Fiche Documentaire n° 4836

Titre Le placement de l’enfant dans le cadre de mesures de protection : des enjeux sur le plan de la reconnaissance solidaire des mères biologiques

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Auteur(s) NOEL Julie  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Le placement de l’enfant dans le cadre de mesures de protection : des enjeux sur le plan de la reconnaissance solidaire des mères biologiques

La situation de vulnérabilité des parents maltraitants, notamment leur précarité économique, est largement documentée (Dowd, Mclaughlin et Rioux, 2013). En effet, le placement de l’enfant survient à la suite d’une série d’évènements et de difficultés vécus par les parents (Noël, 2014). D’ailleurs, plusieurs études montrent que ces parents présentent des difficultés importantes qui ont mené au placement de leur enfant (pauvreté, consommation de drogues et d'alcool, problèmes de santé physique et mentale, violence conjugale) (Dowd, Mclaughlin et Rioux, 2013, Fargion, 2014). Si d’une part, la solidarité au sein des sociétés modernes se manifeste généralement autour des personnes ou des groupes les plus vulnérables (Zaoui, 2004), on remarque, d’autre part, que peu de groupes sont aussi stigmatisés ou blâmés que celui des parents accusés d’avoir négligé leur enfant, d’en abuser ou de ne pas les protéger contre les abus commis par autrui (Callahan et Lumb, 1995). Qu’en est-il alors de cette solidarité lorsque la vulnérabilité d’une population ne semble pas reconnue comme cela s’avère être le cas pour les parents dits maltraitants?

Le placement de l’enfant par les services de protection de l’enfance est un évènement qui risque de fragiliser le tissu social entourant la mère biologique. Cette expérience dans la trajectoire des mères est susceptible d’affecter les trois sphères de reconnaissance sociale (affective, juridique et solidaire) inhérentes à la théorie développée par Honneth (2002). On sait, entre autres que sur le plan affectif, les contacts avec leurs enfants sont limités et que certaines vivent le rejet de leurs proches (Sécher, 2010). Sur le plan juridique, on constate que leurs droits parentaux sont balisés, voire limités, alors que sur le plan social ces mères peuvent perdre une forme de reconnaissance importante : la maternité (Sellenet, 2008). La stigmatisation engendrée par le placement de l’enfant prend différentes formes. À titre d’exemple, des mères peuvent recevoir des propos méprisants du voisinage (Noël, 2014). Pour éviter le mépris, certaines cachent le fait d’avoir un enfant placé par les services de protection de l’enfance (Ellingsen, 2007). De façon plus sournoise, la stigmatisation intériorisée entraine un sentiment de honte limitant les interactions sociales (Noël, 2014). Ces expériences négatives suivant le placement de l’enfant entravent la capacité des mères à jouer un rôle social positif, puisque l’individu doit expérimenter et acquérir des expériences positives à travers les différentes formes de reconnaissance pour participer à la vie démocratique (Honneth, 2015). Si les résultats d’études récentes montrent une variété d’obstacles susceptibles d’entrainer l’affaiblissement des liens sociaux, on observe aussi, à travers les écrits, des pistes et des situations qui semblent les favoriser ou les préserver : un conjoint ou des proches soutenants (Noël, 2014), une relation intervenant-client favorisant la collaboration (De Boer et Coady, 2007; Dumbrill, 2006), l’accès à un travail valorisant (Sécher, 2010).

La communication sera basée sur les résultats préliminaires d’une thèse de doctorat, portant sur les processus freinant ou favorisant la reconnaissance sociale des mères dont l’enfant est placé jusqu’à sa majorité en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). À partir de récits de vie thématiques réalisés auprès de mères, la présentation focalisera sur les expériences de reconnaissance et de non-reconnaissance vécues par ces mères au cours de la trajectoire de placement.

Bibliographie

Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance. Paris : Les éditions du cerf.
Kenny, K. S., Barrington, C., & Green, S. L. (2015). I felt for a long time like everything beautiful in me had been taken out: women's suffering, remembering, and survival following the loss of child custody. International Journal of Drug Policy, 26(11), 1158-1166.
Kiraly, M., & Humphreys, C. (2015). A tangled web: parental contact with children in kinship care. Child and Family Social Work. 20(1), 106-115.
Noël, J et Saint-Jacques, M.C. (2015). Peut-on reprendre du pouvoir sur sa vie lorsque l’on perd la garde de son enfant? Dans Lacharité, C., Sellenet, C., Chamberland, C. (dir.), La protection de l'enfance, la parole des enfants et des parents. Québec : Les Presses de l’Université du Québec.
Noël, J. (2014). Le pouvoir d’agir des mères dont l’enfant est placé de façon permanente ou adopté en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. (Mémoire de maîtrise), École de service social. Québec : Université Laval.
Novac, S., Paradis, E., Brown, J., & Morton, H. (2006). A visceral grief. young homeless mothers and loss of child custody. University of Toronto: Centre for Urban and Community Studies.
Paugam, S. (2014). L’épreuve de la disqualification parentale. Dans S. Paugam (dir.) L'intégration inégale: force, fragilité et rupture des liens sociaux. Presses universitaires de France.
Renault, E. (2004). L’expérience de l’injustice : reconnaissance et clinique de l’injustice. Paris : La découverte.
Schofield, G., Moldestad, B., Höjer, I., Ward, E., Skilbred, D., Young, J., & Havik, T. (2011). Managing loss and a threatened identidy : experiences of parents of children growing up in foster care, the perspectives of their social workers and implications for practice. British Journal of Social Work, 4(1), 74-92.
Sécher, R. (2010). Reconnaissance sociale et dignité des parents d’enfants placé : parentalité, précarité et protection de l’enfance. Paris : L’Harmattan.
Sellenet, C. (2008). Parentalité et dignité sociale en situation de précarité et de contrôle judiciaire. Revue de Recherche et Intervention Sociale, 23, 7-21.
Sykes, J. (2011). Negotiating stigma: Understanding mothers' responses to accusations of child neglect. Children and Youth Services Review, 33, 3, 448-456.

Présentation des auteurs

Julie Noël, m.s.s, est chargée de cours et doctorante à l’École de service social de l’Université Laval. Depuis près de 10 ans, elle donne les cours en intervention individuelle et familiale aux étudiants inscrits au baccalauréat et à l’année préparatoire à la maîtrise. Elle a aussi accompagné de nombreux stagiaires en intervention individuelle, de groupe et communautaire dans le cadre de leur parcours scolaire. Elle a œuvré pendant, près de vingt ans, au sein d’organismes communautaires. Son parcours professionnel l’a amenée à jouer différents rôles qui lui ont permis d’assurer des fonctions d’animation, d’intervention et de coordination auprès d’organismes communautaires jeunesse et de groupes de femmes. Elle a également accompagné des organismes et regroupements communautaires présentant des besoins en matière d’animation, de supervision clinique, de formation et de consultation organisationnelle. Sur le plan de la recherche, elle s’intéresse aux transformations des liens sociaux, à la reconnaissance sociale et au pouvoir d’agir des mères biologiques à la suite du placement de leur enfant dans le cadre de mesures de protection.

Communication complète


Non disponible

Résumé en Anglais

The placement of the child as part of protective measures: issues concerning the social recognition of biological mothers
The vulnerable position of abusive parents, especially their economic instability, is recognized (Dowd, Mclaughlin, and Rioux, 2013). As a matter of fact, the placement of a child takes place after a series of events and problems experienced by the parents (Noël, 2014). A number of studies show that these parents present significant difficulties that have led to the placement of their child (poverty, substance abuse, physical and mental health problems, spousal violence) (Dowd, Mclaughlin and Rioux, 2013, Fargion, 2014). On the one hand, solidarity within modern societies generally manifests itself around the most vulnerable people or groups (Zaoui, 2004). On the other hand, it should be noted that few groups are as stigmatized or blamed as parents which have been accused of neglecting or abusing their children or of not protecting them from other people's abuses (Callahan and Lumb, 1995). How does this solidarity reflect itself when the vulnerability of a population does not seem to be recognized as it turns out to be the case for so-called abusive parents?
The placement of a child by the Child protective services is therefore an event that could undermine the social fabric around the mother. This experience in the trajectory of mothers is likely to affect the three spheres of social recognition (love, rights and solidarity) based on the theory developed by Honneth (2002). For affectional relationship, it means that contacts with their children are limited and that some people experience the rejection of their loved ones (Sécher, 2010). Legally speaking, they lost some parental rights, and socially, these mothers may lose an important form of recognition: motherhood (Sellenet, 2008). The stigma associated with child placement takes many forms. The neighborhood may speak in a contemptuous way about these mothers (Noël, 2014). To avoid contempt, some mothers conceal they have a child placed by the child welfare services (Ellingsen, 2007). More insiduous, internalized stigmatization leads to a feeling of shame limiting social interactions (Noël, 2014). Honneth, (2015) has argued the individual has to experience and gain positive experiences through the various forms of recognition to participate in democratic life. However, these negative experiences following child placement hinder the ability of mothers to play a positive social role. While the results of recent studies show a variety of barriers that could lead to the weakening of social ties, there are also paths and situations that seem to favor or preserve them through the writings: a supportive spouse or relatives (Noël, 2014), a positive collaboration in the worker client relationship (De Boer and Coady, 2007; Dumbrill, 2006), and an access to a gratifying work (Sécher, 2010).
The communication will be based on the preliminary results of a doctoral thesis on the processes that inhibit or promote the social recognition of mothers whose children are placed until their majority under the Youth Protection Act. Based on thematic life stories with mothers, the presentation will focus on the experiences of recognition and non-recognition experienced by these mothers during the placement trajectory.