Quelles conditions pour une participation permettant de constituer des publics ?

Nous postulons que les processus de participation permettent de constituer des publics et que cela a des impacts sur les solidarités. Par « constitution » des publics, nous entendons la création d’un ensemble instauré par les personnes concernées afin de se « rendre capables » (au sens du concept de « capabilités » développé par Sen) de faire exister un point de vue reconnu autour de thématiques sociales actuelles telles que l’écologie, la pauvreté, les réseaux solidaires et de proximité ou l’accès à l’art et à la culture par exemple. Nous postulons que cette « constitution » peut avoir des effets sur la recomposition des solidarités et les transformations des rapports à autrui et des rapports collectifs.

La participation est utilisée de manière abondante pour qualifier toute pratique ou expérience qui implique le citoyen mais la plupart du temps, ni la manière, ni le degré de participation, ni le statut des personnes, ni non plus le rôle que l’on donne au participant (citoyen) ne sont définis. En passe d’être dénaturée tant son usage est devenu abusif la notion de participation est un concept qualifié de concept « attrape-tout » par certains auteurs. Par ailleurs, en Suisse, la notion de participation culturelle se développe de manière importante, notamment du fait que l’office fédéral de la culture désigne celle-ci comme un objectif prioritaire de politique culturelle pour la période 2016 à 2020. Il est légitime de se demander quels types de projets participatifs assurent et soutiennent de réelles contions pour que l’on puisse parler d’engagement des participants ?

Dans un premier temps, nous envisagerons la participation en tant que processus global ou un ensemble de processus s’inscrivant dans la durée et que la délibération ne saurait suffire pour parler de participation et que celle-ci n’existe qu’en situation ou dans l’action.

Dans un second temps, nous aborderons les conditions et les dispositifs qui devraient être mis en place pour que l’on puisse parler de participation réelle, et qu’elle permette l’émergence de la capacité d’expression des publics et leur constitution autour d’un objet.

A partir de Sen et Bonvin sur le concept de « capabilité », d’Agamben et de Foucault sur la question des dispositifs, d’Abensour sur celle de l’émancipation et de Deleuze sur celle du désir, nous tenterons de faire des liens avec l’émancipation par la participation et la recomposition de solidarités par la constitution de publics. Nous aborderons également Dewey et son concept de l’organisation d’un public effectif et de la difficulté de celui-ci à se situer et à se constituer dans une expérience partagée. Enfin, nous traiterons de l’expérience, telle que définie par de Jonckheere, permettant la valorisation des personnes à travers des dispositifs refusant d’exclure.

Abensour, M. (2009). Pour une philosophie politique critique. Paris, Sens & Tonka, 2009.
Cervera-Marzal, M. (2013). Miguel Abensour, critique de la domination, pensée de l'émancipation. Paris : Sens et Tonka.
Agamben, G. (2007). Qu’est-ce qu’un dispositif ? Genève : Editions Payot Rivages.
Bonvin, J.M. « La démocratie dans l'approche d'Amartya Sen ». In L'Économie politique 2005/3 (no 27), p. 24-37.
Deleuze, G. (1995). L’Abécédaire de Gilles Deleuze. Pierre-André Boutang et Claire Parnet. ARTE-TV
Dewey, J. (2010). Le public et ses problèmes. Paris : Gallimard, Folio Essais.
Jonckheere de, C. (2010). 83 mots pour penser l’intervention en travail social. Editions IES : Genève
Jonckheere de, C. (2011). Un regard sur la médiation culturelle du point de vue de la philosophie de l’esthétique. In : Regards sur la médiation culturelle à partir d’Article 27. Bruxelles.
Sen A. (2000). Un nouveau modèle économique. Développement, justice et liberté. Paris : Odile Jacob.

Professeure à la HES travail social à Lausanne, titulaire d’un Bachelor en animation socioculturelle, d’un DSTS de l’Université de Neuchâtel et d’un Master en ergologie de l’Université d’Aix-Marseille. Mes enseignements s’inscrivent dans les domaines des méthodologies d’intervention collectives, de l’analyse de l’activité et de la médiation culturelle et de la participation culturelle.

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