Fiche Documentaire n° 5307

Titre Les enjeux de la RSE comme moyen de vivre ensemble inclusif - cas du Liban (Axe 2)

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Auteur(s) RIZKALLAH SIHAM  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Les enjeux de la RSE comme moyen de vivre ensemble inclusif - cas du Liban (Axe 2)

Face à la multiplicité des inégalités et les risques de discriminations et d’exclusion sociale dans une société plurielle telle l’économie libanaise accueillant en plus un afflux énorme de déplacés surtout depuis la crise syrienne en 2011, la Responsabilité Sociale des Entreprises RSE s’avère indispensable. L’Etat seul étant incapable de répondre seul aux besoins sociaux et les ONG n’ayant pas les moyens financiers toujours suffisants, c’est le rôle au secteur prive d’intervenir et d’orienter l’économie vers un vivre ensemble inclusif.

Toutefois, l’introduction de la RSE et les enjeux de son application diffèrent d’un pays selon les spécificités du système économique de ce pays qui le rapprochent implicitement d’une approche théorique de la RSE plutôt que d’une autre, ainsi que du rôle des différentes parties et le dynamisme des secteurs concernés.
A partir de là, il s’avère intéressant de comprendre quels sont les enjeux d’introduction de la RSE par un pays de petite taille et système économique libéral comme le Liban par libre choix de son secteur privé sans aucune intervention de l’Etat contrairement à tout son entourage arabe ? Comment se traduisent-ils en matière de lenteur de la RSE dans certains secteurs et son accélération dans d’autres en se référant au modèle théorique qui permettrait de mieux l’expliquer ?
Afin de répondre à cette problématique, nous allons dans un premier temps procéder par une revue de littérature où nous mettons l’accent sur l’évolution des fondements théoriques du concept de RSE en et nous nous attardons sur le modèle néo institutionnel qui va constituer le cadre conceptuel de la deuxième partie empirique.
Dans un deuxième temps, nous présenterons les résultats d’une enquête qualitative sur les enjeux de l’évolution de la RSE réalisée auprès de 18 entreprises libanaises les plus connues en matière de RSE au Liban. La méthodologie se base sur des entretiens semi-directifs, un guide d’entretien et une grille d’analyse des réponses verticale par axe et horizontale par entretien.
Le concept de la RSE a connu une évolution remarquable depuis son introduction par le Père fondateur Bowen [1953] passant par toute la revue de littérature qui a développé ses fondements théoriques et les différents modèles sur la RSE. Friedman [1970] voit l’importance de la RSE uniquement comme moyen de favoriser l’augmentation des profits à long terme. Caroll [1979] trace une pyramide de la RSE qui rassemble à une projection de la pyramide de Maslow des besoins des individus au niveau des responsabilités des entreprises (économique, légale, éthique et philanthropique...). La Théorie des parties prenantes de Freeman [1985] consiste à intégrer les intérêts des parties prenantes (employés, actionnaires, clients, société civile, environnement, autorités publiques…) dans la stratégie même de l’entreprise. Le modèle néo-institutionnel de DiMaggio et Powell [1991] met en relief l’existence de trois types d’isomorphisme : mimétique, normatif et coercitif. A savoir que plusieurs études empiriques ont été menées sur l’impact de la théorie néo-institutionnelle sur la RSE des pays en transition dont le Liban.
L’enquête menée montrent que l’évolution de la RSE au Liban fait face à plusieurs difficultés qui l’entravent ou la ralentissent et qui permettent de valider le modèle néo institutionnel de la RSE ou l’isomorphisme mimétique et l’isomorphisme normatif permettent le développement de la RSE rapidement dans certains secteurs comme les banques et la téléphonie mobile alors que l’absence de règlementation et donc le manque d’isomorphisme coercitif ralentit l’évolution de la RSE dans d’autres secteurs comme le secteur industriel et le secteur commercial qui attendent le soutien de l’Etat pour développer cette démarche.
La validation des résultats est susceptible de permettre d’identifier les causes du ralentissement de la RSE au Liban surtout dans certains secteurs plus que d’autres et d’identifier les clés favorisant son évolution.

Bibliographie

BOWEN H R, (1953), Social responsibility of the businessman, Harper & Row, New York.
CAPRON M et QUAIREL L, (2010), «La responsabilité sociale d’entreprise», collection repères, La Découverte.

CAROLL A B, (1979), «A three dimensional conceptual model of corporate performance», Academy of Management Review, No 4, Vol 4, p 497-505.
CAROLL A B, (1991), «The pyramid of corporate social responsibility: towards the moral management of organizational stakeholders», Business Horizons, July/August, http://www.rohan.sdu.edu/faculty
www.adequations.org

CAROLL, A (1983), «Corporate Social Responsibility: will industry respond to cut-backs in social program funding?», Vital speeches of the day, No 49, p 604-608.

FREEMAN E R., (1984), «Strategic management: a Stakeholder approach». Marshfield, MA Pitman publishing, Boston.

Friedman M, (1970), «The Social Responsibility of Business Is to Increase Its Profits», New York Times. Magazine, September 13.


JAMALI, (2008), «A stackholder approach to corporate social responsibility: a fresh perspective into theory and practice», Journal of Business Ethics, Vol 82, p 213-231.

LAVILLE E, (2002), «L’entreprise verte, le développement durable change l’entreprise pour changer le monde», Editions Village Mondial.

Norme ISO26000, UN Global Compact principles, GRI Global Reporting Initiative, KPI Key of Performance Indicators, SGDs Sustainable Development Goals ou les Objectifs de Development Durable des Nations Unies.

PIRSH J, GUPTA S and GRAN SL, (2007), «A framework for understanding corporate social responsability programs as a continium: an exploratory study», Journal of Business Ethics, Vol 70, No 2, p 125-140.
POWELL W et DIMAGGIO P (1991), «The new institutionalism in organizational analysis», Chicago: the university of Chicago press.
ISO 26000 (2010), «Normes internationales», http://www.iso.org
Le rapport Brundtland (1987), «Commission mondiale sur l’environnement et le développement», ONU.

Présentation des auteurs

RIZKALLAH Siham :
Docteur en Economie, Maître de conférences à l'Université Saint-Joseph, Faculté de Sciences Economiques. Domaines de recherche: lEconomie Sociale et Solidaire, Responsabilité Sociale des Entreprises, Economie Monétaire.. Conseillère pour projets réalisés avec le ministère des Affaires Sociales.
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Adresse Professionnelle: Université Saint Joseph, Faculté de Sciences Economiques, Campus de l’Innovation et du Sport, rue de Damas. B.P. 17-5208 Mar Mikhaël Beyrouth,1104 2020-Liban. Tel: 961 3 738525 et Email: siham.rizkallah@usj.edu.lb et sihamrizkallah@gmail.com

Communication complète

Face à la multiplicité des inégalités et les risques de discriminations et d’exclusion sociale dans une société plurielle telle l’économie libanaise accueillant en plus un afflux énorme de déplacés surtout depuis la crise syrienne en 2011, la Responsabilité Sociale des Entreprises RSE s’avère indispensable. L’Etat seul étant incapable de répondre seul aux besoins sociaux et les ONG n’ayant pas les moyens financiers toujours suffisants, c’est le rôle au secteur prive d’intervenir et d’orienter l’économie vers un vivre ensemble inclusif.



Toutefois, l’introduction de la RSE et les enjeux de son application diffèrent d’un pays selon les spécificités du système économique de ce pays qui le rapprochent implicitement d’une approche théorique de la RSE plutôt que d’une autre, ainsi que du rôle des différentes parties et le dynamisme des secteurs concernés.



A partir de là, il s’avère intéressant de comprendre quels sont les enjeux d’introduction de la RSE au Liban par libre choix de son secteur privé sans aucune intervention de l’Etat contrairement à tout son entourage arabe ? Les raisons de sa lenteur dans certains secteurs plus que d’autres ? et les possibilités de son amélioration ?



Afin de répondre à cette problématique, nous allons procéder par une revue de littérature expliquant le choix du recours au modèle néo institutionnel puis nous présenterons les résultats d’une enquête qualitative expliquant les enjeux de l’évolution de la RSE et la réalisation de ses objectifs socioéconomiques souhaites.



Fondements theoriques et Choix du Modele Neoinstitutionnel

Le concept de la RSE a connu une évolution remarquable depuis son introduction par le Père fondateur Bowen [1953] passant par toute la revue de littérature qui a développé ses fondements théoriques et les différents modèles sur la RSE. Friedman [1970] voit l’importance de la RSE uniquement comme moyen de favoriser l’augmentation des profits à long terme. Caroll [1979] trace une pyramide de la RSE qui rassemble à une projection de la pyramide de Maslow des besoins des individus au niveau des responsabilités des entreprises (économique, légale, éthique et philanthropique...). La Théorie des parties prenantes de Freeman [1985] consiste à intégrer les intérêts des parties prenantes (employés, actionnaires, clients, société civile, environnement, autorités publiques…) dans la stratégie même de l’entreprise. Le modèle néo-institutionnel de DiMaggio et Powell [1991] met en relief l’existence de trois types d’isomorphisme : mimétique, normatif et coercitif.



*L’isomorphisme coercitif : les contraintes coercitives favorisent la légitimité légale basée sur des règles, loi set sanctions et conduisent les organisations à se conformer à la loi et à la réglementation. Il s’agit donc du cadre législatif dans lequel les entreprises opèrent.



*L’isomorphisme mimétique : suite aux contraintes cognitives et culturelles, dans un contexte de forte incertitude, les organisations tendent à reproduire les pratiques des unes les autres, à s’imiter. Le mimétisme permet de réduire l’incertitude, et de pratiquer des méthodes ou outils déjà connue sans prendre de risque de tenter de nouvelles pratiques.



*L’isomorphisme normatif : La contrainte normative contribue à la légitimité morale liée aux normes, certification, accréditation définissant les bases cognitives de pratiques similaires sans aboutir à des sanctions en cas de leur absence.



Plusieurs études empiriques ont été menées sur l’impact de la théorie néo-institutionnelle sur la RSE des pays en transition dont le Liban d’où l’importance de l’étude exploratoire réalisée dont les travaux de Jamali D, Safieddine A. and Rabbath M, [2008].



Méthodologie

La méthodologie choisie est celle de la recherche qualitative et l’analyse du contenu en se référant à une grille basée sur une analyse verticale par axe et une analyse horizontale par entretien. L’axe vertical représente le sujet ou la question pour laquelle on a collecté les réponses des participants et l’entretien horizontal présente les participants.

























La grille comprend donc des cases qui permettraient de repérer les réponses par axe et par entreprise, ce qui facilite de trier le contenu et de répartir en pourcentage les réponses similaires.



L’enquête qualitative a été réalisée par l’auteur auprès de 18 entreprises représentant presque l’ensemble des entreprises affichant la réalisation de projets de RSE de manière régulière ainsi qu’auprès du responsable du projet de Libnor pour l’’introduction des critères ISO26000 de la RSE au Liban. D’une part, 9 entreprises sont parmi celles qui sont déjà sélectionnées par Libnor pour l’intégration des normes ISO26000 sur la RSE.



Résultats

L’enquête à laquelle ont participé 18 entreprises les plus actives en matière de RSE au Liban, montre que la majorité des entreprises ont des départements spécifiques pour la RSE, et moins que 10% réalisent leurs projets RSE via d’autres départements préexistants (communication, marketing, HR..)

Près de 66.7% entreprises considèrent que les projets RSE qu’ils soutiennent permettent le DD, et les principaux domaines d’intervention sont l’Environnement, l’Education et la Santé. L’impact de ces projets se traduit essentiellement par la création d’emplois et l’Education selon 66.7% des entreprises et le reste en termes de couverture de santé favorisant la protection sociale et la limitation des inégalités.



Par ailleurs, 72.2% entreprises déclarent avoir un budget spécifique pour la RSE, dont la majorité des entreprises impliquées dans le projet de Libnor et d’autres non impliquées dans le projet de Libnor. Les autres fonctionnent au regard de la disponibilité des ressources, de la priorité des domaines...



En fait, la contribution du secteur bancaire en particulier au Développement Durable ne se limite pas aux projets de RSE réalisés en partenariat avec certaines ONG mais aussi par l’octroi de crédits à taux d’intérêt réduits soutenant les secteurs fragiles et limitant les inégalités (agricole, industriel, logement aux détenteurs de revenus fixes..).



Les Codes sectoriels surtout dans les grands secteurs bien organisés (comme le secteur bancaire, suivi du secteur de Téléphonie mobile puis le secteur industriel.) sont disponibles et se basent sur des référentiels internationaux et sont surtout présents dans les multinationales…



La plupart des entreprises interviewées ont un budget annuel régulier pour la RSE, ce qui confirme que la création d’un département spécifique pour la RSE favorise l’engagement de l’entreprise à poursuivre ses projets de RSE par des budgets réguliers et continus non pas par des financements aléatoires, irréguliers, discrétionnaires et temporaires.



Egalement, 72.2% des entreprises participantes, la majorité des entreprises impliquées par le projet de Libnor d’application des normes ISO26000 déclarent que les projets de RSE qu’ils réalisent se caractérisent par leur possibilité d’assurer l’autofinancement par leur continuité alors que d’autres trouvent indispensables de poursuivre des politiques de collecte de fonds (Fundraising) .

Quant à la communication des projets de RSE au Liban, il s’avère qu’elle repose essentiellement sur les Médias (presse, radios, Télés, sites, médias sociaux…).et juste la moitié des entreprises participantes publient des rapports de RSE (dont des entreprises travaillant avec Libnor et d’autres non sélectionnées par Libnor).



La majorité des entreprises exprime le besoin d’un cadre officiel de collecte de l’information sur la RSE comme une plateforme pouvant regrouper des représentants de tous les secteurs. Les propositions sont réparties presque à égalité entre la demande d’exemptions fiscales, la subvention de certaines activités et l’octroi de crédits à taux d’intérêt bonifiés qui constituent des mesures indispensables pour le développement de la RSE et qui ne sont pas encore applicables au Liban jusqu’à nos jours.



Finalement, l’évaluation des projets de RSE par les entreprises elles-mêmes repose selon leur déclaration essentiellement sur les questionnaires d’évaluation selon 55% des participants à l’enquête, et le reste par des rapports, ateliers de travail, et autres moyens..



Ainsi il s’avère que l’évolution de la RSE au Liban fait face à plusieurs difficultés permettent de valider le modèle néo institutionnel de la RSE où l’isomorphisme mimétique et l’isomorphisme normatif permettent le développement de la RSE rapidement dans certains secteurs comme les banques et la téléphonie mobile alors que l’absence de règlementation et donc le manque d’isomorphisme coercitif ralentit l’évolution de la RSE dans d’autres secteurs comme le secteur industriel et le secteur commercial qui attendent le soutien de l’Etat. D’où la nécessite d’une plateforme officielle susceptible d’assurer la collecte de données sur la RSE au Liban, évaluer l’aspect scientifiques des démarches, accorder des Labels ou certificats de distinction a ceux qui les méritent et les formations a ceux qui en ont besoin et instaurer les règlementations nécessaires en termes de fiscalité et de facilités financiers encourageantes pour améliorer les résultats.

Résumé en Anglais

Since the recognition of Corporate Social Responsibility (CSR) by the American economist Harward R Bowen (1953), this concept has undergone a remarkable evolution both in terms of its definition and its theoretical foundations, and at the level of its empirical issues with regard to the specificities of the countries concerned.



Among the different Arab countries that introduce CSR with the guidance and supervision of the state, Lebanon stands out with a completely different approach to CSR based on the free and voluntary choice of the private sector far from any intervention of the State in this sense.



In this context, we seek in this article to study the issues of the introduction of CSR in Lebanon and its evolution which is accelerated in some sectors and slowed down in others by referring mainly to the neo-institutional theoretical model of CSR which finds its validity in the case of Lebanon. This validation makes it possible to identify the causes of the slowdown in CSR in Lebanon, especially in some sectors more than others, and to identify the key factors that favor its evolution.



Keywords: Corporate Social Responsibility, Sustainable Development, Lebanon, Libnor and ISO26000