L’université comme environnement favorisant l’éducation aux compétences interculturelles pour le vivre ensemble
L’UNESCO en 2013 développe dans sa mission humanitaire l’enjeu « apprendre à vivre ensemble ». Sa mission alors vise à promouvoir le dialogue interculturel par l’éducation à tous les niveaux du système. Selon l’UNESCO, les universités ont la capacité unique de favoriser le dialogue interculturel car ils sont des centres de savoir et de débat. Pour Beirut Arab University qui se caractérise par ses étudiants multiculturels arabes en premier lieu s'est engagée dans sa mission à offrir des programmes éducatifs exceptionnels et à créer un environnement propice à la créativité universitaire insufflant le concept de responsabilité sociale dans le respect de la diversité et de la compréhension multiculturelle.
L’intégration des compétences interculturelles dans les programmes parait une nécessité surtout pour le secteur médical. Les étudiants dès le début de leur parcours universitaire envisagent des situations culturelles diverses lors de leur contact direct avec un patient étranger dans les cliniques de l’université comme à l’hôpital. En effet, le Liban connait actuellement une diversité culturelle résultant principalement des flux migratoires depuis le Moyen Orient et plus particulièrement les Syriens et les Palestiniens arrivant à 1.5 millions chacun selon UNRWA, 2019, comme des émigrants cherchant du travail de différents groupes ethniques (Amharas, Agni, Bengale, etc..). Cette vague migratoire contribue à des changements socio-économiques (OIM, Organisation internationale pour les migrations, 2015). Le secteur de santé est particulièrement touché par la nouvelle structure multiculturelle. En effet, l'accès aux traitements et aux soins hospitaliers spécialisés surtout pour les réfugiés syriens au Liban est nettement insuffisant, et la situation est accentuée par l'énorme manque de financement international. (Audrey Gaughran. Amnesty International, Mai 2014). Alors, Les rencontres étudiant-malade dans un contexte de souffrance peuvent engendrer des situations conflictuelles résultant de manque de formation sur la diversité culturelle (Agenda Culturel, le monde culturel libanais à l’horizon- états des lieux, 2016).
Enseignante des matières pratiques à la Faculté des Sciences de Santé (FSH) dans le département des Technologistes de Laboratoire Médicales, nous tenons à intégrer les compétences interculturelles dans nos programmes dans le but que les futurs professionnels de santé puissent développer de compétences professionnelles permettant des soins efficaces pour le patient. En effet, dans les cliniques de la Faculté, 63% des patients sont des étrangers selon le rapport de la FSH en 2017-2018. Alors notre étudiant, depuis le début de son parcours universitaire envisage la diversité culturelle dans ses pratiques quotidiennes.
Notre question de recherche : les simulations, comme méthode d’enseignement, peuvent-elles sensibiliser les étudiants de la FSH aux compétences interculturelles ?
Pour répondre à notre questionnement, nous avons choisi de mener notre recherche selon le modèle de Campinha-Bacote (2007) qui est un modèle définissant la compétence culturelle comme « le processus par lequel le professionnel de santé s'efforce continuellement d'atteindre la capacité et la disponibilité de travailler efficacement dans le contexte culturel d'un client ». Ce modèle de compétence culturelle considère la conscience culturelle, les connaissances culturelles, les compétences culturelles, les rencontres culturelles et le désir culturel comme les cinq éléments constitutifs de la compétence culturelle. Par suite, la dimension interculturelle est évaluée avec un questionnaire rempli avant et après les simulations.
L’échantillonnage a été fait aléatoirement de façon à engager tous les étudiants inscrits dans l’année académique 2018-2019 dans le département de Physiothérapie, Sciences Infirmières et Technologistes de laboratoire médical. 117 étudiants ont déclaré être volontaires. Tous ont rempli le questionnaire prétest, mais 107 ont répondu au posttest. La majorité des participants 78% sont des filles, tandis que les garçons représentent 28% des participants. Les participants sont distribués selon les trois départements suivants : 54% MLT (Medical Laboratory Technology), 30% PT (Physical Therapy), 15% NURS (Nursing). 23% des étudiants sont inscrits en 1ere année académique, 29% en deuxième et 48% en troisième année académique.
Par ailleurs, l’échantillon volontaires pour la simulation ont assisté à un cours magistral d’une séance de 4 heures sur le thème de la culture et de l’interculturel. Par suite, des entrainements sur les scenarios ont précédé les simulations.
Puis vient la phase d’application des scénarios. Les étudiants volontaires remplissent individuellement le questionnaire par groupe de 5 à 7 étudiants, puis vont pratiquer une simulation. A la fin de chaque simulation, un compte-rendu oral enregistré se mène entre les étudiants et le chercheur. La collecte de données se termine par le remplissage du même questionnaire.
Le questionnaire est formé de 43 items avec un indice de fidélité de 0.991 donc supérieur à 0.7, ce qui indique une cohérence interne entre les éléments du questionnaire alors repartis en 5 sections : Connaissance culturelle, sensibilisation culturelle, compétence culturelle, rencontre culturelle, désire culturelle.
Les résultats du questionnaire sont calculés avec le logiciel EXCEL version 2007 et le SPSS version 15.0.
Selon l’échelle de Campinha-Bacote, les étudiants sont classifiés en quatre catégories selon leur score moyen (culturellement expérimenté, culturellement compétent, culturellement conscient et culturellement incompétent). Le score moyen du prétest de nos participants est de 150.35 ± 5.9, et celui du posttest 159.18 ± 3.32. Ces résultats indiquent que les étudiants s’évaluent comme culturellement conscient dans le prétest et le posttest ainsi que le score a évolué de 9 points. La distribution en pourcentage du prétest est la suivante : 9% culturellement expérimenté, 47 % culturellement compétent, 30% culturellement conscient et 24% culturellement incompétent tandis que dans le posttest 0% culturellement expérimenté, 64 % culturellement compétent, 24% culturellement conscient et 11% culturellement incompétent. Ces chiffres indiquent une diminution de 13% au niveau culturellement incompétent et disparition de la catégorie culturellement expérimenté.
Pour déterminer les différences entre prétest et posttest, le test de Wilcoxon a été utilisé. Les résultats montrent une différence significative entre le prétest et le posttest (p<0.05), comme il est le cas pour les sections du questionnaire, connaissance culturelle (p<0.05), sensibilisation culturelle (p<0.05), compétence culturelle (p<0.05), rencontre culturelle (p<0.05), désire culturelle (p<0.05).
16 comptes rendus après les simulations ont été effectués. Les étudiants ont discutés leur compétence en communication interculturelle, leur niveau de pratique technique et leur attitude dans un contexte de diversité culturelle. Ils affirment trouver des difficultés à communiquer avec un patient étranger, qu’ils manquent de compétences communicatives tel que communiquer verbalement et non-verbalement avec le patient et sa famille. De même, le premier contact avec un patient venant d’une culture différente est très éducatif mais d’avantage simulations sont dispensables pour acquérir des compétences interculturelles. Ils disent apprendre par simulation plus que par des cours magistrales les concepts culturels et communicatifs. Par rapport à leurs compétences techniques, ils rapportent leurs erreurs effectuées lors de la simulation et aussi réclament des entrainements supplémentaires par des simulations dans le même contexte. De plus, les simulations paraissent être à nos participants la méthode d’enseignement convenable à l’éducation des compétences interculturelles. Les participants décrivent les attitudes professionnelles à retenir dans un contexte de diversité culturelle telles que avoir beaucoup de patience, être calme, supporter le stress, écouter plus que parler, être compréhensif.
Les résultats de cette recherche s’identifient à la déclaration dans le rapport Erasmus plus sur l’Inter-santé en 2016 Bénéficier d’un programme éducatif standardisé dans le domaine du développement des compétences transculturelles chez les professionnels de santé est essentiel. Aussi, les simulations favorisent à transmettre les compétences interculturelles dans l’enseignement médicale. Cependant, les études relevées évaluent l’intégration d’un cours complet sur les compétences interculturelles. Notre intervention se limite à une seule application de simulation, ce qui est jugé comme insuffisant par nos participants.
Pour conclure, Les résultats de la recherche indiquent qu’une sensibilisation aux compétences interculturelles est affirmée par nos participants. Cependant, de telles interventions répétitives paraissent nécessaires pour acquérir d’autres compétences, ce qui suggère une intégration de la compétence interculturelle dans les programmes de formation des disciplines médicales.
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