Fiche Documentaire n° 5188

Titre L’évaluation dans le champ de l’action collective associative : enjeux méthodologiques
Groupe thématique Montréal : Evaluation

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Auteur(s) LIBOIS Joëlle  
     
Thème Groupe thématique Montréal : Evaluation  
Type Forum, GT, Carrefour  

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Résumé

L’évaluation dans le champ de l’action collective associative : enjeux méthodologiques
Groupe thématique Montréal : Evaluation

L’intervention collective défend les valeurs de solidarité, de libre adhésion et de participation citoyenne. L’évaluation, quant à elle, se donne pour objectif d’améliorer l’efficacité et la qualité des projets. Une recherche-action, à Genève, démarrée en 2013, puis 2015 pour un deuxième volet, s’est employée à mettre au point, avec les partenaires de terrain et les personnes concernées, un outil d’évaluation participative, conjuguant ainsi valeurs intrinsèques et exigences gestionnaires. Cette méthode, innovante et pragmatique, cherche à remettre la participation citoyenne au cœur de l’action. La pluralité des acteurs engagés dans le processus ouvre une vraie confrontation des points de vue, avec comme objectif sous-jacent : conscientiser pour mieux se situer.
Après une présentation rapide des enjeux managériaux entourant l’action des structures associatives, nous aborderons la complexité de la participation. Nous présenterons succinctement un outil d’évaluation construit à partir d’une recherche-action avec des terrains professionnels. Enfin, nous nous demanderons comment un outil d’évaluation, simple dans sa structure, mais très exigeant dans son suivi, peut venir replacer la participation au cœur des pratiques et modifier des rapports de pouvoir entre les différents protagonistes : usagers, professionnels, responsables associatifs et financeurs.


Mots-clés :
Évaluation participative, intervention collective, conscientisation, pluralité.

Bibliographie

Armbruster Elatifi U., Libois J., Warynski D., 2014, « Activer la part créative et citoyenne par le processus d’évaluation participatif. Modélisation dans le champ de l’animation socioculturelle », L’Observatoire, n° 82, p. 50-56.
Baron G., 2001, Évaluation, participation, apprentissage dans l’action publique, Paris, éd.
L’Harmattan.
Baron G. et Monnier E., 2003, « Une approche pluraliste et participative : coproduire l’évaluation avec la société civile », Revue d’informations sociales, n° 10. p. 120-129
Duran P. et Thoeing J.-C. 1996, « L’état et la gestion publique territoriale », Revue française de sciences politiques, vol. 46, n° 4, p.580-623
Giauque D. et Emery Y., 2008, Repenser la gestion publique, Lausanne, éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. Lausanne : Le savoir suisse.
Libois J., 2013, La part sensible de l’acte. Éducation sociale au quotidien, Genève, Éditions ies.
Mendel, G., 1998, L’acte est une aventure. Paris : Editions La Découverte.
Morin E., 2005, Introduction à la pensée complexe, Paris, éd. Points Essais.
Pastré P., 1999, La conceptualisation dans l’action : bilan et nouvelles perspectives. Apprendre des situations, Arcueil, Ed. Éducation permanente, vol. 139.
Ridde V. et Dagenais C., 2009, « Introduction générale à l’évaluation de programme », in Ridde V. et Dagenais C., Approches et pratiques et évaluation de programme, Montréal, éd. Les presses de l’université de Montréal, p. 11-29.

Présentation des auteurs

Auteure : Joëlle Libois
De première formation en travail social, Madame Libois a exercé 15 années dans le champ de l’action communautaire. Elle a parallèlement repris des études en Sciences de l’éducation qui se sont soldées par un doctorat en 2011, en Analyse de l’activité, sous la direction de Guy Jobert, au CNAM, Paris. Professeure à la Haute Ecole de Travail social, elle a repris la Direction de cet établissement en 2011. Elle est également présidente de l’AIFRIS depuis 2015.
Joelle.libois@hesge.ch

Communication complète

L’évaluation dans le champ de l’action collective associative : enjeux méthodologiques
Joëlle Libois, HETS-Genève
Mots-clés :
Évaluation participative, intervention collective, conscientisation, pluralité.
L’intervention collective défend les valeurs de solidarité, de libre adhésion et de participation citoyenne. L’évaluation, quant à elle, se donne pour objectif d’améliorer l’efficacité et la qualité des projets. Une recherche-action, à Genève, démarrée en 2013, puis 2015 pour un deuxième volet, s’est employée à mettre au point, avec les partenaires de terrain et les personnes concernées, un outil d’évaluation participative, conjuguant ainsi valeurs intrinsèques et exigences gestionnaires. Cette méthode, innovante et pragmatique, cherche à remettre la participation citoyenne au cœur de l’action. La pluralité des acteurs engagés dans le processus ouvre une vraie confrontation des points de vue, avec comme objectif sous-jacent : conscientiser pour mieux se situer.
Après une présentation rapide des enjeux managériaux entourant l’action des structures associatives, nous aborderons la complexité de la participation. Nous présenterons succinctement un outil d’évaluation construit à partir d’une recherche-action avec des terrains professionnels. Enfin, nous nous demanderons comment un outil d’évaluation, simple dans sa structure, mais très exigeant dans son suivi, peut venir replacer la participation au cœur des pratiques et modifier des rapports de pouvoir entre les différents protagonistes : usagers, professionnels, responsables associatifs et financeurs.
Les nouveaux modes de gestion des structures sociales demandent à établir une vision stratégique à moyen terme, porteurs d’objectifs définis avec indicateurs de réussite. Or, l’évaluation des activités dans le domaine du travail social pose question. En effet, celui-ci est « parcouru par de multiples incertitudes non structurées qui rendent très relatives les « théories de l’action » pré-établies (Duran et Thoeing, 1996). Pour ces raisons, notre recherche questionne les possibilités et les conditions d’un processus d’évaluation participatif, reconnu par les décideurs institutionnels et politiques, qui rende compte de l'action de terrain, de manière qualitative. Toutefois, nous postulons que suivre un processus d’évaluation participatif permet non seulement d’affirmer une volonté de rendre compte de son action, mais aussi d’intégrer l’évaluation dans la méthodologie de projets collectifs.
Le souci de la qualité s’est imposé dans les domaines de l’humain, comme ceux de la santé, du social ou de l’enseignement supérieur. Si ce souci de la qualité passe également par l’évaluation des services publics par les bénéficiaires, l’orientation « client » pose des problèmes d’indicateurs représentatifs de la diversité des prestations. Prendre au sérieux la parole des usagers demande à travailler de manière qualitative, prenant en compte la subjectivité des bénéficiaires. La manière dont ils ont ressenti, vécu, pensé, compris les prestations étant étroitement corrélée aux résultats mesurables de celles-ci. La nécessité de trouver des critères spécifiques et le choix d’indicateurs pertinents posent des questions méthodologiques et éthiques à ne pas négliger. L’approche qualitative, portée par une volonté de gouvernance publique transparente et efficace, pourrait être définie selon les termes de Deming (1986) cité par Giauque et Emery (2008, p. 96) : « la qualité, c’est avant tout un système voué à l’amélioration de la connaissance mise au service des utilisateurs. »
La participation : une notion centrale pour les associations
Le modèle gouvernemental suisse est fortement tourné vers une démocratie participative, offrant aux citoyens plusieurs voies de participation politiques, que ce soit à travers les référendums ou pétitions . De plus, le mouvement associatif, largement répandu et encore très actif dans notre pays, permet une externalisation ou une délégation à des tiers constitués pour offrir des réponses appropriées aux problématiques sociales. C’est également une façon de reconnaître et de bénéficier d’un savoir-faire construit à partir de connaissances internes et spécifiques directement liées aux prestations à fournir. Aujourd’hui, de nombreuses associations, subventionnées par l’État sur la base de contrats de prestations , produisent des offres sociales d’importance, telles que la garde d’enfants, les programmes d’activités citoyennes par le biais des maisons de quartiers et centres de loisirs, l’intervention de bas seuil en faveur des plus démunis, des personnes toxicodépendantes ou encore la défense sociopolitique des minorités.
La notion de participation est une des valeurs centrales de l’intervention collective qui se décline le plus souvent sous forme associative. Elle est un leitmotiv de nombreux projets institutionnels. Chaque professionnel affirme dans ses projets rechercher en premier lieu la participation de son public, mettant en avant la vertu citoyenne du processus. Mais cette belle intention pose des questions pragmatiques difficiles à résoudre. Dans la réalité, la participation peut être inversement proportionnelle à son omniprésence dans les discours. Comment objectiver cette participation ? Comment combiner les contingences de l’organisation d’activités, et le risque de faire participer de la façon la plus étendue possible les publics visés par ces actions ? Qu’est-ce qui se joue derrière ce vocable si présent et si décrié ? Définir la participation relève d’une approche théorique bien souvent déconnectée de la réalité des pratiques en la matière. Dans cette perspective, il n’est pas étonnant de trouver en ligne un dictionnaire critique de la participation , entièrement consacré à définir les différents modalités, définitions, dispositifs que recouvre cette acception, réalisé par un collectif de chercheurs.
Problématisation : l’association à la fois théâtre et actrice de la participation
Les nouveaux modes de gestion demandent aux structures sociales de travailler par contrats de prestation négociés avec les financeurs, ce qui nécessite d’établir une vision stratégique à moyen terme ainsi qu’une capacité à rendre compte d’objectifs prédéfinis. Ce modèle porte en lui l’avantage certain de définir des lignes d’action claires et communicables. Mais en deçà, il pose un sérieux problème épistémologique aux acteurs du travail social qui définissent leurs modèles d’intervention sur les bases de l’autodétermination, de la citoyenneté active et de la participation. Rendre compte de tels éléments à partir d’objectifs prédéfinis paraît irréalisable ou même irréaliste et met en difficulté de nombreux professionnels.
L’association elle-même fonctionne comme une micro société, emmenant avec elle son lot de luttes de pouvoirs, de fonctionnements plus ou moins démocratiques, d’un certain rapport au monde marchand même si elle est censée s’en distancier, de valeurs et courants de pensées dominants. Si elle porte un projet politique de démocratisation par son action, son fonctionnement intrinsèque est déjà, pour tous ses protagonistes, un apprentissage permanent entre dynamiques collectives et individuelles, entre grandes valeurs collectives et intérêts personnels.
L’évaluation participative : une voie pour rendre compte de la part intrinsèque de l’acte
Croiser la dimension participative avec une approche évaluative est une gageure pas facile à tenir, ni théoriquement, ni pragmatiquement sur les terrains professionnels.
Du côté de l’évaluation, celle-ci est un champ vaste avec des pratiques variées, qui diffèrent selon les approches évaluatives, ou stratégies opérationnelles retenues. Les chercheurs s’accordent à distinguer plusieurs générations d’évaluations qui se sont développées au fil du temps. Valéry Ridde, dans l’introduction générale à son ouvrage Approches et pratiques en évaluation de programme, décrit succinctement quatre générations d’évaluation (Ridde et Dagenais 2009, p. 14) :
- la première est celle de la mesure, dont l’évaluateur est un spécialiste ;
- la deuxième est plus de l’ordre de la description, dans laquelle l’évaluateur s’attache principalement aux processus qui permettent la survenue des effets constatés ;
- la troisième est celle dans laquelle le défi de l’évaluateur est de porter un jugement sur les résultats obtenus en regard des objectifs initialement fixés ;
- la quatrième, qui se veut plus interactive et celle dans laquelle il s’agit non seulement de reconnaître le point de vue et les valeurs de l’ensemble des acteurs concernés, mais aussi de faire en sorte qu’ils fassent partie intégrante de ce processus.
Certains auteurs estiment qu’une cinquième génération s’est récemment développée, sans que la pratique soit encore très répandue. Cette nouvelle façon d’appréhender l’évaluation propose que la société civile « prenne le pouvoir ». En d’autres termes, les bénéficiaires des programmes à évaluer sont intégrés aux processus évaluatifs (Baron et Monnier, 2003).
Les trois premières générations d’évaluation sont dites « managériales ». En effet, elles sont faites principalement pour et par l’administration, et les acteurs concernés ne sont pas ou très peu impliqués dans la démarche. Les deux dernières générations d’évaluation introduisent la dimension de la participation. Pour tenter de suivre une approche épistémologique cohérente, intégrant les différents acteurs.trices dans le processus, et les spécificités du champ de l’intervention sociale, nous nous sommes appuyés sur les théories de l’action et les apports de Mendel (1998). En effet, la part risquée de l’acte développée chez cet auteur nous a paru digne d’intérêt afin de rendre compte des particularités de l’agir professionnel en animation socioculturelle.
Au centre de notre questionnement, le temps de la problématisation collective : prendre conscience et se situer
Il est pour nous essentiel, d’appréhender la situation dans sa complexité, rejetant toutes aspirations à des simplifications abusives en vue de modélisation (Morin, 2005). Pastré (1999) nous convoque à prendre en compte la dynamique situationnelle et nous propose de l’aborder à partir de la notion de situation-problème. Travailler sur un « problème » ou un projet dans notre cas, revient non pas à appliquer une solution préétablie, mais à revenir sur l’énoncé de ce qui motive à développer une action collective. Travailler avec tous les acteurs sur la compréhension des éléments qui déterminent l’objet « commun » révèle bien souvent un déclenchement du pouvoir d’agir empêché jusque-là par la solitude, la culpabilité ou l’inquiétude attachée à l’ampleur de la tâche à accomplir. Penser un projet avec un collectif, groupement ou rassemblement de personnes ne peut s’opérer sans s’interroger sur les conditions d’émergence et de persistance de l’objet partagé. La nécessité de la conscientisation et la prise de parole des personnes accompagnées dans un processus d’évaluation sera l’un des questionnements principal que nous aborderons dans notre atelier thématique.
Par-là, nous tenterons de ne pas édulcorer la question très actuelle de l’évaluation de l’activité, qui est, à notre sens intrinsèque au dépliement des savoirs d’action. Etant conscient des rapports de pouvoir en jeu dans les processus d’évaluation, nous pensons que mettre en lumière, l’évaluation de l’action dans les métiers de l’humain est porteur d’un certain risque. Toutefois si nous postulons que l’action est concomitante ou même performative à la confrontation de réalités plurielles et ceci de manière intrinsèque à la continuité de l’acte en travail social, faisant ainsi pleinement partie de l’agir, alors nous nous confrontons à un réel défi, qui est celui de mettre en visibilité de tels processus. Parvenir dans un deuxième temps, à tirer en généralité les savoirs constitutifs de la capacité à co-construire l’activité à partir de la production d’une pluralité de points de vue, est une compétence constitutive de l’identité du travail social.

Résumé en Anglais


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