SOCIETES PLURIELLES
TRAVAIL SOCIAL ET VIVRE ENSEMBLE
CONGRES DE L’AIFRIS BEYROUTH JUILLET 2019
AXE 1 : ENJEUX ET CONSTRUCTION DU « VIVRE ENSEMBLE »
Retour d’expériences ; Enfants placés, déplacés, les vertus thérapeutiques d’un voyage solidaire.
Idée de départ :
C’est une forme de rêve, d’utopie presque romantique qui s’est emparée de nous ainsi qu’une profonde envie d’agir à notre niveau le plus concrètement possible pour apporter une réponse à nos inquiétudes surgies suite aux différents attentats qui ont touché la France, l’Europe et le reste du Monde. Les adolescents accueillis dans nos institutions ont eu des réactions parfois d’une rare violence en refusant de respecter la minute de silence en applaudissant aux actes terroristes en radicalisant leurs discours contre l’Etat, l’Institution…Il nous fallait apprivoiser notre peur et surtout défendre nos principes et nos valeurs laïques, humanistes et les transmettre.
Mais comment assurer cette transmission ?
Nous savions de manière empirique pour bien connaître nos bénéficiaires qu’apporter un simple discours ne suffirait pas ! Il nous fallait inventer un modèle, puiser dans de nouvelles disciplines et surtout ne pas rester dans l’EMOTION.
La rencontre avec des acteurs du développement local, de la solidarité internationale, de l’éducation populaire a été fondatrice, elle nous a ouvert à la perspective du « déplacement »…Déplacement dans l’espace (le voyage solidaire), le déplacement dans nos certitudes (sortir de nos institutions), le déplacement dans nos représentations (il ne suffisait pas de désigner l’Autre comme responsable...).
Nous avons interrogé nos propres responsabilités (nombre de jeunes dits radicalisés étaient issus d’institutions semblables aux nôtres).
Nous avons appréhendé ces questions complexes en nous orientant vers cette idée qu’aux travers d’expériences partagées, humaines, au service d’une solidarité pacifique, il était peut- être possible de nouer un dialogue avec ces jeunes adolescents blessés dans leurs identités, ne trouvant pas leur place dans notre société. Une jeunesse à la dérive qu’il s’agit d’ouvrir à des expériences positives, porteuses de sens.
Naissance d’ANRAS SOLIDARITES
ANRAS Solidarités a été créée pour permettre à ces jeunes et aux intervenants sociaux qui les accompagnent au quotidien de s’inscrire dans un processus de changement vers une citoyenneté ouverte au monde, solidaire et active.
Directeurs d’établissements sociaux et médico sociaux (Maisons d’Enfants à Caractère Social / Institut Thérapeutique Educatif Pédagogique / Centre Educatif Professionnel / Institut Médico Educatif), nous avons pour mission d’accueillir des publics jeunes, en difficultés sociales, présentant parfois des troubles du comportement, des carences éducatives et/ou des problématiques de délinquance. Pour contribuer à répondre à ces enjeux, l’association entend proposer, à tous les publics concernés, des alternatives d’engagements porteuses de sens, autour des questions d’inégalités, de discriminations, d’identité, de genre, d’accès aux droits, de citoyenneté, de culture, de solidarité internationale, de développement durable et d’environnement par le biais de chantiers solidaires en France et à l’Etranger, notamment au Maroc.
La proposition est de s’adresser d’une part à l’ensemble des jeunes issus de nos établissements, sans distinctions d’origines sociale, économique ou culturelle, à travers le renforcement de leur pouvoir d’agir et de les accompagner dans leur parcours d’engagement. Parallèlement le projet s’adresse aux praticiens de l’Intervention Sociale (éducateurs, animateurs sociaux, formateurs …) auxquels l’on offre des possibilités d’expressions diversifiées de leur accompagnement éducatif et thérapeutique. En initiant la rencontre, en appréhendant le sens des mots, en questionnant les représentations, en développant l’esprit critique, la confrontation non violente, ANRAS Solidarités vise à faire naître de la compréhension par la connaissance de l’Autre, par l’échange, ceci des deux côtés de la Méditerranée et sur chaque territoire où pourront se développer les chantiers solidaires. Ces expériences partagées sont productrices de « Culture Commune », sans gommer les différences mais dans le respect des individus et de leurs appartenances. « A travers l’Autre, je me reconnais, j’identifie mes forces et mes faiblesses, je reconnais en l’Autre ce qui me singularise mais aussi ce qui nous rassemble. »
NOTRE PRESENTATION : Qui sommes- nous ?
Travailleurs sociaux de formation initiale, diplômés d’études supérieures en Sciences Sociales et en Management, nous sommes Directeurs d’Etablissements sociaux et médico-sociaux depuis de nombreuses années. Portés tous deux par une vision humaniste du travail social, nous sommes fondateurs d’Anras-Solidarités et à ce titre collaborés à la constitution d’un Master en Intervention Sociale (Université IBN ZHOR Agadir-Maroc). Parallèlement nous avons organisé l’acte 1 d’un colloque « Mobilités et Solidarités » à Agadir en Avril 2018.
Marilyne GERARDI :
Membre du CONSORSIUM du projet « jeunes des deux Rives » porté par Migrations et Développement en lien avec SOLIDARITE LAIQUE (Financement Agence Française de Développement) elle participe au développement d’actions de rencontres et d’échanges entre associations Françaises, Marocaines et Tunisiennes.
Patrick FAUVEL :
Depuis 25 années, Juge Assesseur auprès du Tribunal pour Enfants d’Albi (81).
Postulat de communication :
Avant toute autre chose, nous souhaitons souligner que dans le cadre de cette communication notre parti pris est de nous éloigner de nos référentiels professionnels habituels pour nous ouvrir à une nouvelle posture inspirée des théories de la réflexivité et du pouvoir d’agir : celle de directeurs-chercheurs. Nous allons essayer de « dépassionner » nos propos et analyses.
En effet, bien que nous venions témoigner d’expériences de terrain réalisées à partir de nos fonctions respectives de directeurs d’établissements sociaux, medico sociaux la modification de nos regards singuliers, nous amène à identifier et à questionner nos propres expertises d’acteurs de terrain.
Notre étude s’appuie sur des expériences de solidarité Internationale conduites depuis 5 années déjà. Il s’agit de la mise en place de Chantiers Solidaires en France et à l’étranger qui réunissent des professionnels de l’action sociale en lien avec des adolescents placés ou accueillis en institutions.
Nous avons recueilli au-delà des nombreux témoignages d’acteurs de multiples matériaux (vidéos, photos, récits, carnets de voyage) qui sont venus alimenter une réflexion globale articulée à partir de trois points :
1. La question des « jeunes acteurs » de ces chantiers (ouverture au Monde, relations de confiance, estime de soi)
2. La question des professionnels (échanges, apports interculturels, richesse de l’expérience)
3. Et enfin la question de notre propre management (modifications, transformation)
Tout d’abord et avant d’aborder ces trois points : que sont les chantiers solidaires :
Les chantiers solidaires tels que nous les concevons, en France et à l’étranger, ne sont pas de simples transferts ou séjours touristiques mais des moments d’échanges et de partages permettant tout en se rendant utiles aux autres (rénovation d’une école, nettoyage de plages, réalisation de fresques murales…) de construire collectivement une dynamique pour tendre vers un objectif commun : LA CONSTRUCTION D’UNE CITOYENNETE à la fois individuelle et collective, partagée et réciproque. Les acteurs : professionnels de l’action sociale, jeunes accueillis en institutions, parents qui sont mobilisés en amont et en aval des départs, mais aussi associations locales, élus, financeurs.
Le support du chantier (travail collectif) est important mais il n’est qu’un axe du projet et non la finalité. En effet, la Rencontre entre jeunes d’horizons différents, la mise en relation avec des populations d’accueil et des associations locales viennent apporter une plus-value et ancrer chez les différents acteurs du projet l’envie de s’ouvrir au Monde dans une perspective de connaissance et de mouvement créatif.
Qui sont les jeunes acteurs de ce projet :
Issus de nos établissements sociaux et médico sociaux du Sud de la France, ces jeunes filles et garçons sont âgés de 13 à 20 ans.
Ils ont pour dénominateurs communs, un parcours familial chaotique, des problèmes de comportement, une intolérance à la frustration, un sentiment d’abandon et un manque d’estime de soi.
L’intention de départ : Valoriser ces jeunes, mettre en évidence leur capabilité en les amenant à participer activement à agir pour l’Autre, sans en attendre un retour financier.
Par exemple, nombre de ceux-ci peuvent être déscolarisés ou en échec scolaire, pour certains même en rejet total de l’Institution. Ainsi participer à rénover une école pour permettre à des enfants défavorisés d’accéder à l’éducation vient bousculer leurs représentations. C’est alors une sorte de défi qui s’offre à eux et valorise leurs compétences et leur estime de soi. L’image de soi pour ces enfants est souvent au cœur des problématiques qui les mettent en situation de handicap ou en empêchement social.
Ils sont heureux de partager cette expérience avec leurs pairs et fiers de transmettre à leurs proches ce dont ils sont capables.
Souvent, porteurs de stigmates dans nos institutions ces jeunes par leur participation sont reconnus comme des acteurs à part entière de solidarités internationales.
L’environnement à la fois insécure (parce que très éloigné de leurs habitudes de vie) et nouveau vient percuter leur rapport aux autres et à eux-mêmes. Ils perçoivent des sensations et goûtent à un mode de vie et d’expression différents c’est alors qu’ils adoptent des comportements mieux adaptés et bien différents de ceux qu’on leur connait.
Autre exemple : alors qu’il est généralement impossible de les retenir à table dans nos institutions, lors des chantiers solidaires ils prennent plaisir à s’attabler, manger, discuter, échanger lors des repas.
Le rapport aux objets connectés se modifie, par obligation (pas ou peu de réseaux) ce qui après quelques jours ne pose plus problème, les rapports humains prennent alors une place prépondérante.
Le fait d’être «Hors les Murs » place l’adulte qui accompagne le groupe dans une position rassurante, la relation de confiance s’instaure plus facilement.
Ils passent du « j’invective » à l’échange et au parler, l’adulte est repérant.
L’étonnement qu’ils manifestent par leurs questionnements, est nouveau, les éducateurs découvrent leur capacité à être curieux du Monde et des Autres.
Physiquement des évolutions se font jour : l’attitude maussade qui est de mise se transforme en sourires. Ils relèvent la tête, se redressent,
En fait, tout ce qui paraît inenvisageable en France ne semble poser aucun problème dans ce contexte-là. Hors de leur environnement habituel, les jeunes parviennent à s’exprimer différemment, ils se sentent utiles, s’autorisent à se montrer différemment.
Les masques tombent, ils se laissent aller à plus de quiétude, le temps semble suspendu, les moments partagés sont authentiques et chargés d’émotion…
Bien entendu, tout cela nous ramène à ce que nous mettons en place dans nos établissements :
Ne sommes-nous pas trop « normés » ? N’est-il pas temps de voir les institutions autrement ? est-ce que notre expérience n’est pas une autre manière de faire de l’institution et dans le même temps d’inventer une méthodologie d’inclusion ?
Qui sont les professionnels qui participent à ces chantiers :
Nos établissements emploient des professionnels de l’Education Spécialisée et de l’action éducative et sociale : éducateurs spécialisés, enseignants, psychologues, animateurs, moniteurs éducateurs…
Notre choix s’est porté sur le volontariat, en effet, nous ne souhaitions pas désigner des collègues pour éviter toute résistance possible.
Les projets solidaires, par principe sont o
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