Fiche Documentaire n° 5386

Titre La formation en travail social comme garant du vivre ensemble : Quand la psychologie interculturelle « panse » le sens de l’intervention.

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Auteur(s) TRUCHARD ANGELIQUE  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

La formation en travail social comme garant du vivre ensemble : Quand la psychologie interculturelle « panse » le sens de l’intervention.

La formation en travail social comme garant du vivre ensemble :
Quand la psychologie interculturelle « panse » le sens de l’intervention

Re-questionner la place de l’autre dans nos pratiques.
Outils et méthodologies sont en bonnes places dans le discours des travailleurs sociaux lorsqu’ils posent des mots sur leurs pratiques. Face aux difficultés de l’autre ils ne sont pas avars de leurs emplois, usant de leur diversité autant que de créativité : génogramme, groupe de parole, démarche de projet… s’appuyant sur l’action pour proposer, solutionner… Si l’agir est par conséquent, en bonne place dans les pratiques, qu’en est-il de la réflexivité qui permet de penser l’autre de son intervention, de son accompagnement ? Quand est-il de sa singularité, de ses demandes et de ses désirs lorsque de contrats en appels d’offres, les réformes successives des politiques sociales ont relégué au second plan les notions de demandes, de choix et de temporalité, transformant jusqu’ au cœur des instituts de formation en travail social, l’usager en client, d’une prestation dont l’issue deviendrait sa seule responsabilité, lorsque le prestataire n’a qu’une obligation de moyen.
En 2011, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) avance le chiffre de 1,2 millions de travailleurs sociaux en France. Si les filières historiques des métiers du social recrutent toujours, elles sont aujourd’hui moins attractives, rééquilibrées cependant, par le développement croissant des formations relatives aux emplois à domicile. Un peu plus d’un million de personnes « prenne soin » de 11% (enquête 2017) de la population Française …lorsqu’on connait les enjeux du travail social en termes de lutte contre les exclusions, de restauration du lien social, dont la finalité est d’assurer un bien être social voir sociétal, alors la question de la formation de ces acteurs apparait comme central, c’est pourquoi nous avons fait le choix de re-questionner la place de l’homme au sein des formations en travail social que nous dispensons.
L’approche phénoménologique est venue guider les premiers pas de ce travail qui n’en est qu’à son balbutiement. Les sciences humaines et en particulier la psychologie clinique et interculturelle nous sont apparues comme des alliées précieuses, nous offrant le cadre de pensé nécessaire à l’approche de l’autre de la relation d’aide, de l’accompagnement social. Nous permettant de mener à partir de cette rencontre avec l’autre, dans une dynamique complémentariste (Devereux, 1967), un retour réflexif sur soi-même qui « favorise l’ouverture vers le développement d’une sensibilité interculturelle ».
Une forme de prise de conscience de soi, de ses appartenances et de ses représentations, un mal qui nous est apparu comme nécessaire, pour engager le pas de côté qui encourage des positions et des pratiques plus ethnorelatives (Bennett, 1986) dans l’accompagnement de cet autre, au cœur des métiers du travail social.
De toi à Moi : rencontre et découverte.
Toute intervention sociale est d’abord l’histoire d’une rencontre, celle d’une singularité avec une autre, socialisée, enculturée, dans un autre temps et un autre espace.
Porteuse de références, de valeurs et de représentations toutes aussi différentes, qui au cours des interactions, vont rencontrer incompréhensions, tensions et apaisement, résistance et soumission, dans une dynamique de sauvegarde. En soi, la mise en œuvre consciente et inconsciente, de stratégies d’adaptations mobilisées pour maintenir la continuité et la cohérence du Moi.
Ainsi, dans cette rencontre avec l’autre il est d’abord question de Moi. Cet élément fondamental de la construction identitaire, qui renvoie au sentiment d’individualité (je suis moi) comme à la singularité (je suis différent des autres) et qui s’érige dans ce double mouvement d’identification aux autres et de distinction par rapports à eux. L’identité se construit donc dans l’altérité de ce rapport à l’autre du même et du différent (De Perreti, 1991)
Par conséquent, je « est un peu un autre » et l’approcher invite à questionner sa propre identité et la part de l’autre en soi, sans quoi comme le dit Lévinas, ce dernier « n’est pas reconnu comme sujet singulier, mais sert à valider un système de connaissances et de pratiques préexistantes à la rencontre ».
L’autre apparait alors comme un « levier » pour prendre conscience des systèmes de valeurs, des modèles sociaux, familiaux et éducatifs…qui nous agissent et qui peuvent faire écran à une véritable rencontre (Cohen-Emerique, 2011).
Dans cette rencontre de l’autre d’à côté ou de là-bas, faire preuve d’ouverture et de curiosité, comme une façon de parler vrai, pour créer l’authenticité de l’échange comme des pratiques. Une forme de préalable pour que puisse émerger sans crainte, un intervalle, entre semblable et différent, où peuvent s’entendre enfin, les singularités.

De la culture de l’autre à l’interculture des pratiques sociales.
L'homme est prit dans un système de sens qu'il a lui même tissé, la culture est l'ensemble de ce tissu. (Geertz 1973)
La psychologie interculturelle n’a pour objet « ni d’identifier autrui en l’enfermant dans un réseau de significations, ni d’établir une série de comparaisons sur la base d’une échelle ethnocentrée » (M. Abdellah-Pretceille, 1985, p. 31). Elle s’attache avant tout à cerner l’ensemble des processus (psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels,) générés par les contacts de cultures où interagissent des processus antagonistes de fermeture et ouverture, de transformation et de maintien de systèmes en présence.
Le contact avec l’autre et par la même le « contact culturel » amène une nécessité d'adaptation des uns aux autres, aux modes de fonctionnements et aux valeurs, non pas dans une position de soumission mais, dans un réaménagement permanent, qui affecte de part et d'autre l'ensemble des modèles en présence, donnant toute sa signification au « faire société ».
Ainsi, le contact culturel vient questionner, comme nous l’avons vu précédemment, le rapport à l'autre, à l'altérité et suppose des « facultés individuelles » à reconnaître et accepter l’existence de points de vue et de cultures différentes, tous aussi valables les uns que les autres.
C'est à partir des travaux réalisés par J. Bennett (1986, 1993) sur la sensibilité interculturelle, que nous étudierons ce rapport à l’altérité qui se traduit au niveau cognitif, affectif et comportemental.
Pour Bennett la sensibilité interculturelle est un indicateur qui permet d'évaluer comment l'individu gère concrètement la distance culturelle. Son modèle se propose de hiérarchiser et d'expliquer les postures et les réactions des individus face à la différence culturelle. Il repose sur un continuum divisé en six stades dont la succession reflète un degré accru d'ouverture à l'altérité. Les stades sont significatifs d'un type de rapport à l'Autre et s'expriment par des attitudes et des comportements caractéristiques. Chaque stade représente donc une façon différente de voir le monde. Ainsi, lorsque l'individu passe d'une nouvelle vision de la réalité à une autre, les configurations changent, générant d’autres séries d'obstacles qui orientent les comportements et les attitudes. Pour passer vers un stade plus avancé, les individus doivent résoudre les problèmes inhérents au stade dans lequel ils se situent déjà.
Les trois premiers stades sont dits ethnocentriques, l'individu ne peut penser le réel qu'à travers le prisme de sa propre culture. Les croyances et les comportements qu'il a intégrés au cours des processus d'enculturation et de socialisation, ne font pas l'objet d'une remise en question. Les choses sont « comme ça » et pas autrement (Bennett, 1993).
Pour M. Abdallah-Pretceille (1986, p. 81), l'ethnocentrisme c'est « la difficulté voire l'incapacité, pour un groupe ou un individu, d'effectuer une décentration par rapport à son groupe culturel de référence ». Cette position contribue à la mise en place d’un clivage entre « nous » et « eux » (qui peut par exemple passer par les stéréotypes et les préjugés) dans la mesure où l'Autre ne répond pas avec aux normes culturelles en vigueur dans le groupe dominant.
À l'inverse, les trois derniers stades sont dits ethnorelatifs, l’individu parvient à mettre sa propre culture en perspective, il accepte que sa vision du monde, avec les attitudes, les comportements, les valeurs qui la constituent n'en soit qu'une parmi d'autres.
En somme, au fil des stades, l'individu progresse d'une perspective, monoculturelle du monde à une vision plus élaborée, subtile et aiguisée, lui permettant de reconnaître et gérer la différence et, ainsi, d'élargir graduellement ses capacités d'action et de communication en contexte interculturel (Hammer, 2003). Pour reprendre Bennett (1986), « La clef du développement de la sensibilité et des aptitudes nécessaires à la communication interculturelle réside d'abord dans la vision que chacun entretient face aux différences culturelles » à nous de nous en saisir alors, pour faire évoluer les pratiques sociales en contextes de diversité.
De l’intervention sociale au vivre ensemble : entre singularité et confiance.
En replaçant l’autre de la relation d’aide, de l’intervention, de l’accompagnement…comme point de départ de nos réflexions sur les pratiques professionnelles de notre champ, nous avons pu, accompagner les acteurs de terrains (étudiants, professionnels) à la fois vers une découverte de l’autre et une meilleure connaissance d’eux-mêmes.
La psychologie interculturelle portée par un champ théorique et méthodologique diversifié, nous a permis de créer in situ certaines conditions d’expérimentation de la différence, permettant aux acteurs de mettre en mouvement leurs cadres de références et leurs représentations jusqu’à devenir parfois spectateur ébahis de leurs propre agir ! Ainsi, de porter à leurs consciences certains de leurs fonctionnements, comme point de départ d’une réflexivité nouvelle autour de l’émergence de pratiques professionnelles. Des pratiques qui, si elles ne se veulent pas encore innovantes, se montrent d’avantage accordées au contexte de diversité culturelle.
Dans le même temps, ce travail d’accompagnement vers la reconnaissance, le respect et la valorisation de la différence et des singularités, nous permet d’avancer vers le renforcement d’une confiance en soi « collatérale », qui lorsqu’elle est défaillante entrave l’ouverture à l’autre et s’avère un atout lorsqu’elle est opérante, consolidant « de façon systémique, la confiance que chacun peut avoir dans les capacités de l’organisation » (Fagbohoun 2016). Ainsi, contribuer d’un vivre ensemble porteur de sens multiples à la finalité unique : le respect du divers.

Bibliographie

- Abdallah-Pretceille, M. (1986). Vers une pédagogie interculturelle, Paris : Presses de la Sorbonne.
- Bennett, M, J. (1986). A developmental Approach to Training for Intercultural Sensitivity, Intercultural Journal of Intercultural Relations, vol. 10, no2, New York.
- Berry, J. (2000). Acculturation et identité, in J. Costa-Lascoux, M. A. Hily, G. Vermès, Pluralités des cultures et dynamiques identitaires, L’Harmattan.
- Camilleri, C. Kastersztein,J. Lipiansky,E-M. Malewska-Peyre, H. Taboada-Leonetti,I. Vasquez-Brontman,A. (1990). Stratégies identitaires, PUF.
- Clanet, C. (1990). L’interculturel, introduction aux approches interculturelles en éducation et en Sciences Humaines. Toulouse: Presses Universitaires du Mirail.
- Cohen-Emerique, M.(1980) Eléments de base pour une formation à l'approche des migrants et plus généralement à l'approche interculturelle. Annales de Vaucresson n° 17, p 116-139.
- Cohen-Emerique ,M. (1980) Migration, acculturation et identité, In : Identités collectives et changements sociaux, Production et affirmation de l'identité. Colloque International, Septembre 1979. Privat : Sciences de l'Homme, p. 217-220.
- Denoux, P. (1994). Vers une nouvelle définition de l’interculturation. Dans J. Blomart et B. Krewer (dir.), Perspectives de l’interculturel (p. 67‐81). Paris: École Norm. Sup. de St‐Cloud/L’Harmattan.
- Denoux, P. (2004). Les modes d’appréhension de la différence culturelle chez les enseignants européens. Carrefour de l’éducation, 18, 194-208..
- Denoux, P. Teyssier,J. (2013). Les réactions psychologiques transitoires : interculturation et personnalité interculturelle. Bulletin de psychologie, 99, 297-312.
- Guerraoui, Z. Pirlot, G.(2011). Comprendre et traiter les situations interculturelles. De Boeck
- Hammer, M. R., Bennett, M. J. et Wiseman, R. (2003).« Measuring intercultural sensitivity: The intercultural development inventory », International Journal of Intercultural Relations, Vol. 27, N° 4, p. 421-443.
- Malewsk‐Peyre, H. (1989). Problèmes d’identité des adolescents enfants de migrants et travail social. Dans C.Camilleri et M. Cohen‐Emerique (dir.), Chocs de cultures: concepts et enjeux pratiques de l’interculturel (p.117‐134). Paris: L’Harmattan.
- Sabatier, C. et Berry, J. (1994). Immigration et acculturation. Dans R. Y. Bourhis et J. Ph. Leyens (dir.), Stéréotypes, discrimination et relation intergroupes (p.261‐291). Belgique: Mardaga.

Présentation des auteurs

Angélique TRUCHARD, Psychologue Interculturelle, Formatrice à l'Institut Régional en Travail Social (IRTS) de la Réunion.
Travaux de Master sous la direction de J. TEYSSIER et P. DENOUX, Université Toulouse Jean Jaurès.

Communication complète

La formation en travail social comme garant du vivre ensemble : Quand la psychologie interculturelle « panse » le sens de l’intervention.

TRUCHARD Angélique*

Re-questionner la place de l’autre dans nos pratiques.

Outils et méthodologies sont en bonnes places dans le discours des travailleurs sociaux lorsqu’ils posent des mots sur leurs pratiques. Face aux difficultés de l’autre ils ne sont pas avars de leurs emplois, usant de leur diversité autant que de créativité : génogramme, groupe de parole, démarche de projet… s’appuyant sur l’action pour proposer, solutionner… Si l’agir est par conséquent, en bonne place dans les pratiques, qu’en est-il de la réflexivité qui permet de penser l’autre de son intervention, de son accompagnement ? Quand est-il de sa singularité, de ses demandes et de ses désirs lorsque de contrats en appels d’offres, les réformes successives des politiques sociales ont relégué au second plan les notions de demandes, de choix et de temporalité, transformant jusqu’ au cœur des instituts de formation en travail social, l’usager en client, d’une prestation dont l’issue deviendrait sa seule responsabilité, lorsque le prestataire n’a qu’une obligation de moyen. En 2011, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) avance le chiffre de 1,2 millions de travailleurs sociaux en France. Si les filières historiques des métiers du social recrutent toujours, elles sont aujourd’hui moins attractives, rééquilibrées cependant, par le développement croissant des formations relatives aux emplois à domicile. Un peu plus d’un million de personnes « prenne soin » de 11% (enquête 2017) de la population Française …lorsqu’on connait les enjeux du travail social en termes de lutte contre les exclusions, de restauration du lien social, dont la finalité est d’assurer un bien être social voir sociétal, alors la question de la formation de ces acteurs apparaît comme central, c’est pourquoi nous avons fait le choix de re-questionner la place de l’homme au sein des formations en travail social que nous dispensons. L’approche phénoménologique est venue guider les premiers pas de ce travail qui n’en est qu’à son balbutiement. Les sciences humaines et en particulier la psychologie clinique et interculturelle nous sont apparues comme des alliées précieuses, nous offrant le cadre de pensé nécessaire à l’approche de l’autre de la relation d’aide, de l’accompagnement social. Nous permettant de mener à partir de cette rencontre avec l’autre, dans une dynamique complémentariste (Devereux, 1967), un retour réflexif sur soi-même qui « favorise l’ouverture vers le développement d’une sensibilité interculturelle ». Une forme de prise de conscience de soi, de ses appartenances et de ses représentations, un mal qui nous est apparu comme nécessaire, pour engager le pas de côté qui encourage des positions et des pratiques plus ethnorelatives (Bennett, 1986) dans l’accompagnement de cet autre, au cœur des métiers du travail social.

De toi à Moi : rencontre et découverte.

Toute intervention sociale est d’abord l’histoire d’une rencontre, celle d’une singularité avec une autre, socialisée, enculturée, dans un autre temps et un autre espace. Porteuse de références, de valeurs et de représentations toutes aussi différentes, qui au cours des interactions, vont rencontrer incompréhensions, tensions et apaisement, résistance et soumission, dans une dynamique de sauvegarde. En soi, la mise en œuvre consciente et inconsciente, de stratégies d’adaptations mobilisées pour maintenir la continuité et la cohérence du Moi. Ainsi, dans cette rencontre avec l’autre il est d’abord question de Moi. Cet élément fondamental de la construction identitaire, qui renvoie au sentiment d’individualité (je suis moi) comme à la singularité (je suis différent des autres) et qui s’érige dans ce double mouvement d’identification aux autres et de distinction par rapports à eux. L’identité se construit donc dans l’altérité de ce rapport à l’autre du même et du différent (De Perreti, 1991). Par conséquent, je « est un peu un autre » et l’approcher invite à questionner sa propre identité et la part de l’autre en soi, sans quoi comme le dit Lévinas, ce dernier « n’est pas reconnu comme sujet singulier, mais sert à valider un système de connaissances et de pratiques préexistantes à la rencontre ».

L’autre apparaît alors comme un « levier » pour prendre conscience des systèmes de valeurs, des modèles sociaux, familiaux et éducatifs…qui nous agissent et qui peuvent faire écran à une véritable rencontre (Cohen-Emerique, 2011).

Dans cette rencontre de l’autre d’à côté ou de là-bas, faire preuve d’ouverture et de curiosité, comme une façon de parler vrai, pour créer l’authenticité de l’échange comme des pratiques. Une forme de préalable pour que puisse émerger sans crainte, un intervalle, entre semblable et différent, où peuvent s’entendre enfin, les singularités.



De la culture de l’autre à l’interculture des pratiques sociales.

L'homme est prit dans un système de sens qu'il a lui même tissé, la culture est l'ensemble de ce tissu. (Geertz 1973)

La psychologie interculturelle n’a pour objet « ni d’identifier autrui en l’enfermant dans un réseau de significations, ni d’établir une série de comparaisons sur la base d’une échelle ethnocentrée » (M. Abdellah-Pretceille, 1985, p. 31). Elle s’attache avant tout à cerner l’ensemble des processus (psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels,) générés par les contacts de cultures où interagissent des processus antagonistes de fermeture et ouverture, de transformation et de maintien de systèmes en présence.

Le contact avec l’autre et par la même le « contact culturel » amène une nécessité d'adaptation des uns aux autres, aux modes de fonctionnements et aux valeurs, non pas dans une position de soumission mais, dans un réaménagement permanent, qui affecte de part et d'autre l'ensemble des modèles en présence, donnant toute sa signification au « faire société ».

Ainsi, le contact culturel vient questionner, comme nous l’avons vu précédemment, le rapport à l'autre, à l'altérité et suppose des « facultés individuelles » à reconnaître et accepter l’existence de points de vue et de cultures différentes, tous aussi valables les uns que les autres.

C'est à partir des travaux réalisés par J. Bennett (1986, 1993) sur la sensibilité interculturelle, que nous étudierons ce rapport à l’altérité qui se traduit au niveau cognitif, affectif et comportemental.

Pour Bennett la sensibilité interculturelle est un indicateur qui permet d'évaluer comment l'individu gère concrètement la distance culturelle. Son modèle se propose de hiérarchiser et d'expliquer les postures et les réactions des individus face à la différence culturelle. Il repose sur un continuum divisé en six stades dont la succession reflète un degré accru d'ouverture à l'altérité. Les stades sont significatifs d'un type de rapport à l'Autre et s'expriment par des attitudes et des comportements caractéristiques. Chaque stade représente donc une façon différente de voir le monde. Ainsi, lorsque l'individu passe d'une nouvelle vision de la réalité à une autre, les configurations changent, générant d’autres séries d'obstacles qui orientent les comportements et les attitudes. Pour passer vers un stade plus avancé, les individus doivent résoudre les problèmes inhérents au stade dans lequel ils se situent déjà.

Les trois premiers stades sont dits ethnocentriques, l'individu ne peut penser le réel qu'à travers le prisme de sa propre culture. Les croyances et les comportements qu'il a intégrés au cours des processus d'enculturation et de socialisation, ne font pas l'objet d'une remise en question. Les choses sont « comme ça » et pas autrement (Bennett, 1993).

Pour M. Abdallah-Pretceille (1986, p. 81), l'ethnocentrisme c'est « la difficulté voire l'incapacité, pour un groupe ou un individu, d'effectuer une décentration par rapport à son groupe culturel de référence ». Cette position contribue à la mise en place d’un clivage entre « nous » et « eux » (qui peut par exemple passer par les stéréotypes et les préjugés) dans la mesure où l'Autre ne répond pas avec aux normes culturelles en vigueur dans le groupe dominant.

À l'inverse, les trois derniers stades sont dits ethnorelatifs, l’individu parvient à mettre sa propre culture en perspective, il accepte que sa vision du monde, avec les attitudes, les comportements, les valeurs qui la constituent n'en soit qu'une parmi d'autres.

En somme, au fil des stades, l'individu progresse d'une perspective, monoculturelle du monde à une vision plus élaborée, subtile et aiguisée, lui permettant de reconnaître et gérer la différence et, ainsi, d'élargir graduellement ses capacités d'action et de communication en contexte interculturel (Hammer, 2003). Pour reprendre Bennett (1986), « La clef du développement de la sensibilité et des aptitudes nécessaires à la communication interculturelle réside d'abord dans la vision que chacun entretient face aux différences culturelles » à nous de nous en saisir alors, pour faire évoluer les pratiques sociales en contextes de diversité.

De l’intervention sociale au vivre ensemble : entre singularité et confiance.

En replaçant l’autre de la relation d’aide, de l’intervention, de l’accompagnement…comme point de départ de nos réflexions sur les pratiques professionnelles de notre champ, nous avons pu, accompagner les acteurs de terrains (étudiants, professionnels) à la fois vers une découverte de l’autre et une meilleure connaissance d’eux-mêmes.

La psychologie interculturelle portée par un champ théorique et méthodologique diversifié, nous a permis de créer in situ certaines conditions d’expérimentation de la différence, permettant aux acteurs de mettre en mouvement leurs cadres de références et leurs représentations jusqu’à devenir parfois spectateur ébahis de leurs propre agir ! Ainsi, de porter à leurs consciences certains de leurs fonctionnements, comme point de départ d’une réflexivité nouvelle autour de l’émergence de pratiques professionnelles. Des pratiques qui, si elles ne se veulent pas encore innovantes, se montrent d’avantage accordées au contexte de diversité culturelle.

Dans le même temps, ce travail d’accompagnement vers la reconnaissance, le respect et la valorisation de la différence et des singularités, nous permet d’avancer vers le renforcement d’une confiance en soi « collatérale » qui, lorsqu’elle est défaillante entrave l’ouverture à l’autre et s’avère un atout lorsqu’elle est opérante, consolidant « de façon systémique, la confiance que chacun peut avoir dans les capacités de l’organisation » (Fagbohoun 2016). Ainsi, contribuer d’un vivre ensemble porteur de sens multiples à la finalité unique : le respect du divers.

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