant son séjour aux foyers. Progressivement le pensionnaire
développe un projet de réinsertion et quittera l’institution résidentielle pour
fleurir à sa nouvelle vie sociale.
La cure a pour objectif la ré-harmonisation de la personnalité, le retour de la
confiance en soi, la découverte du sens et d'une discipline de vie. Ces
changements de comportement impliquent l'observation de règles strictes de vie
en communauté (non-violence, ordre, propreté, politesse, ponctualité, maîtrise
de soi, respect des autres, endurance à l'effort, résistance à la frustration).
3.2 Une infrastructure dans la nature pour favoriser la reliance
physique
Une infrastructure appropriée dans un contexte protégé, exigeant et bienveillant,
est nécessaire pour permettre aux clients de s'engager en toute sécurité dans
une transformation identitaire nécessaire à stimuler leur rêve de vie. Les Foyers
des Rives du Rhône et François-Xavier Bagnoud sont des communautés
thérapeutiques offrant 30 places. Elles assurent l’hébergement et le traitement
de personnes souffrant de problématiques d’addictions en vue de leur réinsertion
socioprofessionnelle, en collaboration avec Addiction Valais en Suisse. Depuis 34
ans, les Foyers proposent une action éducative qui privilégie l'approche de la
connaissance de soi, la découverte de ses propres potentialités, une
autonomisation du libre choix. Le postulat est d’amener les pensionnaires à ce
qu’ils deviennent auteurs et acteurs de leur vie (Cordonier & Roduit, 2003).
3.3 Une méthodologie cohérente pour consolider les capabilités utiles
à une insertion sociale durable
Une méthodologie de coaching exigeante est appliquée, incluant l'entraînement
progressif à la participation, à l’entraide et au positionnement sur des questions
sociétales. Une communication qui reconnaît ces individus comme importants,
compétents, avec les qualités suffisantes pour tenir leur place au sein d'un
groupe démocratique et en assumer les conséquences. La circulation de
l’information et la transparence dans les processus décisionnels facilitent
l’activation du lien social. Quotidiennement, la thérapie de groupe réunit en fin
de journée les pensionnaires présents au foyer autour d'une table ronde. C'est le
moment fort de l'analyse, du bas les masques, où chacun reçoit l'écho amical de
la communauté et essaie lucidement de progresser. Dans ces groupes de
paroles, les pensionnaires apprennent à communiquer, à exprimer leurs joies,
leurs peines, explicitent leurs besoins, les nécessités de la vie communautaire et
organisent ensemble les tâches et les devoirs de chacun.
3.4 Une équipe de professionnels exigeants et bientraitants pour
favoriser la reliance psychologique
Des professionnels compétents et diplômés travaillent selon une méthodologie
rigoureuse et cohérente avec les personnes concernées, afin de les coacher
chacun adéquatement. En participant aux différentes activités proposées
(travaux ménagers ou agricoles, cuisine, potager, écurie, laiterie, menuiserie,
chant choral, art roman, dessin, vitrail, enluminure, sculpture, tir à l’arc, marche,
varappe, ski de randonnée), garçons et filles se réhabituent au rythme du
quotidien et réalisent peu à peu que leur participation a un sens pour la
communauté toute entière. Pendant leur séjour, ils acquièrent beaucoup de
compétences pratiques tout en apprenant à se connaître eux-mêmes, développent
leurs capacités intellectuelles et aiguisent leurs réflexions, s'ouvrant peu à peu à des
dimensions cognitives enrichies. Ils construisent ainsi une vision élargie de la réalité,
où l'égoïsme étroit laisse progressivement du champ à une qualité de la relation.1
4. ANALYSE COUTS-BENEFICES : PROPOSITION D'UNE DÉMARCHE
D’ÉVALUATION
Dans cette analyse, il est question de savoir comment le travail social peut
développer une culture du «bénéfice», à même de transformer une vision
unilatérale et à court terme de réduction des coûts en une vision sociale,
équilibrée et complète. Les réponses sont nombreuses (voir contribution de M.L.
Délez, selon programme), mais il est intéressant de privilégier celle basée sur
des critères choisis par les bénéficiaires eux-mêmes : leur donner la parole, c’est
avoir confiance en leur pouvoir d’agir, en leurs compétences, et en leurs
capabilités !
1 www.rivesdurhone.ch

Résumé en Anglais


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