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Etude comparative des besoins des femmes de deux villages
après une formation à la Méthodologie Accélérée de Recherche Participative.
Mamadou M. Seck
Professeur Associe, Cleveland State University
Introduction
Une conséquence de la colonisation des pays africains a pendant longtemps été la prédominance d’expatriés de pays occidentaux dans le secteur de la recherche, et plus précisément de la recherche action. Seulement, un changement est intervenu quand les dirigeants africains ont compris que l’expertise locale répondait mieux aux attentes des populations et aux besoins des initiateurs de projets de développement communautaires. Ce changement d’orientation a conduit un nombre important d’ agents de développement à adhérer au choix de la Méthodologie Accélérée de Recherche Participative (MARP) comme l’une des methodes de recherche les plus performantes pour le développement à la base. Cet article vise à montrer comment des étudiants de l’Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Specialisés (ENTSS) de Dakar, formés à la MARP, ont utilisé les connaissances acquises lors de leur formation pour évaluer les besoins des populations vivant dans les deux villages ciblés par les formateurs comme terrains de stage. Les rapports qu’ils ont produits à l’issue de leur recherche identifient les besoins des femmes analysés dans cet article. Avant de présenter et discuter les résultats de cette analyse, nous allons d’abord définir la MARP et illustrer sa place dans la littérature; nous allons aussi décrire le contexte dans lequel cette formation a eu lieu. La littérature relative aux besoins des femmes en milieu rural sera exploitée avant la présentation de la méthodologie de recherche adoptée pour la présente étude.
Qu’est-ce que la MARP
La MARP est une combinaison de différentes méthodologies de recherche parmi lesquelles la « Recherche Participative en Zone Rurale » (Participatory Rural Appraisal : PRA), « Rapide Evaluation en Milieu Rural » (Rapid Rural Appraisal : RRA) (Chambers, 1994), et la « Recherche Action Participative » (Participatory Action Research). Les chercheurs utilisent ces différents termes en fonction de leur idéologie, vision, procédures, et instruments. Par exemple, Chambers (1994) qui a développé le RRA, pense que, pour que les résultats de la recherche reflètent la réalité, les populations concernées doivent être impliquées dans le processus de recueil et d’analyse des données. En conséquence, il suggère que des membres de la communauté soient inclus dans l’équipe de chercheurs car leur participation à tous les niveaux de la recherche est nécessaire et requise. Aussi, Lola (2010) recommande que les membres réguliers et assidus aux rencontres sous « l’Arbre à Palabres » soient inclus dans les équipes de recherche du fait de leurs connaissances approfondies de l’histoire, de l’économie, et des évènements qui ont jalonné la vie du village. Ce principe s’applique précisément dans le cadre de la Recherche-Action définie comme un ensemble d’approches et de méthodes qui permettent aux populations rurales de s’exprimer, d’analyser, d’améliorer, et de partager leurs connaissances sur leurs conditions de vie, de planifier et d’agir pour la réalisation des projets communautaires. La MARP, étant une combinaison de toutes ces methodes de recherche, est considérée comme l’une des méthodes de recherche les plus adaptées aux conditions des pays en développement.
Selon la recension des écrits, l’utilisation de la MARP contribue au renforcement et à l’expansion des connaissances dans le domaine de l’Education aux Droits Humains (Tavares, 2016), à la formation en éducation physique, et à l’intégration de la théorie et la pratique en matière de formation des enseignants comme dirigeants d’institutions éducatives (Vaughan & Burnaford, 2016). En outre, Cordeiro et Soares (2016) suggèrent qu’elle soit mise en œuvre pour étudier l’application des méthodes de travail en services de santé ; et Seck (2013) l’a utilisée pour analyser les relations heurtées entre éleveurs et paysans. D’autres chercheurs ont soutenu qu’elle leur a permis d’analyser la réhabilitation des services chargés des handicapés (Washbourn, Levack, Grahm, & Currey, 2016), et le développement professionnel des enseignants et le renforcement de leurs connaissances et techniques de travail (Keegan, 2016). La formation les travailleurs sociaux à la MARP s’est imposée du fait de son impact sur leurs compétences professionnelles.
Le contexte de la formation
A l’Ecole Nationale des travailleurs Sociaux Spécialisés (ENTSS), les formateurs ont très vite compris la nécessité d’inclure la MARP dans le cursus de formation des étudiants. Ainsi, la formation à la MARP a été incorporée au programme des stages. Ainsi, chaque promotion participe d’ abord à un séminaire de formation théorique d’une semaine au niveau de l’école, et ensuite, à une expérimentation pratique au cours de laquelle, ils collectent des données relatives à l’histoire, les ressources naturelles comme l’eau, les sols, la végétation, et aussi les besoins des populations des localités visitées. Après leurs investigations, ils consignent les résultats dans un rapport final souvent exploités par des organisations publiques et privées qui financent des projets de construction de pistes de production ou des routes entre villages, le forage de puits, et la construction d’infrastructures communautaires telles que les marchés, postes de santé, et écoles. En vue de la rédaction de cet article, les données relatives aux besoins des femmes ont été analysées.
La revue de la littérature sur les besoins des femmes
A travers l’Afrique, les femmes vivant dans les zones Rurales, sont confrontées à de nombreuses difficultés qui les empêchent de réduire l’écart les séparant des hommes dont les besoins sont souvent totalement différents des leurs; même parmi les femmes, les aspirations de celles vivant en milieu urbain se distinguent de celles des zones rurales. En fait, Adedayo, Oyun, et Kadeba (2010) identifient les ressources forestières comme des besoins communs aux femmes rurales uniquement, et de nombreux autres auteurs ont trouvé que ces dernières s’intéressent surtout aux produits des fermes, aux produits naturels comme sources de revenues financières, et à la formation aux activités liées à la production animale (Adeniyi, Daud, Amao, et Omotayo (2016) ; Farinde & Ajayi, 2005; Moyo, 2013; Okorie & Williams, 2009; Quisumbing & Pandolfelli, 2010; Rahim & Musa, 2011). Certains auteurs ont même soutenu que l’aspiration des femmes à trouver des sources financières est une conséquence de l’exode des hommes dont la majeur partie ne parvient pas à trouver un emploi en milieu urbain (Farinde & Ajayi, 2005; Tsheola, 2012).
De nombreuses restrictions limitent les capacités des femmes à obtenir des produits de valeur. Par exemple, Okorie et Williams (2009) ont trouvé que des facteurs environnementaux et la prédominance des compagnies pétrolières réduisent leur capacité à accéder aux terres et aux crédits ; aussi, Adeniyi et al. (2016) soutiennent que l’inadaptation des institutions financières, celle des services de vulgarisation agricole, et le manque de locaux de stockage sont également des facteurs qui limitent les sources de revenus des femmes.
En somme, cette revue de la littérature révèle la diversité des besoins spécifiques aux femmes en milieu rural, et les restrictions et difficiles conditions auxquelles elles font face. L’analyse de données collectées va nous permettre d’identifier et de comparer les besoins des femmes vivant dans deux villages dont chacun a ses propres particularités.
Méthodologie
Utilisant les résultats des rapports produits par les étudiants à l’issue de leur étude sur le terrain, nous avons procédé à une méta-analyse des deux études. Une méthode mixte de recherche combinant les procédures qualitatives et quantitatives a permis l’analyse des données. La méthode qualitative a permis de codifier, classer, et ordonner l’information, alors que pour l’analyse quantitative nous avons procédé à un test de corrélation (Spearman’s rank correlation test) pour déterminer le niveau de coïncidence des deux listes.
Résultats
Les étudiants ont organisé des focus groupes qui leur ont permis de déterminer les besoins des femmes dans chaque village. Ces besoins sont représentés sous forme pyramidale suivant leur urgence (voir appendices 1 et 2). Les besoins ont été classés par ordre de priorité et les plus urgents sont placés à la base.
L’analyse quantitative avec le test Spearman a permis de déterminer une forte corrélation avec un coefficient r = 0.45 qui indique que les deux listes ont de très nombreux points de convergence. Par exemple dans chaque village, les femmes ont exprimé le besoin de voir construits un marché, un centre de formation, et une infirmerie. Elles réclament aussi un moulin a mil, et d’avoir de l’éclairage public. Cependant, les besoins particuliers à chaque village prennent le pas sur les demandes communes.
Discussions
La revue de la littérature a permis d’illustrer le caractère partagé des besoins des femmes vivant en milieu rural dans certains domaines tels que l’octroi de terres pour le jardinage, et la construction de marche (Farinde & Ajayi, 2005; Moyo, 2013; Okorie & Williams, 2009). En fait, les femmes du village # 1 réclament des terres pour cultiver des produits qu’elles vont consommer, mais aussi commercialiser. Certains auteurs ont illustré comment ces besoins varient et les facteurs à la base de ces variations. Bien que dans les deux villages, les femmes ont exprimé des besoins communs, la présente étude révèle que de nombreuses demandes changent en fonction de la situation géographique, de l’environnement physique, et du milieu naturel de la localité. En fait, les deux villages étudiés se distinguent du fait que l’un est traversé par une route nationale, longée par un réseau électrique et une conduite d’eau qui approvisionne la capitale, alors que l’autre est situé dans une zone enclavée sans infrastructures.
Adeniyi et al. (2016) soutiennent que l’inadaptation des institutions financières, celle des services de vulgarisation agricole, et le manque de locaux de stockage sont également des facteurs qui limitent les sources de revenus des femmes. Les résultats de la présente étude confirment ceux d’Adeniyi et al. (2016) dans la mesure où les participantes réclament la construction d’un marché, le financement de projets locaux, et la réduction des prix des aliments de base. Ceci va leur permettre d’ameliorer leur pouvoir d’achat surtout que la contribution des hommes à la satisfaction des besoins familiaux est limitée du fait de l’exode rural qui les éloigne de leur village et amoindrit leurs contributions à la satisfaction des besoins financiers et même sécuritaires des familles. En fait les besoins de sécurité exprimés tournent autour de l’installation d’un système d’éclairage public et de l’ouverture d’un poste de police.
La littérature précédente a révélé que le transport en milieu rural présente de nombreuses difficultés pour les femmes. Les résultats de la présente étude reflètent cette préoccupation des femmes dans la mesure où elles réclament l’amélioration du system de transport et plus précisément celui des personnes malades avec l’affectation d’ambulances. Cette dernière demande illustre aussi que les participantes sont préoccupées par leurs conditions de santé et donc réclament une ambulance pour le transport de celles qui sont enceintes ou malades, mais aussi l’affectation d’un infirmier au centre de santé, et la provision de médicaments.
En somme, comme l’a montré l’analyse quantitative, certains besoins des femmes vivant dans les deux localités sont partages, mais la plupart varient non seulement du fait de leur nature, mais aussi de leur urgence.
Conclusion
Les limitations liées a la présente étude sont relatives d’abord au nombre de villages étudiés, puis à la diversité des besoins recensés au niveau de deux villages. Une comparaison portant sur plusieurs villages pourrait être plus concluante pour confirmer les résultats obtenus grâce à la MARP qui nécessite la transmission des solidarités et la collaboration entre chercheurs de disciplines diverses; facilitant le renforcement de la pratique professionnelle de travailleurs sociaux en les rendant capables de développer des méthodes d’interventions communautaires appropriées répondant aux besoins des populations avec lesquelles ils travaillent. La maitrise de ce processus de recherche les rend aptes à intervenir plus efficacement pour améliorer les conditions de vie et l’environnement social de leurs clients.
Bibliographie
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