La médiation familiale : outil du vivre ensemble
Les relations familiales ont beaucoup évolué ces 40 dernières années, recompositions familiales, homoparentalité, existence de trois à quatre générations en même temps, etc… Ces nouvelles formes familiales demandent aux intervenants sociaux d’adapter leurs interventions en prenant en compte la singularité de chaque situation des familles qu’ils rencontrent. Dans les familles en Suisse, « les désaccords portent principalement sur l’éducation des enfants (43% des couples ayant des enfants de moins de 25 ans dans leur ménage) et les tâches domestiques (37%), l’autre cause de conflit relativement fréquente étant l’organisation des loisirs (33%) » (Csonka & Mosimann, 2017, p. 20).
Pour accompagner les familles à la résolution des conflits, les types de professionnels sont multiples du médiateur au travailleur social en passant par le thérapeute (Gréchez, 2005). Dans notre propos, nous nous intéresserons aux deux premiers. Relevons que la question des liens entre travail social et médiation n’est pas nouvelle. Elle a déjà été soulevée dans les années 90 dans le cadre du développement de la médiation sociale en France (Divay 2012 ; Barthélémy 2009 ; Tourrilhes 2008 ; Astier 2005 ; Tissot 2005 ; Ben Mrad 2004). Mais cette problématique a été moins soulevée dans le domaine familial qui reste pourtant un champ d’activité où les travailleurs sociaux et les médiateurs familiaux agissent auprès des mêmes personnes, bénéficiaires ou médiés, en d’autres termes les parents dans l’objectif de favoriser un meilleur vivre-ensemble dans les situations de conflits parentaux. L’étude de Ben Mrad (2012) montre que les référentiels de ces deux groupes professionnels restent proches car ils mettent au centre la responsabilisation des parents et la préservation des liens parentaux dans l’intérêt de l’enfant. Par contre, l’orientation de l’intervention diffère fondamentalement. Alors que la médiation familiale se concentre sur la conflictualité liée à la parentalité, les intervenants sociaux se donnent comme priorité de prévenir les dangers sur la santé, la sécurité et la moralité des enfants.
Partant de ce constat, nous nous sommes demandés : comment ces deux acteurs sociaux encouragent l’ouverture à l’autre et le mouvement vers lui dans le domaine des tensions familiales ? pour quelles contraintes déontologiques ? pour quelles imbrications de ces deux pratiques ?
Pour ce faire, nous avons effectué une étude exploratoire basée sur quatre entretiens semi-directifs d’une heure auprès de personnes qui endossent la double professionnalité de médiateur indépendant et de travailleur social. Avant les entretiens, nous leur avons demandé de réfléchir à des situations pratiques qu’ils ont vécues. Le but de l’étude a été explicité comme suit : la description des situations amenées doit permettre de mettre en lien les deux postures professionnelles afin de comprendre comment les activités de médiation se définissent en lien avec les activités d’intervention sociale.
A partir de l’analyse de contenu des entretiens, nous discuterons trois éléments qui sont avancés comme justifiant la distinction de ces deux professions. Premièrement, nous mettrons en perspective l’exigence de neutralité, qui constitue théoriquement la frontière entre les deux professionnalités, avec sa pertinence dans la pratique. Deuxièmement, nous relèverons les injonctions de plus en plus fortes de la part de la justice à battre en brèche le principe du libre de choix à la médiation. Troisièmement, nous évoquerons des pistes en matière de formation à la médiation des travailleurs sociaux.
Pour conclure, nous relevons avec Ott (2010) qu’« il est indiscutable, dans la pensée de l’action sociale et éducative d’aujourd’hui, qu’il faut travailler avec les familles » (Ott, 2010, p. 67) quelle que soit la professionnalité considérée.
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