La question de la solidarité et de son enseignement

La question de la solidarité et de son enseignement
« Le XXIe siècle sera solidaire ou ne sera pas. »
On se propose de soumettre cette épigraphe de notre cours à une interrogation critique au regard de l’enjeu sociétal qui la sous-tend. Ainsi, dans le présent papier, on voudrait montrer, à partir de notre expérience pédagogique, comment les étudiants (assistants de service social, éducateurs spécialisés, conseillers en économie sociale familiale), en troisième année de formation, sont amenés à appréhender la complexité de cette notion à partir de l’idée d’égoïsme rationnel et d’altruisme : il s’agit de voir en quoi la solidarité (nouveau nom de la charité) demande à être (re)questionnée aujourd’hui.
Certes, d’emblée, nul ne se déclare égoïste. Altruiste, oui. Mais si on est altruiste, n’est-ce pas par égoïsme ? L’altruisme poussé à l’extrême n’aboutit-il pas à sa propre négation ? Au-delà de ce paradoxe, l’égoïsme peut-il être élevé au rang d’une valeur morale ? Dans ce cas, quels peuvent en être les enjeux ? Mais si la société est « une unité organique » (Durkheim), comment rendre compte de la permanence de formes d’égoïsme dans la société ? Quel rapport existe-il entre égoïsme et solidarité ? En quoi, cette dernière, au contenu philosophique et sociologique précis, est-elle d’abord une vertu d’entraide et d’altruisme avant d’être un ensemble de techniques redistributives ?
Plus fondamentalement, en quoi la solidarité est-elle au cœur du système de protection sociale en France ? Comment s’est-elle imposée comme un incontournable ? Enfin, si la protection sociale est un droit, comment expliquer qu’on puisse passer légitimement d’une conception républicaine de la solidarité à une dynamique de responsabilisation pressante des individus ? Autrement dit, comment conserver la solidarité (malgré tout !) dans une époque marquée par une double crise : celle de l’Etat social et celle de la solidarité ? Comment conjuguer solidarité et précarité dans une époque marquée par cette dernière ? Tel est l’horizon problématique et l’essentiel des questions qui seront traitées dans cette présentation issue de notre pratique.
Méthodologie : Proposition d’extraits de textes de Dominique Lecourt, Bruno Viard et de Serge Paugam. Il s’agit de textes sur lesquels les étudiants ont été amenés à travailler en sous-groupe avec une restitution orale et rédigée suivie de discussion.
On montrera, par la suite, des articulations sur le cours magistral à partir d’un retour sur les concepts clés de cette problématique avec quelques réactions d’étudiants. Enfin, on donnera quelques indications sur les leçons à tirer de cette expérience pédagogique qui amène les étudiants à réfléchir non seulement au fondement du système de protection sociale mais aussi à interroger en creux les fondamentaux du travail social.

Bruno Viard, Les Trois neveux, ou l’altruisme et l’égoïsme réconciliés, Paris, PUF, 2002.
Dominique Lecourt, L’égoïsme. Faut-il vraiment penser aux autres ?, Paris, Editions Autrement, 2015.
Léon Bourgeois, Solidarité, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998 (1896).
Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion, Paris, PUF, 2009.
Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale. Repenser l’Etat-providence, Paris, Seuil, 1995.
Serge Audier, La pensée solidariste, Paris, PUF, 2007.
Serge Paugam (sous la dir.), Repenser la solidarité, l’apport des sciences sociales, Paris, PUF, 2007.

Dr Jean Zoungrana, maître de conférences associé, Faculté des sciences sociales, Université de Strasbourg (France). Laboratoire SAGE (UMR 7363) : Société Acteurs, Gouvernement en Europe.
Dr Roger Noutcha, enseignant-formateur à l'Ecole Supérieur en Travail Educatif et Social Strasbourg (France).

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