Fiche Documentaire n° 5362

Titre Quelles conceptions du vivre-ensemble pour les apprenants en travail social ?

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) SEGURA Nathalie  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

Quelles conceptions du vivre-ensemble pour les apprenants en travail social ?

Si l’on en croit la définition canonique du travail social mais aussi les définitions plus sensibles issues des professionnels du terrain les travailleurs sociaux seraient des artisans du vivre-ensemble.
A un moment où émerge de nouveaux modèles d’intervention sociale et ou les dispositifs de formation bougent nous focalisons notre attention sur les apprenants en travail social. Nous faisons le choix de nous situer légèrement en amont et en aval de la réforme des référentiels de formation menant aux diplômes d’Etat d’Assistant de service social et d’Educateur spécialisé.
Ces professionnels en devenir deviennent-ils des facilitateurs du vivre ensemble ? ont-ils le sentiment que le vivre-ensemble est la préoccupation centrale de leur futur métier ? Quelle conception en ont-ils ? De quelles expériences pratiques du vivre-ensemble, de la relation d’aide peuvent-ils témoigner ?
Ces interrogations reviennent à questionner la professionnalisation et l’identité professionnelle que nous envisageons dans une perspective élargie où la profession (ou le métier) serait tout à la fois un statut inscrit dans un corps professionnel et un construit dynamique en recompositions et réajustements perpétuels.
En focalisant notre attention sur des apprenants qui semblent avoir fait le choix de la relation à l’autre ou de la relation d’aide , nous souhaitons éclairer les ressorts d’une socialisation au sein d’un groupe professionnel ou d’un métier.
En France, l’universitarisation avec notamment la reconnaissance du grade de niveau II, tout en distinguant bien les différentes filières menant à des diplômes d’État distincts pose clairement la question de l’identité professionnelle. Une fois en formation, ces étudiants partagent-ils des manières de sentir, de penser et d’agir ? En d’autres termes est-ce l’appartenance à un métier qui colore les conceptions du vivre-ensemble et les contributions à celui-ci ?
On sait que le vivre-ensemble, la relation d’aide, l’accompagnement sont investis par une multitude d’acteurs de la société civile mais aussi de la sphère économique. Sur les sites qualifiants et, au sein de notre institut où nous pratiquons abondement la transversalité, les frontières entre les différents métiers sont existantes tout en pouvant s’effacer à la faveur d’objectifs communs. Les frontières du travail social, les postures et les identités professionnelles telles qu’elles émergent en fonction des métiers et des secteurs d’intervention envisagés sont donc à questionner.
Le vivre-ensemble n’est pas réductible à la dimension professionnelle, il est consubstantiel au fait humain. Aussi, il s’agit d’interroger les apprenants sur les formes de lien social et sur les types de rapports sociaux qu’ils pratiquent tels que des engagements associatifs, une implication ou une participation à la vie de son quartier, une vie en colocation (squats, coloc, koloc’), etc.
En marge du parcours de formation, nous faisons souvent le constat d’une précarité des étudiants qui alternent périodes de formation et périodes de travail. Certains sont bénévoles au sein de réseaux associatifs et contribuent pleinement au travail social. À la fois bénéficiaire et travailleur dans le secteur ou pas, comment ces étudiants négocient-ils ou investissent-ils ces différentes postures ? Quel est l’impact de la citoyenneté sociale sur leur manière d’être un professionnel ?
Cette proposition d’étude sera menée dans le cadre du LIRISS avec la perspective de la mise en place « d’un observatoire de la vie étudiante » : c’est l’investigation exploratoire qui sera partagée lors du congrès de l’AIFRIS.


https://www.unaforis.eu/article/des-portraits-detudiants-en-travail-social
R. Castel, La citoyeneté sociale menacée, https://www.cairn.info/revue-cites-2008-3-page-133.htm
Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Intervention Sociale et Société http://www.imf.asso.fr/pages/?page_id=293
Recensement traitements de témoignages, écrits des apprenants, entretiens semi-directifs

Bibliographie

C. DUBAR, P. TRIPIER, V. BOUSSARD (2015) Sociologie des professions, Paris A.Colin, coll. U. 378p.
R. CASTEL, (1995) Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard.
F. CHAMPY, (2009) La sociologie des professions, Paris, Puf.
D.DEMAZIERE, C. GADEA, (dir), (2009), Socilogie des groupes professionnels, Acquis récents et nouveaux défis, Paris, La découverte.
M.MAFFESOLI, (2014) L’ordre des choses. Penser la post-modernité, Ed du CNRS.
I. ASTIER, A. MEDINI,( 2019) Sociologie de l’intervention sociale, Paris, A.Colin, coll. Cursus.
JS. ALIX et al, (2017) Debout pour nos métiers du travail social !, Toulouse, Eres.
JL. SANCHEZ, (2013), La promesse de l’autre, Les liens qui libèrent.
M.FOURDRIGNIER, Y.MOLINA, R.TSCHOPP, Dynamiques du travail social en pays francophones, Editions ies, Haute école de travail social, Genève, 2014, 219p
REVUES
j.ION, JP TRICART, « Une entité problématique : les travailleurs sociaux, Sociologie du travail, N°2/85, 1985
D.DUBASQUE, L’intervention d’intérêt collectif ; un mode d’intervention en travail social pour retrouver le sens du vivre ensemble ?, Information sociales, 2009/2 n° 152, pp 106-114
S.DAUPHIN, Le travail social de quoi parle-t-on ?, Information sociales, 2009/2 n° 152, pp 1-6.
.IMBERT, Qui sont les travailleurs sociaux ?, Sociologie des professions, Les cahiers dynamiques, 2010/3 n°48, pp128-136
I.LEPINE, La précarité des étudiants en travail social, Le sociographe, 2015/2 n°50, pp 123-134.
Y.MOLINA, Les travailleurs sociaux, de groupes professionnels en transformation, Etudes et documents – Centre Maurice Halbwachs, n°7 , 2 – 2016, pp1-15.
TRAVAIL EMPLOI FORMATION., Nouvelles configurations des métiers du social : Formation et professionnalisation, Université libre de Bruxelles, N°8 2008
EMPAN., Professionnalisation et travail social, N°109,2018/1
EMPAN., Les travailleurs sociaux entre certification et professionnalisation… une formation impossible, N° 95, 2014/3

Présentation des auteurs

N.SEGURA : Directrice Adjointe à L’IMF en responsabilité sur l’unité de formation de Marseille

Communication complète

Ces dernières années le travail social est soumis à des bouleversements émanant de toutes parts. C’est un secteur d’activité qui se voit soumis à la rationalisation des pratiques professionnelles et plus globalement de la nouvelle gestion publique (NGP) qui serait elle-même source de décloisonnement des pratiques entre les métiers du travail social. Cette reconnaissance de « compétences communes » la réforme des formations de niveau III vient, elle, aussi l’acter sans aller jusqu’à la disparition des deux métiers emblématiques que sont les Assistants de service social et les Éducateurs spécialisés.

Plus que d’autres, ces deux métiers sont dans la tourmente d’une réforme du dispositif de formation dont les mesures se mettent actuellement en ordre de marche. C’est notamment, la profonde modification des modalités d’inscription. En France, pour poursuivre en première année de l’enseignement supérieur, tous les lycéens doivent obligatoirement faire des vœux de préinscription sur la plateforme nationale et dématérialisée que constitue Parcoursup. Pour la première fois, cette année, les lycéens s’y sont vu proposer les formations du travail social accessibles après le baccalauréat.

Avec une telle transformation, il ne s’agit plus d’un concours spécifique pour des candidats à un métier, mais (essentiellement) de lycéens faisant le choix d’une formation parmi d’autres. Ces changements vont-ils générer pour autant des profils différents ? On n’écarte pas la possibilité que Parcoursup ne soit en définitif, qu’un système de tri qui viendrait conforter des déterminismes existants sans changer la donne.

C’est donc à un moment où émerge de nouveaux modèles d’intervention sociale et, où les dispositifs de formation bougent, que nous focalisons notre attention sur les apprenants en travail social pour répondre à la question : Qui sont les étudiants en travail social ? Comment se définissent ils ?

Si l’on en croit la définition canonique du travail social mais aussi les définitions plus sensibles issues des professionnels du terrain ; les travailleurs sociaux seraient des artisans du vivre-ensemble.

Ces professionnels en devenir serait des facilitateurs du vivre ensemble ? ont-ils le sentiment que le vivre-ensemble est la préoccupation centrale de leur futur métier ? Quelle conception en ont-ils ? De quelles expériences pratiques du vivre-ensemble, de la relation d’aide peuvent-ils témoigner ?

Ces interrogations reviennent à questionner la professionnalisation et l’identité professionnelle que nous envisageons dans une perspective élargie où la profession (ou le métier) serait tout à la fois un statut inscrit dans un corps professionnel et un construit dynamique en recompositions et réajustements perpétuels.

Une enquête sociologique inscrite dans le cadre du LIRISS avec la perspective de la mise en place « d’un observatoire de la vie étudiante » devrait nous permettre d’apporter des réponses à ces questionnements.



ITINÉRAIRES DE PROFESSIONNALISATION DANS LE SOCIAL

Dans ce temps imparti, nous proposons une lecture exploratoire des manières de se vivre comme travailleur social. Nous interrogeons, à partir de l’abondante littérature sociologique et de quelques témoignages les itinéraires de professionnalisation, les ressorts ou les ressources utilisées par ces professionnels en devenir. Appréhendé à partir du prisme du vivre ensemble, nous montrons que celui-ci trouve sa place avec la persistance et le renouvellement des postures militantes. On verra ensuite comment des contraintes endogènes ou exogènes peuvent conduire à un « vivre ailleurs ». Puis le vivre mieux s’apprécie comme stratégie bien consciente et construite. Ces figures n’ont évidemment rien de figées. Et, l’acteur social emprunte à chacune d’elles.



Vivre-ensemble c’est agir avec d’autres

Dans cet espace, l’apprenant est dans l’expérimentation d’un vivre-ensemble, que cela soit en tant que citoyen, en tant que bénévole ou en tant que salarié. Le vivre-ensemble n’est pas réductible à la dimension professionnelle, il est consubstantiel au fait humain et surtout s’élabore tout au long du processus biographique.

En interrogeant les apprenants sur les formes du lien social et sur les types de rapports sociaux qu’ils pratiquent, on constate à quel point la participation et les engagements associatifs sont denses pluriels et multifocaux. Il peut s’agir d’une participation à la vie de quartier, un vécu en colocation (squat, coloc, koloc’). Le service civique ou plus modestement la détention d’un Bafa sont des vécus expérientiels avancés pour justifier sa place en formation.

Certains font le choix de concilier formation et bénévolat au sein du réseau associatif social ou médicosocial. Ils contribuent pleinement au travail social. De plus l’engagement dans du bénévolat est valorisé et monnayé en validation de modules dans le cadre de la formation. Au sein de notre institut, à l’IMF, nous favorisons ce type de stratégies en offrant la possibilité d’une valorisation et d’une reconnaissance du bénévolat, dans le cadre du cursus de formation. Un module dans le référentiel de la formation des assistants de service social permet la reconnaissance de ce type d’investissement.

L’implication peut aller jusqu’au militantisme. On distingue à cet endroit plusieurs figures qui peuvent se conjuguer. Le militantisme peut être l’occasion de parfaire ses apprentissages pour apprendre à devenir travailleur social. Ainsi ce jeune éducateur qui s’engage dans le mouvement Nuit debout, nous dit qu’« Ici apparaît vraiment ce qu’est la notion de travail social pour moi et toute personne présente sur le camp semble être l’éducateur de son voisin. C’est dans cet espace et au cours de cette période que je me suis questionné sur la notion d’accompagnement dans le travail social. ». A l’inverse, l’acquisition de connaissances au sein de la formation peut venir servir la défense d’une cause. On retrouve ici la figure de l’expert associatif en capacité de mobiliser à la fois un savoir expérientiel et académique.







Le « Vivre ailleurs » ou la quête pour un vivre-ensemble acceptable

Cette figure est celle de l’adaptation. Elle regroupe d’une part, ceux qui arrivent au travail social après détours et d’autre part, ceux qui ne s’y trouvent pas d’emblée à leur aise ou bien y négocient leur place.

Accéder aux formations en travail social nécessite la réussite à un concours c'est-à-dire de justifier, de légitimer le choix d’une orientation vers les métiers du social. Lorsque l’on interroge les étudiants, ils avancent souvent une prédisposition à la relation d’aide, un supplément d’âme qui les rend attentif aux plus vulnérables et désireux de travailler avec l’autre . Cette rhétorique est également à l’œuvre pour les salariés en repositionnement professionnel qui se disent prêts à « s’investir sur l’homme en tant qu’humain » trouver le vrai « épanouissement professionnel »

Gérard Creux bouscule ce pré-penser et nous invite à interroger ce positionnement qu’il pose comme l’habitus des travailleurs sociaux. La vocation, le bénévolat fonctionneraient comme des prérequis informels. Il s’agit bien là, de forcer le destin. Un colloque du CNAHES et de l’IESTS sur l’engagement des étudiants, c'est-à-dire décalée de la question des concours d’entrée en formation, met en évidence la diversité des raisons évoquées, qui vont de l’engagement pour soi à l’engagement pour l’autre en passant par des justifications plus pragmatiques.

Une fois en formation puis en situation de travail d’autres stratégies d’adaptation sont mobilisées pour concilier l’inconciliable. C’est par exemple, le décalage entre le travail rêvé et le travail réel. La Nouvelle gestion publique avec la standardisation du travail social apparaît comme contraignante ; même si au détour d’un témoignage, le bien fondé des procédures et de la coordination est reconnu.

Ainsi, enfermés dans des contradictions, il s’agit de s’échapper en s’aménageant des temps pour soi à la manière des travailleurs à la chaîne qui, malgré des cadences infernales trouvent le temps pour une réalisation personnelle. Gérard Creux montre « comment les pratiques artistiques acquises ou pratiquées dans ses loisirs viennent réinventer réenchanter le travail au quotidien » . Malgré toutes les rationalisations imposées, le métier deviendrait attrayant car, il offre des zones de liberté assez confortables pour y développer une identité professionnelle acceptable.



Le « Vivre mieux » pour vive ensemble

En marge du parcours de formation, nous faisons souvent le constat d’une précarité des étudiants qui alternent périodes de formation et périodes de travail. En 2016, on n’est pas loin des 20% d’étudiants qui ont interrompu leurs études de plus d’une année pour travailler. Et, c’est plus de 70% des apprenants entrants sur un cursus d’éducateur spécialisé et 64% des entrants en formation d’assistants de services social qui sont aidés financièrement . En 2012, une étude coordonnée par une formatrice au sein d’ITSRA concluait déjà à une situation de précarité pour 26,9% des étudiants en travail social .

À la fois bénéficiaire et travailleur dans le secteur ou pas, comment ces étudiants négocient-ils ou investissent-ils ces différentes postures ? Quel est l’impact de la citoyenneté sociale sur leur manière d’être un professionnel ? D’ores et déjà, on note une volonté de se décaler pour mieux vivre, tout en restant au sein du secteur social.

Notre fréquentation au quotidien des étudiants nous montre que l’accès à une formations du travail social débouchant sur un diplôme d’Etat, s’apparente à la recherche d’une certaine stabilité sociale après l’exercice de petits boulots dans le secteur associatif. Ce type de trajectoire serait plus systématisé pour les éducateurs spécialisés qui s’inscrivent dans les métiers de l’éducatif où les postes de « faisant fonction de » sont courants. Les diplômés Moniteurs éducateurs sont nombreux à utiliser leur diplôme de niveau IV comme passeport, pour alléger une formation d’éducateur. Le métier d’éducateur est aussi l’objectif visé pour les animateurs pris dans le double mouvement de précarisation et de flexibilisation, qui affecte largement les emplois de ce secteur .

La recrudescence des négociations autour des parcours individualisés met en évidence la recherche d’efficience. L’employabilité nous apparaît comme une préoccupation importante. Nous pouvons attester de l’investissement des étudiants dans des certifications complémentaires au diplôme d’Etat, malgré le niveau de contraintes.

En 2012, Corinne Saint-Martin note une faible référence à la rémunération et promotion de carrière, ce constat semble s’inverser avec la réforme et le reclassement des formations de niveau III au grade de licence. On peut voir cette année des redoublements pensés à l’aulne d’un positionnement dans une convention collective. La question de la gratification a sans doute également contribué à lever le tabou de l’argent.



POUR CONCLURE

En tant qu’acteur social du champ de la formation, nous avons une double responsabilité.

Celle de conscientiser que les étudiants sont en parti ce que nous leur demandons d’être. Par ailleurs, nous sommes de plus en plus interpellés par des employeurs confrontés à la difficulté de recruter, que le seul recul des effectifs ne saurait expliquer.

Il y aurait hiatus entre les attentes des apprenants et des employeurs.










Résumé en Anglais


Non disponible