Fiche Documentaire n° 4655

Titre « Graines de solidarité »

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l'auteur principal

Auteur(s) BATISTA Gracia  
     
Thème Ou comment un module de formation-action peut permettre à des étudiants de vivre différentes formes de solidarité tout en se formant concrètement au développement social  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

« Graines de solidarité »

« Graines de solidarité » ou Comment un module de formation-action peut permettre à des étudiants de vivre différentes formes de solidarité tout en se formant concrètement au développement social.
Sur fond d’attentats et de politiques sécuritaires, les médias renvoient en boucle l’image d’une société française triste et clivée. Colère, peur de l’avenir et de l’autre, rage destructrice….Il faut toujours avoir à l’esprit que la force des mouvements intégristes, autoritaires, voire totalitaires, dans le genre de période que nous vivons vient de l’instrumentalisation de ce que Wilheim Reich appelait « la peste émotionnelle » par des organisations proposant de retrouver une place, un sens, des moyens d’existence – voire en prime une arme - à des individus ou des groupes déboussolés par les mutations sociétales actuelles qui semblent s’attaquer à ce qui fait de nous des humains : socialité, culture, solidarité, etc…
Mais ces postures radicales – quoique très médiatisées – ne sont pas dominantes, elles sont même marginales. Au quotidien, des anonymes, des artisans de l’ombre plantent et prennent soin des graines du « bien vivre ensemble ».
En tant que formateurs dans un IRTS, nous avons choisi de considérer le réel – y compris dans sa complexité - comme un système apprenant : partir du « déjà là », contribuer à son élaboration sont les deux moments qui fondent notre posture pédagogique. Cela se traduit par des propositions de formation-actions où les étudiants sont invités à bouger les lignes et à cultiver des précédents en contribuant à des actions réelles sur les territoires
Hérouville Saint Clair – où se trouve l’IRTS – se veut résiliente. Ville « nouvelle », elle abrite une population métissée. Depuis 2015, à l’initiative de la Bibliothèque, des habitants et des professionnels se mobilisent pour tenter de donner du sens au « vivre ensemble » sur un territoire qui se veut partagé par toutes ses composantes quelques soient l’origine, l’âge ou le statut. Ensemble, ils écrivent une histoire de solidarités, une histoire d’abondance et de marche murmurante, incertaine et joyeuse, parce qu’un jour, ils sont sortis de l’écran, mais aussi de l’étau de la peur.
De Septembre 2016 à Juillet 2017, ces initiatives vont se poursuivre et s’amplifier….Par leur coordination et la réalisation d’un web documentaire, l’objectif est de construire progressivement une culture collective du « bien vivre ensemble », un COMMUN.
L’IRTS Normandie Caen participe à la démarche en associant des étudiants en formation initiale aux actions en cours mais aussi à leur coordination. Cette formation-action qui permet d’expérimenter les solidarités consiste – en s’appuyant sur les structures présentes sur le territoire - à la fois à co construire avec les personnes concernées des réponses au plus près des besoins spécifiques du territoire mais aussi à apporter un regard tiers en prenant collectivement à bras le corps et de façon contributive des situations problème et en rendant compte aux acteurs des pépites de « bonheur » observées.
L’atelier proposé sera animé par un formateur accompagné si possible d’un étudiant, d’un habitant, et d’un des professionnels engagés. L’objectif, à partir de l’exposé de l’expérience en cours, est de mutualiser avec les participants des expériences autour de ce même objet du « Vivre ensemble » impliquant des travailleurs sociaux en tiers facilitateur et de mettre en perspective la constitution d’un réseau européen d’échange des pratiques.
Déroulement de l’atelier :
-Présentation de l’action à partir d’un extrait du web documentaire réalisé de Septembre 2016 à Juillet 2017 et du témoignage des contributeurs portant sur les résultats mais aussi sur les méthodes
-Animation d’un débat avec les participants
Gracia BATISTA, Marie-Thérèse SAVIGNY formatrices IRTS Normandie Caen gbatista@irtsnormandiecaen.fr

Bibliographie

Le Hameau des Possibles : pour une sociologie du pouvoir de penser et d’agir.
SAVIGNY Marie-Thérèse - Thèse de Doctorat de l’Université de Caen Basse-Normandie, CERReV, Centre de recherche sur les Risques et les Vulnérabilités, 2015, 537 p.

De l’aide mutuelle au développement social local (DSL)
GOURVIL Jean Marie
AIFRIS - HAMMAMET 2009, 12 p.

Professionnels : vos formateurs peuvent-ils étonner ?
POULET-GOFFARD Sébastien
Journal de l'action sociale, n°155, 2011

Se former au développement social local.
GOURVIL Jean-Marie, KAISER Mihel. - Dunod, 2013, 317 p.

Présentation des auteurs

Gracia BATISTA formatrice IRTS Normandie Caen

Communication complète

"Graines de Solidarités"
Former les Educateurs Spécialisés à la Solidarité en expérimentant le Développement Social Local.
C'est en pensant à Fernand Deligny que j'ai intitulé cette communication "Graines de solidarité". Si pour lui, la "graine de crapule" c’est bien une graine d’homme, pour moi, les "graines de solidarités" ce sont bien des graines d’humanité.
"Graines de solidarités" parce que des graines qu’on sème, c’est aussi phonétiquement des graines qu’on s’aime. L’expérience qui illustre cette transmission et cet apprentissage de la solidarité s’appelle justement «Qu’est-ce qu’on sème ?».
L’activation des solidarités est au coeur de la mission des travailleurs sociaux, elle vient d’être réaffirmée dans un décret qui précise «Le travail social s’exerce dans le cadre des principes de solidarité, de justice sociale...»
Cette définition m'incite à faire le lien avec les valeurs de la république : liberté, égalité fraternité. La solidarité trouve d’emblée sa place dans une égalité sûrement utopique et dans la fraternité recherchée. Si ces valeurs sont aujourd'hui fortement ébranlées, elles restent importantes à réaffirmer. Sur fond d’attentats et de politiques sécuritaires, les médias renvoient en boucle l’image d’une société triste, clivée, en colère et apeurée. Pourtant, des anonymes, des artisans de l’ombre plantent et prennent soin des graines du "bien vivre ensemble". Depuis 2015, à Hérouville Saint Clair à l’initiative de la Bibliothèque, des habitants et des professionnels se mobilisent pour tenter de donner du sens au "vivre ensemble" sur un territoire qui se veut partagé par toutes ses composantes quels que soient l’origine, l’âge ou le statut. Ils écrivent une histoire de solidarités, une histoire d’abondance et de marche murmurante, incertaine et joyeuse. C'est dans ce cadre que nous nous sommes tout naturellement inscrits.
Mais d'abord, la solidarité c’est quoi ? Le dictionnaire de l'action sociale définit 3 types de solidarité fondés sur l'état naturel ou la contrainte, la raison ou les intérêts ou un idéal éthique, c'est cette 3ème forme qui nous intéresse ici. "La solidarité serait une valeur et une obligation...ressentie comme un devoir moral de porter assistance, entraide… à toute personne ou groupe en position de faiblesse, de fragilité, de vulnérabilité, d'appel à l'aide simplement parce que cette personne ou ce groupe font partie de la communauté humaine". De ce fait le travailleur social est obligatoirement concerné. Un peu plus loin, toujours dans le dictionnaire d'action sociale "L'application de cette solidarité... suppose un engagement volontaire et libre". Partant de ces principes, comment mettre la solidarité dans un programme obligatoire et l'enseigner ? Est-ce que ça peut s'apprendre, se découvrir ou s'éprouver?
Les étudiants que nous formons, sont, pour beaucoup, déjà coutumiers de ces solidarités dans leurs expériences personnelles ou professionnelles, associatives ou militantes.
A leur arrivée, certains s’inscrivent parfois dans ces logiques : association d’étudiants, café solidaire. Il n'y a pas d'obligation. Parfois, cela va de pair avec leur investissement dans la formation.
La formation peut leur apparaître éloignée des solidarités : ECTS, validation de modules, exigences formatives, temporalité contraignante. Ils stressent, peuvent se replier sur des motivations personnelles voire individualistes. A certains moments, pourtant, les solidarités s’expriment : alerte
des formateurs pour l’un des leurs en difficulté, collecte suite à un souci particulier, tutorat soutenu dans des moments de doute autour des certifications…Les solidarités prennent forme et deviennent visibles. Confrontés à un secteur social en difficulté, ils se montrent soucieux des équipes en poste et des publics qu’ils accompagnent. Lorsque, nous leur présentons des modules de formation où ils vont pouvoir éprouver cette solidarité, ils se montrent enthousiastes.
En tant que formateurs, nous avons choisi de considérer le réel comme un système apprenant : partir du "déjà là", contribuer à son élaboration sont les deux moments qui fondent notre posture pédagogique. Cela se traduit par des propositions de formation-action où les étudiants sont invités à bouger les lignes et à cultiver des précédents en contribuant à des actions réelles sur les territoires.
Ces modules leur permettent d’expérimenter les solidarités dans un cadre précis, sur des terrains repérés et demandeurs de collaboration.
Ces modules sont vécus par beaucoup comme de véritables bulles d’oxygène, des espaces de créativité et d’autonomie mais par certains comme des espaces trop flous, insécurisants. Parfois il faut prendre le temps, expliquer, réexpliquer, ou alors freiner les étudiants qui veulent aller trop vite. Ils peuvent avoir l’impression de n’avoir rien à faire puisqu’il s’agit de participer à la mobilisation des personnes sans agir à leur place.
La solidarité se veut aussi réseau à recréer pour des personnes exclues, isolées, éloignées des liens sociaux "ordinaires" et pourtant riches d’expériences de vie, de compétences à partager. Au delà d'un module de formation, il s'agit de permettre à des personnes exclues de pouvoir, elles aussi, donner à d’autres, de passer de la dette au contre-don. C'est une façon d'affirmer que chaque personne a des potentiels.
Pour nous, formateurs, il s'agit d'abord d'être en veille, de repérer des terrains professionnels, des initiatives ou des expériences, de se faire connaître aussi. Il s'agit de rester en lien, de prévoir des rencontres avec les professionnels concernés. Il y a une réflexion à mener sur la pertinence des différentes propositions. Il y a aussi l'accompagnement nécessaire tout au long des travaux de groupe.
Pour les étudiants, ces modules arrivent en 2ème année mais s'inscrivent dans d'autres contenus en lien avec la méthodologie de projet, le territoire... Ils assistent aussi à des journées de rencontres avec des acteurs de l'intervention sociale mais aussi de l'économie sociale et solidaire. Les terrains que nous avons identifiés viennent présenter leur propositions de travail aux étudiants qui se positionnent par groupe de 6/8 et profitent ensuite d'une cinquantaine d'heures entre septembre et juin pour concevoir des projets, monter des événements ou participer à des actions déjà en cours.
Depuis plus de 3 ans, les projets qui ont vu le jour ont été très divers : événement festif qui a permis la rencontre de jeunes en situation de handicap, de jeunes de foyer éducatif et de femmes en situation de précarité, semaine d'échange de savoirs entre les habitants fréquentant un centre socio-caf, mise en place d'un réseau de bénévoles pour favoriser l'apprentissage de la langue pour des migrants, et bien d'autres...
Cette année encore, les propositions ont été diverses et concernent différents publics : EPSM, Centre socio Caf, service d'accueil de personnes sans abri, service d'accueil de migrants, service de prévention.
Je m’attarderai sur l’expérience vécue par un des groupes d’étudiants avec "la Boutique Habitat", structure qui se définit comme un "Espace d'amélioration du logement et du cadre de vie à destination des Hérouvillais".
Dans la mesure où cette structure vise la remobilisation sociale des usagers, la création du lien entre les habitants et développe des actions collectives, elle a répondu à nos critères d'expérimentation du Développement Social Local. Les étudiants peuvent y développer des compétences et les professionnels et bénévoles de la boutique ont l’occasion de transmettre leurs propres valeurs et de faire profiter aux futurs travailleurs sociaux de leur expérience de pratiques collectives depuis 1998.
L'expérience en question voulait rassembler différents acteurs et partenaires de la ville d'Hérouville pour donner une autre ampleur à un événement déjà existant depuis plusieurs années "Le grand déballage de printemps". Au fur et à mesure des rencontres et des réunions, (sur place, à l'IRTS, sous différentes formes : repas partagés ou réunions de travail), chacun a pu s'écouter, s'exprimer pour au final se connaître et se mettre d'accord. Les étudiants ont pris en compte les demandes, fait un diagnostic avant de faire des propositions dans une logique de co-construction et de coordination. Ils ont animé des réunions, fait des comptes-rendus, mis en lien des acteurs qui ne se connaissaient pas (ex le Café Sauvage et les retraités des jardins familiaux). Ils ont évalué et réadapté le projet tout au long des rencontres (ainsi les actions prévues en lien avec l'EPHAD et le service de prévention n'ont pas vu le jour). Ils ont dû se mobiliser souvent en plus des heures programme et en fonction des exigences des terrains. Ils ont su associer leurs collègues inscrits sur d'autres projets à cette journée "Qu'est-ce qu'on sème".
Au final, cette expérience forte et réussie a mobilisé de nombreux acteurs (personnes en souffrance psychique du GEM Advocacy, traumatisés crâniens du GEMça, migrants de l’association 2 choses lune, retraités des Jardins familiaux, salariés d’un chantier d’insertion, habitants et associations d'Hérouville, et bénévoles de la boutique Habitat) et a permis aux étudiants de vivre et de faire vivre concrètement cette solidarité.
Nous constatons chaque année, qu'expérimenter la solidarité, à travers ces groupes, permet aux étudiants de vivre une expérience professionnelle singulière avec une résonnance humaine particulière.
Avec le recul, on constate que certains étudiants qui ont pu expérimenter ces solidarités les font ensuite vivre dans leur parcours professionnel, assurant ainsi la continuité de la transmission.
Je conclurai en citant Jean Louis Sanchez car je suis convaincue que le travail réalisé modestement dans ces groupes mais aussi ailleurs pendant la formation permet le "Développement d’initiatives aptes à renforcer la solidarité de droit par une solidarité d’implication, à transformer la citoyenneté passive en une citoyenneté active".
Gracia BATISTA

Résumé en Anglais


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