Fiche Documentaire n° 4983

Titre La posture et les valeurs des intervenants sociaux au coeur des principes d’action des interventions sociales collectives : de quelques résultats d’une recherche action sur l’ISIC.

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Auteur(s) PETIT Agathe  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

La posture et les valeurs des intervenants sociaux au coeur des principes d’action des interventions sociales collectives : de quelques résultats d’une recherche action sur l’ISIC.

La communication s’appuie sur une recherche action sur les pratiques d’interventions sociales collectives conduite par l’IRTS PACA Corse dans le 3ème arrondissement de Marseille. Cette recherche-action s’inscrit dans un dispositif national, animé par le CNLAPS dans le cadre du SPISC, consacrée au développement social communautaire.
La recherche s’est particulièrement intéressée aux acteurs associatifs du territoire visé qui mettent en œuvre des interventions sociales d’intérêt collectif qui peuvent être qualifiées de « remarquables » par le caractère collectif de l’action, le degré important de participation des habitants dans ces actions dans toutes les phases de l’intervention et la logique ascendante de l’intervention.
Inscrites dans une logique ascendante, les actions ciblées se distinguent des formes d’intervention répertoriées sur ce territoire par leur forte composante de participation active et d’association des personnes concernées à toutes les étapes du projet, de la programmation jusqu’à son évaluation, et la prépondérance des dimensions collective et communautaire, entendue à son sens large. Ainsi, ces actions se rapprochent davantage des définitions anglo-saxonnes de l’action communautaire selon lesquelles la communauté même est au centre de l’intervention. C’est la communauté qui définit ses besoins, choisit ses objectifs, construit ses stratégies d’action (Ross, 1955) qui visent à la fois l’amélioration de la qualité de vie des personnes, l’empowerment individuel et collectif, ainsi que la réduction des niveaux d’inégalité, la promotion du changement social et de la cohésion sociale (Rubin et Rubin, 1992).
La recherche-action s’est intéressée aux principes d’actions de ces trois projets, regroupés autour de plusieurs grands axes : des postures (proximité, confiance, souplesse, convivialité…) étroitement liées aux valeurs défendues (égalité, liberté, solidarité, humanisme…) , des modalités et organisations de travail (horizontalité, leadership, un haut niveau de participation), des relations aux institutions (complexes et ambivalentes, soutien basé sur des relations de confiances construites avec le temps, place centrale de l’ambassadeur-traducteur) et enfin de la prise en compte de la dimension communautaire (communauté d’origine, de territoire, de projet suivant les actions) pour lesquels nous avons pu relever de nombreuses convergences. Nous nous intéresserons dans cette communication tout particulièrement aux postures et valeurs qui ont été analysées en prenant appui sur le cadre conceptuel de pratiques sociales inclusives (inclusive social work practices) développé par Strier (2013) s’insérant dans le courant du travail social émancipateur (anti-oppressive social work ). Ce modèle se base sur quatre principes méthodologiques : l’engagement, l’advocacy, la conscientisation et la participation – principes qui sont à même de répondre aux composantes principales du processus d’exclusion sociale.

Bibliographie

BURKE, B. et HARRISSON, P. “Anti oppressive practice”, in R. Adams ; L. Dominelli, et M. Payne (eds.), Social work, themes, issues and critical debates, Basingstoke, Hampshire, Macmillan, 2002, p. 227-236.
DOMINELLI, L, Anti-oppressive social work theory and practice. London : Palgrave Mc Millan, 2002.
ROSS, Murray G., Community organization. Harper and Row Publishers, New York, 1955.
RUBIN, H.J., et RUBIN, I.S, Community organizing and development (2nd edition). New York, Macmillan, 1992.

Présentation des auteurs

Agathe PETIT, docteure en anthropologie sociale, chargée de la mission « Recherche », IRTS PACA Corse.

Communication complète

La posture et les valeurs des intervenants sociaux au coeur des principes d’action des interventions sociales collectives : de quelques résultats d’une recherche action sur l’ISIC.
Agathe Petit, IRTS PACA Corse

Cette contribution s’appuie sur un article publié dans la revue SAS, co-écrit avec Dina Ben Ezra, avec qui la recherche dont il est question a été conduite. Elle présente quelques résultats d’une recherche action conduite en 2015 et 2016 à Marseille dans le cadre d’une recherche action nationale sur la prise en compte de la dimension communautaire dans les interventions sociales collectives. Cette recherche déployée sur une dizaine de site, dont Marseille, a été initiée localement par une équipe opérationnelle de la politique de la ville soucieuse de de mieux comprendre les transformations à l’œuvre sur ce territoire, la manière avec laquelle les acteurs porteurs de changements se saisissent de la dimension collective et/ou communautaire pour construire des actions au plus près des besoins des habitants, d’identifier les articulations possibles entre les acteurs associatifs/communautaires et les acteurs institutionnels et par là de soutenir les changements de pratiques.
Entre 2015 et 2016, la recherche action s’est ainsi intéressée dans un premier temps aux pratiques d’intervention sociale à l’échelle d’un territoire, avec une attention particulière portée aux interventions sociales d’intérêt collectif des différents acteurs. Dans un second temps, l’objet de la recherche s’est resserré sur quelques acteurs associatifs mettant en œuvre des interventions sociales d’intérêt collectif qui peuvent être qualifiées de « remarquables » par le caractère collectif de l’action, le degré important de participation des habitants dans ces actions dans toutes les phases de l’intervention et la logique ascendante de l’intervention. Cette communication va rendre compte de quelques éléments et analyses issues de la phase d’enquête auprès de trois associations qui développent des actions collectives.

La place de l’intervention sociale collective sur le territoire
Le troisième arrondissement de Marseille est un territoire de centre-ville fortement précarisé, aux problématiques multiples. Sur ce territoire, au cours de la phase exploratoire, ont été répertoriés près de 90 acteurs qui inscrivent leurs actions dans le champ de l’action sociale et de la cohésion sociale et qui s’attachent à répondre aux besoins croissants de la population (accès aux droits, alimentation, santé, culture, éducation, insertion et emploi, loisirs) par une offre de service de proximité.
Les associations rencontrées peuvent être rassemblées en deux grands ensembles :



Les interventions sociales sur le territoire sont fortement marquées par leur dimension individuelle. Peu nombreux sont les acteurs de terrain qui engagent des interventions collectives. . La plupart des actions à visée collective rencontrées sur le territoire sont actions d’information ou de prestation de service de groupe (ex. ateliers de lecture et écriture, informations collectives autours du dispositif RSA). Elles renvoient aux “ISIC d’information” qu’évoque Micheline Romagnon (2015) et sont proposées par les acteurs relevant de l’ensemble 1 mentionné plus haut, et plus particulièrement du sous-ensemble 1.1. Rares sont les actions à visée d’empowerment, et encore moins celles qui font du principe de co-construction une priorité.
Intéressée justement par ces ISIC de “co-construction” (Romagnon, 2015), la recherche action s’est penchée sur l’étude d’initiatives que nous avons qualifiées de remarquables, portées par des acteurs associatifs du territoire, qui présentent quelques caractéristiques communes :
- Des associations constituées d’habitants de quartier ou de personnes très impliquées dans la vie du quartier,
- Une structure associative non hiérarchisée, horizontale, avec une forte revendication de proximité avec les habitants,
- Des associations pour la plupart locales, de moyenne ou petite taille qui ont la faveur des habitants,
- Des initiatives portées principalement par des acteurs qui ne sont pas des travailleurs sociaux, en quelque sorte des autodidactes de l’intervention sociale (artistes, formateurs FLE, militants associatifs et/ou syndicalistes) .


Afin de mieux connaître, comprendre, valoriser, faire connaître et reconnaître ces actions, nous avons adapté le cadre méthodologique de l’apprentissage par les « réussites » (« Learning From Success ») construit par le professeur en travail social Jona Rosenfeld qui a travaillé en partenariat et allié du mouvement ATD ¼ Monde. L’explicitation des savoirs-faire construits par les différents participants : équipe, habitants et partenaires était particulièrement adaptée aux objectifs de la recherche action.

3 actions ont fait l’objet d’une étude approfondie.
1. Des mots pour le code, association Mot à Mot
2. Atelier de mobilisation par la confection textile, Association d’Aide aux Populations Précaires et Immigrées.
3. Le Participator, Association Pamplemousse Enflammé

La posture et les valeurs au coeur des principes d’action des interventions sociales collectives

Les principes d’action de ces trois projets peuvent être regroupés autour de plusieurs grands axes :
• des postures (proximité, confiance, souplesse, convivialité…) étroitement liées aux valeurs défendues (égalité, liberté, solidarité, humanisme…) ,
• des modalités et organisations de travail (horizontalité, leadership, un haut niveau de participation),
• des relations aux institutions (complexes et ambivalentes, soutien basé sur des relations de confiances construites avec le temps, place centrale de l’ambassadeur-traducteur)
• et enfin de la prise en compte de la dimension communautaire (communauté d’origine, de territoire, de projet suivant les actions)
pour lesquels nous avons pu relever de nombreuses convergences. Nous nous intéresserons ici tout particulièrement aux postures et valeurs.
Les postures adoptées par les équipes des différentes actions se rejoignent sur la plupart de leurs dimensions : une grande proximité avec les habitants, un lien intense et dans la durée, la place centrale des habitants dans la construction et la mise en œuvre de l’intervention. Ces liens de proximité tissés entre les équipes et les habitants se traduisent par une pratique engagée en faveur des plus démunis, basée sur une approche qui a été définie par les professionnels comme relevant du “militantisme humaniste”. Au cœur de ces liens, un profond sens de respect et de confiance, le non-jugement et une réciprocité qui s’expriment dans la dimension émotionnelle des liens entre l’équipe et les habitants et entre les différentes personnes du groupe d’habitants participant à l’action.
Les équipes des trois actions se donnent comme priorité la dimension relationnelle. Ceci implique une pratique d’écoute active très poussée, un accueil et un accompagnement inconditionnels, et une souplesse dans toute action entreprise qui part toujours des besoins et des priorités des habitants, dans un accompagnement qui articule l’individuel et collectif et que l’on pourrait définir comme un accompagnement global.
La proximité avec l’équipe, la relation de confiance et d’alliance instaurée, l’accueil inconditionnel et sans jugement et la flexibilité des modes d’intervention ouvrent ainsi des possibles aux habitants qui trouvent auprès de ces structures non seulement un accompagnement à la résolution de leurs problèmes, mais aussi un soutien à leurs projets, à leurs aspirations . Si les supports des actions ciblées sont la couture, l’art ou encore l’apprentissage de la langue française, leur visée va bien au-delà. Elles visent l’autonomie des personnes , la citoyenneté, l’empowerment, l’émancipation et, in fine, la liberté.
Ainsi, une des caractéristiques majeure qui se dégage de ces trois actions repose sur la place de premier plan accordée aux valeurs dans l’agir des différents acteurs impliqués. Dans les trois cas, les valeurs de solidarité et entraide, de liberté, bienveillance, de convivialité, d’égalité (entre hommes et femmes, mais aussi entre professionnels et habitants) et un profond sens de respect de la diversité culturelle sont convergents et activement promus par toutes les personnes engagées dans l’action. L’action collective vient dès lors concrétiser ces valeurs et par là la vision de société portée par les professionnels, les partenaires, et par les habitants eux-mêmes.

Dans toutes ces actions, la dimension collective est fondamentale. Elle permet aux habitants une reconnaissance de chacun par la mutualisation des compétences et une reconnaissance sociale par l’action du groupe en tant que tel. Le groupe permet de tisser du lien, de se soutenir et de faire émerger l’aide mutuelle.

Afin d’analyser ces principes d’actions liés à la posture et à la concrétisation de valeurs portés par les différentes parties prenantes, nous avons fait appel à un cadre conceptuel de pratiques sociales inclusives (inclusive social work practices) développé par Strier (2013) s’insérant dans le courant du travail social émancipateur (anti-oppressive social work ). Ce modèle se base sur quatre principes méthodologiques : l’engagement, l’advocacy, la conscientisation et la participation – principes qui sont à même de répondre aux composantes principales du processus d’exclusion sociale.
Ici nous retiendrons les principes d’engagement et de participation / alliance qui éclairent de manière pertinente les axes de la posture et des valeurs observés dans ces trois actions collectives. L’engagement, selon Strier, vient répondre au processus de marginalisation et d’isolement social résultant, entre autres, des processus de stigmatisation. Il se décline sur quatre niveaux : émotionnel, intellectuel, éthique et comportemental. L’engagement dans sa dimension émotionnelle implique la création d’une relation personnelle, chaleureuse et affective avec les membres de la communauté. Ceci nécessite le renoncement à la distance professionnelle au profit de l’ouverture à l’autre dans une relation réciproque qui est importante émotionnellement pour le professionnel et les membres de la communauté. La dimension éthique de l’engagement se traduit par une prise de position morale sans ambiguïté en faveur des populations les plus marginalisés rejetant toutes formes d’exclusion sociale. Le troisième niveau d’engagement se décline dans la dimension intellectuelle de l’engagement, soit l’engagement dans des processus d’apprentissage continus des professionnels conjointement avec les membres de la communauté. Enfin, la dimension comportementale de l’engagement implique une pratique intense, sur la longue durée et une capacité de travailler dans l’incertitude des résultats. Le deuxième principe méthodologique consiste en une posture d’alliance avec les membres de la communauté qui favorise la participation active des personnes et la reconnaissance des savoirs de tous les participants.
En appliquant ce modèle, nous pouvons affirmer que les actions collectives rencontrées, de par la posture adoptée, de même que par les valeurs véhiculées, rentrent pleinement dans ce que Strier nomme une pratique émancipatrice et engagée qui est apte à répondre aux processus de marginalisation et de dépendance dans lesquels se trouvent les habitants, contribuant ainsi à contrebalancer les phénomènes d’exclusion sociale de ces publics.

BIBLIOGRAPHIE
PORTAL, Brigitte, et BUENO-CAZEJUST, Martine, “Vous avez dit intérêt collectif ?
Vers un développement social durable : L’apport du développement du pouvoir d’agir dans l’intervention sociale d’intérêt collectif”, paru en ligne sur le site de l’Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l'Intervention Sociale : http://aifris.eu/04exploitress/clt_fiche.php?id_article=189
ROMAGNON, Micheline. “Pour conclure cette deuxième partie… Quelques repères”. La revue française de service social, 259 (4), 2015, p. 103-113.
ROSENFELD, Jona M., “Learning from success: Changing family patterns and the generation of social work practice”, in W.D. Hammond-Tooke (ed.), Aspects of Family Life in the South African Indian Community. Occasional paper, 20. Institute for Social and Economic Research, University of Durban-Westville, 1987.
ROSENFELD, Jona M., & TARDIEU, Bruno. Artisans de Démocratie. Éditions de l’Atelier, 1998.
STRIER, Roni, “Responding to the global economic crisis : Inclusive social work practice”, Social Work, 58 (4), 2013, p. 344-353.

Résumé en Anglais

The communication deals with an action research that focuses on community practice among three organizations working on the same territory – the 3d district of Marseille. By researching these three case studies we highlight some of their principles for successful action which are closely related to the values conveyed, as well as to the nature and the kind of relationship built between all the participants in these actions.