Fiche Documentaire n° 4471

Titre Une planification stratégique participative :
expérience prometteuse de solidarités multiples

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Auteur(s) MATTA Houwayda
Hijazi Madeleine
 
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Une planification stratégique participative :
expérience prometteuse de solidarités multiples

Dans différentes problématiques sociales et socioéducatives, la relation famille-institution semble être marquée par une rivalité et des expériences difficiles de rencontre (André-Fustier, 2001, Segers-Laurent, 2013), puisqu’elle engage deux systèmes véhiculant des logiques et des équations différentes (Grange-Ségéral, 2012 ; Segers-Laurent, 2013). Des disqualifications mutuelles risquent de prévaloir, reléguant les familles à la périphérie du dispositif de prise en charge perçu alors comme un danger pour l’enfant et une attaque à la fonction parentale (André-Fustier, 2001, Bardeau-Garneret, 2007). Le jeune se trouve ainsi coincé entre ces deux références et surtout pris par un conflit de loyauté (Segers-Laurent, 2013).

Dès lors, l’entière actualisation du partenariat reconnu comme une panacée pour un meilleur service au jeune, interpelle davantage l’acteur institutionnel appelé à reconnaitre et à affirmer une place légitime aux parents en tant que partenaires à part entière dans les processus institutionnels concernant leur jeune (André-Fustier, 2001; Petitot et Deswaene, 2001).

Adhérant à cette mission, une institution sociale libanaise, offrant des services polyvalents aux jeunes et familles en difficulté, s’est proposée dans le cadre d’un projet de restructuration d’instaurer une nouvelle Unité d’accueil et de support aux familles. Tenant à fonder l’élaboration du plan stratégique de l’éventuelle structure sur l’implication profonde des familles, cette institution sollicite l’École libanaise de formation sociale comme établissement de formation et de recherche pour l’appuyer dans sa démarche.

Une approche de recherche participative fut alors privilégiée (Mayer et al., 2000) impliquant les intervenants du terrain dans toutes les étapes du processus. Deux temps forts marquent cette démarche. Il est d’abord question d’une analyse stratégique basée sur l’étude des besoins des parents visant à « comprendre quel regard la famille [a] sur l’institution, comment elle [s’approprie] ce milieu, [et] les éléments qui [composent] le décor de cette relation en construction » (Schnegg, 2012 : 57). Vient ensuite une mobilisation collective des intervenants et des cadres professionnels de l’institution pour proposer, dans le cadre d’un forum communautaire, les différentes composantes du plan escompté en tenant compte de la totalité des besoins issus des familles.

Plusieurs types de solidarités émergent de cette expérience. Nous évoquons en premier lieu la solidarité université-terrain favorisant la consolidation des capacités institutionnelles en termes de recherche et de planification stratégique. Il s’agit également d’une solidarité intra institutionnelle transformant les différents acteurs institutionnels, participant étroitement l’élaboration du plan stratégique, en tuteurs enthousiastes de ce projet.

Toutefois, le niveau de solidarité le plus important se situe dans l’interface famille-institution. Invitées pour la première fois dans leur histoire à insuffler la politique institutionnelle, les familles connaissent une expérience particulière de valorisation et de reconnaissance. Quant aux professionnels, ils se sont trouvés auteurs d’une nouvelle approche institutionnelle qui attribue à l’aide proposée son plein sens en abordant les familles comme partenaires (Maestre, 2011).

Bien que prometteuse, cette expérience ne représente qu’un début de parcours plein de défis vers une « coresponsabilité » entière (Giroud, 2002 : 91). Cette dernière exige une triangulation jeune-famille-institution où la place et les attentes de chaque acteur sont constamment redéfinies (Petitot et Deswaene, 2001; Bardeau-Garneret, 2007) puisqu’un vrai espace de collaboration positive est toujours à créer et à gérer (André-Fustier, 2001).

Bibliographie

Bibliographie

André-Fustier, F. (2001). « Quels dispositifs institutionnels pour des familles en grande difficulté psychique ? », La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2001/4, (no 46), p. 71-79.

Bardeau-Garneret, J.-M. (2007). « Les relations entre parents et professionnels de la réadaptation : quelle évolution ? », La famille à l’épreuve du handicap, Reliance, (no 26), p.59-62.

Giroud, M. (2002). « De la recherche d’un partenariat à un partenariat de recherche », Partenariat : chercheurs, praticiens, familles, Québec : les éditions logiques.

Grange-Ségéral, E. (2012). « Intérêt et limites du travail avec les familles en institution », dans Rencontrer les familles dans les institutions sociales et médico-sociales aujourd'hui, Journée du Réseau Régional de Rééducation et de Réadaptation Pédiatrique en Rhône Alpes (R4P), 23 novembre 2012.

Maestre, M. (2011). « De la psychothérapie familiale à l'entretien familial systémique. De la demande intrafamiliale à la demande d'un tiers professionnel extérieur », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2011/1 (n° 46), p. 19-32.

Mayer, R., Ouellet, F., Saint-Jacques, M.- C., Turcotte, D. et al. (2000). Méthodes de recherche en intervention sociale, Gaëten Morin éditeur.

Petitot, F. & Deswaene, B. « Introduction », La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2001/4 (no 46), p. 5-7.

Schnegg, O. (2012). « La place des familles dans le parcours institutionnel du résident », Revue internationale de soins palliatifs, 2012/2, (Vol. 27), p. 57-62.

Segers-Laurent, A. « Familles, jeunes et institutions : quelques réflexions », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2013/1 (n° 50), p. 151-161.

Présentation des auteurs

Houwayda MATTA, Ph.D en Service social, Professeur associé, Ecole libanaise de formation sociale, Faculté des lettres et des sciences humaines, Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Madeleine HIJAZI, Master en Travail social, Chercheur principal.

Communication complète

MATTA, Houwayda, t.s. Ph.D.
Professeur associé, École libanaise de formation sociale, Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban
houwayda.bouramia@usj.edu.lb

HIJAZI Madeleine, t.s. Master en Travail social


Introduction

Dans différentes problématiques sociales et socioéducatives la relation famille-institution semble être marquée par des expériences difficiles de rencontre (André-Fustier, 2001, Segers-Laurent, 2013), puisqu’elle engage deux systèmes véhiculant des logiques différentes (Grange-Ségéral, 2012). Dès lors, l’entière actualisation du partenariat, reconnu comme une panacée pour un meilleur service au jeune, interpelle davantage l’acteur institutionnel à reconnaitre et à affirmer une place légitime aux parents en tant que partenaires dans les processus concernant leur jeune (André-Fustier, 2001 ; Petitot et Deswaene, 2001).

Adhérant à cette mission, une institution sociale libanaise s’est proposée dans le cadre de deux de ses secteurs, spécialisés dans la prise en charge d'enfants handicapés, d’instaurer une nouvelle Unité d’accueil et de support aux familles des enfants desservis.

Il s’agit d’un organisme non gouvernemental assurant une diversité de services à une panoplie de populations (enfants orphelins ou atteints d'handicap physique et mental ; personnes âgées ; personnes et familles en difficultés socioéconomiques ; etc.). La finalité de cette institution est celle de contribuer à la protection sociale, au développement global et à l'intégration sociale des personnes et des familles les plus défavorisées.

Les deux secteurs spécialisés concernés par l’Unité à instaurer offrent aux enfants atteints d'handicap physique et mental des services éducatifs, rééducatifs et d'insertion socioprofessionnelle organisés en classes de formation réunissant les enfants selon l'âge, le type et la sévérité du handicap. Comme ils s’adressent aux familles par des interventions psychosociales. Autour de 400 familles bénéficient de ces services.

Tenant à fonder l’élaboration du plan stratégique de l’éventuelle structure sur l’implication profonde des familles en appliquant une démarche rigoureuse, cette institution sollicite l’École libanaise de formation sociale (ELFS) comme établissement de formation et de recherche pour lui fournir le support scientifique nécessaire à l’exécution de ce projet. Une enseignante-chercheure de l’ELFS dirige l’ensemble du processus méthodologique aboutissant à la production du plan escompté. Ce processus fut exécuté par une intervenante-chercheure nommée à la tête de l'éventuelle structure et qui a associé quelques collègues du terrain pour la seconder.

Processus méthodologique

Une approche participative fut privilégiée impliquant étroitement les familles ainsi que les intervenants et les cadres en œuvre dans les deux secteurs désignés. Trois temps forts marquent le processus méthodologique mené : une étude des besoins, un forum communautaire et la production du plan stratégique.

L'analyse des besoins

Auprès du personnel institutionnel : visant à cerner la réalité et les besoins spécifiques des familles et à explorer des pistes d'interventions, cette étude se présente comme « un outil de planification » servant à établir des priorités stratégiques par rapport aux demandes de la population (Massé, 2010 : 73).

Trois focus groupes furent menés auprès de : 8 chefs de services, 5 responsables éducatifs et 9 psychologues.

Neuf entrevues semi-dirigées furent menées auprès de : trois coordinateurs de services, deux travailleuses sociales, trois auxiliaires familiales et une assistante technique.

31 acteurs institutionnels furent ainsi rejoints, le nombre des répondants, regroupés selon la nature de leur action, ayant dicté le choix de la technique utilisée (Mayer et Ouellet, 1991).


Auprès des parents : l'objectif visé est celui de comprendre « quel regard la famille [a] sur l’institution, comment elle [s’approprie] ce milieu, [et] les éléments qui [composent] le décor de cette relation en construction » (Schnegg, 2012 : 58).

Préoccupées d'assurer une représentativité des parents selon les divers types d'handicap des enfants et les différentes classes socioéducatives et économiques, un échantillonnage probabiliste fut privilégié.

Le recrutement des participants fut d'abord initié par des lettres adressées aux parents des élèves de certaines classes ciblées au sein des secteurs concernés, choisies suivant la méthode d'échantillonnage par grappes (Mayer et al. 2000). Ces lettres énoncent les objectifs de l'étude et invitent les parents à participer soit à une entrevue individuelle, soit à un focus-groupe en leur clarifiant que leur participation demeure libre et que leur anonymat et la confidentialité de leurs propos seront sauvegardés (Crête, 2003).

Un échantillon de 162 parents volontaires fut constitué, 152 parmi eux participant à des focus-groupes réunissant en moyenne 9 à 10 personnes, alors que 10 répondants ont préféré s'exprimer au sein d'entretiens semi-dirigés.

Un forum communautaire orientant les décisions

Rassemblant les intervenants et les cadres des secteurs concernés, ce forum vise à partager avec ces derniers les résultats de l'analyse des besoins et à les mobiliser pour proposer différentes orientations au plan stratégique en réponse aux besoins identifiés. Suite à un travail par petits groupes, un accord commun fut obtenu lors d’une séance plénière sur des pistes d'actions à retenir.

L'élaboration du plan stratégique

Les différents axes de ce plan résultent d'un croisement entre les résultats de l'analyse des besoins, des pistes d'actions retenues lors du forum communautaire et d'une analyse des forces, vulnérabilités et opportunités internes et externes de l'institution.

Le premier axe concerne la politique interne de l’Unité et inclut trois objectifs stratégiques visant à consolider le partenariat avec les familles, à renforcer l'espace de parole des familles en regard des orientations institutionnelles et à améliorer les qualifications professionnelles pour une meilleure approche des familles.


Une expérience favorisant l’émergence de solidarités multiples

Plusieurs types de solidarités émergent de cette expérience.

Une solidarité institution-famille se traduisant principalement par la place attribuée aux parents, une place qu'ils n'occupaient pas auparavant au sein de l'institution et par l'effet créé par cette place sur le positionnement des acteurs institutionnels.

Les parents profitent d'un temps privilégié d'écoute et d'une expérience particulière de valorisation et de reconnaissance susceptible d’accroitre leur confiance dans l'institution et d’insuffler la politique institutionnelle. Quant aux acteurs institutionnels, conscientisés sur les souffrances des familles affectant le partenariat (Giroud, 2002), ils développent une responsabilité solidaire en veillant à inclure dans le plan stratégique les réponses nécessaires aux besoins partagées par les parents.

Une solidarité intra institutionnelle sollicitant les acteurs institutionnels impliqués étroitement dans la démarche à réviser leur manière d’être ensemble entre professionnels (Gagnier & Roy, 2013). La reconnaissance de leur expertise les transforme en des auteurs d'une œuvre commune dont ils se voient enthousiastes à soutenir et à légitimer (Delaloy & Foudriat, 2016).


Une collaboration université-institution situant ces deux mondes dans une position de gagnant-gagnant.

L'institution profite d'un occasion porteuse d'apprentissage à plusieurs de ces acteurs profitant de différents temps de formation par la pratique à : la méthodologie de l'analyse des besoins, la conduite d’entretien semi-dirigés et de focus-groupes, l'analyse de contenu, les dispositions éthiques, l'analyse et la planification stratégique.

Quant à l'acteur universitaire il se met en contact étroit avec l’évolution des besoins du monde de la pratique et accède à une meilleure compréhension des problématiques sociales et des réalités institutionnelles permettant d’alimenter le savoir académique par des éléments de connaissance contextualisés.
Par ailleurs, cet acteur devient averti des besoins plus pressants du monde professionnel auxquels la formation universitaire devrait répondre tels que par exemple la nécessité de rendre les enseignements en matière de recherche plus accessibles aux terrains de pratique.

Sur un autre plan, cette collaboration augmente la visibilité de la formation en travail social et met l’accent sur l'importance de munir les terrains de pratique de professionnels en Travail social hautement qualifiés. Comme elle consolide les perspectives de stages de premier et de deuxième cycle.


Conclusion

Bien que prometteuse, cette expérience ne représente qu’un début de parcours plein de défis vers une coresponsabilité entière.

Sur le plan méthodologique, nous aurions gagné à faire participer les familles au forum communautaire en dépit de nos appréhensions d'un éventuel enjeu de pouvoir attribuant aux acteurs institutionnels une avancée sur les parents.

Au niveau du lien famille-institution, un plein accomplissement du partenariat exige la précision des modalités d'agir ensemble à la base d'une triangulation personne-famille-institution (Petitot et Deswaene, 2001 ; Bardeau-Garneret, 2007).

Quant au rapports intra institutionnels, connaissant une solidarité qui risque d'être provisoire car liée aux circonstances de ce projet, il importe de rester conscient qu'un espace de collaboration positive est toujours à créer, à gérer, à élaborer (André-Fustier, 2001).

Finalement, cette expérience confirme la nécessité de créer une interface de rencontre entre le monde universitaire et celui de la pratique où d'autres modes de collaboration innovante, différents de ceux qui sont actuellement d'usage, doivent être pensés afin d’augmenter la valeur de l'université dans son contexte d'implantation.



Bibliographie

ANDRÉ-FUSTIER F. (2001), « Quels dispositifs institutionnels pour des familles en grande difficulté psychique ? », La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2001/4, (n° 46), p. 71-79.

BARDEAU-GARNERET J.-M. (2007), « Les relations entre parents et professionnels de la réadaptation : quelle évolution ? », La famille à l’épreuve du handicap, Reliance, (n° 26), p. 59-62.

DELALOY M., FOUDRIAT M. (2016), « Une interprétation des questionnements récurrents de l’encadrement intermédiaire de l’action sociale », Forum, Revue de la recherche en Travail social, Management, encadrement, quelle évolution, (n° 147), p. 33-47.

GAGNIER J-P., ROY L. (2013), « Réflexion sur la collaboration interdisciplinaire », De Boeck Supérieur, Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, (n° 50), p.85-104.

GIROUD M. (2002), « Famille, professionnels, personne handicapée mentale : le partenariat à l’épreuve du quotidien », In V. Guerdan, J.M. Bouchard et M. Mercier (dir.), Partenariat chercheurs, praticiens, familles : de la recherche d’un partenariat à un partenariat de recherche, VIe Congrès de l'Association Internationale de recherche scientifique en faveur des personnes handicapées mentales (AIRHM), Montréal : Les Éditions Logiques, p. 88-94.

GRANGE-SÉGÉRAL E. (2012), « Intérêt et limites du travail avec les familles en institution », In Rencontrer les familles dans les institutions sociales et médico-sociales aujourd'hui, Journée du Réseau Régional de Rééducation et de Réadaptation Pédiatrique en Rhône Alpes (R4P).

MAYER R., OUELLET F. (1991), Méthodologie de recherche pour les intervenants sociaux. Boucherville, Québec : Gaëtan Morin.
MAYER R., OUELLET F., SAINT-JACQUES M.C., TURCOTTE D. et al. (2000), Méthodes de recherche en intervention sociale, Boucherville, Québec : Gaëten Morin éditeur.
MASSÉ L. (2010), « L'évaluation des besoins : un outil de planification », In M. Alain et A. Dessureault (dir.), Élaborer et évaluer les programmes d'intervention psychosociale, Presses de l'Université du Québec, pp. 73-98.


PETITOT F., DESWAENE B. (2001), « Introduction », La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2001/4 (n° 46), p. 5-7.

SCHNEGG O. (2012), « La place des familles dans le parcours institutionnel du résident », Revue internationale de soins palliatifs, 2012/2, (Vol. 27), p. 57-62.

SEGERS-LAURENT A. (2013), « Familles, jeunes et institutions : quelques réflexions », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 1 (n° 50), p. 151-161.

Résumé en Anglais


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