Mouvements d’hybridation en action sociale. Risques ou atouts ?
Une perspective internationale

Cette contribution propose une analyse des problématiques et des défis liés à l’hybridation de plusieurs logiques d’action dans le domaine de l’action sociale, en particulier à ses effets sur les acteurs individuels ou collectifs. Nous appuyant sur des travaux portant sur les logiques d’hybridation (Battilana, J., M. Besharov, et B. Mitzinneck 2017 ; Lyet 2018 ; Bode - à paraître), nous proposons de comprendre les processus d’hybridation comme des tentatives des acteurs de concilier les orientations plurielles et quelques fois paradoxales des politiques sociales et des cultures institutionnelles et professionnelles. Sommés d’agir entre des registres d’action hétérogènes, les acteurs « bricolent » (Levi Strauss, [1962] 2008) chaque fois de manière singulière des compromis parfois insatisfaisants ou problématiques entre les exigences diverses qu’ils doivent prendre en compte.
Nous départant d’une vision moderne des finalités de l’action sociale (focalisant sur l’émancipation de l’individu, sur un « vivre ensemble » moins inégalitaire, et sur la sécurisation des biographies complexes), nous abordons la question en étudiant les implications potentielles de certains mouvements d’hybridation, et ce à plusieurs niveaux et dans plusieurs pays. L’analyse proposée prendra appui sur des recherches menées par trois chercheurs d’horizons différents (pays et institutions d’appartenance) et des terrains d’investigations diversifiés sur le plan international. Trois objets de recherche serviront d’analyseurs afin d’étayer la question posée dans l’intitulé de la communication à savoir : les mouvements d’hybridation en action sociale se présentent-ils comme des atouts ou des risques pour l’action sociale à travers les pratiques professionnelles et in fine pour les personnes concernées par l’intervention sociale ?
Le premier objet de recherche s’intéresse aux effets de la Nouvelle Gestion Publique pour les milieux de pratiques professionnelles au sein des services sociaux et médico-sociaux dans une approche comparative entre la France et le Québec
Le deuxième objet de recherche se penche sur les tensions observées par l’introduction du « tout numérique » dans les organisations sociales et médicosociales en France, entre crainte des risques encourus (protection des données, cyber harcèlement, etc.) et intérêts suscités.
Le troisième objet de recherche porte sur la rencontre entre travail social national en émergence et monde des organisations internationales non-gouvernementales (OING), en Jordanie et la crise humanitaire causées par le mouvement d’exode qu’a eu lieu dans le Proche Orient. Ici, l’hybridation émane du mandat d’action sociale des OINGs et des relations que ces dernières doivent développer avec ceux qui représentent le système de travail social de ce pays.
Dans ces divers univers d’action sociale, certaines circonstances semblent être favorables à une hybridation fructueuse des différentes logiques d’action impliquées tandis que d’autres circonstances contiennent des risques lourds concernant la poursuite des finalités telles que définies ci-dessus.
Notre analyse a des conséquences importantes pour l’organisation et le développement des milieux de pratique, y compris pour des instances partenariales et des lieux de professionnalité variés. Une compréhension fine et des opportunités perceptibles et des risques évidents créés par des mouvements d’hybridation peut nourrir la réflexion sur les aptitudes, les dispositions concrètes et les identités des acteurs et organismes du terrain, dans le souci de mener à bien les missions dévolues à l’action sociale. Elle permet aussi d’ouvrir un débat sur les marges de manœuvre dont dispose l’action sociale contemporaine quand il s’agit d’éviter les dérives possibles d’une hybridation possiblement destructrice.


Référence à rajouter dans biblio
Battilana, J., M. Besharov, et B. Mitzinneck 2017. On Hybrids and Hybrid Organizing: A Review and Roadmap for Future Research, dans : Greenwood, R., C. Oliver, K. Sahlin et R. Suddaby, dir, The SAGE Handbook of Organizational Institutionalism. 2ième édition. Londres : Sage, pp. 128-162.)

Battilana, J., M. Besharov, et B. Mitzinneck (2017). On Hybrids and Hybrid Organizing: A Review and Roadmap for Future Research, dans : Greenwood, R., C. Oliver, K. Sahlin et R. Suddaby, dir, The SAGE Handbook of Organizational Institutionalism. 2ième édition. Londres : Sage, pp. 128-162.

Bellot, C., M. Bresson et C. Jetté, dir. (2013). Le travail social et la nouvelle gestion publique. Montréal : Presses Universitaires du Québec.

Bode, I. (2019). Alles hybride? Interpenetration und Redifferenzierung in der zeitgenössischen Organisationsgesellschaft, dans : Apelt, M., V. von Groddeck, R. Hasse, U. Meyer, M. Wilkesmann et A. Windeler, dir., Handbuch Organisationssoziologie. Wiesbaden : Springer, à paraître

Boltanski, L. et L. Thévenot (1991). Le la justification. Les économies de la grandeur. Paris : Gallimard.

Breimo, J., H. Turba, I. Bode, O. Firbank et J.T. Sandvin (2017). Networking enforced – Comparing social services’ collaborative rationales across different welfare regimes, dans : Social Policy & Administration (51) 7, pp. 1348–1366

Fossestøl, K., E. Breit, T. Alm Andreassen et L. Klemsdal (2015). Managing Institutional Complexity in Public Sector Reform: Hybridization in Front-line Service Organizations, dans : Public Administration 93(2): pp. 290-306.

Lyet, P. (2018). « Comprendre le travail social est ses métiers comme des espaces d’hybridation » Travail et Apprentissages 19, pp 11- 28

Molina, Y. (2017). « Recompositions des professions sociales », Travail et Apprentissages 19, pp 29- 44

Noordegraaf, M. (2007). From “Pure” to “Hybrid” Professionalism. Present-Day Professionalism in Ambiguous Public Domains, dans : Administration & Society 39(6), pp. 761-785.

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Paugam, S. (2015). Vivre ensemble dans un monde incertain, Paris : L’aube.

Ingo BODE, Professeur, chercheur à l'Institut du travail social et du bien-être social, Université de Kassel, Allemagne

Philippe LYET Directeur de la recherche, ETSUP, Paris, France ; directeur adjoint du GIS HYBRIDA IS ; Chercheur associé au laboratoire EMA Université de Cergy Pontoise, France

Yvette MOLINA Chargée de recherche à ASKORIA, France, chercheuse associée au Centre Maurice Halbwachs (CNRS- ENS- EHESS) Paris, France

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