Fiche Documentaire n° 4207

Titre Les nouvelles pratiques de développement de soi au service des personnes fragilisées.

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Auteur(s) ziger geneviève  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Les nouvelles pratiques de développement de soi au service des personnes fragilisées.

Comment les personnes vulnérables et précarisées pourraient-elles s'impliquer de manière participative dans la vie citoyenne et communautaire lorsqu'elles imaginent qu'elles sont peu de choses, voire rien? Qu'elles ont peu conscience de leur identité positive, de leur besoins qu'elles sont bien en peine d'exprimer puisque peu conscientes d'elles-mêmes? Qu'elles disposent de peu de moyens d'expression, qu'elles sont souvent tournées vers le passé, tourmentées par des parcours difficiles, encombrées de deuils en panne, d'émotions difficiles à comprendre et parfois déplacées sur d'autres cibles, mal gérées et qui grèvent les liens sociaux et familiaux? Lorsque la principale préoccupation est tout simplement de satisfaire les besoins urgents de manger et de payer ses factures? Perdues dans une société de surconsommation où "il faut avoir pour être" et qui évolue à une vitesse qui les dépasse, sans plus fournir de repères stables mais, au contraire, fournissant une multitude de choix qui permet encore plus de s'égarer ? Comment imaginer demander à des personnes dans cet état de précarité intérieure, d'oser devenir des interlocuteurs participatifs, qui s'engagent et prennent leur place de citoyens?
A travers des activités d'insertion sociale de groupe au sein d'un Centre Public d'Action Sociale, j'ai mis en place une pratique qui participe progressivement à cet objectif.
En m'appuyant sur les objectifs d'un décret régional qui sont "de rompre l’isolement social, de permettre la participation à la vie sociale, économique, politique et culturelle, de promouvoir la reconnaissance sociale, d'améliorer le bien-être et la qualité de vie et de favoriser l’autonomie", j'ai conçu mon projet de travail, en collaboration avec une collègue assistante sociale.
Depuis 4 ans, nous avons entremêlé nos activités d'animation de groupe sur les thèmes les plus divers comme la cuisine, les jardins partagés, les ateliers créatifs, les sorties culturelles, les actions santé centrées sur l'alimentation et le logement, sorties nature, et bien d'autres encore, en impliquant de nombreux partenaires locaux dans nos activités. Nous avons financé notre démarrage en répondant à des appels à projets qui ont profondément enrichi nos actions, en vue d'obtenir une subvention récurrente.
Les ateliers de groupe sont des outils « déclencheurs » et des prétextes d’accroche et de mise en confiance et ils sont complétés par un travail d’accompagnement individuel, destiné à permettre aux personnes de retrouver le sens de leur histoire et développer leur pouvoir d’agir. Nous avons donc introduit de nouveaux outils d'accompagnement du changement dans notre pratique, empruntés au monde du coaching, de la PNL, du récit de vie, de la pédagogie de projet et destinés à favoriser le développement personnel. Notre démarche s'articule autour de 3 phases : 1- mise en confiance et remise en activité; 2- développement de soi et de estime de soi; 3- remise en projet de vie par l'implication sociale et/ou professionnelle.
Notre pratique produit de réels changements mais le travail social se heurte aux contradictions institutionnelles : il faut à la fois faire face à l'augmentation des exclus et en même temps à la réduction des dépenses de fonctionnement, le subventionnement faisant lui-même l'objet de remise en question. Les personnes doivent se remettre en action et faire leur place mais la société offre de moins en moins de possibilités d'inclusion aux plus défavorisés.
La méthodologie traditionnelle semble insuffisante pour répondre aux conditions d'insertion toujours plus exigeantes dans un contexte de + en + défavorable pour les personnes les plus fragilisées.
La communication vise à illustrer pratiquement l'utilisation de nouvelles méthodes d'accompagnement des plus fragilisés qui doivent inventer leur propre mode d'insertion.

Bibliographie

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Présentation des auteurs

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Communication complète

Communication Porto : Axe 3
Réinventer l’intervention sociale communautaire
pour recréer des liens sociaux et développer la citoyenneté
J'ai choisi de vous partager mon expérience de pratique et ma réflexion au sein d’un Centre Public d'Action Sociale dans une petite ville de 17.000 habitants, en Belgique et plus particulièrement au sein du service d'insertion sociale. Comment imaginer de pouvoir impliquer des populations vulnérables et précarisées à participer à la vie de la communauté et à s'impliquer de manière professionnelle ou citoyenne dans notre société et d’y retrouver une place ?
En effet, comment attendre de ces personnes qu'elles puissent réaliser ces objectifs lorsqu'elles imaginent qu'elles ne sont peu de choses, voire rien? Qu'elles ont peu conscience de leur identité positive, de leurs besoins qu'elles sont bien en peine d'exprimer ? Elles disposent de peu de moyens d'expression, sont souvent tournées vers le passé, tourmentées par des parcours difficiles, encombrées de deuils qui ne se font pas, d'émotions difficiles à comprendre, déplacées sur des situations ou personnes non concernées, mal gérées qui grèvent les liens sociaux et familiaux. Leur principale préoccupation est tout simplement de satisfaire les besoins primaires : se nourrir, se soigner. Elles sont également préoccupées par la nécessité de payer leurs factures. Perdues dans une société de surconsommation où il faut avoir pour être et qui évolue à une vitesse qui les dépasse, sans plus fournir de repères stables mais, au contraire, une multitude de choix qui permet encore plus de s'égarer. Comment imaginer de demander à des personnes prises dans un état de précarité intérieure d'oser devenir des interlocuteurs participatifs, qui s'engagent et prennent leur place de citoyens?
A travers nos activités d'insertion sociale de groupe, j'ai mis en place une série de pratiques qui participent progressivement à cet objectif.
Depuis de nombreuses années, les travailleurs sociaux de 1ère et 2ème ligne constataient que certaines personnes, trop accaparées par des situations sociales lourdes, n’étaient pas en mesure d’intégrer des formations classiques ou des contrats de remise au travail. Les méthodes d’intervention classique en travail social individuel arrivaient difficilement à provoquer les changements attendus. Des expériences isolées de travail de groupe avaient déjà montré l’intérêt d’une nouvelle approche. Le CPAS décide de créer son service d’insertion sociale en avril 2009 en s’appuyant sur le Décret de la Région Wallonne du 17 juillet 2003 et il m’en a confié la responsabilité. J'ai conçu mon projet de travail en collaboration d'une collègue chargée de la coordination sociale.
Le cadre légal du Décret fixe les objectifs qui sont de :
 rompre l’isolement social,
 permettre la participation à la vie sociale, économique, politique et culturelle,
 promouvoir la reconnaissance sociale, d'améliorer le bien-être et la qualité de vie,
 favoriser l’autonomie.

Il fixe également la méthodologie qui doit être constituée à partir d'un travail social de groupe, d'un suivi individuel lié à ce travail et tendre vers une évolution communautaire.
Le public visé est des personnes :
 entre 18 et 64 ans,
 en manque de liens sociaux,
 dont les revenus sont situés en-dessous du seuil de pauvreté
 qui ne sont pas en mesure d'intégrer une formation ou d’assumer un contrat de travail sans risquer l'échec.
 La participation est toujours sur base volontaire.
Concrètement, le profil des usagers présents dans les groupes est constitué de personnes issues du quart-monde qui reproduisent majoritairement des schémas de génération en génération et qui présentent des « déficits personnels » ; ce sont des personnes issues de la nouvelle pauvreté, victimes de la précarité du travail, du logement, des relations, … ou encore des personnes en décrochage suite à des épreuves de vie personnelle ou des problèmes de santé.
Elles ont souvent été confrontées à toutes sortes de violences qui ont favorisé l’émergence de processus négatifs : violences économiques (pauvreté, misère, chômage …), violences sociales (déchéance, inégalités, injustice …), violence symbolique (stigmatisation, disqualification …), violence physique (maltraitance, sévices sexuels …), violence psychologique (dévalorisation, rejet affectif, non reconnaissance et perte de sens …).
Ces facteurs sociétaux, familiaux et/ou individuels ont provoqué des dégâts psychosociaux importants chez les personnes et ont favorisé un retrait de la vie sociale, le repli sur soi, des difficultés ou ruptures familiales, un manque de confiance en soi ou d’estime de soi, de la passivité, de l'épuisement suite à l’accumulation de difficultés.
Au départ, nous avons mis en place des ateliers d'animation de groupe sur les thèmes les plus divers comme la cuisine, les jardins partagés, les ateliers créatifs divers, les sorties culturelles, les actions santé par l'alimentation et le logement, sorties nature, photos, vidéos, derbouka, etc.
Nous varions les thèmes afin d'attirer un maximum de profils en touchant différents centres d'intérêt. L'objectif du travailleur social est de créer l'accroche et d'inciter les bénéficiaires à découvrir, à expérimenter et à sortir de leur zone de confort.
En général, nous travaillons en co-animation en invitant un animateur spécialisé sur un savoir spécifique. Par le rôle centralisateur du CPAS, nous entremêlons nos activités d'animation en impliquant de nombreux partenaires locaux dans nos activités au sein desquelles ceux-ci viennent nous épauler de leur savoir et expériences; et nous avons financé notre démarrage en répondant à des appels à projets sur la réduction des inégalités sociales en santé, qui ont profondément enrichi nos actions.
Au sein des ateliers, le rôle du travailleur social est de s'occuper de la dynamique du groupe et de faciliter l'émergence des difficultés à travailler mais aussi les compétences insoupçonnées ou oubliées. Il veille au développement de la capacité à créer du lien social. Il recrée de la confiance en soi via des expériences positives au sein d'un espace d’expression. Il travaille le développement de l’autonomie, de la capacité de maitriser ses ressources personnelles, sa situation et son environnement. Il encourage l’envie de projet personnel et/ou professionnel.
Les ateliers sont seulement des outils « déclencheurs » et le travail social de groupe est complété d'un accompagnement social individuel qui permet l'instauration d’un parcours personnalisé pour chaque bénéficiaire, adapté à son niveau de difficultés ou de potentiel. Un bilan de départ est réalisé et des objectifs sont négociés à un rythme personnalisé.
En général, notre démarche d'accompagnement s'articule autour de 3 phases :

Dans la première phase de mise en confiance et de remise en activité, la personne doit reprendre l'habitude de sortir de chez elle, de retrouver un rythme, de franchir le pas d'entrer dans un groupe et à y faire sa place. Durant cette phase, le lien de confiance va se renforcer avec le travailleur social. Le simple fait d'utiliser des activités pour faire émerger les difficultés mais aussi les talents, produit déjà des changements chez les personnes qui s'épanouissent visiblement. Une série de constats positifs apparaissent. Nous assistons à une augmentation de la confiance en soi (capacités), l'apparition d'un meilleur moral et moins d’angoisse, un épanouissement personnel qui provoque des changements visibles physiquement, l'amélioration de la santé physique pour certains d’entre eux, l'augmentation de l’envie d’avancer dans la résolution de leurs problèmes sociaux (plus de démarches, plus d’autonomie, oser sortir…). Nous assistons au tissage de liens sociaux entre eux en dehors des activités, et la reprise du chemin du travail ou de la formation pour certains.
Toutefois, il s'agit d'un public très fragilisé et les itinéraires sont parfois en « dents de scie ». Nous assistons à une alternance d’évolutions positives et de crises selon les difficultés de la vie.
En effet, des personnalités présentant des problématiques psychologiques, un état dépressif, la présence de problèmes liés à l’alcool, fontt que les dysfonctionnements personnels des personnes peuvent les ramener facilement à leurs difficultés de départ.
Après une première période d'épanouissement, au fur et à mesure que les personnes vont mieux, le caractère « naturel » reprend le dessus, les personnalités s'affirment et vont reprendre le dessus et les schémas de fonctionnement vont se révéler, ainsi que la nature des problèmes. Vu la fragilité des personnes, celles-ci éprouvent souvent des difficultés à communiquer correctement et sont déstabilisées par leurs émotions qu’elles ont beaucoup de mal à gérer. La communication n'est parfois pas adaptée; souvent maladroite, agressive ou au contraire inexistante. Les personnes touchées se replient à nouveau sur elles-mêmes en vivant des émotions importantes et ont alors tendance à retourner vers l'isolement. Parfois, elles sont dans l’incompréhension de leur propre fonctionnement. En général, elles se stressent pour tout et pour rien et de nouvelles difficultés sociales et des tensions peuvent apparaître dans les nouvelles relations sociales.
Certains ont effectué une évolution remarquable au sein de nos activités, mais leurs progrès se sont parfois révélés instables ou éphémères face aux épreuves de leur nouvelle vie professionnelle.
Nous avons alors commencé à travailler la communication non violente et la gestion des émotions, sous forme de modules à thèmes.
Une fois le lien de confiance établi, le travailleur social peut les amener à s'intéresser à n'importe quel thème.
Les résultats étant encourageants, nous avons décidé de construire un outil de changement en profondeur afin de stabiliser les résultats, d’augmenter l'estime de soi, de proposer des outils d’analyse, mais également d’augmenter leur résistance à l’échec et stimuler la résilience.
Depuis décembre 2012, nous initions la phase de développement personnel. Nous introduisons donc progressivement de nouveaux processus d’intervention via de nouveaux outils d'accompagnement empruntés au monde du coaching, de la PNL humaniste, de la sophrologie, du développement du pouvoir d’agir.
Il ne s'agit pas seulement de mettre en place des groupes de paroles. Il est important d'amener un contenu pour ne pas être exclusivement dans un partage de vécus car, dans ce cas, les échanges ont facilement tendance à glisser vers un groupe de type thérapie pour lequel nous ne sommes pas formées et donc il est important de connaître ses limites.
En amenant un contenu vulgarisé, concret, des exemples, des moments de partage par rapport au contenu, on évite beaucoup plus facilement le piège de tomber dans un groupe de thérapie; ce que d'ailleurs les personnes ne souhaitent pas. Elles ont beaucoup de difficultés à entendre les épreuves et les souffrances des autres personnes car elles ont l'impression d’être envahies de surcharges négatives et d'émotions qui font échos, alors qu'elles ont déjà leurs propres épreuves. Par contre, lorsqu'on amène un contenu, elles éprouvent la fierté d'apprendre, de comprendre, de réaliser qu'on peut choisir, décider, de tester des outils et les informations apportées pour amener des changements dans leur propre vie. Cela les attire beaucoup plus et elles deviennent demandeuses.
Nous travaillons la connaissance de soi, avec ses forces et ses faiblesses, l'acceptation de soi, l'amour de soi, la mise en place d'une saine estime de soi. Nous tentons de faire émerger ce qui est important pour ces personnes, ce qu'elles auraient envie de réaliser de leur vie, le pourquoi et le pour quoi elles veulent ou font les choses... Nous travaillons également au développement de l'intelligence émotionnelle, c’est-à-dire, comment faire de nos émotions des alliées et non plus quelque chose qu'on subit. Cela permet de repérer ses besoins, ses valeurs et ses priorités pour que les personnes arrivent à les exprimer de façon acceptable.
Progressivement, nous amenons des interventions de type coaching, le terme étant pris ici dans le sens d'accompagnement du changement.
L'intérêt du coaching est de s'intéresser aux processus et non pas au contenu. Il ne s’agit pas de traiter du passé mais en quoi ce passé m'empêche aujourd'hui d'avancer : par rapport à une mauvaise image de soi, par rapport à des croyances, manque de confiance ou de repères...
Cela permet aussi de comprendre comment se mettent en place nos réussites et nos échecs, comment transformer une difficulté en opportunité, relativiser l'échec comme source d'apprentissage, etc.
Nous apportons aux personnes des clés de compréhension de leur propre fonctionnement et nous les aidons à comprendre comment elles se sont constituées en tant qu'individu. Elles découvrent, en tant qu'adulte, qu’elles ont le choix de décider de qui elles voudraient être c'est-à-dire de conserver ce qui les arrange et qui est bon pour elles et de se débarrasser des choses négatives et lourdes qui paralysent leur désir de changement. On démystifie la "façade personnelle" derrière laquelle l'humain a les mêmes besoins, peurs, qualités, défauts... tous humains pour prendre du recul par rapport aux manières inappropriées des autres de réagir. C’est une forme de protection, une façade et qui n'a rien à voir avec un manque de valeur de leur part.
J'utilise des outils de programmation neurolinguistique humaniste pour ses clés de compréhension et ses apports d'analyse, d'auto programmation, de pensée positive et son orientation vers l'action.
Cette forme de coaching amènera également la formulation de questions porteuses et la mise en objectif. Celui-ci peut être large mais on découpe en petits objectifs en utilisant la théorie des petits pas : un petit pas chaque semaine permet de faire beaucoup de chemin en quelques mois. Cela rend accessible plus facilement l'objectif, diminue la peur, les risques d'échec lorsqu'on se fixe un grand objectif à atteindre immédiatement. Cela permet l'accumulation de petites réussites, d'habitudes de réaliser de petites actions, de s'encourager et d'apprendre à s'engager.
La technique du récit de vie nous conduit à prendre conscience du chemin parcouru, du vécu passé revisité à la lumière de la maturité et de l'expérience de vie d'aujourd'hui, des aspects positifs de notre vie qui nous ressourcent et nous remplissent d'énergie. Nous découvrons aussi comment les épreuves ont aussi façonné nos forces ou créé des opportunités, comment ce regard conscient nous projette vers l'avenir ou nous incite à entamer un travail d’évolution personnelle.
La sophrologie permet de reprendre contact avec son corps et d'y ramener l'harmonie, d'expérimenter le lâcher-prise, la détente, la respiration et d'accueillir ce qui se produit sans a priori. Elle invite à se centrer sur le positif et permet également de s'entraîner à la visualisation : des petits exercices à utiliser au quotidien.
Le mélange de ces différentes techniques nous renvoie aux aspects multiples de la condition humaine : d'où je viens, ce que j'ai reçu, ce que j'en ai fait jusqu'à présent, qui je suis, quels sont mes acquis, qu'est-ce que je veux, comment puis-je y arriver?
L’ensemble des activités des phases 1 et 2 auront pour but la mise en place d’un panel d’activités à partir desquelles les personnes pourront progressivement s’engager dans des cercles vertueux d’estime de soi au sein desquels l’échec n’est plus perçu à la fois comme une fatalité ni une incitation supplémentaire à ne pas agir.
A travers nos apports, le rôle des parents et éducateurs sera parfois abordé mais respecté et explicité sous forme de méconnaissance, de transmission d'un mode de fonctionnement inadapté en réaction à un vécu personnel, d'intention positive maladroite ... L'acceptation, le deuil et le pardon font aussi partie des éléments travaillés.
L’intégration du participant aux différents types de modules se fait en fonction du niveau de difficultés individuelles de chacun.
Les ateliers d'accroche plus créatifs ou ludiques (phase 1) permettent d'avoir des espaces où « souffler » et oublier ses problèmes, pour faire face à l’ébranlement provoqué par les remises en question, pour retrouver des forces et se remonter le moral, pour être soutenus par la force du groupe, pour retrouver l’envie d’avancer, pour rire, dédramatiser, relativiser et prendre distance. Les ateliers de développement personnel (phase 2) préparent le retour vers l’insertion socioprofessionnelle, et/ou d’un projet de vie personnelle qui seront la 3ème étape. Les 2 types d'ateliers cohabitent et se complètent. Les groupes restent ouverts pour la plupart, ce qui provoque un effet d'entrainement des anciens sur les nouveaux.
Au fur et à mesure que le sentiment de fierté personnelle se développe, le besoin de se cacher s'estompe avec la prise de conscience qu’on peut être extraordinaire dans une vie ordinaire.
Lorsque l'évolution est suffisante, nous abordons la troisième phase qui travaille la remise en projet de vie par l'implication sociale et/ou professionnelle.
Un accompagnement vers les projets « après SIS » est réalisé et notamment l'orientation vers des relais sociaux compétents (service d’insertion socioprofessionnelle par exemple, etc), parfois des psychothérapeutes.
Toutefois, les statistiques montrent que 20 % des personnes suivies pourront repartir vers l'insertion socioprofessionnelle classique. Une question se pose donc : que faire des 80% des autres personnes, sachant que leur participation au sein de notre service n'est qu'un passage?
Quelle est leur place dans la société? Quel est leur projet de vie? Comment les faire évoluer vers des actions de type plus communautaire, vers un engagement citoyen?
Une manière d’y répondre est d’associer des partenaires locaux en mêlant nos ateliers avec leurs propres activités, de manière à introduire progressivement nos usagers dans ces structures extérieures, leur donnant ainsi la possibilité de s'introduire dans l'organisation de fêtes locales, de journées portes-ouvertes, de cours de promotion sociale pour adultes, des activités culturelles, du bénévolat... progressivement et sans nous.
Une autre façon de connecter la personne à la vie publique est de leur donnant la parole pour :
 présenter le vernissage de leur exposition,
 une interview sur une télé locale ou par la Fondation Roi Baudouin pour l'écriture d'un article dans leur revue,
 un témoignage lors d'une journée santé réalisée pour les professionnels,
ou encore :
 en réalisant un dvd d'expression,
 en utilisant leurs réalisations artistiques pour décorer des locaux publics etc...
Quelle peut être la place de l'A.S. dans un tel processus ?
Le travail en groupe provoque un changement de contexte qui modifie la relation avec l'usager. La barrière du bureau disparait, la relation, tout en restant professionnelle, se fait beaucoup plus proche : nous travaillons sur un fil à la limite entre le personnel et le professionnel; le savoir-être de l'AS est très important pour trouver le juste équilibre. Nous expliquons clairement à l'usager notre place lors de la première rencontre. L'AS descend du "piédestal professionnel" et rejoint l'usager sur le plan humain. C'est là que se fait la rencontre et se noue la confiance. Il y a un certain partage mais pas de confidence de l'AS. Dans les groupes, l'AS se met en situation en réalisant la même activité que l'usager : il aborde la difficulté, la réussite, l'échec, le ridicule, rira de lui-même avec une estime de soi stable, manie l'humour pour relativiser. Il démystifie l'envers du décor, les façades humaines impressionnantes …, dans une relation authentique et sincère.
Nous ne sommes pas "ceux qui savent" qui s'occupent de "ceux qui ne savent pas". En cherchant des informations pour eux, nous apprenons en même temps et nous évoluons aussi, nous testons les outils sur nous et nous le disons. Passer par le parcours qui sera fait par les usagers est réellement un « + ».
Dans un exemple cité en conférence, Guy Corneau dit que l’enfant constitue son image de lui dans le miroir de ses parents et que si le miroir était « abimé », il est difficile pour l’enfant de se constituer une belle image. A travers ce type de travail effectué, l’A.S devient un nouveau miroir pour l’usager et il doit veiller à être un miroir de qualité, c’est-à-dire, d’avoir lui-même cheminé en développement personnel. Il doit avoir une bonne connaissance de soi, de solides repères et une formation complémentaire spécifique.

En conclusion
Travailler sur base d’appels à projet peut être motivant car cela oblige à élever le niveau de réflexion sur la pratique mise en place, à se fixer des objectifs qu’on ne se serait pas forcément fixé sans cet incitant, à plus analyser les problématiques et évaluer notre pratique. Cela oblige à sortir d’une éventuelle routine professionnelle. L’inconvénient est une surcharge de travail administratif de justification qui vient s’ajouter à toujours plus d’administratif. Lorsque le projet est financé par une instance extérieure à notre institution, cela génère, en quelque sorte, une double hiérarchie de pouvoirs auxquels il faut rendre des justifications, les injonctions s’additionnant. Des résultats sont attendus mais les moyens mis à disposition ne sont pas toujours à la hauteur des besoins professionnels pour obtenir ces résultats.
Si je reviens au Décret de la Région Wallonne qui sous-tend notre mission et nos actions, celui-ci incite au développement communautaire. Or, avec des profils fragilisés de personnes exclues ou en marge de l’être, il faut tenir compte des processus à l’œuvre dans leur histoire. Même s’ils évoluent beaucoup à travers nos actions et retrouvent l’envie de s’impliquer dans des projets, ils ne sont pas en mesure de créer, porter et gérer cette dynamique seuls. En temps de travail, notre service dispose de 1,1 équivalent temps plein travailleur social pour penser l’action, l’organiser, la gérer, la coordonner avec les partenaires, créer l’outil pédagogique, accrocher le public, gérer les décrochages, faire les suivis individuels, les animations de groupe, aider les personnes à mettre en place leurs projets de vie professionnelle et personnelle et développer des actions collectives, etc. xxx
Les agents qui nous assistent sont en contrat précaire : 5 agents différents en 4 ans. Lorsque l’agent est enfin formé, ce qui demande du temps et de l’énergie supplémentaire, son contrat se termine et nous devons attendre une nouvelle possibilité de désignation qui tarde parfois et dont le profil est aléatoire. Comment, dans ces conditions, créer une action collective? Même si le travail en cours avec les usagers les prépare à cette voie, nous avons peu disponibilité pour gérer ce processus. Sans la sécurité d’une équipe stable, sans moyen suffisant, il est téméraire et inconscient de se lancer dans un tel développement.
Pourtant, il est illusoire d’imaginer que l’Etat puisse trouver des solutions à tous les problèmes qui se posent à la société actuelle et il est clair que l’individu et les communautés doivent se prendre en charge de plus en plus et trouver et développer des alternatives. En Belgique, l’Etat fédéral se décharge de plus en plus vers les administrations locales, qui sont au bord de l’asphyxie financière.
L’injonction principale de l’époque actuelle est que le bénéficiaire doit s’activer prioritairement vers l’emploi. La pression est énorme, la menace d’exclusion est réelle, au point qu’on parle même maintenant de burnout chez les bénéficiaires d’allocations sociales. Certains pourront avancer que les bénéficiaires ne sont pas motivés. Quel est le sens de l’activation ? S’activer mais vers quoi ? Tout le monde sait que le nombre d’emplois disponibles est insuffisant pour tous. Quelle place la société peut-elle proposer à ces personnes ? Alors que certains travaillent trop et d’autres pas assez, qu’on prolonge les carrières alors que des jeunes peinent à trouver un emploi, dans une société où l’humain a de moins en moins de place, il me semblerait intéressant de développer des pistes de réflexion autour de la notion d’utilité sociale de l’individu. Il est urgent d’avoir une réelle réflexion sur un projet de société qui rendrait une place à l’humain en fonction des possibilités réelles de chacun pour combler des besoins non marchands.
La formation actuelle des travailleurs sociaux tient-elle compte de ces nouveaux défis ? Sont-ils préparés à développer des actions collectives et communautaires ? Prêt à accompagner les projets et les personnes vers le développement de leur potentiel et vers la réussite ? Prêt à endosser le rôle d’agent de changement ?
Le monde politique est-il prêt à soutenir ces formes de développement alternatif pour notre société actuelle ?

Résumé en Anglais


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