Fiche Documentaire n° 5312

Titre La fraternité comme condition du vivre ensemble dans une société plurielle

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) BOUDJEMAI Michel  
     
Thème  
Type Autre (poster, ...)  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

La fraternité comme condition du vivre ensemble dans une société plurielle

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel, dans une décision remarquable du 6 juillet 2018 , vient de consacrer la valeur opératoire du principe de fraternité.
Après avoir rappelé les dispositions constitutionnelles qui visent la fraternité à savoir les seuls articles 2 et 72-3 de la Constitution de 1958, les Sages en déduisent que « la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle » qui doit être considéré avec la même importance que la liberté et l’égalité. En effet, la référence à l’article 2 précité traduit cette volonté du Conseil constitutionnel. Puis, dans le prolongement de cette idée, le Conseil constitutionnel va indiquer, dans un 8ème considérant, qu’« il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Ce considérant marque ainsi la dimension éminemment humanitaire de la fraternité qui implique solidarité et tolérance. Par ailleurs, la fraternité est aveugle à la situation administrative de la personne aidée - ce qui donne une dimension générale à la liberté d’aider autrui. En même temps, « aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ». Par conséquent, il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public (principe de valeur constitutionnelle) dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Aussi, pour le Conseil constitutionnel, « en réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ». En définitive, les Sages distinguent l’aide à l’entrée sur le territoire, c’est-à-dire au passage de frontière, de l’aide à la circulation des personnes étrangères qui implique qu’elles soient déjà rentrées sur le territoire. S’il est vrai que l’aide à l’entrée crée une situation illicite imputable à l’aidant, l’aide à la circulation ne produit pas cette conséquence (considérant 12). Par conséquent, le législateur peut légitimement prévoir une absence d’exemption pour les seules aides à l’entrée sans pour autant méconnaître le principe de fraternité. En revanche, exclure du champ de l’exemption l’aide à la circulation, qui inclut plus ou moins l’aide à l’hébergement, est contraire au principe de fraternité. C’est d’ailleurs parce que les notions de circulation-hébergement peuvent être liées comme distinctes que le Conseil constitutionnel a jugé qu’une exemption pénale était nécessaire. D’une part, parce que l’aide à la circulation peut être l’accessoire d’une aide à l’hébergement. D’autre part, parce qu’elle est motivée par des considérations humanitaires.

Nous pensons que cette jurisprudence, au-delà de l’aspect technique qu’elle traite, vient rappeler que la fraternité constitue une limite à l’égoïsme qui habite naturellement tout être humain et oblige, par conséquent, chacun envers les autres membres de la communauté. Par ailleurs, on peut considérer que la fraternité entretient des liens étroits avec une République qui se qualifie de sociale. Autrement dit, la République impose par son système d’organisation une solidarité entre ses membres mais aussi leur rappelle le lien fraternel qui les unit et qui, parfois, à l’expérience d’une épreuve collective douloureuse apparaît comme une évidence.

Bibliographie


Non disponible

Présentation des auteurs

Michel BOUDJEMAÏ
Formateur IRTS
Doctorant en droit

Communication complète

La fraternité comme condition du vivre ensemble dans une société plurielle



Héritée du siècle des Lumières, la devise "Liberté, Égalité, Fraternité", mise au goût du jour lors de la Révolution française, s'est imposée sous la IIIème République. Elle est inscrite dans la Constitution de 1958 et fait aujourd'hui partie de notre patrimoine national.

La devise de la République française, "Liberté, Égalité, Fraternité", formule rappelant les principes et valeurs fondatrices du pays, est devenue un symbole de la République, tout comme Marianne et le drapeau tricolore.

"Liberté, Égalité, Fraternité", ces trois mots complémentaires, tout un chacun les connaît car ils sont gravés sur les façades des écoles, des lycées, des mairies, des bâtiments publics, etc. Mais savons-nous vraiment ce qu'elle signifie et surtout, pourquoi et comment elle est devenue la devise de la République française?

Apparue à la Révolution française de 1789, "Liberté, Égalité, Fraternité" faisait partie des devises invoquées, mais figuraient parmi beaucoup d'autres. La liberté et l'égalité sont tout de même posées comme principes dans l'article Ier de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Robespierre, en 1790, préconisait que la devise fût inscrite sur les drapeaux et les uniformes, mais son projet fut ignoré.

Comme beaucoup de symboles révolutionnaires, la devise tomba en désuétude sous l'Empire et la Restauration mais réapparut lors de la Révolution de 1830, réadaptée car empreinte d'une aura religieuse: les prêtres célébraient le Christ-Fraternité et bénissaient les "arbres de la liberté" qui étaient alors plantés. Il a fallu attendre 1848, lors de la rédaction de la Constitution de la IIème République, pour que la devise "Liberté, Égalité, Fraternité" soit érigée comme un principe de la République. Elle est, depuis, présente dans les Constitutions de 1946 et 1958 et fait partie intégrante du patrimoine national.

Mais dans leur individualité, que signifient ces trois termes?

La liberté est le premier des droits de l'être humain et s'applique dans de nombreux domaines de notre vie: liberté d'expression, de circulation, d'opinion, d'association, ou encore de mœurs. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. Elle consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, et c'est pour cette raison que le principe d'égalité fut ajouté.

L'égalité signifie que la loi est la même pour tous et que chaque citoyen est soumis aux mêmes droits et aux mêmes devoirs, sans discrimination. "Mais certains sont plus égaux que d'autres!", ajoutait Coluche. C'est de ce principe qu'est née l'école de la République laïque et accessible à tous.

La fraternité est la plus originale de ce triptyque car elle relève de la sphère de la communauté plus que de l'individu, et de l'obligation morale plus que du contrat. C'est un devoir que nous avons les uns vis-à-vis des autres. Au quotidien, il se traduit dans le fait d'agir dans un esprit fraternel et solidaire. De la fraternité découle par exemple les protections sociales comme le chômage, la retraite, etc.

Mais la devise composée de ces trois mots magiques érigés sur les frontons de France est souvent remise en question. Ainsi la connotation chrétienne de "fraternité" ne fait pas l'unanimité et certains lui préfèrent aujourd'hui le terme "solidarité".

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel, dans une décision remarquable du 6 juillet 2018 , vient de consacrer la valeur opératoire du principe de fraternité.

Après avoir rappelé les dispositions constitutionnelles qui visent la fraternité à savoir les seuls articles 2 et 72-3 de la Constitution de 1958, les Sages en déduisent que « la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle » qui doit être considéré avec la même importance que la liberté et l’égalité. En effet, la référence à l’article 2 précité traduit cette volonté du Conseil constitutionnel. Puis, dans le prolongement de cette idée, le Conseil constitutionnel va indiquer, dans un 8ème considérant, qu’« il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Ce considérant marque ainsi la dimension éminemment humanitaire de la fraternité qui implique solidarité et tolérance. Par ailleurs, la fraternité est aveugle à la situation administrative de la personne aidée - ce qui donne une dimension générale à la liberté d’aider autrui. En même temps, « aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ». Par conséquent, il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public (principe de valeur constitutionnelle) dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Aussi, pour le Conseil constitutionnel, « en réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ». En définitive, les Sages distinguent l’aide à l’entrée sur le territoire, c’est-à-dire au passage de frontière, de l’aide à la circulation des personnes étrangères qui implique qu’elles soient déjà rentrées sur le territoire. S’il est vrai que l’aide à l’entrée crée une situation illicite imputable à l’aidant, l’aide à la circulation ne produit pas cette conséquence (considérant 12). Par conséquent, le législateur peut légitimement prévoir une absence d’exemption pour les seules aides à l’entrée sans pour autant méconnaître le principe de fraternité. En revanche, exclure du champ de l’exemption l’aide à la circulation, qui inclut plus ou moins l’aide à l’hébergement, est contraire au principe de fraternité. C’est d’ailleurs parce que les notions de circulation-hébergement peuvent être liées comme distinctes que le Conseil constitutionnel a jugé qu’une exemption pénale était nécessaire. D’une part, parce que l’aide à la circulation peut être l’accessoire d’une aide à l’hébergement. D’autre part, parce qu’elle est motivée par des considérations humanitaires.



Nous pensons que cette jurisprudence, au-delà de l’aspect technique qu’elle traite, vient rappeler que la fraternité constitue une limite à l’égoïsme qui habite naturellement tout être humain et oblige, par conséquent, chacun envers les autres membres de la communauté. Par ailleurs, on peut considérer que la fraternité entretient des liens étroits avec une République qui se qualifie de sociale. Autrement dit, la République impose par son système d’organisation une solidarité entre ses membres mais aussi leur rappelle le lien fraternel qui les unit et qui, parfois, à l’expérience d’une épreuve collective douloureuse apparaît comme une évidence.

La fraternité comme fondement d’un monde meilleur peut apparaître comme une utopie. Oui, mais une utopie réaliste à la portée de l’humanité. Je concluerai cette contribution en me référent à l’ouvrage de Rutger BREGMAN qui cite Oscar Wilde (1854-1900) qui disait : « Une carte du monde qui ne comprendrait pas l’Utopie ne serait même pas digne d’être regardée, car elle laisserait de côté le seul pays où l’Humanité vient toujours accoster. Et après y avoir accosté, elle regarde autour d’elle, et, ayant aperçu un pays meilleur, reprend la mer. Le Progrès est la réalisation des Utopies ». Cette citation nous invite à considérer que les Utopistes ont contribuer largement à construire le monde qui nous entoure. Que serions-nous devenus sans ces doux rêveurs qui, in fine, ont réussi à imposer leurs rêves qui pour nous, hommes et femmes du XXI ème siècle sont devenus réalités ? Vivre ensemble malgré nos différences qu’il convient de conserver et non d’imposer est encore possible. Mais il faut ouvrir nos cœurs et nos chakras afin d’offrir à nos enfants.

Résumé en Anglais


Non disponible