Fiche Documentaire n° 5338

Titre Être mère d'un enfant placé jusqu'à sa majorité : un cumul d'expériences de déni de reconnaissance

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Auteur(s) NOEL Julie  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Être mère d'un enfant placé jusqu'à sa majorité : un cumul d'expériences de déni de reconnaissance

Au Québec, le placement de l’enfant jusqu’à sa majorité est un des projets de vie alternatifs déterminés par la protection de la jeunesse lorsque les difficultés vécues par ses parents restreignent de façon importante leurs capacités à exercer leur rôle parental. Cette mesure vise à assurer, à l’enfant, un milieu de vie stable capable de répondre à ses besoins. Pour les mères biologiques, le placement de l’enfant génère différentes émotions souvent difficiles à gérer. L’estime de soi des mères serait directement touchée par le placement de l’enfant, puisque d’une part, elles ne sont plus en mesure de répondre à leur propre attente, c’est-à-dire à la vie qu’elles avaient projetée avec leur enfant, et d’autre part, elles sont dans l’incapacité de répondre aux attentes sociales, car perdre la garde de son enfant est une transgression des attentes sociales normatives liées à la maternité (Holtan et Eriksen, 2006). Le chagrin serait donc combiné à la perception d’être exclue et stigmatisée socialement. Au fil des ans, les mères sont donc appelées à relever deux défis importants pour préserver leur dignité et une identité positive. Premièrement, elles doivent s’adapter à la perte de rôles parentaux, et deuxièmement, elles doivent conjuguer avec le regard d’autrui.
Cette communication présente les résultats d’une thèse de doctorat en travail social montrant les processus favorisant ou freinant la reconnaissance sociale de ces mères. Cette étude montre des conditions expliquant pourquoi des mères semblent se relever plus facilement que d’autres à la suite de cet évènement majeur de leur vie. La communication est basée sur 14 récits de vie thématiques recueillis auprès de mères ayant au moins un enfant placé jusqu’à sa majorité en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Prenant assise sur la théorie de la reconnaissance sociale d’Axel Honneth et d’Emmanuel Renault son successeur, une typologie portant sur le développement et la lésion du rapport à soi montre, à travers quatre groupes, des processus menant à un rapport à soi confirmé, fragilisé, inversé ou brisé chez les mères qui ont un enfant placé jusqu’à sa majorité.

Les résultats montrent que des conditions particulières freinent la reconnaissance sociale de ces mères, comme la précarité financière ou la souffrance qu’entraîne le placement de l’enfant. Par ailleurs, on observe des enjeux relationnels qui diffèrent selon le type de milieu d’accueil de l’enfant (famille d’accueil régulière, de proximité ou de la banque mixte). L’étude démontre aussi comment la non-reconnaissance de leurs besoins, de leurs droits, de leur statut ou de leurs compétences affecte la perception qu’elles ont à l’égard de leur propre valeur. À l’instar des travaux de De Koninck (2002), Sellenet (2010) et Sécher (2008), l’étude montre que le placement de l’enfant occasionne pour plusieurs mères la perte de la forme de reconnaissance la plus importante pour elles, c’est-à-dire la maternité. On observe que l’intensité de la souffrance éprouvée par ces mères serait liée non seulement à la séparation mère-enfant, mais aussi parce que le placement de l’enfant viendrait modifier leur perception à l’égard de leur propre valeur comme être humain. Cette atteinte au rapport à soi a pour effet que des mères vont déployer diverses stratégies pour préserver une image positive d’elles-mêmes, alors que d’autres mères vont plutôt abdiquer, perdre espoir ce qui peut entraîner de grandes souffrances affectant leur intégrité et leur dignité. Le travail social est un domaine tout indiqué pour mettre en exergue les pathologies sociales qui affectent leur identité et proposer des avenues menant vers plus de dignité. Ainsi, pour terminer la communication, des pistes d’intervention pour soutenir la parentalité et le développement d’un rapport à soi positif chez ces mères seront discutées.

Bibliographie

De Koninck, M. (2002). La reproduction et les inégalités sociales de santé. Dans F. Descarries et C. Crobeil (dir.) Espaces et temps de la maternité, (p.381, 401). Montréal, Les éditions du remue-ménage
Esposito, T., Trocmé, N., Chabot, M., Shlonsky, A., Collin-Vézina, D. et Sinha, V. (2013). Placement of children in out-of-home care in Québec, Canada: When and for whom initial out-of-home placement is most likely to occur. Children and Youth Sevices Review, 35(12), 2031-2039.
Holtan, A. et Eriksen, S. H. (2006). The brittle attraction: women deprived of the custody of children. International Journal of Child & Family Welfare, 9(3), 178-191.
Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance. Paris: Les éditions du cerf.
Kenny, K. S., Barrington, C. et Green, S. L. (2015). I felt for a long time like everything beautiful in me had been taken out: women's suffering, remembering, and survival following the loss of child custody. International Journal of Drug Policy, 26(11), 1158-1166.
Renault, E. (2004). L’expérience de l’injustice: reconnaissance et clinique de l’injustice. Paris: La découverte.
Ross, N., Cocks, J., Johnston, L. et Stoker, L. (2017). ‘No voice, no opinion, nothing’: Parent experiences when children are removed and placed in care. Research report. Newcastle, NSW: University of Newcastle.
Saint-Jacques, M.-C., Noël, J. et Turbide, C. (2015). Mieux comprendre l’engagement des parents dans l’intervention en protection de la jeunesse. Dans S. Drapeau, S. Hélie, D. Turcotte, D. Châteauneuf, M-A. Poirier, M-C. Saint-Jacques, G. Turcotte (dir.), L’évaluation des impacts de la Loi sur la protection de la jeunesse: qu’en est-il huit ans plus tard? http://www.jefar.ulaval.ca/centreJefar/index.php?pid=1589
Schofield, G., Moldestad, B., Höjer, I., Ward, E., Skilbred, D., Young, J. et HaviK, T. (2011). Managing loss and a threatened identity: experiences of parents of children growing up in foster care, the perspectives of their social workers and implications for practice. British Journal of Social Work, 4(1), 74-92.
Sécher, R. (2010). Reconnaissance sociale et dignité des parents d’enfants placé: parentalité, précarité et protection de l’enfance. Paris: L’Harmattan.
Sellenet, C. (2008). Parentalité et dignité sociale en situation de précarité et de contrôle judiciaire. Revue de Recherche et Intervention Sociale, 23, 7-21.

Présentation des auteurs

Julie Noël, Ph. D. est professeure adjointe à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke. Elle a œuvré près de vingt ans au sein d’organismes communautaire dont une dizaine d’années auprès de groupes de femmes. Sur le plan de la recherche, elle s’intéresse à l’intervention en protection de la jeunesse dans une perspective de justice sociale et d’empowerment.

Communication complète


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Résumé en Anglais


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