Fiche Documentaire n° 4050

Titre Quand la « Justice » entre au secondaire… projet de stage amenant l’élève dans un processus de réflexivité le menant au cœur des enjeux de la participation citoyenne.

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) Beauregard Valéry  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

Quand la « Justice » entre au secondaire… projet de stage amenant l’élève dans un processus de réflexivité le menant au cœur des enjeux de la participation citoyenne.

De nos jours, la participation citoyenne concernant les grands enjeux sociaux est un défi important (Warin, 2011). En effet, il résulte de la logique marchande des États et de la responsabilisation de l’individu (Soulet, 2005 ; Astier 2013) une augmentation des populations fragilisées et vulnérables. Comme les politiques sociales et la gestion des organisations sont empreintes de violence, il ne faut pas se surprendre que les citoyens utilisent celle-ci à leur tour comme moyen d’expression de la douleur ressentie face aux inégalités subies. Cette réalité passe malheureusement trop souvent sous silence. Il apparaît donc primordial de conscientiser les jeunes à l’importance des enjeux politiques et sociaux puisqu’ils seront les citoyens de demain.

Actuellement, le système de justice, comme la plupart des grandes organisations, tend à homogénéiser le parcours des individus. Cette tendance ne se fait malheureusement pas sans violence puisque les populations vulnérables sont trop souvent surreprésentées dans la clientèle judiciarisée (Brassard, R. & Martel, J. 2009).

Le projet qui vous sera présenté vient d’une initiative collective entre le domaine judiciaire et scolaire. Ainsi, une étudiante de baccalauréat de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue a développé, comme projet de stage, un programme d’intervention visant à conscientiser les élèves de secondaire IV aux enjeux sociaux liés au processus judiciaire. Celui-ci avait pour but de permettre aux élèves de se construire une pensée critique face aux droits, devoirs et responsabilités d’un citoyen. Il avait aussi comme fonction de les projeter dans un avenir où, s’ils intègrent un rôle de citoyens participants, ils pourront être sujets de demain et donc avoir un impact sur les différentes politiques et valeurs sociales véhiculées dans leur propre société. Puisque le «vivre ensemble», les principes de justice et de vie démocratique où les droits fondamentaux sont tous des constructions sociales, des valeurs qui doivent être apprises à travers un processus de socialisation (Potier, 2002), ce projet apparaissait novateur. Celui-ci visait également à amener le jeune à développer sa réflexion, à faire confiance à son rationnel critique, à confronter ses croyances, à remettre en question certaines normes sociales, à articuler ses idées de façon à les rendre tangibles et conséquemment, à prendre position dans un contexte social et ce, tout en faisant abstraction du regard de ses pairs.
Le modèle de développement cognitivo-moral et social de Kohlberg a été préconisé dans cette intervention de groupe puisque nous voulions pousser les jeunes à développer leur jugement moral et critique, les amener à réfléchir sur des dilemmes moraux et les mettre en situation concrète afin qu’ils puissent vivre des positions antagonistes en lien avec une situation réelle. Le programme d’intervention s’échelonnait sur 7 rencontres de groupe. Des forums de discussions, des groupes de travail et des mises en situation ont permis les échanges. Il a donc été possible de vérifier l’évolution de la pensée critique tout au long du programme. De plus, nous avons pu constater l’éclosion de la conscientisation des jeunes faces aux enjeux sociaux et valeurs véhiculées. Ce projet constituait aussi une amorce de la réflexion du jeune quant à l’importance de la participation citoyenne et des initiatives collectives.

Bibliographie

Astier, Y. (2013). Accompagner, activer, responsabiliser. In M. Otero & S. Roy (eds.), Qu’est-ce qu’un problème social aujourd’hui : repenser la non-conformité (pp2). Québec : PUQ
Brassard, R. & Martel, J. (2009). Trajectoires sociocarcérales des femmes autochtones au Québec : effets de l’incarcération sur l’exclusion sociale. Criminologie, 42(2), 121-152.
Guisset, S. (2009). Les Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active : place à l’éducation nouvelle. Vie sociale, 2009, vol.4, no4, p. 69-78
Lalanne, J. (2012). Dilemme moral une approche pratique de développement éthique, publié dans Revue de psychologie appliquée. URL : http://www.developpement-humain.com/articles/pour-educateurs/dilemme-moral-une-approche-pratique-de-developpement-ethique.html

Lehalle, H., Aris, C., Buelga, S. & Musitu, G. (2004). Développement socio-cognitif et jugement moral : de Kohlberg à la recherche des déterminants de la différenciation du développement moral, L'orientation scolaire et professionnelle, 33/2 |, 289-314.

Leleux, C. (2003). Théorie du développement moral chez Lawrence Kohlberg et ses critiques (Gillian et Habermas), dans Lean-Marc Ferry et Bors Libois. URL : users.skynet.be/claudine.leleux/KohlbergPublDEA.pdf

Pothier, N. (2002). De la citoyenneté aux droits et libertés. Tiré des Actes du Colloque 2002 du Service interculturel collégial (SIC).URL= http://www.cdc.qc.ca/actes_sic/2002/pothier_SIC_2002.pdf

Soulet, M.-H. (2005). Une solidarité de responsabilisation? In Ion, J. (dir.). Le travail social en débat(s) (p.86-102). Paris : La Découverte.

Titus, C.S. (2008). « Le développement moral dans la psychologie morale de Lawrence Kohlberg et de Martin Seligman ». Revue d’éthique et de théologie morale, no 251, 31-50.

Warin, P. (2011). La participation citoyenne dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale questionnée par le non-recours à l’offre publique. Revue comparée en Administration publique. 17(1), 116-134

Présentation des auteurs

Valéry Beauregard

Étudiante au Baccalauréat en travail social à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Détentrice d'un certificat en gestion des ressources humaines.
Directrice intérimaire du Palais de justice de Mont-Laurier.
Technicienne en droit.

Communication complète

De nos jours, la participation citoyenne concernant les grands enjeux sociaux est un défi important (Warin, 2011). En effet, il résulte de la logique marchande des États et de la responsabilisation de l’individu (Soulet, 2005; Astier 2013) une augmentation des populations fragilisées et vulnérables. Comme les politiques sociales et la gestion des organisations sont empreintes de violence, il ne faut pas se surprendre que les citoyens utilisent celle-ci à leur tour comme moyen d’expression de la douleur ressentie face aux inégalités subies. Cette réalité passe malheureusement trop souvent sous silence. Il apparaît donc primordial de conscientiser les jeunes à l’importance des enjeux politiques et sociaux puisqu’ils seront les citoyens de demain. Actuellement, le système de justice, comme la plupart des grandes organisations, tend à homogénéiser le parcours des individus. Cette tendance ne se fait malheureusement pas sans violence puisque les populations vulnérables sont trop souvent surreprésentées dans la clientèle judiciarisée (Brassard, R. & Martel, J. 2009).
Comment peut-il être possible de réunir autour d’un sujet commun des domaines qui semblent aussi opposés que le système scolaire, le domaine juridique et le travail social? Est-il utopique de penser que le milieu juridique puisse ouvrir ses portes à des élèves dans une optique d’éducation citoyenne et de conscience sociale en utilisant, comme principal outil, l’intervention sociale? Bien que cette avenue ne soit pas conventionnelle ni dans le domaine de l’intervention sociale ni dans le domaine de la justice, il semble qu’autour d’un objectif commun d’ouverture, de sensibilisation et d’information, le défi soit réalisable. C’est donc dans le cadre des stages du baccalauréat en travail social qu’a pu être développé un projet novateur créant un partenariat entre les domaines précités.

Présentation du projet:

Le programme d’intervention de groupe avait pour but de permettre aux élèves de se construire une pensée critique face aux droits, devoirs et responsabilités d’un citoyen. Il avait aussi comme fonction de les projeter dans un avenir où, s’ils intègrent un rôle de citoyens participants, ils pourront être sujets de demain et avoir un impact sur les différentes politiques et valeurs sociales véhiculées de leur société.
Dans cette optique, l’idée de réaliser un procès simulé s’est imposée d’elle-même comme moyen concret pouvant amener davantage de réflexion et une occasion de faire vivre aux élèves un dilemme éthique réel. Le choix de la cause répondait clairement aux besoins exprimés lors de la collecte d’informations auprès des professeurs impliqués et allait dans le sens de l’éducation citoyenne. En effet, le thème de la conduite d’un véhicule avec les facultés affaiblies causant la mort touche plusieurs concepts vus théoriquement par les élèves, tels que la loi, la liberté, l’égalité, la justice, le droit, les obligations. Le programme d’intervention ainsi créé s’adressait aux élèves du deuxième cycle d’une école secondaire à travers les cours d’éthique et culture religieuse. Il devait permettre aux élèves d’acquérir certaines compétences portant sur le développement d’une opinion critique et morale face à un dilemme juridique et humain pouvant les toucher de près. Il visait également à permettre aux élèves de se construire une pensée critique face aux droits, devoirs et responsabilités d’un bon citoyen ainsi que de saisir les enjeux sociaux et judiciaires dans une problématique réelle.

De concert avec un groupe restreint d’élèves, un procès simulé a été filmé au Palais de justice partant d’une cause réelle où les divers éléments et contexte ont été blanchis au maximum. Le film a ensuite été présenté en classe comme amorce aux discussions. Les ateliers qui y ont été réalisés se sont voulus des lieux de rencontre où les participants étaient confrontés à leurs droits, devoirs et responsabilités d’adultes en devenir alors que la pensée magique est encore bien présente à cet âge. Ils se sont déroulés sous forme de forum de discussions, de groupes de travail et de mises en situation permettant les échanges sur les conséquences et émotions vécues. Chaque rencontre avait comme objectif d’amener les jeunes à acquérir un niveau supérieur de raisonnement par un processus de résolution de problème et des questions éthiques et morales. Donc, une certaine évolution de la pensée a pu être amorcée grâce aux diverses mises en situation proposées. À l’aide d’exercices précis, les jeunes ont eu à se mettre dans la position de chacun des acteurs du processus judiciaire.

Méthodologie:

Le modèle de développement cognitivo-moral et social de Kohlberg a été préconisé puisque nous voulions pousser les jeunes à développer leur jugement moral et critique, les amener à réfléchir sur des dilemmes moraux et les mettre en situation concrète afin qu’ils puissent vivre des positions antagonistes. Le programme d’intervention s’est échelonné sur 7 rencontres de groupe. Des forums de discussions, des groupes de travail et des mises en situation ont permis les échanges. L’approche de Kohlberg soutient que le développement moral est : 1) Séquentiel : il se développe par étapes successives qu’on ne peut devancer ; 2) Irréversible : une fois un stade acquis, on ne régresse pas à un stade antérieur ; 3) Intégratif : parvenu à un stade on comprend les raisonnements des stades précédents ; 4) Transculturel : dans toutes les cultures, le développement moral suit les mêmes étapes. Conséquemment, chaque personne passera par le premier stade et franchira nécessairement le second avant d'atteindre le troisième, et ainsi de suite. Sa méthode propose des dilemmes moraux et demande comment les résoudre et surtout les raisons de cette décision avec l’idée sous-jacente : les réponses des individus sont des révélateurs de la structure de leur pensée morale. Différents stades peuvent ainsi situer la structure de pensée des jeunes:

Niveau 1: moralité préconventionnelle
Stade 1: orientation vers la punition
Stade 2: orientation vers la récompense

Niveau 2: moralité conventionnelle
Stade 3: orientation bon garçon/ bonne fille
Stade 4: orientation vers l’autorité

Niveau 3: moralité post-conventionnelle
Stade 5: orientation du contrat social
Stade 6: orientation des principes éthiques

Kohlberg soutient également que le passage d’un stade à l’autre s’explique par deux dimensions: le développement des capacités cognitives et l’interaction avec autrui et que l’évolution à travers ces stades est organisée selon des lois: successivité, irréversibilité et universalité.

Ce modèle a été préconisé dans l’intervention de groupe puisque nous voulions pousser les jeunes à développer leur jugement moral et critique. Ils ont ainsi pu ressentir et s’approprier différentes positions du cas vécu et ainsi développer une certaine empathie pour chacun d’eux. Nous estimons que par les discussions et les débats, ils ont pu dépasser le stade de la loi du Talion. Grâce à leur réflexion personnelle et leur mise en action, les élèves ont pu intégrer l’importance du rôle du système de justice dans la société, tant pour un accusé, une victime que pour la société entière et comprendre qu’il existe des enjeux éthiques et moraux pour toutes les parties impliquées.

Plus spécifiquement, comme nous avions pour but précis de provoquer un changement chez les individus par une modification de leur raisonnement critique, nous avons donc planifié des tâches spécifiques par le biais d’ateliers provoquant des discussions, des débats, de la confrontation d’idées et de valeurs, des jeux de rôles, des mises en situation, du travail en sous-groupe et des discussions individuelles. Malgré que le regroupement de jeunes se soit réalisé dans un mandat éducationnel, nous avons rapidement constaté que certaines activités planifiées les amenaient vers l’entraide et le soutien. Effectivement, pour provoquer le changement souhaité auprès des individus, il a fallu créer un milieu d’éducation démocratique afin de développer le sens de la justice chez les participants et favoriser l’interaction avec l’environnement.

Conclusion :

Le but de la démarche effectuée dans la perspective de ces stages était de soutenir la pensée critique de l’adolescent face au choix de conduire avec des facultés affaiblies en apportant un dilemme moral en regard des conséquences possibles et celles peu envisageables des dommages collatéraux trop souvent ignorés. Étant à ce niveau d’âge au carrefour du principe de plaisir et de réalité, nous avons pu constater que leur première pensée avait déjà fait un bond vers une perspective davantage responsabilisante et moins extrémiste. Loin de nous l’idée d’en tirer des conclusions qui ne peuvent être démontrées ici puisqu’un prétest et un post test n’ont servi que d’appui à cette démarche. Cependant sur les quatre cents jeunes rejoints, seulement un très faible pourcentage d’étudiants sont demeurés sur leurs positions initiales. Nous croyons que plusieurs éléments ont contribué à cette modification de perception du système social et juridique et à l’ouverture sur la participation citoyenne. Vivre un procès simulé et voir la figuration des pairs tel un psychodrame en sont les principaux. Ajoutons à cela le fait de faire des débats juridiques, d’entendre les victimes et de connaître davantage le fonctionnement du système judiciaire québécois. Avec un sujet tel que la justice, il est facile de tomber dans une approche moralisatrice et de ne faire ressortir que le côté coercitif du processus. Dans l’application de l’approche de Kohlberg, l’intervenant devient catalyseur d’un dilemme à l’autre favorisant ainsi la construction d’une pensée citoyenne plus critique engageant subtilement un processus de changement afin que l’élève devienne l’objet même du changement. Rien dans cette intervention de groupe n’a été imposé. Les jeunes ont pu prendre ce qui était bon et valable pour eux afin de créer leur propre jugement et d’individualiser les valeurs qui les définissent.

Résumé en Anglais


Non disponible