Fiche Documentaire n° 5156

Titre Le dessous des cartes

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l'auteur principal

Auteur(s) WAMPFLER-BENAYOUN Sylvie  
     
Thème Conférence plénière Congrès de Montréal  
Type Autre (poster, ...)  

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Résumé

Le dessous des cartes

L’engouement actuel de certaines fondations privées pour la prévention précoce auprès des enfants mérite d’être élucidé au-delà des bonnes intentions et à partir des approches préconisées. Par exemple, parler d’enfants à risques ne désigne pas les enfants en tant qu’individus, acteurs de leur développement, mais comme un « produit » tout droit sorti de l’évaluation des risques. Comment est-on passé de calculs statistiques destinés à renseigner les décideurs à propos des faits de société au désir de maîtrise de la survenue du risque et de ses impacts, en particulier dans le domaine du développement de l’enfant.

Invitée à participer au débat de clôture pour mettre en question l’idée qu’il est « fondamental de focaliser la politique de prévention de la délinquance sur la prévention précoce » (Journal Le Monde, 18-02-2011), j’évoquerai quelques caractéristiques de la prévention prédictive, car celle-ci considère –à priori- que les difficultés – éventuelles- d’adaptation à la vie collective ont un fondement purement biologique. Ce qui signifie que la difficulté que des enfants pourraient éprouver par exemple à « […] tisser des liens amicaux, […] gérer les conflits… » (Baghdadli, & Brisot-Dubois, 2011, p.34) serait liée à un défaut d’analyse des situations sociales. Autrement dit, à un probable déficit cognitif qu’il convient de détecter rapidement et comme tous les bébés peuvent être possiblement atteints de dysfunction, il est possible de remettre des questionnaires tels que l’ASQ-3 (Dionne, 2011) par exemple, aux parents qui participent aux programmes de dépistage. Des outils de prévention prédictive, sans visée diagnostique au sens médical du terme, existent donc dans le but d’évaluer les risques que courent les enfants dès l’âge de deux mois et puisque ceux-ci permettent de détecter, entre autres, de probables difficultés de développement en termes de « communication » ou d’« aptitudes individuelles et sociales » à partir desquelles les parents pourront être orientés… le problème n’est pas que des professionnels de tous horizons puissent avoir accès aux clefs de lecture des résultats, mais provient du fait que les parents ne reçoivent aucune garantie que les données récoltées ne seront pas utilisées à d’autres fins. Enregistrées dans des bases de données, les résultats peuvent participer aux études de trajectoires (Speranza & Valeri, 2010) et comme c’est à partir des études de trajectoires que l’on détermine à quoi devrait–ressembler- un enfant à risque, il arrive que- nous- professionnels nous retrouvions dans une impasse.

Une fois que des chercheurs, des professionnels ou des collectivités publiques et des fondations qui pratiquent du capital invest s’accordent pour diminuer l’impact des risques prédéterminés, nous assistons, en Suisse comme au Canada à l’émergence du discours suivant : les « troubles de l’ordre public » (notion juridique) et autres « manifestations » ne prennent pas naissance dans la rue, à cause de conditions sociales défavorables ou de la fracture économique ou numérique, etc. mais parce que le cerveau de l’individu subi des « dégâts » (Journal Le Monde, 15-03-2017) à moins qu’il ne soit carrément tenu pour responsable de ceux-ci. Lorsque l’on confond cerveau et pensée (Zarka, 2014) et que l’on voit fleurir des explications qui justifient le projet d’institutions publiques et privées de s’associer pour se prémunir des troubles qui risquent de survenir demain dans la cité… en surveillant d’un peu plus près les comportements des touts petits, la question du développement du sujet, disparaît du discours.

Bibliographie

Aebischer, V., & Oberlé, D. (2007/2012). Le groupe en psychologie sociale. Paris : Dunod.

ASQ-3, Questionnaire sur les étapes de développement, traduit par Carmen Dionne. Copyrigth© 2011. Traduction des Ages & Stages questionnaires®, Third Edition, by Paul H. Brookes Publishing Co., Inc. American Society for Quality, (ASQ). A Parent- Completed Child Monitoring System, by Jane Squires, Ph.D and Diane Bricker, Ph. D, Paul H. Brookes Publishing Co., Inc. http://asq.org/about-asq/who-we-are/

Baghdadli, A. & Brisot-Dubois J. (2011). Entraînement aux habiletés sociales, appliquées à l’autisme. Guide pour les intervenants. Paris : Elsevier Masson.

Giampino, S. & Vidal, C. (2009). Nos enfants sous haute surveillance. Evaluations, dépistages, médicaments. Paris : Albin- Michel

Journal Le Monde, 18-02-2011, il faut protéger la petite enfance du sécuritaire
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/18/il-faut-proteger-la-petite-enfance-du-securitaire_1481782_3232.html

Journal Le Monde, 15-03-2017, la pauvreté nuit gravement au cerveau
http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/03/13/la-pauvrete-nuit-gravement-a-au-cerveau-des-la-naissance_5093874_1650684.html

Lecuyer, R. & Durand, K. (2012). Aux sources de la connaissance. L’état du débat constructivisme/ nativisme chez le très jeune enfant.
http://www.cairn.info/resume_p.php?ID_ARTICLE=DEV_124_0181
Meltzoff, A. N & Keith Moore, M. (2005). Imitation et développement humain : les premiers temps de la vie. Imitation et Anthropologie, 44.
http://terrain.revues.org/2455

Parazelli, M. (2016).Prévention précoce et concurrence du bien. Une tendance internationale à interroger. Dans Vittori, B. Au risque de la prévention ; Enfance, jeunesse et travail social : de la prévention précoce à la participation sociale. Genève : ies- éditions.

Speranza, M. & Valeri, G. « Trajectoires développementales en psychopathologie : apprentissages et construction de soi chez l’enfant et l’adolescent », Développements 2010/3 (No 6), p.-5-15. DOI 10.3917/devel.006.005

Wampfler- Bénayoun, S. (à paraître, 2017). Collaboration interprofessionnelle dans la petite-enfance: penser ensemble le processus de socialisation des jeunes enfants et publications précédentes : https://www.hesge.ch/hets/publications/367

Zarka, Y.C. (2014). Je pense, donc je suis un cerveau. Cités, 4, (60), 3-12.
DOI. 10.3917/cite.060.003 https://www.cairn.info/revue-cites-2014-4-page-3.htm

Présentation des auteurs

Chargée de cours dans le cadre de la Filière Psychomotricité à la HETS- Genève et psychomotricienne dans la petite enfance. Formée à la thérapie contextuelle et fraichement masteurizée en éducation précoce spécialisé, je suis attentive à la logique des discours pour garder de l’élan professionnellement parlant.

Communication complète


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Résumé en Anglais


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