Reconfiguration de l’État social et de l’état des solidarités dans le Chili néolibéral
À partir du processus local de production d’une nouvelle sensibilité autour du social au Chili, ma communication va approfondir sur les enjeux sociaux, politiques et moraux de la consolidation d’une matrice pratique et discursive des solidarités en contexte néolibéral, qui va se constituer comme un modèle latino-américain de gestion du social. Mon travail repose sur une recherche ethnographique réalisée pendant les années 2008 et 2015 qui s’est consacré à l’étude de la mise en œuvre d’une politique des pauvres nommée « Chile Solidario ». Notamment, ma recherche s’est concentrée dans l’observation du travail d’assistance réalisé par des intervenants de l’Etat avec des familles pauvres.
Les pauvres et la production du social
La prémisse sur laquelle s’appuie cette recherche est que l’action sur les pauvres est un champ qui permet de comprendre comment, dans un moment historique et culturel particulier, sont pensées les sociétés et comment celles-ci se transforment. Le fait de venir en aide aux pauvres non seulement est le produit d’un rapport entre des individus particuliers, mais aussi un domaine de l’expérience sociale plus générale (Geremek, 1987 ; Procacci, 1993 ; Castel, 1995 ; Dean, 2011 ; Fox Piven et Cloward, 1971 ; Polanyi, 2009, parmi d’autres). Dans ce sens, l’action sur les pauvres je vais la concevoir comme une façon d’explorer et de légitimer des formes de gouvernement étendues à d’autres populations et d’autres domaines de l’Etat. Cette approche analytique va me permettre regarder l’intervention sur la pauvreté du Chili des années 2000, comme une forme d’action qui ré-politise et ré-moralise de façon plus large le social et les solidarités dans un contexte néolibéral.
L’approche de la vulnérabilité
Pendant la deuxième moitié des années 90, l’approche de la vulnérabilité et la protection sociale a été encouragé par des organismes internationaux tels que la Banque mondiale (Holzmann, Sherburne-Benz et Tesliuc, 2003). Il officialisé une manière technicisée de classer les sujets bénéficiaires de l'action sociale de l'État et d’accorder assistance et protection. Le surgissement de la vulnérabilité comme problème public peut être compris, plus que comme la conséquence objective des transformations sociales et économiques dans la région, comme l'expression d'un changement au niveau de l'économie morale (Fassin, 2009), c’est à dire comme le résultat d'un nouveau sens, d'une nouvelle sensibilité morale et d’une attention renforcée dans les techniques de gestion du social envers l'inégalité. Cette nouvelle vague de politiques sociales (Lautier, 2009) se déclarant de nature universalistes, elles revendiquent une sémantique du bien-être et elles changent aussi l’intervention sociale.
L’intervention sociale et les nouvelles solidarités
Dans le contexte des politiques de traitement de sujets vulnérables, l'idée de proximité, de relation et de travail personnalisé s'installe comme un indicateur de réussite et comme une ressource qui les différencient des politiques précédentes (Cefaï et Gardella, 2011; Astier, 2009). La pratique de l'assistance contemporaine est un travail relationnel qui cherche à réactiver la solidarité sous conditions néolibérales, dans la tentative de construire des relations sociales à travers des actes de grande communion et de grand soin (Muehlebach, 2012, p.7). Cependant, il ne s’agit pas d’un nouveau pacte social, mais de l’institutionnalisation de mécanismes compensatoires et conditionnés qui délèguent la responsabilité du social aux sujets eux-mêmes. En résumé, il consiste en des stratégies dont le but est d’instaurer tant dans les institutions publiques que chez leurs fonctionnaires et usagers une attitude ou disposition d’aide.
|