Fiche Documentaire n° 4528

Titre De la conceptualisation du développement communautaire comme objet de formation des étudiants en travail social

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Auteur(s) MARIALE Line
Mechaheb Dalila
 
     
Thème En quoi la quotidienneté in situ vient-elle bousculer nos savoirs agissants ?  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

De la conceptualisation du développement communautaire comme objet de formation des étudiants en travail social

De la rencontre à la transmission des solidarités : une association-une filière de formation en travail social
L'association Tinmel pour le développement est une O.N.G locale qui œuvre depuis 2003 au développement social et durable du territoire dans la région de Talat-n-yacoub dans le Haut-Atlas au Maroc. Parmi les actions menées on peut compter : le réseau de distribution d’eau potable, l’accès à la scolarisation (transport, activités périscolaires...).
L’IRTS Paris IDF compte parmi les filières de formation initiale, les conseillers en économie sociale et familiale : CESF. Ces professionnels ont pour cœur de métier l’intervention dans le cadre de la vie quotidienne (avec comme outil notamment l’analyse du rapport à l’argent). Les étudiants inscrits dans cette filière, titulaires d’un BTS en économie sociale et familiale suivent leur formation en travail social durant une année. Nous pouvons compter parmi eux, une majorité de jeunes femmes (peu d’hommes choisissent cette orientation) de 19 à 22 ans sortant du BTS et depuis près de 5 ans, on observe également un profil de personnes plus âgées allant au-delà de 50 ans.
Le référentiel de formation des CESF prévoit 20h de formation « Langue vivante étrangère ». Le postulat des formatrices de la filière présente 3 objectifs pédagogiques :
-Donner un sens professionnalisant à ces 20h de formation
-Positionner les étudiants dans une démarche de projet
-Rencontrer l’autre sur son territoire (se déplacer de nos cadres de références, comprendre celui de l’autre pour communiquer, agir et travailler ensemble).
La thématique LVE retenue en 2016 est la rencontre avec les membres de l’association durant 4 jours.

Innovation de pratique de formation : la démarche interculturelle « hors les murs » à deux niveaux : la rencontre de l’autre dans son pays et « quand nos savoirs sont intervention pour l’autre »
Nous sommes parties valises en mains chargées de concepts et d’outils méthodologiques en travail social, convaincues et enthousiastes à l'idée de pouvoir transmettre des pratiques pédagogiques occidentales basées sur les principes fondateurs de la relation d'aide. Comme si, sans l’avoir nommée, nous avions dans l'idée que nos savoirs occidentaux « éclairés », issus d’un rapport au savoir fort seraient une évidence à acquérir pour une population annoncée comme non formée (au sens universitaire). Comme si, plus précisément, et de manière à priori, la « logique du logos» ne pouvait que s’inscrire dans une démarche descendante vers ce territoire, cette association, par ses adhérents en présence, avec pour nous, une attitude quasiment introjectée de nos habitudes occidentales de celles dotées du supposé savoir devant rencontrer des personnes qui œuvrent à leurs pratiques transmises de génération en génération.
Or nous avons été fortement bousculées dans nos représentations et pratiques interventionnistes puisque nous avons pu observer des femmes inscrites dans un savoir relationnel au-delà de la barrière de la langue (qui nous limitaient, nous et non elles). En effet, ce sont des femmes entrepreneures et prenant part active au développement de leur territoire qui nous ont formées, à la façon de la transmission intergénérationnelle de leurs pratiques par ce « vécu de l’activité » nous mettant au « travail sur leur expérience ». A leur corps défendant, par leur savoir agissant et leur capacité congruente, elles ont démontré que les savoirs acquis ne constituent pas exclusivement le socle fondateur d’un développement économique, durable et social d’un territoire.
Après cette expérimentation d'une démarche de développement communautaire et interculturelle inscrite dans une volonté de démocratie participative, nous posons le postulat suivant :

Pour une conceptualisation d’une pédagogie des « solidarités en question et actes » :
La quotidienneté au sens qu'elle fait société permet à des habitants de créer des forces collectives, de développer des compétences économiques, sociales, culturelles, de donner une place et fonction à chacun d'entre eux et donc de s'inscrire dans un mouvement systémique sans formation théorique préalable (ou de manière marginale). Il s'agit, dès lors, de qualifier cette formation-action comme un processus d'auto empowerment où le groupe se donne le pouvoir du fait même d'une gestion de la quotidienneté collectivement nécessaire.
Cette expérience, formative pour nous, nous amène à nous décentrer de notre rapport au savoir et de son pendant « agir », trop souvent engagés dans une dichotomie voire un clivage du côté occidental pour l’envisager dans une dialectique de l’intervention et du développement communautaire.

Bibliographie

I. REVUE
Revue Française de Pédagogie : l’approche clinique d’inspiration psychanalytique en sciences de l’éducation (note de synthèse par C. Blanchard-Laville, P. Chaussecourte, F. Hatchuel, B. Pecherty) N°151 (2005)

II. OUVRAGES
D. Anzieu, R. Kaës, et alii (1973), Fantasmes et formation, Paris, Dunod
G. Aussolos, (1995), La compétence des familles. Temps, chaos, processus, Toulouse, Erès
C. Blanchard-Laville, D. Fablet, (2003), Travail social et analyse des pratiques professionnelles, Dispositifs et pratiques de formation, Paris, L’Harmattan
M. Cohen-Emerique, (2015), Pour une approche interculturelle en travail social Théories et pratique, Paris, Presses de l’EHESP, 2ème édition
C. De Robertis, (2007), Méthodologie de l'intervention en travail social. L'aide à la personne, Paris, Bayard
C. De Robertis, M. Orsoni, H. Pascal (2014), L’intervention sociale d’intérêt collectif : de la personne au territoire, Paris, Presses de l’EHESP, 2ème édition
M. du Ranquet, (1981), L’approche systémique en service social : intervention auprès des personnes et des familles, Paris, Le Centurion, Coll. « Socioguides » n°2
P. Freire, (1982), Pédagogie des opprimés, Paris, La Découverte
A. Lévy, (195), Psychologie sociale, Textes fondamentaux (Organisation et sciences humaines), Paris, Dunod
J. Lindsay, D. Turcotte (2008) L’intervention sociale auprès des groupes, Québec, Gaëtan Morin Editeur
N. Mosconi, C. Beillerot, C. Blanchard-Laville (2000), Formes et formations du rapport au savoir, Paris, L’Harmattan
Guy Palmade et alii, (1967), L’économique et les sciences humaines, Paris, Dunod
D.A Schön, (1994), Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel, Québec, Editions Logiques
L. Tremblay, (2001), La relation d’aide : développer des compétences pour mieux aider, Lyon, Chronique sociale
P. Vallet, (2003), Désir d’emprise et éthique de la formation, Paris, L’Harmattan

Présentation des auteurs

Line MARIALE
Assistante sociale, formatrice et psychosociologue je travaille à l’IRTS Paris IDF, soit une expérience de près de 30 ans dans le secteur.

Dalila MECHAHEB
CESF et responsable de formation à l’IRTS Paris IDF, j'alterne posture d'experte apprentie et de praticienne en travail social.

Communication complète

De la rencontre à la transmission des solidarités : une association-une filière de formation en travail social
L'association « Tinmel pour le développement » est une O.N.G locale qui œuvre depuis 2003 au développement social et durable du territoire dans la région de Talat-n-yacoub dans le Haut-Atlas au Maroc. Parmi les actions menées on peut compter : le réseau de distribution d’eau potable, l’accès à la scolarisation (transport, activités périscolaires...).
De son côté, l’IRTS Paris IDF compte parmi les filières de formation initiale, les conseillers en économie sociale familiale : CESF. Ces professionnels ont pour cœur de métier l’intervention dans le cadre de la vie quotidienne (avec comme outil notamment l’analyse du rapport à l’argent). Les étudiants inscrits dans cette filière, titulaires d’un BTS en économie sociale familiale suivent leur formation en travail social durant une année. Nous pouvons compter parmi eux, une majorité de jeunes femmes (peu d’hommes choisissent cette orientation) de 19 à 22 ans sortant du BTS et depuis près de 5 ans, on observe également un profil de personnes plus âgées allant au-delà de 50 ans.
Le référentiel de formation des CESF prévoit 20h de formation « Langue vivante étrangère ». Le postulat des formatrices de la filière présente 3 objectifs pédagogiques :
-Donner un sens professionnalisant à ces 20h de formation
-Positionner les étudiants dans une démarche de projet
-Rencontrer l’autre sur son territoire (se déplacer de nos cadres de références, comprendre celui de l’autre pour communiquer, agir et travailler ensemble).
La thématique LVE retenue en 2016 est la rencontre avec les membres de l’association durant 4 jours.
Nous, formatrices en travail social, sommes descendantes d’ « indigènes de la République » (Algérie pour l’une, Guadeloupe pour l’autre), auréolées de nos diplômes acquis grâce à l’universalité de l’école de la République qui place tous les enfants du territoire sur les bancs du savoir. Ainsi, à notre corps défendant, nous avions la certitude que le savoir, fruit d’un labeur acquis selon les préceptes de la didactique d’enseignants puis de l’université, n’aurait de valeur que lorsque chacune, aurait, de son côté mais au détour du hasard, décroché le fameux sésame du logos au sein de la même université, Paris X Nanterre. Malgré nos sursauts intuitifs d’un savoir issu de l’expérience, de la transmission intergénérationnelle et de nos premières lectures en ce sens, notamment celle du « Praticien réflexif…» de Donald A. Schön, nous avions acquis que le savoir académique était une forme de consécration pour le développement intellectuel, culturel, personnel et professionnel de la personne. Devenant formatrices avec toute l’étymologie que suppose ce mot, nous entreprenions alors avec une forte implication la professionnalisation de ce que nous nommons nos futurs collègues.
Cette rencontre « hors les murs » viendra nous ramener à cette réalité somme toute, toujours intuitive, que les savoirs d’expériences sont producteurs de savoir tout court, et malgré l’absence de lauriers académiques, ces femmes de l’association Tinmel feront acte de mises en gestes, en mots de leur savoir d’actions devenus compétences professionnelles dans une démarche entrepreneuriale et de transmission de savoir acquis dans la démonstration qu’elles ont produit avec le développement de leur territoire grâce à leurs actions au quotidien : « un savoir caché dans l’agir professionnel » .

Innovation de pratique de formation :
La démarche interculturelle « hors les murs » à deux niveaux : la rencontre de l’autre dans son pays et « quand nos savoirs sont intervention pour l’autre »
Nous sommes parties valises en mains chargées de concepts et d’outils méthodologiques en travail social, convaincues et enthousiastes à l'idée de pouvoir transmettre des pratiques pédagogiques occidentales basées sur les principes fondateurs de la relation d'aide. Comme si, sans l’avoir nommée, nous avions dans l'idée que nos savoirs occidentaux « éclairés », issus d’un rapport au savoir fort seraient une évidence à acquérir pour une population annoncée comme non formée (au sens universitaire). Comme si, plus précisément, et de manière à priori, la « logique du logos» ne pouvait que s’inscrire dans une démarche descendante vers ce territoire, cette association, par ses adhérents en présence, avec pour nous, une attitude quasiment introjectée de nos habitudes occidentales de celles dotées du supposé savoir devant rencontrer des personnes qui œuvrent à leurs pratiques transmises de génération en génération. De manière rétrospective, presque honteusement, nous nous sommes rendues compte que notre présupposé indicible se trouvait être une forme de collage du comportement de ces personnes, qui intellectuellement dotées, veulent apporter à l’autre, ou faire montre de nous ne savons quelle forme de savoir dans la transmission, comme naguère, en d’autres temps encore douloureux pour certains ; celui de la colonisation.
Pourtant, loin de nous cette disposition de conquérantes, au contraire, nous étions toute ouverte à la rencontre de l’autre sur son territoire. En effet, notre formation en démarche interculturelle nous a permis de comprendre ce que voulait dire stéréotype, nous avions à cœur de balayer les préjugés émergeant à la perspective de vivre au sein d’un groupe dont nous n’étions pas issues. Nous reconnaissions devoir faire un travail de décentration de nos habitus bourdieusiens, de nos cultures respectives, de nos conforts identitaires, en somme pour envisager la rencontre avec l’autre.
Or, c’est un véritable choc culturel que nous allions vivre en arrivant sur ce territoire dit « pauvre ». Nous avons été fortement bousculées dans nos représentations et pratiques interventionnistes puisque nous avons pu observer des femmes inscrites dans un savoir relationnel au-delà de la barrière de la langue (qui nous limitaient, nous et non elles). En effet, ce sont des femmes entrepreneures et prenant part active au développement de leur territoire qui nous ont formées, à la façon de la transmission intergénérationnelle de leurs pratiques par ce « vécu de l’activité » nous mettant au « travail sur leur expérience ». A leur corps défendant, par leur savoir agissant et leur capacité congruente, elles ont démontré que les savoirs acquis ne constituent pas exclusivement le socle fondateur d’un développement économique, durable et social d’un territoire.
Après cette expérimentation d'une démarche de développement communautaire et interculturelle inscrite dans une volonté de démocratie participative, nous posons le postulat suivant :

Pour une conceptualisation d’une pédagogie des « solidarités en question et actes » :
La quotidienneté au sens qu'elle fait société permet à des habitants de créer des forces collectives, de développer des compétences économiques, sociales, culturelles, de donner une place et fonction à chacun d'entre eux et donc de s'inscrire dans un mouvement systémique sans formation théorique préalable (ou de manière marginale). Il s'agit, dès lors, de qualifier cette formation-action comme un processus d'auto empowerment où le groupe se donne le pouvoir du fait même d'une gestion de la quotidienneté collectivement nécessaire.
Cette expérience, formative pour nous, nous amène à nous décentrer de notre rapport au savoir et de son pendant « agir », trop souvent engagés dans une dichotomie voire un clivage du côté occidental pour l’envisager dans une dialectique de l’intervention et du développement communautaire.

Retour sur expérience et mise en perspective d'une démarche de projet de recherche-action par les étudiants CESF
Après quelques expériences en mobilité internationale (Londres, Maroc, Lisbonne, et prochainement d'autres perspectives à l'horizon) nous avons pu constater chez les étudiants une amorce de changement de posture, de regard sur leurs pratiques professionnelles à l’épreuve de leur expérimentation, et, notamment dans leur rencontre avec les publics. Ce changement s’opère plus particulièrement sur la notion/représentation de la pauvreté-précarité dans les villes urbaines et semi-rurales.
Sortir au-delà de leurs frontières (parfois celles de leur quartier, ville), les a nécessairement inviter à se décentrer de leur propre cadre de référence et donc re-questionner ce qu'ils pensaient comme acquis, une vérité absolue en travail social, avec une généralisation quasi internationale et somme toute naïve de leur propre aveu. Et donc c'est à partir de leur nouvelle posture d'apprenant que nous avons souhaité travailler avec eux un prolongement à la formation initiale, à savoir celui de poursuivre l'expérience/action par la scientifisation des champs d'intervention/d'expérimentation.
A l'orée de leur légitimation par l'obtention du DECESF à devenir professionnels du travail social, pour certains, ces expériences les amènent à poursuivre ce travail de décentration vers une démarche d’objectivation des pratiques observées. Plus précisément la rencontre avec les Doctorantes de l'Université de l'ISCTE de Lisbonne a permis à certains d'entre eux d'entrevoir leur professionnalisation au-delà d'une mise en action du travail social, par une approche plus politique au sens faire cité, et faire ensemble et en ouverture vers une réflexivité scientifisée de leurs pratiques.

Bibliographie
D. Anzieu, R. Kaës, et alii (1973), Fantasmes et formation, Paris, Dunod
G. Aussolos, (1995), La compétence des familles. Temps, chaos, processus, Toulouse, Erès
J.-M. Barbier, J. Thievenaz (2013), Le travail de l’expérience, Paris, L’Harmattan
C. Blanchard-Laville, D. Fablet, (2003), Travail social et analyse des pratiques professionnelles, Dispositifs et pratiques de formation, Paris, L’Harmattan
P. Bourdieu, (1980), Le sens pratique, Les Editions de minuit, Paris
M. Cohen-Emerique, (2015), Pour une approche interculturelle en travail social Théories et pratique, Paris, Presses de l’EHESP, 2ème édition
C. De Robertis, (2007), Méthodologie de l'intervention en travail social. L'aide à la personne, Paris, Bayard
C. De Robertis, M. Orsoni, H. Pascal (2014), L’intervention sociale d’intérêt collectif : de la personne au territoire, Paris, Presses de l’EHESP, 2ème édition
M. du Ranquet, (1981), L’approche systémique en service social : intervention auprès des personnes et des familles, Paris, Le Centurion, Coll. « Socioguides » n°2
F. Dubet, Sociologie de l'expérience, (1994), Le Seuil, Paris
P. Freire, (1982), Pédagogie des opprimés, Paris, La Découverte
A. Lévy, (195), Psychologie sociale, Textes fondamentaux (Organisation et sciences humaines), Paris, Dunod
J. Lindsay, D. Turcotte (2008) L’intervention sociale auprès des groupes, Québec, Gaëtan Morin Editeur
N. Mosconi, C. Beillerot, C. Blanchard-Laville (2000), Formes et formations du rapport au savoir, Paris, L’Harmattan
Guy Palmade et alii, (1967), L’économique et les sciences humaines, Paris, Dunod
D.A Schön, (1994), Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel, Québec, Editions Logiques
L. Tremblay, (2001), La relation d’aide : développer des compétences pour mieux aider, Lyon, Chronique sociale
P. Vallet, (2003), Désir d’emprise et éthique de la formation, Paris, L’Harmattan
P. Vermesch, (1994), L’entretien d’explicitation, Issy-les-Moulineaux, ESF Editeur

Présentation des auteur(e)s
Line MARIALE
Assistante sociale, formatrice et psychosociologue je travaille à l’IRTS Paris IDF, soit une expérience de près de 30 ans dans le secteur.
Dalila MECHAHEB
CESF et responsable de formation à l’IRTS Paris IDF, j'alterne posture d'experte apprentie et de praticienne en travail social.

Résumé en Anglais


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