Fiche Documentaire n° 4128

Titre La supervision de groupe, lieu de déploiement de l’ « être » travailleur social

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l'auteur principal

Auteur(s) HAUZOUL CHANTAL
FAGNY Manuel
 
     
Thème Prendre soin des intervenants, c’est aussi prendre soin de leurs interventions sociales et de ceux qui en bénéficient…  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

La supervision de groupe, lieu de déploiement de l’ « être » travailleur social

Nous présenterons notre expérience de supervision d’un groupe de travailleurs sociaux d’un grand hôpital public bruxellois ancré dans un quartier défavorisé.

Ce processus a duré un an et a réuni huit intervenants sociaux dans nos locaux pour des séances mensuelles de deux heures. Les participants, attachés chacun à une ou plusieurs unités de soins somatiques (pédiatrie, urgences, gynécologie,…), sont appelés à accompagner les personnes hospitalisées en situation sociale problématique, voire extrêmement précaire.

Ces intervenants se trouvent, de manière récurrente, tiraillés entre la logique médicale centrée sur le symptôme, l’exigence hospitalière de rendement et d’assainissement financier, et leur préoccupation d’un réel accompagnement du sujet. Ils se trouvent à la fois témoin, dépositaire et porte-parole, au sein de l’institution, de la souffrance psychique liée à la précarité et à l’exclusion.

Sur base de la présentation de situations concrètes issues de leur clinique psycho-sociale, la supervision constitue pour eux un moment d’arrêt de l’agir, dégagé des pressions du quotidien. Il s’agit de la création d’un espace-temps pour penser les interventions sociales dans leurs enjeux relationnels, émotionnels, institutionnels et sociétaux.

La supervision est un lieu de contenance, de partage et de reconnaissance du vécu professionnel de chacun, lieu d’élaboration commune, de co-construction à la fois de sens et d’options d’interventions, lieu d’articulation de savoirs complexes, lieu groupal au sein duquel le participant est mis en présence d’images d’identification multiples. Cette expérience peut être rapprochée de celle du compagnonnage.

Il s’agit donc de créer un cadre de travail qui permette et facilite ces objectifs.

L’un psychologue et l’autre travailleur social, tous deux psychothérapeutes psychanalytiques, nous sommes engagés au sein du Service de santé mentale lié à l’Université Libre de Bruxelles. S’appuyant sur notre expérience institutionnelle et notre extériorité, notre double regard vise à permettre aux participants de penser leur travail, mouvement réflexif et créatif qui contribue à un processus de transformation interne vers l’approfondissement de leur identité professionnelle.

Notre grille de lecture psychanalytique permet d’attirer l’attention des intervenants sur les mouvements transférentiels et contre-transférentiels à l’œuvre dans toute relation d’aide. Ainsi, les questions suivantes peuvent être utiles à la compréhension des demandes : qu’est-ce que le patient rejoue avec l’intervenant ? Comment repérer cela ? Qu’est-ce que le patient (r)éveille chez l’intervenant ? Comment utiliser ces aspects comme des outils dans l’accompagnement ?

Le feed-back des participants a mis l’accent sur l’importance du cadre qui protège et qui permet le déploiement du contenu, sur la découverte de se trouver chacun, au quotidien, face à des éprouvés similaires, sur l’importance de la prise de conscience de leur vécu interne, sur l’ouverture de pistes de réflexion et d’action, sur leur confiance raffermie dans leur capacité d’ « être » travailleur social.
De ces rencontres est née en eux l’idée de la création d’une charte du travail social au sein de l’hôpital, définissant son éthique et ses missions, afin d’y préciser les spécificités et les limites des interventions sociales.

Bibliographie

ANZIEU, D. (1986) Cadre psychanalytique et enveloppes psychiques. Journal de la psychanalyse de l'enfant, 2.

DISPAUX, M-F. (1996) La place de la supervision dans le processus de formation : transmission et formation. Cahiers de psychologie clinique, 7.

FURTOZ, J. (2007) Les effets cliniques de la souffrance psychique d'origine sociale. Mental'idées, 11.

PINEL, J-P. (1989) Les fonctions du cadre dans la prise en charge institutionnelle. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 13.

WINNICOTT, D. (1975) Jeu et réalité. Paris : Gallimard.

Présentation des auteurs

Chantal HAUZOUL est travailleur social et psychothérapeute psychanalytique. Elle travaille dans le Service de santé mentale lié à l'Université Libre de Bruxelles et au Centre Hospitalier Universitaire Brugmann à Bruxelles.

Manuel FAGNY est psychologue clinicien et psychothérapeute psychanalytique. Il travaille dans le Service de santé mentale lié à l'Université Libre de Bruxelles, et est enseignant dans le département social de la Haute Ecole Paul-Henri Spaak à Bruxelles.

Communication complète

Pourquoi Monsieur P., d’origine turque, est-il tombé d’une fenêtre du 3ème étage d’un immeuble bruxellois ? S’agit-il d’un accident de travail (au noir) ? D’une rixe ? D’une tentative de suicide ? Cela reste flou et l’on devra se contenter d’une vague explication, balbutiée dans un français approximatif par l’intéressé lui-même, évoquant une chute accidentelle, sans témoin.
Toujours est-il qu’à la suite de cette culbute, cet homme s’est retrouvé hospitalisé à Bruxelles et, en urgence, a dû subir une intervention chirurgicale pour de multiples fractures au niveau des jambes et du bassin. Les médecins estiment que cette première opération devrait être suivie d’une seconde, et qu’ensuite Monsieur P. devrait bénéficier d’une période de revalidation dans un service médical spécialisé.
Le problème, c’est que ce patient n’a ni argent ni assurance hospitalisation et, surtout, il n’est pas en ordre de sécurité sociale. Son séjour en Belgique, officiellement en tant que touriste, a dépassé les trois mois autorisés, et il n’a droit qu’à l’aide médicale urgente. La direction de l’hôpital est donc formelle : les soins médicaux coûteux, nécessaires à la remise sur pied de Monsieur P., ne peuvent pas être dispensés en Belgique aux frais de la princesse.
C’est principalement pour cette raison que l’hôpital s’est tourné vers l’intervenant social, rattaché au service de chirurgie, afin qu’il trouve rapidement une solution(-miracle). Malheureusement, la situation administrative de Monsieur P. ne peut être régularisée hors de son pays d’origine. Pour couronner le tout, ce patient n’a pas de ressources en Belgique, ni famille, ni amis.
Hélas, les différentes pistes de solution concrètes sont explorées sans succès. Souffrant d’une impotence fonctionnelle sérieuse l’empêchant de marcher, mais ne pouvant être soigné, le patient n’a d’autre choix que de retourner en Turquie pour y retrouver sa famille. Il doit partir. Sa situation administrative, financière et médicale empêche un retour en avion ou en ambulance. Avec l’aide de l’intervenant social, des compatriotes de Monsieur P. ont finalement trouvé une simple camionnette et un chauffeur pour le rapatrier. Au moment du départ, le véhicule n’étant pas adapté au transport d’un malade qui doit rester allongé, le travailleur social a dû se débrouiller pour fournir les oreillers et couvertures nécessaires.
Le cas de Monsieur P., bien sûr inspiré de personnages et de faits réels, est un exemple parmi tant d’autres, de ce qu’un assistant social peut être amené à prendre en charge dans un service hospitalier. Entre aidant social et contrôleur social, ce professionnel est régulièrement tiraillé. Nous avons choisi de vous présenter ici notre expérience de supervision d’intervenants sociaux travaillant dans un grand hôpital public bruxellois ancré dans un quartier défavorisé, et ceci précisément parce que ce type de travail social nous semble significatif du tiraillement entre différentes logiques : financière, médicale et humaine.
Ce processus de supervision de groupe a duré un an et a réuni huit travailleurs sociaux dans nos locaux pour des séances mensuelles de deux heures. Les participants, attachés chacun à une unité de soins somatiques, sont appelés à accompagner les personnes hospitalisées en situation sociale problématique, voire extrêmement précaire. Sur base de la présentation de cas concrets, la supervision constitue pour les intervenants un moment d’arrêt de l’agir, dégagé des pressions du quotidien.
L’un psychologue et l’autre travailleur social, tous deux psychothérapeutes psychanalytiques, nous sommes, Chantal et moi, engagés au sein du Service de santé mentale lié à l’Université Libre de Bruxelles. S’appuyant sur notre expérience institutionnelle et notre extériorité, notre double regard vise à permettre aux participants de penser leur travail, mouvement réflexif et créatif qui contribue à un processus de transformation interne vers le déploiement de leur identité professionnelle.

Quelques mots à propos du groupe en supervision :
Ces travailleurs sociaux constituent une interface entre l’hôpital et le monde extérieur. Ils sont à la fois au service de l’hôpital et au service du patient. Ils ne disposent pas d’une définition explicite de leurs missions et sont donc l’objet de demandes extrêmement variées.
Au fil du temps l’exigence la plus explicite à leur égard est devenue celle de l’administration hospitalière : en substance, l’établissement d’une enquête socio-financière permettant à l’hôpital, en cas d’insolvabilité des patients, de récupérer les frais, liés à l’hébergement et aux soins, auprès des instances subsidiantes.
« Une fois cette tâche accomplie, remarquait une participante, grande liberté nous est laissée… » Nous voilà donc bien éloignés, en termes d’attente et de soutien de leur employeur, de l’objet pour lequel ces intervenants ont été formés et de ce qui reste leur mission implicite : l’accompagnement de la personne-sujet.
Les travailleurs sociaux sont par ailleurs aussi sollicités par les équipes médicales des unités auxquelles ils sont attachés (telles que chirurgie, pédiatrie, gynécologie,…), soit lorsque le projet de soins médicaux ou la continuité des soins sont mis en péril par la situation sociale précaire du patient, soit lorsque cette situation a contribué au développement de la pathologie, soit qu’elle ait interpellé l’équipe sur le plan humain.
A la demande de ces instances, soit administratives, soit médicales, le travailleur social va à la rencontre de la personne hospitalisée. Il devient alors le témoin de la situation particulière de ce patient particulier ; il en partage le vécu et souvent la souffrance psychique.
Il en devient le porte-parole au sein de l’équipe hospitalière, qu’il y a lieu de sensibiliser, son investissement premier résidant ailleurs.
Il y a donc trois aspects à la mission à laquelle il est confronté :
1. La contribution à la gestion de la santé financière de l’hôpital (soigner l’hôpital) ;
2. La recherche de solutions concrètes à la situation du patient, en collaboration avec les équipes et le réseau social ;
3. Le « remède travailleur social », à l’image de l’expression de M. Balint qui parlait du « remède-médecin » : s’administrer au patient comme une personne-ressource, une écoute accompagnante qui fait alliance avec lui dans la recherche et l’espoir d’un mieux-être possible.
Il est ainsi amené à gérer des intérêts dont les contradictions s’exacerbent en parallèle à la déliquescence sociale : un patient en situation sociale précaire, une administration hospitalière en proie au déficit, la raréfaction et la complexification des ressources sociétales auxquelles faire appel. Beaucoup de participants ont ainsi exprimé un vécu récurrent d’impuissance professionnelle.
C’est dans ce contexte qu’une supervision a été sollicitée.
C’est donc des caractéristiques de cette supervision que nous allons vous parler :
Il s’agit d’une supervision clinique, c’est-à-dire centrée sur les questions des intervenants sociaux au niveau de leur spécificité professionnelle : le soutien au patient-sujet dans le contexte institutionnel qui est le leur et que nous venons de décrire.
Il y a lieu de créer un cadre de travail qui facilite le processus en assurant suffisamment de stabilité, de constance et de sécurité, un cadre qui forme enveloppe, comme les enveloppes psychiques constitutives de la psychè.
L’appareil psychique, comme le dit Anzieu, est un appareil à penser les pensées, à contenir les affects. Le cadre proposé vise à faire enveloppe par rapport au groupe et à promouvoir ainsi l’appareil psychique groupal. Pour ce faire, nous avons proposé :
• Un lieu hors de l’institution à laquelle les participants sont attachés ;
• Un groupe composé des mêmes participants durant un an ;
• La présence de chaque participant à toutes les séances (et une chaise vide en cas d’absence) ;
• La définition du nombre de séances et de leur durée en début de processus ;
• Une règle de confidentialité ;
• Des téléphones portables éteints !
Au niveau du contenu, la supervision se base sur la présentation de situations concrètes, issues de la pratique quotidienne des participants. Il s’agit de la création d’un espace-temps pour penser les pratiques dans leurs enjeux relationnels, émotionnels, institutionnels et sociétaux.
Il s’agit de prendre le temps de mettre des mots pour décrire une situation. De ces mots et de cette description vont naître des associations chez le narrateur et chez les autres participants, associations qui vont permettre d’élargir la conscience des enjeux, de mieux s’y situer, de mieux savoir « dans quelle pièce on joue ».
Pour un intervenant, exposer une situation dans laquelle il est impliqué, c’est aussi la déposer, se déposer dans un lieu contenant où il peut identifier et partager les émotions qu’il vit, ceci en miroir des vécus que le patient et les interlocuteurs hospitaliers ont déposé en lui. Il ne porte plus tout seul.
La supervision est donc un lieu de contenance, de partage et de reconnaissance du vécu professionnel de chacun par des pairs. Ces pairs, de même formation professionnelle, mais ayant des personnalités et des parcours différents, constituent des images d’identification multiples, à la fois dans leurs perceptions et dans les analyses qu’ils font de la situation, dans la manière de s’y situer et dans les options d’interventions qu’ils proposent.

Comme nous l’a montré le cas de Monsieur P., l’institution hospitalière attend souvent de l’assistant social des réponses simples pour des problèmes qui peuvent être extrêmement complexes.
Il est plus facile de traiter les questions relatives à la précarité si on n’est pas en contact direct avec elle, si on ne la voit pas... Ecarter un dossier parce que les critères administratifs ne sont pas remplis, c’est une chose, mais exclure un homme ou une femme en souffrance, après l’avoir vu, après avoir été à la rencontre de sa singularité et à l’indispensable écoute de ses besoins, ça c’en est une autre. Dans l’exercice de son travail, l’intervenant social, lui, est en relation directe avec cette souffrance et cette pauvreté, différemment des autres acteurs hospitaliers.
Il est donc investi dans une relation humaine duelle avec l’usager, au sein d’un contexte institutionnel qui le tiraille. Il peut parfois en résulter chez le travailleur un sentiment de perte de sens, de non-reconnaissance, de confusion ou de découragement. Dans ce contexte, la supervision peut offrir un temps de répit, une sorte de bulle de non-urgence qui permet la digestion psychique.
Au niveau clinique, notre grille de lecture psychanalytique permet d’attirer l’attention des intervenants sur les mouvements transférentiels et contre-transférentiels à l’œuvre dans toute relation d’aide. Ainsi, les questions suivantes peuvent être utiles à la compréhension des demandes : qu’est-ce que le patient rejoue avec l’assistant social ? Comment repérer cela ? Qu’est-ce que le patient (r)éveille chez l’intervenant ? Comment utiliser ces aspects comme des outils dans l’accompagnement ?
Au niveau institutionnel, les supervisions laissent aussi une place, si nécessaire, aux plaintes des participants à l’encontre du fonctionnement de l’hôpital. Notons que cela peut constituer également, par effet de transfert, un reproche destiné inconsciemment aux superviseurs. Parler de l’institution, de ses règles et de sa hiérarchie, cela revient à parler du cadre, de l’enveloppe qui contient les interventions sociales. Nous savons à quel point les paradoxes et les dysfonctionnements institutionnels peuvent avoir des impacts sur le travail quotidien avec les patients. Exprimer parfois une rancœur, ou critiquer l’institution, fait partie de l’évolution normale de la supervision, même si celle-ci est avant tout clinique. En exclure les aspects institutionnels, ce serait ne pas tenir compte de la réalité de travail, et ce serait prendre le risque de voir ces mouvements réprimés refaire surface de manière détournée, et ainsi contaminer la supervision. Chassez l’institutionnel par la porte, il revient par la fenêtre.
Il nous semble que le processus de supervision agit à trois niveaux complémentaires. En effet, nous pouvons distinguer le rôle de tiers, le rôle d’enseignement, et le rôle relationnel de la supervision. Nous allons reprendre brièvement ces trois points.
Tout d’abord, la fonction fondamentale de tiers. De fait, la supervision intervient comme un espace-temps extérieur qui fait tiers dans le sens où il insère de la pensée neuve dans la relation duelle avec le patient. Cette pensée prend appui sur les discussions au sein du groupe, sur l’élaboration à plusieurs, sur les points de vue des superviseurs. Le fait de se réunir différemment entre pairs et de présenter calmement un cas, cela permet aux intervenants de faire l’expérience d’un rythme de travail autre, souvent plus apaisé, alors qu’ils sont habituellement le nez dans le guidon, pressés par la quantité de travail.
Deuxièmement, le rôle d’enseignement de la supervision. Forcément, quand on échange avec des collègues et avec des superviseurs, on apprend, quels que soient son âge et son expérience. Cet apprentissage peut parfois même être très concret concernant des aspects théoriques, administratifs, réglementaires ou légaux. Ces informations peuvent aider à voir les choses autrement, ou éclairer des zones d’ombre.
Enfin, le rôle relationnel de la supervision touche à l’intimité de ce qui se vit dans le groupe. On n’apprend pas seulement du contenu de la supervision, mais aussi du contenant que son cadre méthodologique propose. Chaque intervenant peut ainsi retirer quelque chose de l’attitude souvent compréhensive des autres, de leur écoute attentive, des positions verbales et non-verbales des superviseurs. Ces derniers se montrent disponibles également pour entendre, absorber et métaboliser les incertitudes, les confusions et les angoisses des participants. Comme par emboitements successifs de poupées russes de plus en plus grandes, cette fonction contenante des superviseurs à l’égard des participants peut aider ceux-ci, par la suite, à contenir eux-mêmes leurs patients. Ceci est fondamental pour un métier dont les outils sont bien plus relationnels que techniques. Nous pouvons voir la trace de ce rôle relationnel de la supervision dans les paroles de cette participante qui, lors d’une séance ultérieure à sa présentation de cas, dira : « Après vous avoir parlé de cette personne, j’étais plus à l’aise en entretien avec elle, j’avais l’impression de me sentir moins seule, comme si vous étiez tous présents dans le bureau pour réfléchir et travailler avec moi ».

L’espace de supervision est donc un lieu d’élaboration commune, de co-construction, superviseurs et supervisés, chacun rebondissant sur l’expression de l’autre (apportant sa pierre à l’édifice), élaboration sur laquelle l’intervenant pourra s’appuyer pour son appréhension future de la situation. C’est une expérience que l’on peut rapprocher de celle du compagnonnage qui, du Moyen-Age jusqu’à nos jours, vise à transmettre non seulement la technique, mais aussi l’âme de la technique.
Elle vise à contribuer à un processus de formation, de transformation interne pour arriver à une réponse, une réaction, une attitude qui ne tienne pas seulement compte de la demande explicite (du patient, de l’institution, de l’entourage), mais à une réponse qui soit la conséquence d’un travail de « digestion » réflexive par le travailleur social qui tienne compte des éléments de réalité (demande explicite, cadre institutionnel, contexte sociétal) et d’éléments moins apparents mis en lumière par la mise en mots des vécus émotionnels. Le groupe de supervision vise, au fil du temps, à jouer un rôle dans l’approfondissement de l’identité professionnelle des participants.
En fin de processus, le feed-back des membres du groupe a mis l’accent sur l’importance du cadre qui protège et qui permet le déploiement du contenu, sur la découverte de se trouver chacun, au quotidien, face à des éprouvés similaires, sur l’importance de la prise de conscience de leur vécu interne, sur l’ouverture de pistes de réflexion et d’action, sur leur confiance raffermie dans leur capacité d’ « être » travailleur social.
De ces rencontres est née en eux l’idée de la création d’une charte du travail social au sein de l’hôpital, définissant son éthique et ses missions, afin d’y préciser les spécificités et les limites des interventions sociales.
De ces rencontres est né en nous le plaisir d’accompagner l’émergence de regards nouveaux et la recherche de sens par rapport à une clinique en proie à une précarité très prégnante.

Résumé en Anglais

We describe our supervision experience with a group of social workers operating in a Brussels public hospital which is situated in an impoverished district.
These social workers often feel torn between the requirements of the medical staff, the financial demands of the hospital administration and their own concern to attend to the needs of the hospitalized person.
Supervision provides a break and offers an escape from the daily pressures. It constitutes the creation of a space in which to think about the relational, emotional, institutional and social issues of their actions.
It is also a place of countenance, of sharing, of acknowledging of the professional experiences, a place of elaboration in order to build together understandings of the situations and intervention options, a place to lay out complex knowledge. It is a situation in which participants experience multiple identification models. This process can be compared with the concept of companionship.
Based on our own institutional experience and on our external position, our interventions aim at supporting participants in their reflexive and creative movements. Working with a psychoanalytic framework, we draw attention to the transferential and counter-transferential aspects of the helping relationship.
The supervision group contributes to an internal transformation process aiming at a stronger professional identity.