Fiche Documentaire n° 4702

Titre “L’Arbre ȃ Palabres: une Institution traditionnelle communale africaine.”

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l'auteur principal

Auteur(s) SECK MAMADOU  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

“L’Arbre ȃ Palabres: une Institution traditionnelle communale africaine.”

Le concept de l’arbre ȃ palabre et son contexte:
L’arbre ȃ palabres est une institution précoloniale africaine qui illustre la philosophie communale africaine. Cette philosophie est basée sur la démocratie et le consensus entre l’ensemble des membres de la collectivité. Souvent, au milieu de chaque village, est majestueusement dressé un arbre. C’est l’endroit le mieux désigné pour les rencontres quotidiennes des chefs de familles de la localité. Plusieurs raisons sont ȃ la base de son choix; parmi celles-ci, son ancienneté, son emplacement, et son ombrage perpétuel. En fait, souvent, l’histoire du village révèle que le fondateur du premier hameau, l’ancêtre de la majorité de la population, dès son arrivée sur les lieux, a posé ses balluchons sous cet arbre pour établir sa première demeure; ainsi, ȃ tous ses enfants, accompagnants, et autres nouveaux venus, des terres sont attribuées aux alentours de la maison du patriarche. Une autre raison du choix de cet arbre est le fait qu’il peut offrir son ombrage durant toute l’année parce qu’il ne perd pas ses feuilles pendant la saison sèche.
Du fait du régime patriarcal de la majorité des sociétés africaines, la plupart du temps, les rencontres quotidiennes et régulières, qui se déroulent sous cet arbre, regroupent uniquement les hommes. Ceux-ci se retrouvent en groupe fermé pour discuter de certains sujets très chargés, et de problèmes difficiles ȃ résoudre. Tout participant peut y prendre la parole et s’exprimer librement. Cependant il y a un certain protocole garantissant le respect total des personnes âgées (Murray, 2000). Les femmes ne sont pas invitées et donc ne participent pas ȃ ces débats. Il peut arriver qu’elles y soient invitées pour être entendues sur certains événements. En outre, il est de notoriété publique que, même en leur absence, certaines d’entre elles peuvent influencer les décisions prises par les hommes. En fait, sur certains sujets, il peut arriver que les maris n’en parlent pas du tout ȃ leurs épouses et prennent des décisions avant de s’en ouvrir â leur épouse. Parfois il se révèle que certains hommes même après avoir voté en faveur d’une résolution confidentielle, en discutent le soir avec leurs épouses et le lendemain revenir sur leur décision et changent totalement leurs points de vue et les idées qu’ils avaient émises auparavant. Dès lors, le mythe soutenant “qu’en Afrique, les hommes décident de tout et les femmes ne sont que des subordonnées qui n’ont aucune voix” ne représente pas la réalité.
Le temps passé sous l’arbre ȃ palabre est parfois considérable puisque, très souvent, c’est aux environs de cinq heures de l’après-midi que les responsables de familles se dirigent vers le lieu de rencontre pour ne rentrer chez eux que très tard dans la soirée. Parfois, dans certains villages, ils peuvent se retrouver autour de l’arbre, très tôt le matin, ȃ l’issue de la prière matinale; dans d’autres et particulièrement en cas d’urgence, c’est ȃ des heures tardives qu’ils se retrouvent.
Objectifs des rencontres sous l’arbre ȃ palabres et le thème:
- Système de control social: les interdits, les comportements, Auto control
- Organiser la communauté, et renforcer la cohésion sociale: oganisation ou planification des événements: mariage, baptême
- Résolution des crises et conflits (Lobondala, I. 2016; Lola, N. M., 2010;) maintien de la paix au sein du village mais aussi entre différents groupes (paysans vs éleveurs); maintien de la coexistence pacifique, lieu de réconciliation après des heurts…
- Mobilisation sociale en vue du développement économique
- Institution démocratique, mobilisation politique, lieu où les décisions majeures concernant la communauté sont prises; réception des membres du gouvernement ou d’autres organisations. La parole est donnée ȃ tout membre. Au Mali, il a été intégré au système moderne politique (Sopova, 1999)
- Place où les jeunes se regroupent pour écouter les contes ou exhiber des performances dans des domaines variés.

Bibliographie

References
Fuse, K., Land, M. & Lambiase, J. J. (2010). Expanding the Philosophical Base for Ethical Public Relations Practice: Cross-Cultural Case Application of Non-Western Ethical Philosophies. Western Journal of Communication 74(4) 436-455.
Lobondala, I. (2016). La Democratie en Palabre Africaine et l’Encadrement Juridique Des Relations Politiques. Amazon Digital Services.
Lola, N. M. (2010). Resolution des Conflits en Republique Democratique du Congo.Moderniser l’Arbre a Palabre.
Murray, A. (2000). Under the Palaver Tree: A Moratorium on the Importation, Exportation, and Manufacture of Light Weapons. Peace & Change 25(2), 265-281
Sopova, J. (1999). In the shade of the palaver tree. The UNESCO courrier

Présentation des auteurs

MAMADOU M. SECK (LSW-MSSA- PHD)

Professeur Associe a l'Ecole de Travail social de l'Universite d'Etat de Cleveland (OHIO).
President du Chapitre de l'Association Internationale pour le Travail Social de Groupe de l'Etat d'Ohio (USA)
President de l'Association pour la Promotion et le Bien-Etre social des Enfants et Familles en Afrique (APEBEFA)
Ancien chef de Departement du premier cycle de l' Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Specialises de Dakar (Senegal)

Communication complète

L’arbre à palabres: une institution traditionnelle communale africaine au service des travailleurs sociaux
Mamadou M. Seck
Professeur Associe, Cleveland State University

La forme d’organisation sociale et l’idéologie dominante en Afrique sont basées sur le principe de collectivisme, défini comme un système économique fondé sur la propriété collective des moyens de production (Larousse, 1976). Ce principe de collectivisme requiert l’aide mutuelle et la primauté des relations sociales entre les membres de la communauté. C’est dans ce cadre que s’inscrit le concept de l’arbre à palabres. Dans le contexte du village, il représente un symbole. Les activités qui y sont menées, et ses principes de fonctionnement pourraient améliorer les méthodes d’intervention des travailleurs sociaux de groupe
L’arbre à palabres est une institution précoloniale africaine qui illustre la philosophie communale africaine, basée sur la démocratie et le consensus entre l’ensemble des membres de la collectivité. Cet arbre, comme un symbole, est souvent majestueusement dressé au milieu du village. C’est l’endroit le mieux désigné pour les rencontres quotidiennes des chefs de familles de la localité. Plusieurs raisons sont ȃ la base de son choix; parmi celles-ci, son ancienneté, son emplacement, et son ombrage perpétuel. En fait, souvent, l’histoire du village révèle que le fondateur du premier hameau, l’ancêtre de la majorité de la population, a posé ses bagages sous cet arbre, dès son arrivée sur les lieux pour établir sa première demeure. A tous ses enfants, accompagnants, et autres nouveaux venus, le patriarche attribue les terres aux alentours de sa maison. Une autre raison à la base du choix de cet arbre est qu’il est de type vivace, offrant son ombrage durant toute l’année.

Du fait du régime patriarcal de la majorité des sociétés africaines, les rencontres quotidiennes et régulières, qui se déroulent sous cet arbre, regroupent les hommes. Ceux-ci se retrouvent en groupe fermé pour discuter de certains sujets très chargés, et de problèmes difficiles à résoudre. Tout participant peut y prendre la parole et s’exprimer librement. Cependant, il y a un certain protocole garantissant le respect total des personnes âgées (Murray, 2000) et la participation occasionnelle des femmes qui y sont parfois invitées pour être entendues sur certains événements les concernant directement. Il est de notoriété publique que, même en leur absence, certaines d’entre elles parviennent à influencer les décisions prises par les hommes. En fait, il peut arriver que ces derniers ne révèlent pas à leur épouse les sujets de discussion, et prennent des décisions pour les en informer a posteriori. Parfois il se révèle que certains hommes, même après avoir voté en faveur d’une résolution confidentielle, en discutent après avec leur épouse et le lendemain, revenir sur leur décision. Dès lors, le mythe soutenant “qu’en Afrique, les hommes décident de tout et les femmes ne sont que des subordonnées sans voix” ne représente pas la réalité.
Le temps passé sous l’arbre à palabre est parfois considérable puisque, très souvent, c’est tres tôt le matin, à l’issue de la prière que les chefs de famille s’y retrouvent; aussi, aux environs de cinq heures de l’après-midi, ils s’y retrouvent pour ne rentrer chez eux que très tard dans la soirée. Dans des situations d’urgence, c’est à des heures tardives qu’ils se retrouvent pour mener leurs activités qui peuvent durer des heures.

Les activités menées sous l’arbre à palabres
La revue de la littérature et les enquêtes sur le terrain ont permis de recenser un grand nombre d’activités menées sur cette place. C’est le lieu où les membres de la communauté partagent leur connaissance approfondie de l’histoire, de l’économie, et des évènements qui ont jalonné la vie de leur terroir. Certaines activités visent la résolution des crises et conflits (Lobondala, 2016; Lola, 2010), le maintien de la paix au sein du village ou entre deux hameaux, mais aussi entre différents groupes qui peuvent se distinguent sur la base de l’ethnicité (Wolofs, Sérères, Poulars, Diolas, etc), la religion (Musulmans vs Chrétiens), ou la profession (paysans vs éleveurs) (Seck, 2013). Donc, ces activités visent à réconcilier des individus à la suite de heurts et maintenir la coexistence pacifique entre les différents groupes auxquels ils appartiennent. Du fait du statut « sacre » attribué à cette place, les accords et décisions qui y sont pris à la suite de longues négociations et d’intenses médiations entres les belligérants sont rarement contestés.
Souvent, le but de ces activités est d’organiser la communauté, et renforcer la cohésion familiale et sociale. Par exemple, l’organisation et la planification de nombreux événements, mariages, baptêmes, et funérailles sont initiées et finalisées par les membres du groupe souvent lors de discussions tenues sur cette place, où ont lieu l’animation des évènements et mobilisations politiques, la réception des membres du gouvernement et d’autres organisations. Au Mali par exemple, l’importance de cette institution est illustrée par son intégration au système moderne politique (Sopova, 1999) et économique. L’arbre à palabres est aussi une place de formation où les jeunes se regroupent pour écouter des contes ou participer à des compétitions dans les domaines culturels et sportifs ; c’est une institution d’éducation dont les membres veillent sur les interdits, et les comportements individuels au sein de la communauté, particulièrement ceux des jeunes, comme un système de contrôle social. C’est sur cette base que l’expression “Il revient au village” (“It takes a Village”) prend son sens. Tout enfant est considéré comme l’enfant de tous; donc il revient à tout adulte, l’obligation de veiller à la conduite des jeunes et d’intervenir pour éviter ou réduire tout acte de délinquance.
En somme, il a été constaté que les principes de fonctionnement de l’arbre à palabres et les objectifs des activités qui y sont menées peuvent inspirer les professionnels visant à améliorer leurs modèles d’intervenant en service social de groupe.

En quoi les principes et le fonctionnement de l’arbre à palabres peuvent-ils contribuer à l’amélioration de la pratique des travailleurs sociaux de groupe ?
Notre expérience de travailleur social de groupe nous a permis de comprendre que la connaissance des principes de fonctionnement de l’arbre à palabres et la maîtrise des objectifs des activités qui y sont menées pourraient contribuer à améliorer la pratique professionnelle auprès des familles, groupes, organisations, et communautés. En outre, le fait de privilégier les principes démocratiques et le consensus dans le processus de prise de décision peut élever le niveau de participation des membres du groupe. Aussi, le symbole que représente l’arbre à palabres et sa situation en plein milieu du village renforcent l’autorité des décisions qui y sont prises et leur attribuent un caractère sacré. Le leadership partagé du chef de village, son délègue, ou son représentant peut revenir à l’un des chefs de familles de la localité qui peut ajuster son programme sur la base des suggestions des membres.
La durée des rencontres, la diversité des activités et le système d’aide mutuelle et de contrôle social qui illustrent ce modèle de pratique de groupe peuvent contribuer au développement de la recherche-action en favorisant les rencontres entre les populations et les chercheurs.

Créer un modèle de groupe fermé dont la mission et les objectifs sont en phase avec les principes de fonctionnement démocratique de l’arbre à palabres peut contribuer à établir et élargir un réseau de contacts entre professionnels, étudiants, et enseignants ayant la passion du travail social de groupe, et partageant des expériences typiques à certains pays. Ce modèle peut contribuer au renforcement et à la diversification des méthodes nord-américaines d’utilisation des ressources des membres d’un groupe et des potentialités d’aide mutuelle.


Références
Lobondala, I. (2016). La Démocratie en Palabre Africaine et l’Encadrement Juridique. Des Relations Politiques. Amazon Digital Services.

Lola, N. M. (2010). Résolution des Conflits en République Démocratique du Congo. Moderniser l’Arbre a Palabre.

Murray, A. (2000). Under the Palaver Tree: A Moratorium on the Importation, Exportation, and Manufacture of Light Weapons. Peace & Change 25(2), 265-281
Seck, M. M. (2013). Realities in Senegalese Rural Communities: The need for a Permanent Solution to a Social Problem Involving Farmers and Herdsmen. Social Development Issues 35(1), 13-23

Sopova, J. (1999). In the shade of the palaver tree. The UNESCO courrier

Résumé en Anglais


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