Fiche Documentaire n° 4664

Titre Donner à réfléchir la solidarité via la photographie à des étudiant-e-s se destinant aux métiers de l’éducation, de l’enseignement, du travail social ou de la promotion de la santé

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Auteur(s) BOURDET Dany  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Donner à réfléchir la solidarité via la photographie à des étudiant-e-s se destinant aux métiers de l’éducation, de l’enseignement, du travail social ou de la promotion de la santé

La solidarité est un concept qui doit être abordé en tenant compte de ses différentes dimensions et de ses divers aspects.La solidarité peut en effet prendre place à plusieurs échelles (locale, régionale, nationale, internationale) et mobiliser tant des liens personnels (familiaux, de voisinage, au travail, etc.) qu’impersonnels (protection sociale étatique, mutualisation des risques individuels et collectifs par l’assurance, etc.) ; elle peut procéder des individus, de l’État, des associations (suivant le principe de subsidiarité de l’action publique), des entreprises (responsabilité sociale des entreprises), des syndicats, etc. ; elle peut enfin être pensée comme interdépendance ou être animée par un esprit palliatif (Servet, 2010).

Comment dès lors amener des étudiant-e-s se destinant aux métiers de l’éducation, de l’enseignement, du travail social ou de la promotion de la santé, des métiers tous concernés – quoiqu’à des degrés divers et sous des formes différentes – par la question de la solidarité, à appréhender empiriquement ce concept et à le penser ? Leur faire mettre en image la solidarité ne pourrait-il pas constituer une modalité permettant de la donner à voir et de l’examiner ? Il s’agirait ainsi de les amener à réfléchir la solidarité et à y réfléchir.

Dans le cadre d’un cours de méthodologie de recherche intitulé "Enquête de terrain : mise en mots et en images", dispensé en présentiel et en e-learning aux étudiant-e-s de 3ème année de la Licence Sciences et Métiers de l’Éducation et de la Formation (SMEF) à l’Université de Lille 3, il est demandé aux étudiant-e-s de photographier des "faits" (événements, situations, activités, pratiques, etc.) de solidarité, puis de procéder à un choix parmi les photographies et de constituer une série ou un regroupement thématique de quelques-unes d’entre elles, et enfin d’expliciter leur démarche et de rendre compte de ce que montrent ces photographies via le commentaire de chacune d’elles ou un commentaire général de la série ; ces photographies doivent préalablement être présentées, expliquées et discutées collectivement dans le cours. La démarche proposée aux étudiant-e-s relève ici de la mise en œuvre d’une sociologie avec et par les images, où celles-ci sont complétées par le texte pour générer un degré élevé de compréhension (La Rocca, 2007a), mais aussi de la photographie réflexive (Maresca et Meyer, 2013). En leur demandant de produire, de sélectionner et de commenter des photographies de "faits" de solidarité, il s’agit de les amener à faire émerger du "remarquable" à propos de ces faits, en saisissant ce qu’il y a de particulier sur fond de généralité, et ce en vertu de la valeur indiciaire et du principe d’isomorphisme de l’image photographique (Piette, 2007) ; il s’agit de permettre aux étudiant-e-s de faire ressortir le sens caché de ces "faits" de solidarité via leur monstration par l’image (La Rocca, 2007b).

Le texte accompagnant chaque série ou regroupement thématique de photographies (commentaire particulier de chacune ou commentaire général de la série) contribue à cela, mais il doit aussi permettre aux étudiant-e-s d’expliciter la manière dont ont successivement procédé la production et la sélection des photographies de "faits" de solidarité et donc leurs rapports à ceux-ci (Piette, 1992).

L’exercice de sociologie visuelle qui leur est proposé vise donc à développer, chez des étudiant-e-s se destinant aux métiers de l’éducation, de l’enseignement, du travail social ou de la promotion de la santé, un regard réflexif et auto-réflexif sur la solidarité telle qu’elle se manifeste à leurs yeux. Il se situe dans le prolongement d’une précédente expérience d’initiation à la sociologie visuelle auprès de futurs formateurs d’adultes en vue d’accroitre leur réflexivité (Bourdet, 2015). Dans notre communication, après en avoir explicité les fondements, nous exposerons et analyserons le déroulement de cette réflexion, au double sens du terme, de et sur la solidarité.

Bibliographie

- Bourdet Dany, "Développer la réflexivité de futurs formateurs d’adultes aux prises avec la précarité à travers la sociologie visuelle. Une expérience pédagogique d'initiation à la sociologie avec et par les images", communication présentée au 6ème congrès de l'Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l'Intervention Sociale (AIFRIS) "Multiplication des précarités : quelles interventions sociales ?", 7-10 juillet 2015, Instituto Superior de Serviço Social do Porto (ISSSP), Portugal, URL : http://aifris.eu/04exploitress/clt_fiche.php?id_article=3664.
- La Rocca Fabio, "Introduction à la sociologie visuelle", Sociétés, n°95, 2007, pp. 33-40.
- La Rocca Fabio, "L'instance monstratrice de l'image. La sociologie visuelle comme paradigme phénoménologique de la connaissance", Visualidades. Revista do programa de mestrado em cultura visual, Goiana, Brésil, vol. 5, n°1, 2007, pp. 114-121.
- Maresca Sylvain, Meyer Michael, Précis de photographie à l’usage des sociologues, Presses Universitaires de Rennes, 2013.
- Piette Albert, "La photographie comme mode de connaissance anthropologique", Terrain, n°18, 1992, pp. 129-136.
- Piette Albert, "Fondements épistémologiques de la photographie", Ethnologie française, vol. 37, n°1, 2007, pp. 23-28.
- Servet Jean-Michel, "Figures contemporaines et passées de la solidarité. Approches interdisciplinaires", Finance & Bien Commun, n°37-38, 2010, pp. 8-27.

Présentation des auteurs

Dany Bourdet est sociologue, professeur contractuel en Sciences de l’Éducation à l'Université Charles-de-Gaulle de Lille (Lille 3). Il s'intéresse à l'éducation et au changement social dans la société roumaine contemporaine, ainsi qu'à l'andragogie et à la sociologie visuelle.

Communication complète

Dans cette communication, après en avoir explicité les fondements, nous exposerons et analyserons le déroulement d’une expérience pédagogique auprès d’étudiant-e-s qui se destinent aux métiers de l’éducation, de l’enseignement, du travail social ou de la promotion de la santé visant à leur faire réfléchir, au double sens du terme (c’est-à-dire refléter et penser), la solidarité via la photographie.

Amener à une réflexion de/sur la solidarité
La solidarité est un concept qui doit être abordé en tenant compte de ses dimensions plurielles et de ses divers aspects. La solidarité peut en effet prendre place à plusieurs échelles (locale, régionale, nationale, internationale) et mobiliser tant des liens personnels (familiaux, de voisinage, au travail, etc.) qu’impersonnels (protection sociale étatique, mutualisation des risques individuels et collectifs par l’assurance, etc.) ; elle peut procéder des individus, de l’État, des associations (en lien notamment avec les pouvoirs publics et suivant le principe de subsidiarité de l’action publique), des entreprises (responsabilité sociale des entreprises), des syndicats, etc. ; elle peut enfin être pensée comme interdépendance ou être animée par un esprit palliatif (Servet, 2010). Comment dès lors amener des étudiant-e-s s'orientant vers les métiers de l’éducation, de l’enseignement, du travail social ou de la promotion de la santé, des métiers tous concernés – quoiqu’à des degrés divers et sous des formes différentes – par la question de la solidarité, à appréhender empiriquement ce concept et à le penser ? Leur faire mettre en image la solidarité ne pourrait-il pas constituer une modalité permettant de la donner à voir et de l’examiner ? Il s’agirait ainsi de les amener à réfléchir la solidarité et à y réfléchir.
Dans le cadre d’un cours de méthodologie de recherche intitulé "Enquête de terrain : mise en mots et en images", dispensé en présentiel et en e-learning aux étudiant-e-s de 3ème année de la Licence Sciences et Métiers de l’Éducation et de la Formation (SMEF) à l’Université de Lille 3, il est demandé aux étudiant-e-s de photographier des "faits" (événements, situations, activités, pratiques, etc.) de solidarité dans leur quotidien, puis de procéder à un choix parmi les photographies et de constituer une série ou un regroupement thématique de quelques-unes d’entre elles, et enfin d’expliciter leur démarche et de rendre compte de ce que montrent ces photographies via le commentaire de chacune d’elles ou un commentaire général de la série ; ces photographies doivent au préalable être présentées, expliquées et discutées collectivement dans le cours.

Le potentiel heuristique et réflexif de l’association entre photographies et texte
La démarche proposée aux étudiant-e-s relève ici de la mise en œuvre d’une sociologie avec et par les images, lesquelles sont complétées par le texte au profit d’une approche compréhensive, ainsi que de la photographie réflexive. Nous partons en effet du principe de la méthode visuelle en sociologie selon lequel "[…] l’image doit être traitée comme une donnée et comme un medium pour présenter une recherche" (La Rocca, 2007a, p. 38) et de l’idée que "[…] la qualité esthétique de l’image et sa composante documentaire enrichissent le texte et celui-ci enrichit l’image" et donc que "les deux formes de communication sont complémentaires et peuvent […] générer un degré élevé de compréhension" (ibid., p. 35) ; nous nous basons en outre sur le fait que "dans le cas d’une enquête sociologique durant laquelle le chercheur se fait également photographe, les images produites peuvent être lues comme des traces de l’activité scientifique et du processus de construction du savoir" (Maresca et Meyer, 2013, p. 58). En leur demandant de produire, de sélectionner et de commenter des photographies de "faits" de solidarité, il s’agit d’amener les étudiant-e-s à faire émerger du "remarquable" à propos de ces faits en saisissant ce qu’il y a de particulier sur fond de généralité, et ce en vertu de la valeur indiciaire (le lien avec le référent) et du principe d’isomorphisme (la figuration de tous les éléments présents lors de la captation) qui sont conjointement attachés à l’image photographique (Piette, 2007). Il s’agit ainsi de leur permettre de faire ressortir le sens caché de ces "faits" de solidarité via leur monstration par l’image (La Rocca, 2007b).
Le texte accompagnant chaque série ou regroupement thématique de photographies (commentaire particulier de chacune ou commentaire général de la série) contribue à cette monstration par l’image, mais il doit aussi permettre aux étudiant-e-s d’expliciter la manière dont ont successivement procédé la production et la sélection des photographies de "faits" de solidarité et donc leurs rapports à ceux-ci, toute photographie procédant en effet d’un positionnement et de choix (subjectifs, idéologiques, culturels et/ou techniques) du sujet photographiant (Piette, 1992).
L’exercice de sociologie visuelle qui leur est proposé vise donc à développer, chez des étudiant-e-s souhaitant exercer un métier dans l’éducation, l’enseignement, le travail social ou la promotion de la santé, un regard réflexif et auto-réflexif sur la solidarité telle qu’elle se manifeste à leurs yeux. Il se situe dans le prolongement d’une précédente expérience d’initiation à la sociologie visuelle auprès de futurs formateurs d’adultes en vue d’accroître leur réflexivité (Bourdet, 2015).

La solidarité : surtout appréhendée du côté des associations et de l’éducation et davantage représentée que pensée
Prenant place au second semestre de l’année universitaire 2016-2017, le cours en présentiel a été suivi par 80 étudiant-e-s, réparti-e-s en deux groupes de 40, tandis que 17 étudiant-e-s étaient inscrit-e-s dans sa variante en e-learning, mais seulement une dizaine d’étudiantes le suivaient réellement. En présentiel, les étudiant-e-s ont effectué l’exercice en binôme pour des raisons à la fois pratiques (leur nombre) et surtout pédagogiques (travailler par deux visait à les amener à confronter et à conjuguer leurs regards) ; en e-learning, les étudiantes l’ont par contre fait individuellement car, la plupart d’entre elles étant salariées ou/et mères, elles n’avaient pas les mêmes disponibilités ni d’ailleurs la même fréquence de suivi du cours pour pouvoir travailler en binôme. Que ce soit en présentiel ou en e-learning, le travail d’enquête mené a dû être exposé en cours sur la base de la présentation de quelques photographies et de leur explication (leur objet, leur contexte, les modalités de réalisation et l’intentionnalité), ce qui a permis aux étudiant-e-s de le donner à voir à leurs collègues et de bénéficier de conseils de notre part, cependant il y a peu souvent eu de discussions entre étudiant-e-s en présentiel et aucune en e-learning.
C’est la sociologie visuelle plutôt que la photographie réflexive qui a été privilégiée, c’est-à-dire que les étudiant-e-s ont davantage choisi d’investiguer des "faits" de solidarité présents dans leur environnement quotidien que des "faits" de solidarité relevant de leur propre quotidien. Leurs travaux ont pour les trois-quarts pris la forme de photographies commentées individuellement suivies d’une synthèse ; très peu ont été constitués d’une série photographique accompagnée d’un commentaire général, tandis qu’une troisième variante intermédiaire, initialement non proposée, est apparue et a été acceptée : l’élaboration de mini-séries photographiques commentées se terminant par une synthèse.
Les étudiant-e-s ont principalement porté leurs regards sur des associations locales ou nationales dans les champs du social, de la santé, et aussi un peu de l’aide internationale (Restos du Cœur, Secours populaire français, Emmaüs, Ligue nationale contre le cancer, Croix-Rouge française, etc.), ainsi que sur le monde éducatif (école, université, éducation des adultes). Dans le cas des associations, soit celles-ci ont été appréhendées en elles-mêmes, en faisant ici surtout ressortir leur organisation et leur fonctionnement, soit c’est leurs activités de collecte et/ou de distribution (d’aliments, de vêtements, etc.) qui ont été documentées, en mettant alors en avant le rôle du partenariat, les aspects organisationnels (la logistique par exemple) et/ou la place de la communication dans et pour ces activités. En ce qui concerne le monde éducatif, les étudiant-e-s se sont principalement intéressé-e-s à la solidarité chez les élèves, les étudiant-e-s, les apprenant-e-s adultes ou les professionnel-le-s, et ont surtout ici mis en lumière l’importance de l’entraide et de l’implication ; ce sont ensuite des actions menées pour (collectes) ou par (interventions diverses) des associations sur lesquelles se sont focalisés leurs regards, en faisant là encore plutôt ressortir la place de l’entraide, tandis que quelques étudiant-e-s se sont pour leur part intéressé-e-s à la communication (affiches) autour de la solidarité dans le milieu éducatif.
Au final, ce que l’on a pu constater, c’est que les étudiant-e-s ont beaucoup plus reflété qu’ils/elles n’ont pensé les "faits" de solidarité investigués : il y a par conséquent certes eu une réflexion de ces "faits", leur monstration par l’image, mais il n’y a guère eu de réflexion sur ceux-ci ; ce à quoi fait d’ailleurs écho le manque de discussions en cours à l’issue de la présentation et de l’explication de leurs photographies. A travers la photographie, la solidarité a été représentée et les travaux des étudiant-e-s mêlant images photographiques et texte nous renseignent ici à propos de leurs perceptions de celle-ci ; il reste toutefois à les faire passer d’un registre surtout descriptif à un registre davantage analytique : pour cela, travailler sur l’isomorphisme et, partant de là, sur l’analyse du contenu des images photographiques, mais aussi sur la construction de leurs regards sont, selon nous, les voies à privilégier.

Résumé en Anglais


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