Fiche Documentaire n° 4472

Titre Pour des outils de cybersanté inclusifs : une recherche-action participative pour éviter le fossé numérique.

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Auteur(s) Latulippe Karine
Hamel Christine
Giroux Dominique
 
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Pour des outils de cybersanté inclusifs : une recherche-action participative pour éviter le fossé numérique.

Problématique : La cybersanté offre la promesse d’une amélioration de l’accessibilité aux services de santé, transcendant le temps et l’espace (Munoz, 2010) et réduisant le coût des systèmes de santé (Nolke, Mensing, Kramer et Hornberg, 2015; Reinwand, Schulz, Crutzen, Kremers et de Vries, 2015). Elle vise notamment à réduire la crainte de certaines personnes d’être vues lorsqu’elles recherchent de l’aide, diminuant ainsi le potentiel d’embarras, la désapprobation sociale et les stigmates qu’elles peuvent éprouver lorsqu’elles fréquentent un service (Huxley, Atherton, Watkins et Griffiths, 2015; McAuley, 2014).

Or, la cybersanté a aussi le potentiel d’augmenter les inégalités sociales de santé (ISS) (Kontos, Blake, Chou et Prestin, 2014; McAuley, 2014; Reinwand et al., 2015; Viswanath et al., 2013). En effet, le fossé numérique ou digital divide réfère aux difficultés d’accès aux outils de cybersanté (ordinateurs, internet, tablette électronique, téléphone intelligent), mais aussi aux lacunes liées aux connaissances, aux compétences et au niveau de confiance dans l’utilisation de ces outils. Ce concept inclut de plus les difficultés de littératie liées à la santé, les attitudes et comportements vis-à-vis la recherche d’aide et le manque de considération culturelle. Le choix des outils utilisés par le réseau de la santé et des services sociaux qui ne sont pas développés en considérant les personnes à risque d’ISS représente un enjeu de solidarité. Le fossé numérique s’avère être un problème de justice en santé (Baur, 2008) et contribue à l’augmentation des ISS.

Question de recherche : Comment outiller les chercheurs et les designers pour favoriser le développement d’outils de cybersanté inclusifs et qui contribuent réellement à la lutte aux ISS?

Méthodologie : Basé sur une revue systématique et une métasynthèse rigoureuse (Latulippe, Hamel et Giroux, soumis) et dans une perspective d’universalisme proportionnel, un processus d’utilisation d’un outil de cybersanté qui considère les personnes à risque d’ISS sera exploré sur le plan empirique dans une recherche-action participative (RAP). Le cadre théorique Knowledge-to-action (KTA) (Graham et al., 2006) soutiendra ce processus de recherche. Cette RAP sera à double niveau. D’une part, le présent projet impliquera des chercheurs et designers afin de développer et d’adapter un guide pratique pour le développement d’outils de cybersanté accessibles à tous. D’autre part, il explorera, à même un processus de codesign en situation réelle, les effets de ce codesign chez des proches aidants à risque d’ISS.

Résultats : Le processus d’utilisation d’un outil de cybersanté qui considère les personnes à risque d’ISS sera présenté ainsi que le processus de la RAP. Les résultats préliminaires de l’évaluation des barrières et des facilitateurs pour un développement d’outils inclusifs en cybersanté chez les chercheurs et designers seront présentés.

Contributions à l’avancement des connaissances : Dans une perspective de solidarité, les décideurs, chercheurs et designers ont aussi un rôle à jouer afin de s’assurer que les outils développés en cybersanté soient inclusifs et accessibles à tous. Le présent projet met en lumière une méthodologie pour favoriser cette solidarité en outillant les chercheurs et designers sur le processus d’utilisation d’un outil de cybersanté qui considère les personnes à risque d’ISS, mais aussi par l’expérimentation en situation réelle de ce processus avec des proches aidants à risque d’ISS.

Bibliographie

Baur, C. (2008). An analysis of factors underlying e-health disparities. Camb Q Healthc Ethics, 17(4), 417-428. doi:10.1017/s0963180108080547
Graham I., Logan J., Harrison M.B., Straus, S.E., Tetroe, J., Caswell, W., Robinson, N. (2006). Lost in knowledge translation: Tie for a map? The Journal of continuing education in the health profession, 26, 13-24.
Huxley, C. J., Atherton, H., Watkins, J. A., Griffiths, F. (2015). Digital communication between clinician and patient and the impact on marginalized groups: a realist review in general practice. Br J Gen Pract, 65(641), e813-821. Doi : 10.3399/bjgp15X687853
Kontos, E., Blake, K. D., Chou, W. Y., Prestin, A. (2014). Predictors of eHealth usage: insights on the digital divide from the Health Information National Trends Survey 2012. J Med Internet Res, 16(7), e172. doi:10.2196/jmir.3117
McAuley, A. (2014). Digital health interventions: widening access or widening inequalities? Public Health 128(12), 1118-1120
Munoz, R. F. (2010). Using evidence-based internet interventions to reduce health disparities worldwide. J Med Internet Res 12(5), e60.
Nolke, L., Mensing, M., Kramer, A., Hornberg, C. (2015). Sociodemographic and health-(care) related characteristics of online health information seekers: a cross-sectional German study. BMC Public Health, 15, 31. doi:10.1186/s12889-015-1423-0
Reinwand, D. A., Schulz, D.N., Crutzen, R., Kremers, S.P., de Vries, H. (2015). Who Follows eHealth Interventions as Recommended? A Study of Participants' Personal Characteristics From the Experimental Arm of a Randomized Controlled Trial. Journal of Medecine Internet Research, 17 (5), e115.
Viswanath, K., McCloud, R., Minsky, S., Puleo, E., Kontos, E., Bigman-Galimore, C., . . . Emmons, K. M. (2013). Internet use, browsing, and the urban poor: implications for cancer control. J Natl Cancer Inst Monogr, 47, 199-205. doi:10.1093/jncimonographs/lgt029

Présentation des auteurs

L’auteure principale, Karine Latulippe, est candidate au doctorat en technologie éducative à l’Université Laval et boursière du réseau AGE-WELL. Elle s’intéresse aux inégalités sociales de santé dans la cybersanté et de façon plus spécifique chez le groupe des proches aidants de personnes âgées en perte d’autonomie. Elle aussi affiliée à l’Institut sur le vieillissement et la participation sociale des aînés (IVPSA), au Réseau québécois de recherche sur le vieillissement (RQRV) et au Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l'Université Laval (CERSSPL-UL). Christine Hamel, Ph.D., est professeure au département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage à l’Université Laval et chercheuse au Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire (CRIRES). Elle a une solide expertise dans les diverses formes de communauté de connaissances et d’apprentissage soutenues par les technologies et le codesign. Dominique Giroux, erg. Ph.D. est professeure au département de réadaptation à l'Université Laval et chercheuse au Centre d'excellence sur le vieillissement de Québec du CHU de Québec (CEVQ-CHU de Québec). Elle travaille actuellement sur le développement d’un outil de cybersanté pour les proches aidants de personnes âgées en perte d’autonomie et possède une riche expérience en gérontechnologies.

Communication complète

1. Introduction : La cybersanté offre la promesse d’une amélioration de l’accessibilité aux services de santé, transcendant le temps et l’espace (Munoz, 2010) et réduisant le coût des systèmes de santé (Nolke, Mensing, Kramer et Hornberg, 2015; Reinwand, Schulz, Crutzen, Kremers et de Vries, 2015). Elle vise notamment à réduire la crainte de certaines personnes d’être vues lorsqu’elles recherchent de l’aide, diminuant ainsi le potentiel d’embarras, la désapprobation sociale et les stigmates qu’elles peuvent éprouver lorsqu’elles fréquentent un service (Huxley, Atherton, Watkins et Griffiths, 2015; McAuley, 2014).

Or, la cybersanté a aussi le potentiel d’augmenter les inégalités sociales de santé (ISS) (Kontos, Blake, Chou et Prestin, 2014; McAuley, 2014; Reinwand et al., 2015; Viswanath et al., 2013). Les ISS sont les écarts systématiques, jugés injustes et évitables, de l’état de santé entre les individus et les groupes sociaux (Hyppolite & Desbiens, 2012). Le principal indicateur qu’une personne vit une ISS est la mort prématurée. Indicateur peu pratique dans un contexte de prévention, plusieurs auteurs ont tenté de développer des indicateurs susceptibles d’identifier les personnes à risque d’ISS : taux d’incapacité et d’hospitalisation chez les moins de 65 ans (De Koninck, 2008), indice de défavorisation matérielle et sociale (Pampalon, 2008), déterminants de la santé tels que l’ethnicité, le faible revenu, le faible niveau d’éducation, l’âge, le faible niveau de littératie, le genre, vivre en milieu rural, avoir des incapacités, ressentir de la détresse psychologique (Latulippe, Hamel et Giroux, 2017) et finalement, le sentiment de ne pas contrôler sa destinée (Bailis, Segall, Mahon, Chipperfield & Dunn, 2001).

Les ISS sont soit causées ou exacerbées par la présence d’un fossé numérique (Latulippe, Hamel & Giroux, 2017). Le fossé numérique ou digital divide réfère aux difficultés d’accès aux outils de cybersanté (ordinateurs, internet, tablette électronique, téléphone intelligent), mais aussi aux lacunes liées aux connaissances, aux compétences et au niveau de confiance dans l’utilisation de ces outils. Ce concept inclut de plus les difficultés de littératie numérique liées à la santé, les attitudes et comportements vis-à-vis la recherche d’aide et le manque de considération culturelle (Latulippe, Hamel et Giroux, 2017).

Par ailleurs, le choix des outils utilisés par le réseau de la santé et des services sociaux qui ne sont pas développés en considérant les personnes à risque d’ISS représente un enjeu de solidarité. Le fossé numérique s’avère être un problème de justice sociale en santé (Baur, 2008). Bien que plusieurs recherches soulèvent le potentiel de la cybersanté pour réduire les ISS et offrent des solutions prometteuses pour réduire le fossé numérique, dont l’implication des personnes concernées dans le développement de l’outil de cybersanté, le nombre d’études empiriques demeure insuffisant à l’heure actuelle pour en faire la démonstration nette (Latulippe, Hamel, & Giroux, 2017). Des recherches sont encore nécessaires pour faire en sorte que la cybersanté respecte sa promesse de diminuer les ISS.

2. Méthodologie : Afin d’identifier comment outiller les chercheurs et les designers pour favoriser le développement d’outils de cybersanté inclusifs et qui contribuent réellement à la lutte aux ISS et dans une perspective d’universalisme proportionnel, un processus d’élaboration d’un outil de cybersanté qui considère les personnes à risque d’ISS sera réalisé par une approche de codesign. Un cadre théorique de justice sociale (Sen, 2000) sera le référent théorique de ce processus de recherche. Sen (2000) soutient que les ressources et les droits formels des individus doivent être mobilisés par des facteurs de conversion (caractéristiques et capacités de l’individu, contexte sociopolitique et culturel, possibilités institutionnelles et situation géographique) afin que ceux-ci vivent un mode de vie selon leurs choix et donc, aient accès à un ensemble de fonctionnements qui leur permettent de vivre la vie qu’ils désirent, ce qui représente les capabilités. Ainsi, c’est par les capabilités que l’on peut évaluer l’égalité (ou l’inégalité). Or, identifier des facteurs de conversion qui soutiennent l’utilisation d’un outil de cybersanté devient complexe lorsque l’on reconnaît la diversité des êtres humains et l’importance de la dimension culturelle. Pour Sen (2000), c’est par le dialogue et un processus démocratique avec les personnes concernées que l’on peut concilier cette diversité humaine. En cohérence avec Sen, les objectifs spécifiques visés dans le cadre de ce projet sont : 1) déterminer des moyens pour intégrer les facteurs de conversion positifs et réduire les facteurs de conversion négatifs lors du développement d’un outil de cybersanté, 2) expliquer comment le processus démocratique s’actualise lors de la participation active des personnes concernées dans la création d’un outil de cybersanté par une approche de codesign.

Pour les besoins et la faisabilité de la recherche, notre étude se concentre sur le développement d’un outil de cybersanté pour les proches aidants de personnes âgées en perte d’autonomie. Ce projet, financé par le ministère de la Famille dans le cadre du programme Québec Ami des Aînés (QADA), est dirigé par un groupe de chercheurs qui désiraient inclure la perspective de justice sociale dans leur projet. La population des proches aidants de personne âgée en perte d’autonomie est particulièrement intéressante à aborder puisque loin d’être homogène. Elle représente une diversité humaine (riche, pauvre, jeune, moins jeune, diversité de capacités, etc.) qui se rejoint dans un rôle commun, soit celui de prendre soin d’une autre personne. Les proches aidants, de par leur rôle, sont plus à risque de développer des problèmes de santé physique et mentale (Bucki, Spitz, Etienne, Le Bihan, & Baumann, 2016). Les facteurs qui augmentent les risques d’épuisement chez les proches aidants sont pratiquement les mêmes que ceux qui augmentent les risques de vivre des ISS (Adelman, Tmanova, Delgado, Dion, & Lachs, 2014). C’est donc dire que les proches aidants à risque d’épuisement, soit ceux qui ont besoin d’une intervention, sont aussi ceux qui sont susceptibles de vivre des ISS et d’être exclus des interventions en cybersanté. Cela a un double effet sur le plan de la justice sociale. D’abord, par la capabilité restreinte pour le proche aidant de prendre soin de sa propre santé, mais aussi à prendre soin de la personne malade. Cette dernière se retrouve donc aussi en situation d’injustice.

Huit séances de codesign entrelacées par 3 séances de travail avec un comité aviseur permettent d’une part d’élaborer l’outil de cybersanté, mais aussi d’intégrer les facteurs de conversion positifs dans l’outil. Différentes méthodes et techniques participatives sont utilisées au fur et à mesure des étapes de développement de l’outil (ex. : Triage, discussion en sous-groupe, plénière en groupe, priorisation, remue-méninge, dessin [sketching], personas, etc.). Le plan d’analyse suit la méthode proposée par Miles et Huberman (2003) soit en trois activités d’analyse convergentes : la condensation des données, la présentation des données et l’élaboration/vérification des conclusions.

3. Résultats préliminaires : Deux séances de codesign ont eu lieu dans deux régions du Québec (Baie-Comeau et Gaspésie). Les résultats issus de l’analyse préliminaire nous portent à croire d’une part, que les méthodes participatives soutiennent le processus démocratique dans la mesure où les participants osent et trouvent les moyens d’exprimer leur désaccord avec leurs pairs et d’autre part, que ces derniers ont de la difficulté à identifier des facteurs de conversion avec des personas présentant plusieurs facteurs de risque d’ISS. De nouvelles stratégies pour faciliter cette identification seront requises dans les prochaines séances de codesign.

4. Conclusion : Dans une perspective de solidarité, les décideurs, chercheurs et designers ont aussi un rôle à jouer afin de s’assurer que les outils développés en cybersanté soient inclusifs et accessibles à tous. Le présent projet met en lumière une méthodologie pour favoriser cette solidarité en outillant les chercheurs et designers sur le processus d’utilisation d’un outil de cybersanté qui considère les personnes à risque d’ISS, mais aussi par l’expérimentation en situation réelle de ce processus avec des proches aidants à risque d’ISS.

Résumé en Anglais


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