Fiche Documentaire n° 4828

Titre "Les Acteurs du social"

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l'auteur principal

Auteur(s) MENGEOT Martine  
     
Thème Des ateliers de Théâtre action avec des usagers de CPAS et des étudiants futurs assistants sociaux , une expérience commune qui transforme les représentations respectives des participants et favorise l'émergence de solidarités nouvelles.  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

"Les Acteurs du social"

Dans un contexte social général où l'exclusion des plus démunis se généralise, où le droit élémentaire de tout être humain à accéder à la satisfaction de ses besoins se raréfie, où le soutien aux personnes vulnérables fait place aux contrôles en tout genre, les travailleurs sociaux sont de plus en plus confrontés à des difficultés nouvelles. Le travail social lui-même doit répondre à des exigences imposées par des impératifs qui l'éloignent des rapports de soutien et d'accompagnement des usagers des services sociaux.
C'est pourquoi, notre équipe pédagogique propose des pistes créatives et alternatives qui sont autant de soutien aux étudiants, futurs professionnels asssistants sociaux, pour être et rester engagés aux côtés des personnes qui sollicitent leur aide.
Petit détour sur le choix pédagogique de l'approche socio-artistique: qu’est ce que le théâtre action et pourquoi avoir choisi ce média ?
Le Théâtre action est une démarche artistique qui existe partout dans le monde. En Belgique comme ailleurs, des groupes de personnes utilisent l’expression théâtrale pour tenter de mener une action sur la société.
Ses origines les plus connues, se situent au Brésil dans les années 60' où, Augusto Boal, est considéré comme le père fondateur du "Théâtre de l'opprimé".
Cette forme de théâtre veut contribuer à lutter contre toutes les formes d'oppressions pouvant exister dans les sociétés humaines, à réveiller l'esprit de contestation indispensable à une société où l'injustice et l'oppression dominent.
Ainsi, il y a 4 ans, à l'initiative d'un groupe d'étudiants en dernière année de formation d'assistant social, notre école(1) a mis sur pied un atelier de Théâtre action réunissant 10 étudiants et 10 personnes allocataires sociales et usagers du service Culture d'un CPAS(2) situé à Bruxelles.
Deux comédiens et formateurs en arts dramatiques(3) prennent en charge l'animation des ateliers et mènent le groupe vers l'élaboration d'une création collective. Depuis 2 ans deux ateliers de 20 personnes sont menés en parallèle et cette année a permis d'inscrire cette activité dans la grille des cours comme un cours à option intitulé "Approche sociale artistique dans le travail social". Les ateliers se déroulent sur une période de 5 mois à raison de 20 séances de 3 heures et de deux weekend. A l'issue du processus, une création collective est présentée devant un large public (300 personnes) dans un Théâtre de la capitale bruxelloise.
Nous allons vous proposer de découvrir une approche socio-artistique à intégrer dans le travail social, "le théâtre-action" et son impact sur l'ensemble des participants.
Le Théâtre action assume une double fonction, une fonction artistique qui consiste à partager l’expérience fascinante de la création théâtrale et de l’interprétation,
une fonction sociale qui est d’encourager la prise de conscience de groupes et d'individus en leur permettant de s’exprimer sur des thèmes qui les concernent directement.
Usagers de CPAS, allocataires sociaux et étudiants futurs assistants sociaux en troisième année de formation se retrouvent pour élaborer ensemble une parole qui parlent d'eux, de leurs préoccupations et du monde dans lequel ils vivent, nous vivons.
"Insistance sociale", "Chronique bancale", "Un monde plus que parfait", "La voix est libre", voilà les titres que les partcipants ont voulu donner à leur création, tous sont évocateurs des réalités dans lesquelles ils vivent mais aussi du regard critique qu'ils portent ensemble sur cette réalité qu'ils proposent à leurs publics de transformer. A travers cette "création collective" ils nous entraînent dans une histoire qu'ils ont créée ensemble au fil de leurs rencontres au sein des ateliers, une histoire qui nous invite à imaginer que d'autres perspectives sont possibles, à imaginer un autre monde où la solidarité et l'entraide trouvent leur place.
1.Etudiants Bloc 3 Campus IESSID, HE2B, Bruxelles, Belgique.
2.Centre Public d'Action social.
3.collectif-libertalia.be

Bibliographie

Augusto Boal, Jeux pour acteurs et non acteurs. Pratique du Théâtre de l'opprimé. Editions Maspéro, 1978.
Alexis Rosenbaum, La peur de l'infériorité. Aperçus sur le régime moderne de la comparaison sociale. L'harmattan, Logiques sociales 2005.
Francis Loser, La médiation artistique en travail social, Enjeux et pratiques en atelier d'expression et de création. Editions IES, Collection du centre de recherche, 2010.
Serge Paugam, L'intégration inégale, Force, fragilité et ruptures des liens sociaux. Editions P.U.F, Collection "Le lien social", 2014.
Labiso, Laboratoire des innovations sociales, numéro 103. Culture, art et travail social: un rendez-vous à ne pas manquer! L'approche culturelle dans la formation des travailleurs sociaux. Culture et démocratie, 2008.

Présentation des auteurs

Martine Mengeot est assistante sociale de formation, elle a travaillé près de 20 ans avec un public de personnes exilées et victimes de la violence organisée au sein d'un Centre de santé mentale. Depuis une dizaine d'années, elle occupe une fonction d'enseignante au sein d'une Haute Ecole qui forme des assistants sociaux à Bruxelles (HE2B) et depuis peu, y coordonne le bachelier de spécialisation en travail psychosocial en santé mentale.
Impliquée au sein du Collectif Umoya , elle supervise des professionnels de la santé.
Les dimensions artistiques, arts plastiques et théâtre action, sont très présentes dans sa pratique tant avec les étudiants qu'avec les professionnels qu'elle accompagne.

Communication complète

"Les Acteurs du social"
Des ateliers de Théâtre action avec des usagers de CPAS et des étudiants futurs assistants sociaux, une expérience commune qui transforme les représentations respectives des participants et favorise l'émergence de solidarités nouvelles.

Dans un contexte social général où l'exclusion des plus démunis se généralise, où le droit élémentaire de tout être humain à accéder à la satisfaction de ses besoins se raréfie, où le soutien aux personnes vulnérables fait place aux contrôles en tout genre, les travailleurs sociaux sont de plus en plus confrontés à des difficultés nouvelles.
Le travail social lui-même doit répondre à des exigences imposées par des impératifs qui l'éloignent des rapports de soutien et d'accompagnement des usagers des services sociaux.
C'est pourquoi, notre équipe pédagogique propose des pistes créatives et alternatives qui sont autant de soutien aux étudiants, futurs professionnels assistants sociaux, pour être et rester engagés aux côtés des personnes qui sollicitent leur aide.

Ainsi, il y a 4 ans, à l'initiative d'un groupe d'étudiants en dernière année de formation d'assistant social, notre école a mis sur pied un atelier de Théâtre action réunissant 10 étudiants et 10 personnes allocataires sociales et bénéficiaires du service Culture d'un CPAS situé à Bruxelles avec deux comédiens animateurs qui ont pris en charge l'animation des ateliers et ont mené ce groupe et les suivants, vers l'élaboration d'une création collective.
Depuis 2 ans, deux ateliers de 20 personnes sont menés en parallèle et cette année a permis d'inscrire l’activité dans le cursus comme un cours à option intitulé "Approche sociale artistique dans le travail social".
Les ateliers se déroulent sur une période de 5 mois à raison de 20 séances de 3 heures et de deux weekends.
A l'issue du processus, une création collective est présentée devant un large public dans un Théâtre de la capitale.
C’est à partir de ma fonction d’enseignante, Maître de Formation Pratique à l’IESSID, mais aussi avec ma pratique d’assistante sociale pendant 15 ans dans un Centre de santé mentale destiné à des demandeurs d’asile que je vais vous partager cette nouvelle expérience vécue au cours des 6 séances d'accompagnement pédagogique des étudiants inscrits dans ce cours à option et qui ont participé à l’un ou l’autre des 2 ateliers de cette année.
Je vais ainsi vous proposer de parcourir le chemin emprunté par le biais d’une approche socio-artistique à intégrer dans le travail social, en l’occurrence, "le théâtre-action" et son impact sur l'ensemble des participants.

Petit détour sur le choix pédagogique de l'approche socio-artistique : qu’est-ce que le théâtre action et pourquoi avoir choisi ce média ?
Le Théâtre action est une démarche artistique qui existe partout dans le monde. En Belgique comme ailleurs, des groupes de personnes utilisent l’expression théâtrale pour tenter de mener une action sur la société.
Ses origines les plus connues, se situent au Brésil dans les années 60' où, Augusto Boal, est considéré comme le père fondateur du "Théâtre de l'opprimé".
Ce type de théâtre veut contribuer à lutter contre toutes les formes d'oppressions pouvant exister dans les sociétés humaines, réveiller l'esprit de contestation indispensable à une société où l'injustice et l'oppression dominent.

Le Théâtre action consiste à prendre la parole et proposer un point de vue critique sur le monde, non seulement à travers les spectacles créés par ses propres artistes professionnels, mais également en donnant la parole à des personnes ou des groupes qui l’ont rarement.

Les compagnies de Théâtre Action s'attachent à ce que soit prioritaire la parole des gens écartés par le système dominant. Leur action vise tout particulièrement les groupes sociaux victimes d'exclusions sociale, culturelle ou économique.

Le Théâtre action assume ainsi une double fonction :
Une fonction artistique qui consiste à partager l’expérience de la création théâtrale et de l’interprétation.
Une fonction sociale qui est d’encourager la prise de conscience de groupes et d'individus en leur permettant de s’exprimer sur des thèmes qui les concernent directement.
En ce sens, la démarche des animateurs et animatrices du Collectif Libertalia qui anime depuis 4 ans des ateliers où se rencontrent des usagers de services sociaux et des étudiants, futurs assistants sociaux, ne s’analyse pas comme une pratique destinée à « faire faire du théâtre», mais vise plus profondément à transformer les participants de ses ateliers en « acteurs » à deux niveaux : un « acteur » comme sujet artistique, c'est-à-dire comme une personne qui apprend progressivement à maîtriser un art, l’expression théâtrale, et un « acteur » comme sujet social, agissant, comme individu actif, proposant et défendant une vision du monde et des perspectives.

Usagers de CPAS, allocataires sociaux et étudiants futurs assistants sociaux en troisième année de formation se retrouvent chaque semaine, pour élaborer ensemble une parole qui parle d'eux, de leurs préoccupations et du monde dans lequel ils vivent, nous vivons.
« Insistance sociale », « Chronique bancale », « Un monde plus que parfait », « La voix est libre », “Ainsi soit il ? », “Et tout bascule …”, des titres que les participants ont donné à leur création, tous sont évocateurs des réalités dans lesquelles ils vivent mais aussi du regard critique qu'ils portent ensemble sur cette réalité et qu'ils proposent à leurs publics de transformer. A travers cette "création collective" ils nous entraînent dans une histoire créée ensemble au fil de leurs rencontres au sein des ateliers, une histoire qui nous invite à imaginer que d'autres perspectives sont possibles, à imaginer un autre monde où la solidarité et l'entraide trouvent leur place.

Leurs témoignages reflètent l'intensité de l'expérience vécue: "Plus jamais, disent les étudiants, je n'aborderai les usagers de services sociaux de la même manière, j'ai vécu une proximité telle que je pourrai mieux comprendre ce que les gens vivent et quelles sont leurs aspirations !" ; "Dorénavant, nous disent ceux-ci, je verrai dans mon assistant social, un être humain fait de chair et d'os qui peut aussi avoir les mêmes joies et les mêmes problèmes que moi !" .

Tous se sont reconnus dans l'autre et au final le public qui vient voir les créations collectives, ne savent pas qui, sur scène, est un étudiant ou un usager des services sociaux.
Aussi, à la fin de chaque spectacle, un temps d'échange entre acteurs et spectateurs est proposé. Ce qui émane des réflexions partagées c'est la collectivité qu'ils ont pu former à force de (re)connaissance mutuelle, d'écoute et de respect, d'ouverture vers des réalités de vie différentes des leurs.

Ils sont tristes que l'aventure s'achève, car malgré les difficultés rencontrées, à s'organiser ensemble, à apprendre à se regarder autrement, à lâcher ses représentations et ses préjugés, la dynamique d'ouverture leur a permis de vivre quelque chose d'exceptionnel, l'expérience de la solidarité.

"Il n'était pas question de ne pas venir à un atelier, de manquer une répétition ou de vouloir tout quitter, le groupe était là avec sa force, on savait qu'on pouvait, qu'on devait compter les uns sur les autres pour aller jusqu'au bout du projet., malgré le trac, la fatigue et tous les ennuis qu'on a dehors ..."

Ils sont sortis des "cases" dans lesquelles la société, l'école, la famille, les services sociaux, etc., les ont placés, enfermés le plus souvent dans des habitudes à reproduire des schémas tant attendus et qui les déshumanisent. En allant à la rencontre de l'Autre, ils ont appris à se découvrir eux-mêmes dans ce qui les rassemble mais aussi dans ce qui fait d'eux des êtres singuliers.

“Dans un monde de spécialisation, de morcellement des activités humaines et de fragmentation de l’individu, l’art pourrait constituer une espérance pour tous. A fortiori pour les plus démunis et les plus fragiles d’entre nous, l’expérience esthétique pourrait leur permettre de retrouver sens et unité.

L'accompagnement pédagogique proposé cette année, a eu pour objectifs dans un premier temps, de recueillir les préoccupations des étudiants, leurs vécus, leurs doutes, leurs interrogations, leurs réflexions... Dans un deuxième de faciliter l'ensemble des mises en lien, les articulations possibles entre les domaines pratiques et théoriques de la formation d'assistant social.
Une de leurs principales préoccupations, exprimée dans les séances d’accompagnement, est le regard porté par chacun sur l’autre et comment vivre une relation égalitaire lorsque toutes leurs représentations les enferment dans des liens asymétriques, dans un rapport de domination (allocataire social/assistant social, jeune/vieux, étudiant/chômeur, homme/femme...). D’une séance à l’autre, nous avons pu déconstruire les catégories ressenties par eux comme de plus en plus artificielles et vérifier que c’est à partir des interactions vécues dans un contexte de communauté qu’ils ont pu redéfinir le lien d’une façon égalitaire. Sans gommer les réalités de vie parfois bien différentes, en effet, il ne s’agit pas de nier les singularités de chacun, qui sont autant de ressources et de compétences à valoriser, mais de pouvoir envisager, par le dialogue et l’échange des représentations que dans un rapport d’autorité déterminé par un contexte (assistant social versus demandeur d’aide, celui qui demande et celui qui offre etc…) une autre mise en relation soit possible.
L’expérimentation de soi, de la relation à l’autre, dans un groupe de Théâtre action, l’accompagnement pédagogique de ces ateliers ont favorisé les changements de représentations des uns et des autres, a permis de créer avec l’hétérogénéité des ressources mises en commun, un spectacle qui raconte, à d’autres, comment ensemble, on peut envisager de créer de nouveaux liens afin de se projeter dans la transformation des réalités sociales profondément inégalitaires.

Résumé en Anglais

The Social Actors
Some social beneficiaries and students in their last year of the social work bachelor’s degree meet every week to develop a "collective creation" that talks about themselves, their concerns and the world.
Through their Theatre Action, their critical scrutiny witnesses the perception they have on reality and drives the public to amend them. They lead us into a story they have built up together during their workshops, a story that invites us to imagine that other viewpoints are possible, a story that invites us to imagine another world where solidarity and mutual help still exist.