Fiche Documentaire n° 4767

Titre DE LA MUTUALISATION DE LA SANTE COMMUNAUTAIRE A LA GOUVERNANCE DE SANTE PUBLIQUE : ANALYSE DES DETERMINANTS D’ADHESION AUX MUTUELLES DE SANTE DANS UN CONTEXTE DE DYNAMIQUE SOCIALE AU CENTRE-BENIN.

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Auteur(s) ATCHOUTA Ayélodjou Roger  
     
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Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

DE LA MUTUALISATION DE LA SANTE COMMUNAUTAIRE A LA GOUVERNANCE DE SANTE PUBLIQUE : ANALYSE DES DETERMINANTS D’ADHESION AUX MUTUELLES DE SANTE DANS UN CONTEXTE DE DYNAMIQUE SOCIALE AU CENTRE-BENIN.

Le système de protection sociale tel qu’il se présente aujourd’hui au Bénin mérite de profondes reformes pour d’heureuses perspectives. La satisfaction des besoins sanitaires et sociaux constitue un défi majeur et un enjeu politique et social de premier plan à tout point de vue. La santé n’a pas de prix dit-on. Mais l’on oublie qu’elle a un coût qu’il faut payer pour la garantir. Ainsi, le coût d’accès élevé aux soins de santé modernes combiné à la pauvreté des ménages constitue un facteur déterminant à l'accessibilité aux soins de santé (Bantuelle, 2000). Cet article tente d’analyser l’influence des mutuelles de santé dans un contexte de dynamique sociale au Centre-Bénin. En effet, les mutuelles de santé, plus précisément les assurances santé communautaires à but non lucratif, sont des organisations communautaires qui visent à améliorer l’accès aux soins de la population par le partage des risques maladie entre les membres (Criel et al, 2004). En tant que telles, elles constituent aussi une forme d’assurance maladie alternative à but social, qui requièrent une réponse collective pour gérer les inégalités devant la maladie et faciliter la mutualisation solidaire et communautaire en matière de prévoyance de la santé.
Les déclarations de l’Initiative d’Alma-Ata en 1978 et celle de Bamako en 1987 s’inscrivent largement dans cette logique. Dans ce processus de communautarisation des rôles sociaux en matière de financement de la santé au Bénin, comment la mutuelle de santé, en tant que structure d’entraide sociale participe-t-elle à promouvoir la santé communautaire et induire des réformes qui peuvent susciter des questions d’efficacité et d’impact en matière d’équité et de protection sociale aussi bien aux niveaux micro et méso du système de protection sociale béninois? A cet effet, une enquête de type socio-anthropologique privilégiant l’approche qualitative a été réalisée dans la commune de Dassa-Zoumé située au Centre-Bénin avec à la clé quatre vingt-dix personnes interviewées choisies de façon raisonnée. La triangulation des informations révèle que l'opérationnalisation des mutuelles de santé en milieu rural au Bénin a permis de cerner les discours normatifs et les représentations sociales par rapport à l’articulation entre la demande et l’offre en matière de délivrance de services de santé communautaire et laissent éclore des questions d’approche santé-développement. Elle a contribué à améliorer sensiblement la protection sociale des populations rurales vulnérables en matière de santé.
Mots clés : Mutuelles de santé, communautarisation, santé publique, protection sociale, Centre-Bénin.

Bibliographie

Références bibliographiques

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Diakité, M., (2010), Déterminants de la faible adhésion aux mutuelles de santé communautaires : Cas de la mutuelle Hinayé Kaho de Dioncoulané, Kayes, Mali, 96p.

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Letourmy, A., (2000), La Santé en Afrique : anciens et nouveaux défis, éd Afrique contemporaine, 282p.

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Ministère de la Santé, (2003), Document de Politique et Stratégies de Développement des Mutuelles de Santé au Bénin, 75p.

Ministère de la Santé, (2007), Plan Stratégique de Développement des Mutuelles de Santé 2007-2011, 77p.

Ministère de la Santé, (2010), Renforcer la Protection Sociale par l’Institutionnalisation des Mutuelles de Santé au Bénin, 84p.

OMS, (2003), Conférence internationale d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires : vingt-cinquième anniversaire, Rapport du Secrétariat, cinquante-sixième assemblée mondiale de la santé.

Présentation des auteurs

Doctorant en Sociologie du Développement à l’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH) de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin, Monsieur Roger A. ATCHOUTA est titulaire d’un DEA en Sociologie-Anthropologie du développement soutenue par une maîtrise en Sociologie-Anthropologie et une licence en Anglais à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin.
Il vient d’obtenir un Certificate of advanced studies (Master II) en genre et développement à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève en Suisse.

Monsieur Roger A. ATCHOUTA est Socio-Anthropologue de formation, Spécialiste des questions du développement, de santé, du développement et du Genre. Ses centres d’intérêts portent entre autres sur les domaines la santé, le développement local, la santé, l’eau, l’hygiène, l’Assainissement, l’éducation, les TIC, l’environnement, la planification du développement et des questions de population en général et leurs domaines d’application dans la société.

Ses domaines d’intervention sont entre autres :
• Santé et développement
• Genre et développement
• Transport et développement
• Hygiène et Assainissement
• Education et développement
• Eau et développement
• Politique et développement
• Décentralisation et développement local
• Communication pour la santé
• Communication pour le développement
• Formulation, suivi et évaluation de politiques, stratégies, programmes et projets de développement
• Elaboration des Plans de Développement Communal (PDC)
• Elaboration des Plans d’Hygiène et d’Assainissement Communal (PHAC)
• Audit organisationnel et institutionnel
• Recherche en sciences sociales et humaines

Il a totalisé une dizaine (10) d’années d’expériences plurielles au service du développement pour des activités de conduite d’études/recherche, d’appui-conseils, de formation/coaching, de Formulation, suivi et évaluation de politiques, stratégies, programmes et projets de développement , de management de projets pour l’élaboration des stratégies de plaidoirie, de lobbying, de promotion sociale et de valorisation des ressources humaines pour l’atteinte des objectifs du développement durable. Il dispose d'expériences pertinentes dans la mobilisation sociale de l'approche HIMO dans divers secteurs de développement et une grande maîtrise des thématiques transversales VIH/SIDA et Genre et des expériences avérées en matière d'assistance technique aux communes à travers l’élaboration des documents de politiques, de stratégie et de plaidoirie notamment les PDC, le PCEAU, le PHAC, le PDU, etc.

Bonne connaissance des méthodes interactives d’études qualitatives et participatives ( MARP , FGD , GAR , PPP0 , ECRIS , FFOM/SWOT , TGN , CAP ,LQAS ,SMART Brainstorming, etc.) utilisées pour l’analyse des systèmes de production, d’innovation, de développement, de connaissance, de renforcement de capacités, de transformation sociale ; d’analyse interactive des organisations et de dynamiques sociales.

Conception et coordination d’enquêtes d'envergure avec à la clé la conception de la méthodologie – l’élaboration des outils de collecte – la formation des agents enquêteurs – la supervision de la collecte et de la saisie - le traitement & Analyse des données – la rédaction de rapports d'étude – dissémination de résultats d’études, etc.

Publication scientifiques

Atchouta R., (2016), Dynamique communautaire autour de la gestion de la santé maternelle et néonatale en milieu Wémè au Bénin : Controverses, logiques et stratégies des acteurs, Actes du Colloque de l’UP -ISBN/ISSN : 678-99919-62-55-9, 24 p.

Atchouta R., (2015), Savoirs locaux et suivi prénatal dans la zone sanitaire Allada-Toffo-Zè au Sud du Bénin, Revue Santé de CODESRIA, 30p.

Onibon, Y., Atchouta, R., (2016), Scolarisation différenciée entre filles et garçons chez les Otamari au Nord-Bénin, Revue Mu Kara Sani, 16p.

Communication complète

Résumé
Le système de protection sociale tel qu’il se présente aujourd’hui au Bénin mérite de profondes reformes pour d’heureuses perspectives. La satisfaction des besoins sanitaires et sociaux constitue un défi majeur et un enjeu politique et social de premier plan à tout point de vue. La santé n’a pas de prix dit-on. Mais l’on oublie qu’elle a un coût qu’il faut payer pour la garantir. Ainsi, le coût d’accès élevé aux soins de santé modernes combiné à la pauvreté des ménages constitue un facteur déterminant à l'accessibilité aux soins de santé (Bantuelle, 2000). Cet article tente d’analyser l’influence des mutuelles de santé dans un contexte de dynamique sociale au Centre-Bénin. En effet, les mutuelles de santé, plus précisément les assurances santé communautaires à but non lucratif, sont des organisations communautaires qui visent à améliorer l’accès aux soins de la population par le partage des risques maladie entre les membres (Criel et al, 2004). En tant que telles, elles constituent aussi une forme d’assurance maladie alternative à but social, qui requièrent une réponse collective pour gérer les inégalités devant la maladie et faciliter la mutualisation solidaire et communautaire en matière de prévoyance de la santé.
Les déclarations de l’Initiative d’Alma-Ata en 1978 et celle de Bamako en 1987 s’inscrivent largement dans cette logique. Dans ce processus de communautarisation des rôles sociaux en matière de financement de la santé au Bénin, comment la mutuelle de santé, en tant que structure d’entraide sociale participe-t-elle à promouvoir la santé communautaire et induire des réformes qui peuvent susciter des questions d’efficacité et d’impact en matière d’équité et de protection sociale aussi bien aux niveaux micro et méso du système de protection sociale béninois? A cet effet, une enquête de type socio-anthropologique privilégiant l’approche qualitative a été réalisée dans la commune de Dassa-Zoumé située au Centre-Bénin avec à la clé quatre vingt-dix personnes interviewées choisies de façon raisonnée. La triangulation des informations révèle que l'opérationnalisation des mutuelles de santé en milieu rural au Bénin a permis de cerner les discours normatifs et les représentations sociales par rapport à l’articulation entre la demande et l’offre en matière de délivrance de services de santé communautaire et laissent éclore des questions d’approche santé-développement. Elle a contribué à améliorer sensiblement la protection sociale des populations rurales vulnérables en matière de santé.

Mots clés : Mutuelles de santé, communautarisation, santé publique, protection sociale, Centre-Bénin.
Abstract
The social protection system as it stands today in Benin deserves deep reforms for good prospects. Meeting health and social needs is a major challenge and a major political and social challenge from every point of view. Health is priceless. But we forget that it has a cost that must be paid to guarantee it. Thus, the high cost of access to modern health care combined with household poverty is a determining factor in access to health care (Bantuelle, 2000). This article tries to analyze the influence of health mutuals in a context of social dynamics in the Center-Benin. Health mutuals, specifically nonprofit community health insurances, are community-based organizations that aim to improve access to health care by sharing health risks among members (Criel and al., 2004). As such, they also constitute a form of alternative health insurance for social purposes, which require a collective response to manage inequalities in the face of the disease and facilitate solidarity and community pooling of health insurance.
The declarations of the Alma-Ata Initiative in 1978 and that of Bamako in 1987 are largely consistent with this logic. In this process of communitization of social roles in health financing in Benin, how does the health mutual, as a social welfare structure, play a role in promoting community health and inducing reforms that can Questions of effectiveness and impact in terms of equity and social protection at the micro and meso levels of Benin's social protection system? To this end, a socio-anthropological survey focusing on the qualitative approach was carried out in the commune of Dassa-Zoumé located in the Center-Bénin with the key of ninety persons interviewed selected in a reasoned way. The triangulation of information reveals that the operationalization of mutual health insurance schemes in rural areas in Benin has made it possible to identify normative discourse and social representations in relation to the articulation between demand and supply in the provision of health services Health and development issues. It has significantly improved the social protection of vulnerable rural populations in health.
Keywords: Mutual health, communitarization, public health, social protection, Center-Benin.













Introduction
De la conférence d’Alma-Ata en 1978 à l’Initiative de Bamako en 1987, la participation des acteurs autres que les professionnels de la santé au développement du secteur sanitaire (OMS, 2003) aux soins de santé primaires reste une caractéristique déterminante de l’action en santé communautaire. Dans une telle perspective, le droit et le devoir pour l’individu de prendre part à la mise en œuvre des soins, d’engager la responsabilité des collectivités et des personnes, en matière de participation au fonctionnement des systèmes de santé s’avère nécessaire (Houngnihin, 2013).

En percevant la santé comme un objectif idéal et non un « bien » marchand, on peut aisément comprendre pourquoi la demande de santé reste proportionnelle à l’intensité et/ou au degré d’exposition des populations aux maladies (Dabiré, 2007). La santé n’a pas de prix dit-on couramment. Mais l’on oublie qu’elle a un coût qu’il faut payer pour la garantir. Etre en bonne santé est la toute première condition pour envisager de réaliser quelque projet aux fins d’améliorer sa condition de vie. « La santé demeure une problématique en ce sens qu’elle est en quelque sorte indéfinissable et qu’elle est imbriquée à tous les niveaux du social et de l’intervention humaine. Elle relève du domaine médical, religieux et juridique. Chaque société accorde à l’un de ces niveaux la priorité » (Cloutier, 1994). Une forme de démocratisation à la base qui implique la possibilité pour les membres d’une communauté de se mettre ensemble pour identifier leurs problèmes de santé et de réfléchir sur les solutions appropriées.

Au Bénin, les populations aspirent au développement sans se garantir un minimum de sécurité sociale. .D'ailleurs, le système de protection sociale mis en place par l’Etat (sécurité sociale et assistance sociale) ne concerne à peine que 15 à 20% de la population béninoise (Ministère de la santé, 2010). Pourtant, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule en son article 22 que tout être humain a le droit à la sécurité sociale. Les concepts de mutualisation et de participation communautaire aux soins de santé ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche et de débats scientifiques (Letourmy et al, 2000). Pour les uns, ces concepts s’inscrivent dans une vision holistique de la santé, et toute atteinte à ce principe est inacceptable (Diakité, 2010). La participation communautaire « repose sur l’hypothèse que les personnes les plus exposées à la dégradation de l’environnement socio-économique sont à même d’analyser leurs propres problèmes et de participer à la recherche et à la mise en œuvre de pratiques nouvelles » (Bantuelle et al, 2000). Dans le secteur de la santé, la participation s’inscrit dans une dimension utilitariste et s’appuie sur l’efficacité thérapeutique, la sécurité et la satisfaction des besoins de santé des populations (Baxerres, 2010).

La problématique générale de cet article trouve sa pertinence dans la compréhension des rôles sociaux dans la participation au financement de la santé familiale. L’étude réalisée en 2012 dans le contexte de la mutualisation communautaire de la santé dénote des inégalités sexistes d’accès aux soins et services de santé pour les ménages vulnérables de Dassa-Zoumé.

Les représentations des risques de maladies et des affections ne doivent plus être l’affaire de l’individu uniquement. Elles doivent requérir une réponse collective pour gérer les inégalités devant la maladie (BIT/STEP, 2003). C’est dans un contexte marqué par le désengagement de l’Etat et de l’accès différentiel aux soins et services de santé pour les populations en fonction du niveau de protection socio-sanitaire, que l’émergence des mutuelles de santé comme mode de financement alternatif au système de soins s’est imposée. La mutuelle de santé est une association à but non lucratif basée sur des principes de solidarité et d’entraide entre les personnes physiques qui y adhèrent de façon libre et volontaire. Elle vise à offrir une couverture contre les risques et à permettre aux personnes disposant de peu de ressources de bénéficier des soins de santé de base. Les mutuelles de santé, plus précisément les assurances santé communautaires à but non lucratif, sont des organisations communautaires qui visent à améliorer l’accès aux soins de la population par le partage des risques maladie entre les membres (Criel et al, 2004).

Dans ce processus de communautarisation des rôles sociaux en matière de mutualisation de la santé, comment la mutuelle de santé, en tant que structure d’entraide sociale participe-t-elle à promouvoir la santé communautaire et à induire des réformes qui peuvent susciter des questions d’efficacité , d’impact et de gouvernance aussi bien aux niveaux micro, méso et macro du système sanitaire. Les discours normatifs par rapport à l’articulation entre la demande et l’offre en matière de délivrance de services de santé laissent éclore des questions d’approche santé-développement. Dans cette perspective, la Mutuelle de santé " Ifèdoun" située dans la zone sanitaire de Dassa-Glazoué au Centre du Bénin sert de cadre d’étude pour permettre d’analyser cette logique de mutualisation solidaire et communautaire en matière de prévoyance de la santé familiale à l’aune de l’émergence d’un système de santé plus équitable. Pour y arriver, la démarche méthodologique suivante a été adoptée.

I. Approche méthodologique
Matériels et méthodes
Cette recherche est centrée sur une démarche méthodologique à dominance qualitative à la fois descriptive et analytique. Le choix de la méthode qualitative s'inscrit dans la logique d’appréhender la dynamique fonctionnelle de la mutuelle de santé " Ifèdoun, ainsi que pour mettre en évidence les facteurs concourant à la mutualisation communautaire de la santé dans la commune de Dassa-Zoumé. Quant à la méthode quantitative, elle a permis d'apprécier l'effet de la mutuelle de santé " Ifèdoun" sur la réduction des charges financières liées aux soins de santé et sur les disparités relatives à la fréquentation des centres de santé. Les données collectées proviennent de la revue documentaire puis des investigations en milieu réel sur les adhérents, les non adhérents à la mutuelle de santé et sur les principaux acteurs concernés par la mutualité sanitaire dans la commune de Dassa-Zoumé. A cette fin, des outils de collecte (questionnaires, guides d’entretien individuel et de groupe, grille d’observation simple) ont été conçus sur la base des objectifs et des hypothèses de l’étude.

La méthode d’échantillonnage choisie est celle par choix raisonné et celle par boule de neige. Ce qui a permis d’approcher des adhérents, non adhérents et certaines personnes ressources des dix arrondissements que constituent la commune de Dassa-Zoumé (Dassa I, Dassa II, Kèrè, Kpingni, Lèma, Soclogbo, Gbaffo, Tré, Akoffodjoulé et Paouignan). Au total, 90 personnes (mutualistes, non mutualistes, ex-mutualistes, personnel de santé, membres comité de gestion de la mutuelle, membres de la société civile, responsables sectoriels de la santé, élus locaux, responsables d’action sociale, leaders d’opinion, chefs traditionnels) ont été interviewées. L’échantillon s’est constitué par le principe de saturation. L’analyse des données a été faite par combinaison des approches descriptive, structurale et l’analyse du contenu des discours des différents acteurs. Les données collectées ont permis d’établir les liens entre le vécu des mutualistes, des non mutualistes, des ex-mutualistes et leur capacité décisionnelle en matière de financement de leur santé pour le bien-être des membres de leur ménage en particulier et de la communauté en général. Cette recherche a été focalisée sur une trilogie (mutualisation de la santé, prise de décision et bien-être familial) qui intègre sur une base comparative une nouvelle problématique dans la sociologie et l’économie de la santé avec à la clé un intérêt qui pourrait s’exprimer en deux points : social et économique. Les facteurs qui interagissent pour expliquer la faible dynamique d’affiliation à une mutuelle seront présentés et discutés suivant la perspective holistique de l’approche genre, santé et développement.

II. Résultats

2.1. La participation communautaire au Bénin : Origine et fondement

Dès les années 1980, le Bénin a entrepris des recherches sur les problématiques liées à la participation communautaire, notamment la mise en place d’un système de recouvrement des coûts et de financement des soins de santé primaires (CREDESA, 1993 cité Houngnihin, 2013). Le Projet, Développement de la Santé de Pahou (PDSP), devenu le Centre de Recherche pour le Développement et la Santé (CREDESA) en 1989 assurait la mise en œuvre de cette initiative.

L’expérience des projets de coopération multilatérale (tel que le Projet Bénino-Allemand des Soins de Santé Primaires) en matière d’organisation des structures à base communautaire, de recouvrement des coûts et de promotion de la participation active des populations à la gestion des services de santé, est à souligner également (CREDESA, 1993 cité Houngnihin, 2013).

En référence aux principes définis par la Conférence Internationale d’Alma Ata, toutes les formations sanitaires du Bénin sont autorisées à vendre des médicaments essentiels et à retenir en leur sein les recettes. Cette disposition est consacrée par les décrets n° 88-001 du 7 janvier 1988 et n° 88-068 du 18 novembre 1988 portant modalités des prix publics des médicaments et produits pharmaceutiques. Les populations sont associées au processus de gestion financière, à travers leurs représentants dûment mandatés. C’est le début de la généralisation du « financement communautaire ».

De ce fait, à partir de 1990, de nouveaux textes (notamment le décret 90-346 du 14 novembre1990 portant création, attributions et fonctionnement des Comités de Cogestion des Centres de Santé) donnent aux COGES des pouvoirs plus étendus et limitent ceux des responsables des formations sanitaires. Conformément auxdits textes, le COGES a pour attributions de contribuer à la mobilisation des ressources et de participer à la gestion du centre de santé à travers les initiatives suivantes : planification des activités, information et sensibilisation de la population, élaboration et approbation du budget, gestion financière et matérielle, gestion des médicaments essentiels, gestion des conflits entre population et agents de santé, etc. Créé dans chaque aire sanitaire, le COGES est composé de neuf membres dont le responsable du centre de santé et la responsable de la maternité qui sont des membres à titre consultatif.

2.2. Bref aperçu historique du cadre légal, politique national et régional des mutuelles de santé
Au niveau national

Au Bénin, l’histoire des mutuelles de santé est plus ou moins récente. Les premières actions remontent aux années 1992 avec l’initiative du CIDR sur le« Projet Mutuelles de santé » aujourd’hui « Appui Suisse aux Mutuelles de Santé » qui est financé par la coopération suisse ; la Solidarité Mondiale (WSM) et de l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes avec l’appui de la coopération belge. L'objectif visé par la création de ces mutuelles de santé est de faciliter l’accessibilité financière des populations rurales pauvres et défavorisées à des soins et services de santé de qualité. Aujourd’hui, il existe une diversité d’acteurs impliqués dans le développement du mouvement mutualiste : l’Etat béninois, diverses ONG locales ou étrangères (ADMAB, GROPERE, WSM, Louvain Coopération au développement, CIDR) et des mutualités étrangères (Mutualités belges chrétiennes et libres), des acteurs internationaux (BIT-STEP, Union Européenne, UNICEF, FNUAP), ainsi que des agences bilatérales de coopération au développement (coopération allemande, américaine, belge, danoise, française et suisse). Ces promoteurs du mouvement mutualiste béninois interviennent au niveau financier (bailleurs de fonds) et/ou technique. Souvent, ils mettent en place des structures d’appui chargées d’accompagner la création et le fonctionnement des mutuelles (Ministère de la santé ,2010).

En l’absence d’un cadre juridique et réglementaire spécifique aux mutuelles, la majorité des structures d’appui et des mutuelles sont régies par la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations. Ainsi, la tutelle n’est donc pas formellement définie, de même que les conditions de reconnaissance de ces mutuelles de santé. Ce qui n’est pas de nature à favoriser le développement du mouvement mutualiste au Bénin.

Selon les derniers chiffres disponibles du ministère de la santé 257 mutuelles seraient fonctionnelles sur l’ensemble du territoire national, pour un nombre de bénéficiaires évalué à environ 1.110.000 personnes. Mais globalement les mutuelles de santé ont un faible taux de pénétration. Dans leurs localités d’intervention (au niveau des arrondissements), elles ne couvrent que 6% voire 7% de la population cible (Coopération suisse, 2013).

Toutefois, la situation s’améliore lentement. En effet, le Ministère de la santé à travers le service santé communautaire encadre le développement des mutuelles de santé au Bénin.
Le Document de politique et stratégies de développement des mutuelles de santé au Bénin reste formel et exprime clairement cette volonté politique dans la perspective de « développer et de renforcer la culture d’entraide et de solidarité en cas de maladie à travers l’organisation des populations à la base pour une adhésion volontaire et libre à un système de prise en charge » (Ministère de la santé ,2003).

Cette préoccupation concernant le renforcement des mutuelles de santé a été reprise dans le cadre plus général du Document de réduction de la stratégie de la pauvreté (DSRP 2011-2015). En 2007, un plan stratégique de développement des mutuelles de santé pour la période 2007-2011 a été élaboré. Ce plan a donné lieu à la Concertation Nationale des Structures d’Appui aux Micro-Assurances Santé qui réunit les représentants des structures d’appui des mutuelles, des prestataires de soins et des institutions de formation ainsi que des fonctionnaires du ministère de la santé pour faciliter l’échange d’expérience entre les différents acteurs dans le domaine de la santé et mener le plaidoyer ciblé au niveau national (Ministère de la santé ,2007).

Au niveau régional
On note une avancée intéressante au niveau législatif, sous l’égide du BIT et l’existence d’un réseau d’acteurs mutualistes, dénommée la « Concertation entre les acteurs du développement des mutuelles de santé en Afrique de l’Ouest et du Centre ». Etant donné la croissance du mouvement mutualiste dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, le BIT a apporté un appui technique et financier à l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) depuis 2004 afin d’élaborer un cadre légal pour les mutuelles de santé dans les pays de l’UEMOA.

Depuis 2009, les Ministres chargés de la Mutualité Sociale des Etats Membres de l’UEMOA ont approuvé le projet de Règlement portant réglementation de la mutualité sociale au sein de l’UEMOA. En second lieu, la « Concertation entre les acteurs du développement des mutuelles de santé en Afrique de l’Ouest et du Centre est une forme innovante de collaboration et de partenariat entre 150 acteurs du développement des mutuelles dans 11 pays d’Afrique. Ce réseau d’échange et de partage se concrétise par l’organisation de rencontres internationales, la constitution de bases de données, l’échange d’informations par le site internet. La mutuelle de santé " Ifèdoun", de par son organisation et son mode de fonctionnement, s’est ’inscrite dans la durée avec à la clé une couverture juridique.



2.3. Mutuelle de santé "Ifèdoun" : Historique, organisation et mode de fonctionnement

La commune de Dassa-Zoumé a connu la mutuelle de santé Ifèdoun grâce à l’accompagnement du Programme d’appui aux Mutuelles de Santé en Afrique (PROMUSAF) avec son partenaire Solidarité Mondiale (WSM). Créée en février 2003, elle est présente aujourd’hui dans les dix arrondissements (Dassa I, Dassa II, Kèrè, Kpingni, Lèma, Soclogbo, Gbaffo, Tré, Akoffodjoulé et Paouignan) de la commune avec une structure faîtière à laquelle elle appartient et dénommée l’Union Départementale des Mutuelles de Santé des Collines. Cette évolution en termes d’extension cache bien des difficultés.

Organisation et fonctionnement de la MS "Ifèdoun"


Comme toute organisation sociale, la mutuelle de santé "Ifèdoun" repose sur la dynamique locale d’entraide et de solidarité ainsi que de développement. On note à cet effet une importante diversité en matière d’organisation et de fonctionnement dans la perspective d’un renforcement de la défense des intérêts des adhérents et l’instauration d’un climat de confiance bilatérale. Tout ceci, pour arrimer avec la politique de la cogestion sanitaire publique initiée à la Conférence de Bamako et dans la définition de la politique sanitaire nationale et locale.
L’organigramme de la MS "Ifèdoun" comprend trois organes : l’Assemblée Générale (AG), le Comité de Gestion (CG) et le Comité de Surveillance (CS).













L’organigramme de la MS "Ifèdoun"


















Source : Manuel de procédure de la mutuelle de santé "Ifèdoun", 2012
Les conditions d’adhésion
L’adhésion d’une personne à la MS "Ifèdoun" se déroule généralement en cinq étapes qui sont :
- Une demande d’adhésion,
- le paiement du droit d’adhésion et de la cotisation,
- l’inscription dans le registre des adhérents,
- l’information sur les statuts et le règlement intérieur, et
- la période d’observation.
Les principes de base :
Les principes de base de la MS "Ifèdoun" se résument en trois grands points : la solidarité entre les membres, le fonctionnement démocratique et participatif puis l’autonomie ou la liberté.
• la solidarité entre les membres : le principe de solidarité est véritablement le fondement de la mutualité, laquelle refuse les discriminations de tous genres et d’une sélection des risques. Par ailleurs, la solidarité étant un concept dynamique, sa mise en œuvre nécessite les moyens et les mécanismes propres à la société dans laquelle elle se développe,
• le fonctionnement démocratique et participatif : la MS "Ifèdoun", comme la plupart des organisations sociales, est le fruit de la liberté d’association et d’adhésion sans discrimination raciale, ethnique, sexuelle, religieuse, sociale ou politique. Tous les adhérents ont les mêmes droits et obligations. Ils ont, entre autres le droit de participer, directement ou indirectement aux différentes instances de décision. Cette démocratie participative s’exprime à travers la participation des adhérents aux prises de décision et la possibilité de contrôler le fonctionnement de la MS "Ifèdoun", puis
• l’autonomie et la liberté : la MS "Ifèdoun" s’entend comme une organisation libre et autonome, et doit pouvoir en conséquence prendre des décisions sans demander l’aval des autorités locales. Cette souplesse dans l’action permet d’adapter les services offerts aux besoins des adhérents. C’est ce droit à l’initiative qui permet la créativité dans la définition des objectifs et l’efficacité des utilisations des moyens.
Modalités d’adhésion et populations couvertes par la Mutuelle de santé
Nom de mutuelle de santé Date de création Taux d’adhésion et de cotisation/ période d’observation Nombre d’adhésion et de bénéficiaires Trésorerie générale
Ifèdoun Février 2003 Adhésion : 1000F
Cotisation : 200F/pers /mois
Période d’observation : 6 mois Adhérents : 575
Bénéficiaires : 5643 3 030750 F CFA
Source : Données de terrain, 2012-2015.

Il découle de ce tableau quelques disparités entre le nombre d’adhésions et de bénéficiaires. Mais ce qu’on peut retenir, c’est la petite taille de la MS "Ifèdoun". L’étroitesse de la base d’adhésion révèle la lente évolution dans le sens de toucher toutes les cibles potentielles et d’atteindre le plus grand nombre de personnes. Toutefois, il y a lieu de noter que plus de la moitié des bénéficiaires de la MS "Ifèdoun" est constituée de femmes (15-49 ans) et d’enfants (0-5 ans).La période d’observation de 6 mois n’est rien d’autre que la durée pendant laquelle l’adhérent cotise sans toutefois bénéficier des prestations.


Prestations couvertes et taux de prise en charge
Une liste de soins et services de santé sont offerts par la mutuelle de santé : "Ifèdoun" :
• Les soins de santé primaires qui concernent les soins courants, dispensés le plus souvent dans les centres de santé au premier contact avec les systèmes de santé ;
• Les soins préventifs et promotionnels (les consultations prénatales et postnatales, les vaccinations, la planification familiale, l’éducation à la santé, l’assainissement) ;
• Les soins curatifs (les consultations, les soins infirmiers, les médicaments, les accouchements simples).
En outre, le ticket modérateur est de 25 % tandis que le taux de prise en charge s’élève à 75% pour les différentes prestations couvertes par la MS "Ifèdoun".

La mutuelle de santé "Ifèdoun": Une question de principes et de solidarité

La mutuelle de santé "Ifèdoun" vise l’accessibilité financière aux soins et la protection sociale des ménages vulnérables de la commune de Dassa-Zoumé. En associant ses principes d’entraide et de solidarité au mécanisme de l’assurance, elle présente un potentiel en matière d’amélioration de l’accès aux soins et de diminution du risque financier lié à la maladie. Elle est caractéristique des principes décrits ci-après :
(1)
(2)


(4)
(3)
(5)
(6) (7) (8



Figure 1 : Cadre schématique défini par Pierre Fournier, adapté par l’auteur, 2012.

A la lecture de cette figure, on note que la connaissance de la mutuelle de santé "Ifèdoun":à travers ses principes et les prestations qu’elle offre, montre une certaine corrélation entre les variables qui peuvent inciter les personnes à souscrire ou non au système de prépaiement de leurs soins de santé (1) et cela en fonction de leur capacité financière (2,3) qui dépend des sources de revenu, et de l’activité génératrice de revenu, des capacités à épargner des personnes. Une fois la prise de conscience est réelle et l’adhésion effective, la mutuelle assure ce risque éventuel (4). La maladie une fois manifeste, engendre des besoins de soins (5) qui lorsqu’ils sont pris en compte parmi les prestations de la mutuelle seront couverts (6 ,7). Après la satisfaction des besoins de soins, les populations peuvent accroître leur capacité productive et donc améliorer leur capacité financière (8). Toutefois, ces relations ne sont pas nécessairement exhaustives dans la mesure où elles peuvent être traduites par d’autres facteurs implicites : mauvais accueil, barrières socioculturelles, stratégies du promoteur de la MS, etc.

Recours thérapeutiques et interprétation socio-culturelle en cas de maladie des enquêtés

Des résultats obtenus face à la maladie, les enquêtés ont déclaré qu’ils font recours à divers modes de traitement qui varient en fonction d’un certain nombre de facteurs propres à l’individu. Par ailleurs, les recours thérapeutiques fréquemment adoptés en cas de maladie sont soit les soins modernes, soit les soins traditionnels ou soit l’automédication. Face aux principales affections évoquées par les mutualistes, leur avis sur chaque mode adopté montre que 44% des personnes interrogées ont recours aux soins traditionnels ; 40 % utilisent les soins modernes, 14 % l’automédication et 2 % pour d’autres modes adoptés. Cette situation peut s’expliquer par plusieurs raisons : les communautés n’ont pas une entière confiance aux agents de santé, donc elles redoutent de l’efficacité des méthodes utilisées par ces agents et la qualité des soins qu’ils prodiguent.
L’interprétation culturelle de la mutualisation des risques maladie et difficulté de prévoyance solidaire
L’influence des croyances culturelles sur l’adhésion à une mutuelle de santé reste vivace dans cette aire culturelle du centre Bénin. Toutes les personnes interviewées, adhérentes et non adhérentes ont estimé que la mutualisation face au risque de maladie est une bonne chose et ne va aucunement à l’encontre de la tradition même si elle n’est pas pratiquée dans leur culture, d’où la difficulté de solidarité traditionnelle pour la prévoyance. Le système traditionnel ne permet pas de cotiser pour des événements hypothétiques négatifs tels que les décès, la maladie, les accidents. Toutefois, il existe des pratiques traditionnelles de prévention des maladies. Cette prévention traditionnelle existante est assimilée à une forme de prévoyance passive individuelle ou familiale et est assurée par des pratiques religieuses et culturelles que sont les consultations de l’oracle par exemple, les offrandes, les scarifications, les libations et les rituels de protection sanitaire communautaire. Elle est souvent de la responsabilité du chef de ménage, donc des hommes. Selon certains enquêtés, ces pratiques traditionnelles de prévention diffuse ne fournissent aucun moyen de défense en cas de survenance de difficultés. Ce verbatim corrobore cette situation :
«C’est un problème pour moi, lorsque je prends la carte d’adhésion une année. Cette année là, j’ai beaucoup de cas de maladies dans mon ménage. Cette année, je me suis abstenu pour voir ce qui va se passer. Lorsqu’on prend la carte, c’est une façon d’attirer le malheur et la maladie sur son ménage. Pour moi, c’est étendre la natte et attendre la maladie». (Homme traditionnel, analphabète, Ayédéro).
De cette dynamique culturelle relative à la mutualisation des risques maladie, des perceptions et appréciations différenciées sont à noter par rapport aux actions de la MS "Ifèdoun".

2.4. Perception et appréciation des acteurs de la MS " Ifèdoun"

Point de vue des adhérents, personnel de santé et promoteurs de MS
Selon les résultats obtenus, on note que la plupart des enquêtés (76 %) affirment que les taux d’adhésion et de cotisation sont relativement à leur portée. De même, ils déclarent que ces taux ne sont pas chers mais que ce sont les charges familiales, le faible pouvoir d’achat, et le non pouvoir de décision qui ne leur permet pas d’honorer convenablement leur engagement. De même, plus de la moitié (65 %) ne sont pas à jour de leurs cotisations. Cette situation engendre au niveau des membres plusieurs suspensions dans l’accès aux prestations de soins de santé offertes par la MS "Ifèdoun". Ainsi, naissent des difficultés qui fragilisent les engagements financiers vis-à-vis de la structure sanitaire conventionnée.

Globalement, les MS de type communautaire sont reconnues comme difficiles à gérer surtout en ce qui concerne le recouvrement des cotisations. La collecte étant effectuée par le comité de gestion qui a l’impression de courir à chaque fois derrière les membres voire de les importuner pour récupérer la cotisation mensuelle.

Point de vue des non mutualistes, promoteurs de MS et personnel de santé

Les entretiens menées auprès des non mutualistes révèlent qu’ils ont généralement une bonne perception de la MS "Ifèdoun" ; ils croient qu’elle œuvre pour la promotion de la santé des populations et plus particulièrement des femmes et des enfants. Certains d’entre eux affirment que le « fait d’être en dehors de la MS ne leur est pas profitable. C’est une situation qui porte beaucoup de préjudices compte tenu des nombreuses contraintes financières liées à l’accès aux soins de santé pour les ménages et les opportunités offertes par les mutuelles de santé » ont-ils affirmé. Les non adhérents considèrent les adhérents et bénéficiaires comme des privilégiés du « fait qu’avec leur carte de membre, ils peuvent accéder aux structures sanitaires, être mieux traités et payer à moindre coût le prix de leur traitement ».

Une autre explication donnée aussi est le manque de revenus conséquents pour honorer régulièrement les cotisations. Cependant, suivant l’avis des promoteurs de MS et personnel de santé, le manque d’information, le manque de confiance et l’indigence sont les principales raisons de la non adhésion, d’abandon voire d’exclusion.

2.5. La Mutuelle de santé "Ifèdoun": un instrument d’entraide sociale ?
La Mutuelle de santé "Ifèdoun" constitue un gage de sécurité sociale pour les populations vulnérables de la commune de Dassa-Zoumé. Elle leur confère un sentiment de protection et de sérénité par rapport aux craintes liées à la maladie. En effet, l’adhésion à cette mutuelle permet aux mutualistes de bénéficier d'une réduction de 75% sur les charges liées aux soins de santé. De fait, le sentiment d'inquiétude que suscite la maladie du fait de l'incapacité des populations à mobiliser les ressources financières nécessaires à la couverture des charges médicales se trouve dissipé. Ce point de vue est confirmé par le témoignage par une personne ressource à travers le verbatim suivant :
«Pour les soins de santé, le ménage mutualiste se sent protégé, sécurisé et possédant de garantie même en l’absence du chef de ménage. En période de gestation où l’automédication est déconseillée chez la femme, on n’a pas de soucis à se faire. A ma connaissance, il n’y a rien de meilleur que la mutuelle de santé ».
L'adhésion à la Mutuelle procure donc à ces communautés un sentiment de sécurité, comme l'attestent les propos d'une mutualiste :
«Depuis que mon mari a adhéré à la mutuelle de santé, je suis beaucoup plus tranquille. Quand mes enfants sont malades, je n'hésite plus à les conduire au centre de santé, parce que les frais que nous payons sont désormais très réduits. Avant, ce n'était pas du tout facile parce que mon mari se plaignait souvent de ne pas avoir d'argent pour couvrir les charges médicales. Du coup, nous pratiquions l’automédication. Mais, aujourd'hui la mutuelle de santé nous permet de régler tous ces problèmes et d'être moins stressés, du moins par rapport aux moyens à mobiliser, quand un membre de la famille est malade ».
De fait, il apparaît que la Mutuelle permet au niveau familial, de se faire soigner à un coût réduit, sans s’endetter. Elle contribue ainsi à limiter les risques d’aggravation de la maladie et une certaine tranquillité sociale au regard de son influence sensible sur le bien-être social des populations. Les propos de cette mutualiste confirment cette analyse :

« Avec l’avènement de la mutuelle de santé "Ifèdoun" les femmes peuvent désormais se soigner ou faire des consultations, ce qui n’était pas le cas auparavant. En effet, de par le passé, les femmes hésitaient le plus souvent à se rendre dans une structure sanitaire car elles étaient angoissées par les coûts exorbitants des soins et des ordonnances. La MS "Ifèdoun" a mis fin à ces appréhensions et désormais, elles se rendent spontanément aux soins ou en consultation, tout en sachant qu’au bout du compte quelque soit le coût, la prise en charge sera possible ».(Femme, membre comité de gestion, MS "Ifèdoun")
Par ailleurs, l'adhésion la Mutuelle de santé "Ifèdoun": contribue à réduire sensiblement les dépenses liées aux pratiques parallèles (surfacturation, faux frais, vente de médicaments personnels, détournements de malade.). Les pratiques dites parallèles, font partie du quotidien des hôpitaux et consistent en une privatisation des soins dans l’espace public hospitalier. Elles sont au cœur des interactions mutualiste-agent de santé, mises sur la méconnaissance des circuits officiels d’accès aux services de soins par les usagers ainsi que sur leur situation de détresse. Si les pratiques parallèles enrichissent les agents de santé et facilitent la tâche à quelques avertis qui y voient un raccourci d’accès rapide aux soins et à des privilèges, elles plombent néanmoins la qualité des soins et appauvrissent les formations sanitaires. Elles engendrent également l’exclusion d’un grand nombre d’usagers des services de santé. Cette situation explique d'ailleurs selon les entretiens individuels réalisés, l'impopularité des mutualistes auprès de certains agents de santé. L’adhésion à la mutuelle de santé "Ifèdoun" offre aux communautés de la commune de Dassa-Zoumé, une certaine protection et une sécurité financière, car elle réduit les paiements directs des ménages dans les formations sanitaires pour les soins primaires, hospitaliers et de maternité.
Bon nombre de facteurs internes ou externes avec des effets directs sur les bénéficiaires et sur l’organisation et le fonctionnement de la mutuelle se dénotent.




2.6. Facteurs internes et externes liés à l’adhésion à la MS "Ifèdoun"

De la triangulation des données, il ressort que les facteurs explicatifs de la difficile relation entre agents de santé et mutualistes sont : l’interventionnisme politique, la mauvaise gestion des ressources issues des cotisations des membres, la lourdeur de la charge familiale conduisant à l’amenuisement des ressources familiales. Il en est de même pour les conflits interpersonnels au sein du comité de gestion qui constituent des goulots d’étranglement pour les aspirants à la mutualité.

Le difficile rapport entre personnel de santé et mutualistes : facteur de démotivation et source de conflit avec les populations

Au sein du personnel de santé, deux tendances se dégagent clairement lorsqu’on se réfère à leurs pratiques vis-à-vis des mutualistes. Il y a une tendance pro-mutualiste (très peu nombreuse mais significative) qui veut de la mutuelle et qui œuvre pour sa promotion, comme l’atteste ce verbatim :

«Mon souhait, est que tout le monde puisse adhérer à la mutuelle parce que ça renfloue la caisse de notre centre, les gens n’hésitent plus à se faire soigner. Mais il faut que les sensibilisations continuent pour lever les quelques points d’ombre existant. » (Propos d’un agent de santé mutualiste).

De même, on note à la suite des pro-mutualistes, des anti-mutualistes. Les agents de santé qui sont dans cette logique usent de toutes les stratégies pour décourager les mutualistes. Cette situation a été fustigée par la plupart de nos interlocuteurs (surtout les mutualistes) devenant ainsi une récurrence qui en fait l’une des principales causes des désertions et des non adhésions à la mutuelle de santé. Cela se traduit dans les faits par des relations très tendues entre agent de santé-mutualiste. Pour certains, c’est le manque de marge de manœuvre de rançonnement qui justifie l’attitude hostile de la plupart des agents de santé vis-à-vis des mutualistes.

Certains prestataires de soins, pour contourner le fait, développent des stratégies de captation de rente. Les propos de cette personne ressource confirment cette réalité :

« Les agents de santé ne veulent pas de la mutuelle. Ce sont eux qui tuent la mutuelle parce que l’argent ne rentre plus directement dans leurs mains. Pour amener les gens à quitter la mutuelle, les agents de santé font payer aux mutualistes les forfaits les plus élevés. Voyez-vous même si un mutualiste vient pour une maladie négligée, il paie une somme exorbitante au mépris des dispositions contractuelles qui le lie avec la formation sanitaire conventionnée » (Propos Homme, membre comité de gestion, Dassa ville).

Corrélées ces analyses avec les données obtenues des différents acteurs, les positions semblent mitigées et divergentes.

Points de vue des mutualistes sur la question

La première limite notée par les membres et bénéficiaires concerne le niveau et la gamme des prestations. Pour eux, la MS ne couvre pas les soins hospitaliers (gros risques) et la gamme de soins est trop réduite voire étroite. Les cotisations ne sont pas du tout chères mais les charges financières familiales font que les adhérents sont le plus souvent confrontés à la pauvreté et à l’indigence. De même, le problème de gestion des fonds de garantie aux membres surtout durant les urgences, le fonctionnement des organes et du comité de gestion, ce qui fait que les renouvellements ne se font pas comme prévus par les textes et statuts. A cet effet, on relève aussi le manque de campagne de sensibilisation des masses et de promotion de la MS "Ifèdoun" en vue de fidéliser les adhérents et de recruter d’autres membres.
Points de vue du comité de gestion
Des résultats issus des échanges avec le comité de gestion de la mutuelle, le bénévolat est le principal handicap du développement de la MS "Ifèdoun". En effet, le comité de gestion et les relais communautaires ne sont pas payés à la hauteur de la tâche qu’ils exécutent. Ce manque de motivation a des conséquences négatives sur le mode de gestion et la bonne marche de cette MS.

A cet effet, un certain nombre de difficultés ou contraintes s’opposent à l’ambition de ce type d’organisation à assurer l’accès aux soins de santé notamment (Babacar, 2005) :
- les problèmes de recouvrement des cotisations où ils ont l’impression de courir derrière les mutualistes voire de les importuner pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs cotisations ;
- le taux de recouvrement est très faible et le taux d’endettement des membres trop élevé empêchant la MS d’honorer parfois ses engagements vis-à-vis du centre de santé de la commune ;
- le manque de moyens et d’outils de gestion notamment le problème récurrent du siège de la MS "Ifèdoun". En effet, le fait que la MS "Ifèdoun" ne dispose pas de siège pose le problème de visibilité ;
- puis le manque de soutien des institutions étatiques et des collectivités locales. Par ailleurs, l’on constate que les pouvoirs publics ne jouent pas encore le rôle qui leur est dévolu en matière de santé communautaire.

Pour les promoteurs des mutuelles de santé
La principale limite de la mutualité réside dans l’étroitesse de la base d’adhésion étant donné que la mutuelle est la loi du grand nombre. La faiblesse du pouvoir d’achat des ménages par rapport aux taux de cotisation. Ce faisant, la MS constitue un autre facteur d’exclusion pour les couches démunies et les personnes indigentes et l’incompréhension des fondements de la MS (solidarité, entraide) par les populations qui gardent toujours des attitudes attentistes.

Pour le personnel de santé
L’irrégularité dans le paiement des prestataires est l’une des conséquences de la faiblesse du recouvrement des coûts. L’absence du fonds de garantie pour pallier aux difficultés de gestion financière et le manque de communication et de promotion de la MS ne sont pas occultés.

La qualité des soins
Bien qu’elle soit diversement définie selon la perspective des acteurs, la qualité des soins est un facteur essentiel selon la quasi-totalité des acteurs interrogés. « Une mutuelle ne connaîtra le succès lorsque la qualité des soins est perçue comme satisfaisante et où la population cible a une confiance suffisante dans la dispensation des soins » (Letourmy et al, 2008).

La mutuelle de santé "Ifèdoun" n’échappe pas à cette règle d’autant plus qu’elle constitue le leitmotiv de la plupart des non-adhérents pour expliquer leur non-adhésion. En effet, plus de la moitié des enquêtés (62%) imputent leur non-adhésion à la mauvaise qualité des soins. Les critiques sont autant dirigées sur les compétences du personnel de santé que sur la disponibilité de médicaments.
« C’est abominable. Tous les malades ont presque les mêmes médicaments alors qu’ils souffrent de pathologies différentes ». (Propos d’un mutualiste)
L’accueil qui est une composante de la qualité de soins a été un motif de plainte pour les personnes enquêtées qu’elles soient adhérentes ou non-adhérentes. Le mécontentement des bénéficiaires lié à la façon dont les agents de santé traitent différemment les patients selon leur statut socioéconomique a été exprimé.
Le contre-pouvoir que pourrait constituer la mutuelle pour améliorer la qualité des soins ne se vérifie pas dans la mesure où les membres du comité de gestion sont quasiment composés des mêmes personnes. Ce contre-pouvoir évoqué dans plusieurs études est plus théorique que réel car il est difficile d’avoir des administrateurs ayant des compétences dans le domaine de la santé pour tenir tête aux prestataires (Dkhimi, 2005).
III. Discussion
La mutuelle de santé "Ifèdoun" a contribué à améliorer l'accessibilité des populations de la commune de Dassa-Zoumé aux soins de santé. Jadis, elles n'avaient pas toujours un accès facile aux centres de santé, du fait de leur manque d'autonomie financière. Pour remédier à la situation, cette mutuelle a été créée depuis 2003, avec sans nul doute une influence sur le bien-être des communautés. En mettant en place un système basé sur la solidarité et l'entraide, les mutuelles de santé ont permis à des personnes vulnérables de bénéficier d'une protection sociale. Au regard de l'importance de la notion d’entraide et de solidarité, les systèmes de mutualisation des risques maladie sont classés parmi un large éventail de mécanismes d’entraide qui vont de l’entraide familiale à la sécurité sociale organisée par l’État (Criel et al, 2006). Ainsi, les auteurs distinguent quatre niveaux de solidarité : la solidarité familiale restreinte et obligatoire ; la réciprocité équilibrée des associations informelles d’entraide qui assurent des bénéfices égaux pour chaque membre ; la solidarité redistributive entre malades et non malades des systèmes d’assurance et la solidarité verticale entre riches et pauvres qui existe dans les systèmes européens de sécurité sociale. Il apparaît donc que les mutuelles de santé constituent dans leur globalité, une forme traditionnelle d’organisation d’économie sociale et solidaire.

En effet, la promotion de la protection sociale apparaît pour le Bureau International du Travail comme l’expression d’une vision de la société.

« La sécurité sociale est un droit fondamental de l’être humain et un instrument essentiel de cohésion sociale, qui par là même concourt à la paix et à l’insertion sociale. Composante indispensable de la politique sociale, elle joue un rôle capital dans la prévention et la lutte contre la pauvreté. En favorisant la solidarité nationale et le partage équitable des charges, la sécurité sociale peut contribuer à la dignité humaine, à l’équité et à la justice sociale. Elle est importante également pour l’intégration, la participation des citoyens et le développement de la démocratie. Si elle est bien gérée, la sécurité sociale favorise la productivité en assurant des soins de santé, une sécurité du revenu et des services sociaux. Associée à une économie en expansion et à des politiques actives du marché du travail, elle est un instrument de développement économique et social durable » (BIT/STEP, 2003).
Pour les personnes interrogées, les rôles et responsabilités de la femme et de l’homme en matière de la santé sont complémentaires. Pour elles, les mutuelles de santé leur permettent de jouir de cette sécurité sociale, car ils peuvent désormais vaquer à leurs occupations sans trop se préoccuper des soins de santé des membres de leurs familles. Pour les femmes et autres personnes, l'adhésion à la mutuelle constitue un moyen de vaincre la discrimination sociale. Cependant, quand il s’agit de la mutualisation des risques de la maladie, on s’aperçoit que les femmes résistent parfois au changement et tiennent des discours conservateurs qui peuvent handicaper la mutualisation communautaire.
Les mutuelles de santé se révèlent ainsi être des éléments de promotion de justice sociale en ce sens qu'elles offrent à toutes les catégories sociales les mêmes chances d'accès à des soins de santé modernes. De plus, elles permettent aux adhérents d'être mieux informés au sujet des problèmes d’accès aux soins, des soins délivrés par les formations sanitaires et de leurs coûts. Plus sûrs de leur bon droit, ils peuvent se montrer plus exigeants et exprimer leur point de vue avec davantage de force (Criel et al, 2006).

Toutefois, même si les mutuelles de santé sont perçues comme un mécanisme exogène d’intervention dans le domaine sanitaire et une initiative salutaire à leurs problèmes de santé, un point accusateur est mis sur certains facteurs qui limitent l’adhésion à grande échelle aux mutuelles notamment la sous-information, l’analphabétisme, le manque de flexibilité dans la période de cotisation, le sentiment d’injustice, la relation prévoyance-culture, les frais de déplacement insupportables en cas d’évacuation d’un centre de santé vers un autre souvent éloigné l’un de l’autre, la non-prise en charge des maladies dites moins graves et fréquentes, le degré d’ouverture et les expériences antérieures en matière d’intervention extérieure.
De même, la répartition des charges familiales et sociales peut influencer la décision d’adhérer à une mutuelle de santé. Cependant, si les promoteurs de soins comprennent l’intérêt d’une mutuelle comme un instrument technique de prépaiement des soins, ils ne la perçoivent pas encore comme un instrument de promotion de la qualité des soins, dans l’intérêt de ses adhérents (Criel et al, 2004).

La connaissance de la mutuelle de santé à travers ses principes et les prestations qu’elle offre, peut inciter les personnes à souscrire ou non au système de prépaiement de leurs soins de santé et cela en fonction de leur capacité financière qui dépend des sources de revenu, et de l’activité génératrice de revenu et des capacités à épargner des personnes. La prise de conscience du risque de maladie reste un facteur déterminant qui peut susciter le désir d’assurer la santé avec le système de prépaiement de la mutualité. Une fois cette prise de conscience réelle et l’adhésion effective, la mutuelle assure ce risque éventuel. La satisfaction des besoins de soins des populations peuvent accroître leur capacité productive et donc améliorer leur capacité financière. Toutefois, ces relations peuvent être traduites par des facteurs endogènes et exogènes : mauvais accueil, barrières socioculturelles, qualité des soins, stratégies de chaque promoteur de Mutuelle de Santé et qui peuvent cependant influer sur la faible mutualisation des communautés (Fournier et al, 1995).

La mutuelle de santé "Ifèdoun" apparaît comme un potentiel visant à promouvoir l’entraide sociale et la santé communautaire dans la commune de Dassa-Zoumé. Elle est sans nul doute un tremplin pour une dynamique sociale en matière de santé au niveau communautaire. C’est dans cette perspective que le Gouvernement du Bénin s'inspirant des mutuelles de santé a initié le Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) en vue de protéger l’ensemble des populations béninoises contre les conséquences financières du risque maladie pour les couches socialement vulnérables tout en veillant au respect des principes de base que sont la couverture universelle, l’approche contributive, la solidarité nationale, la responsabilité générale de l’Etat, l’équité, la gestion participative et l’efficience.

Toutefois, il est à noter qu’il ne suffit pas d’avoir un cadre institutionnel, des politiques et stratégies assorties de leurs plans d’actions pour réduire la pauvreté sanitaire des communautés. Une politique sociale n’est efficace que lorsqu’elle permet de répondre aux besoins des populations et de contribuer à leur bien-être (Babacar, 2005).

Les cadres d’analyse et de planification des structures d’appui doivent intégrer la dimension socioculturelle et humaine afin d’anticiper sur les facteurs limitant au moment de l’implantation des mutuelles de santé. Il sied alors de trouver la meilleure formule selon chaque contexte et non de prétendre utiliser « un cadre passe partout ».

Conclusion
Dans cet article, nous avons analysé les déterminants liés à la mutualisation communautaire en matière de santé dans la commune de Dassa-Zoumé. Une description de la participation communautaire au Bénin, de l’historique et du mode de fonctionnement de la mutuelle de santé "Ifèdoun" ainsi que la perception des acteurs .a été présentée. Dans cette perspective, il est à noter qu’un meilleur système de mutualité suppose l’établissement de priorités programmatiques qui intègrent les bénéficiaires et les acteurs aux activités de manière démocratique. Par ailleurs, trois éléments clés ont été relevés pour expliquer l’absence d’adhésion à une mutuelle : l’incapacité financière, les risques couverts et la qualité de l’offre de soins. Si l’action sur les capacités financières des ménages reste délicate, l’amélioration de la qualité et de la quantité d’informations transmises aux non mutualistes ainsi que la poursuite des efforts d’interaction avec les agents de santé pour améliorer la qualité de l’offre des services restent un impératif. Même si des réserves sont émises sur l’organisation et le fonctionnement de la mutuelle de santé "Ifèdoun", il faut reconnaître que tous les acteurs sont unanimes sur son importance et des avantages qu’ils en tirent. L'adhésion aux mutuelles de santé permet aux mutualistes d'avoir un sentiment de quiétude par rapport aux risques liés à leur santé et à celle des membres de leurs familles. Toutefois, pour que la mutuelle de santé "Ifèdoun" sert de tremplin pour l’accès aux soins de santé des populations déshéritées, elle se doit d’être restructurée et redynamisée afin d’assurer le bien-être aux plan familial et sociétal.

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OMS, (2003), Conférence internationale d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires : vingt-cinquième anniversaire, Rapport du Secrétariat, cinquante-sixième assemblée mondiale de la santé.

Publication scientifiques

Atchouta R., (2016), Dynamique communautaire autour de la gestion de la santé maternelle et néonatale en milieu Wémè au Bénin : Controverses, logiques et stratégies des acteurs, Actes du Colloque de l’UP -ISBN/ISSN : 678-99919-62-55-9, 24 p.

Atchouta R., (2015), Savoirs locaux et suivi prénatal dans la zone sanitaire Allada-Toffo-Zè au Sud du Bénin, Revue Santé de CODESRIA, 25p. (sous presse).

Onibon, Y., Atchouta, R., (2016), Scolarisation différenciée entre filles et garçons chez les Otamari au Nord-Bénin, Revue Mu Kara Sani, 16p.(sous presse).

Résumé en Anglais

Abstract
The social protection system as it stands today in Benin deserves deep reforms for good prospects. Meeting health and social needs is a major challenge and a major political and social challenge from every point of view. Health is priceless. But we forget that it has a cost that must be paid to guarantee it. Thus, the high cost of access to modern health care combined with household poverty is a determining factor in access to health care (Bantuelle, 2000). This article tries to analyze the influence of health mutuals in a context of social dynamics in the Center-Benin. Health mutuals, specifically nonprofit community health insurances, are community-based organizations that aim to improve access to health care by sharing health risks among members (Criel and al., 2004). As such, they also constitute a form of alternative health insurance for social purposes, which require a collective response to manage inequalities in the face of the disease and facilitate solidarity and community pooling of health insurance.
The declarations of the Alma-Ata Initiative in 1978 and that of Bamako in 1987 are largely consistent with this logic. In this process of communitization of social roles in health financing in Benin, how does the health mutual, as a social welfare structure, play a role in promoting community health and inducing reforms that can Questions of effectiveness and impact in terms of equity and social protection at the micro and meso levels of Benin's social protection system? To this end, a socio-anthropological survey focusing on the qualitative approach was carried out in the commune of Dassa-Zoumé located in the Center-Bénin with the key of ninety persons interviewed selected in a reasoned way. The triangulation of information reveals that the operationalization of mutual health insurance schemes in rural areas in Benin has made it possible to identify normative discourse and social representations in relation to the articulation between demand and supply in the provision of health services Health and development issues. It has significantly improved the social protection of vulnerable rural populations in health.
Keywords: Mutual health, communitarization, public health, social protection, Center-Benin.