L'incommensurabilité des pratiques en travail social ?
De manière schématique, on peut dire que le travail social est progressivement passé du vocationnel au professionnel. Nous en sommes aujourd’hui au temps de la remise en cause où l’on interroge les logiques de prises en charge d’hier. Ce temps est marqué, entre autres, par l’apparition d’un vocable nouveau (usagers, compétences, référentiels, performances, résultats…) et, surtout, par une centration sur les questions d’évaluation des pratiques. Dans ce cadre, l’évaluation suscite craintes et interprétations diverses.
Notre communication s’articulera autour de deux points principaux. Le premier concernera la question de l’évaluation. Ainsi, nous tenterons de montrer en quoi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle permet de rendre plus intelligible le travail social et d’impulser un véritable travail de recherche sur les terrains professionnels.
Le deuxième point concernera un travail qui est en cours de réalisation à La Sauvegarde du Nord, à savoir la formalisation des pratiques dans le cadre d’un ouvrage collectif à venir, à partir d’une logique qui met en tension le travail réel et le travail prescrit. Cet ouvrage vise à révéler les espaces d’intervention réels et actuels des travailleurs sociaux au sein d’un réseau de contractions professionnelles.
Les qualités heuristiques de l’évaluation…
Avec les obligations induites par la loi de Modernisation sociale, et notamment avec ce que permet l’évaluation interne, l’opportunité est donnée au travailleur social lui-même de mettre au jour et à distance les pratiques en action sociale, de mieux réfléchir à leur efficacité (n’ayons pas peur des mots) et, au regard des nouvelles problématiques sociales, à leurs modalités de développement. Cette réalité, à condition que l’on dépasse nos représentations premières et que l’on accepte de s’engager véritablement dans les démarches auto évaluatives et évaluatives, ouvre le terrain de la recherche en travail social, d’une recherche qui, nous le soulignons, n’a de véritable sens et de devenir qu’en articulation avec des pratiques scripturales associées.
Le prescrit et le réel en travail social : un travail et un ouvrage en cours à La Sauvegarde du Nord…
Un travail collectif en cours au sein d’une équipe de recherche interne à La Sauvegarde du Nord a pour objectif, entre autres, de présenter et d’analyser une pluralité de pratiques/expériences en travail social selon une logique commune à tous les contributeurs, celle qui consiste à mettre au jour un certain nombre de tensions, voire de contradictions, qui ponctuent les pratiques quotidiennes actuelles en travail social. Ce travail s’inscrit au cœur de questionnements centrés sur « travail réel/travail prescrit », et-ou « représentations/réalités », et-ou « officiel/officieux »…
Des perspectives prometteuses…
S’il est indiscutable que le travail social aborde aujourd’hui une ère nouvelle, il reste qu’il apparaît toujours comme « sous-terrain », non dit (ou mal dit), non partagé, et qu’il souffre, aujourd’hui comme hier, d’un manque de reconnaissance.
Face à cette réalité et à l’évolution de notre secteur professionnel, notre contribution lors du congrès de Genève tentera finalement de montrer que l’avenir du travail social repose en partie sur le développement des pratiques de recherche en son sein, c’est-à-dire au plus près des usagers. Il s’agit là d’une recherche appliquée, incarnée, intégrée dans les établissements et les services. Car c’est ce contact direct, authentique, avec les enfants, les adolescents, les adultes en difficulté qui est le plus précieux. C’est en effet cette relation humaine, toujours singulière, dont est témoin en première ligne le travailleur social, qui doit faire le terreau d’une recherche dont les finalités sont éminemment sociétales.
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