Fiche Documentaire n° 5468

Titre Faire tenir (et vivre) ensemble formation, recherche et intervention sociale

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Auteur(s) LACASCADE YVES  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Faire tenir (et vivre) ensemble formation, recherche et intervention sociale

L'IMFRTS développe depuis plus de 15 ans des projets de coopération internationale au Maghreb dans un objectif de réduction des inégalités liées au handicap, au genre et aux droits économiques, sociaux et politiques. L'Institut s'intègre dans la logique des Programmes Concertés Pluri-Acteurs (PCPA) pour contribuer à changer durablement la vision du monde vers une société plus coopérative, plus solidaire et plus inclusive. A travers nos projets, nous cherchons à la fois à rassembler les militants et associations luttant contre les inégalités d'accès aux droits et également à renverser les positions de pouvoir dominants/dominés grâce à des démarches innovantes telles que l'économie sociale et solidaire et l'entrepreneuriat collectif. Notre communication explorera plus particulièrement notre méthode d'intervention sur les territoires (la Société Coopérative des entrepreneurs Solidaires à Bizerte (Tunisie) et notre démarche démocratique et égalitaire de co-construction des projets avec nos partenaires.

Bibliographie

BOST Elisabeth : "Aux entreprenants associés, La coopérative d'activités et d'emploi", Valence, Éditions REPAS, 2016

DELVOLVE Nathalie, VEYER Stéphane : " De la coopérative d'activités et d'emploi à la mutuelle de travail : produire du droit pour accompagner un projet politique d'économie sociale"
http://www.coopaname.coop/sites/www.coopaname.coop/files/file_fields/2015/07/13/2009-6-n-delvolve-s-veyer--roannes-2009---de-la-cae-a-la-mutuelle-de-travail--produire-du-droit.pdf

GREFFIER Luc (dir) : "Animation, vie associative, des acteurs s'engagent. Ouvertures internationales", Bordeaux, Carrières sociales éditions, 2014.

VEYER Stéphane : "Cessons de créer des entreprises !" in Impertinences 2010 - huit contributions pour penser et agir autrement, Fondation Prospective et Innovation / Cercle des entrepreneurs du futur - Documentation française, 2010



http://actives-actifs.org/


https://cooperer.coop/

Présentation des auteurs

Yves LACASCADE, animateur du Laboratoire LIRISS

Communication complète

1. D’où je parle.



Je suis sociologue, spécialiste de l’immigration et des jeunesses urbaines des quartiers en déshérence des villes désurbanisées (nord de la France). Recruté depuis peu comme formateur (DEIS) à l’Institut Méditerranéen de Formation et Recherche en Travail Social, je suis également animateur du Laboratoire (LIRISS, IMFRTS) dont cette institution a fait le pari de se doter. Je reviendrai par la suite sur cette expression « a fait le pari de se doter » car elle se situe, d’une certaine manière, au cœur de mon propos.

Deux remarques pour conclure cette rapide présentation : la présence dans l’appellation de cet institut des deux termes « méditerranéen » et « recherche » qui constituent peut-être, ainsi que nous allons le voir, les spécificités ou certaines des spécificités (présentes et à venir) de celui-ci.



2. Formation, recherche, intervention sociale



Autre remarque : (faire) tenir ensemble les trois objectifs présents dans ce sous-titre revient quasiment à reprendre la définition qu’a, tout au long de sa vie et de son œuvre, proposée Émile Durkheim de la sociologie : une science des faits sociaux devant faire l’objet d’un enseignement dans la perspective d’une transformation sociale revendiquée et assumée en tant que telle, voire même, comme il l’écrit en 1893 dans l’ouvrage cité dans l’appel à contributions, dans celle d’un « idéal de fraternité humaine » (Durkheim, 1978 : 416). A fortiori, si l’on considère que l’objectif de ces trois registres de pratiques est de travailler à préserver, construire ou reconstruire un « vivre ensemble » défini dans l’appel comme « […] la construction d’ententes réciproques, pacifiques et respectueuses des personnes dans leurs identités culturelles et religieuses, en considérant la reconnaissance des diversités comme fondement de la cohésion sociale d’une société démocratique » (Devries et Manço, 2017 : 120). Ce qui est une manière de rappeler les objectifs d’affermissement de la cohésion sociale, de la solidarité (organique), de l’entente et du respect mutuel, de la concorde, de ce que l’on pourrait qualifier de « goût des autres », de « goût de soi et des autres », de soi parmi et avec les autres, que n’a jamais renié l’auteur, en 1914, de « Qui a voulu la guerre ? ».

Au fond, l’une des questions qui nous réunissent ces jours-ci est donc bien de savoir comment pratiquer, comment promouvoir comment faire vivre la sociologie et les sciences sociales (et politiques) depuis nos instituts de formation et au sein de ceux-ci, non seulement en diffusant les connaissances que celles-ci sont à même de produire sur les sociétés contemporaines mais en contribuant à la production et à l’affinement de ces connaissances, ainsi qu’à leur application sur le terrain. Ce qui suppose de s’interroger sur les objets de recherche qui peuvent naître d’une approche critique de l’intervention sociale, telle qu’elle se développe sur nos territoires et au-delà, ainsi que sur la façon de construire et de partager ces objets de recherche non seulement avec nos étudiants mais avec les universitaires, le monde académique dans son ensemble, et les professionnels de terrain. D’autant que cette question de l’« intervention sociale », c’est-à-dire pour les hommes et les femmes, celle de leur propre capacité d’agir sur la ou les société.s auxquelles ils et elles appartiennent, a sans doute été progressivement délaissée par certaines disciplines académiques (et par certaines universités) qui n’ont peut-être pas suffisamment perçu que leur capacité à se défendre et à persévérer en tant que disciplines autonomes était directement et positivement indexée à leur capacité à intervenir dans le débat public et à faire et à refaire ainsi, inlassablement, la preuve, y compris sur le terrain (et pas seulement dans les arènes académiques), de leur utilité.

À la figure de Durkheim, nous pouvons donc associer ici celle de Marcel Mauss, l’infatigable militant et réformateur social : et voilà que se trouve alors magiquement reconstitué le tandem des pères (ou plus exactement oncle et neveu) fondateurs de la sociologie en France… Formidable : nous voici en terrain connu !



3. Intervention sociale vs travail social



De ce point de vue, le choix, de plus en plus fréquent aujourd’hui, des termes « intervention sociale » plutôt que « travail social », même s’il peut peut être contesté par certains (Alix, Bertrand, Brun, Chauvière, Garrigue : 2017) me semble constituer un véritable tournant, voire une rupture fondatrice pour les activités qui sont les nôtres. S’était en effet imposé à la longue quelque chose de vertical, voire de subalterne dans l’expression « travail social » qui confinait les activités ainsi nommées à l’exercice de l’assistance ou de l’éducation spécialisées, et de leurs variantes contemporaines, strictement définies et encadrées comme telles, qui la cantonnait aux marges et à la déviance sociales ou supposées telles avec, sans cesse, le risque d’essentialiser les populations (pourtant sans cesse plus nombreuses) qui en faisaient l’objet et de maintenir les professionnels dans un entre-soi et un tête à tête doublement stériles, d’ailleurs pour partie phantasmé, avec celles-ci ; risque accru par le reflux puis l’extinction des décennies dorées de l’expérimentation tous azimuts, de l’ouverture des « lieux de vie », de l’invention et de l’innovation sur le terrain, « par le bas », de l’imagination au pouvoir et de la psychothérapie institutionnelle ; et risque maximisé par la « chalandisation » insidieuse (pour parler comme Michel Chauvière : 2010) du travail social, par sa mise au pas, sa domestication et son instrumentalisation progressives par des techniques et des idéologies venues directement du monde de l’entreprise. Bref, il est grand temps de rendre aux professionnels de l’intervention sociale la capacité de penser par eux-mêmes en les aidant à s’affranchir des diverses stratégies d’instrumentalisation (y compris strictement corporatistes et venues de leurs propres rangs) dont ils font continûment l’objet et de les aider à s’ouvrir à la « société civile » dans toutes ses composantes, y compris savantes.

Reste à savoir quelle « intervention sociale » peut être non seulement étudiée mais bel et bien inventée, pensée et mise en œuvre depuis nos instituts de formation, si du moins nous faisons l’hypothèse que la recherche scientifique, sauf quand elle fait l’objet de crédits, de financements ou de postes spécifiques, ne peut s’entrevoir et perdurer au sein des Instituts de Formation en Intervention Sociale (IFTS) qu’à la condition d’être associée à l’activité quotidienne de ses étudiants.e.s et de ses salarié.e.s et non séparée d’elle.

Il se trouve que l’une des spécificités de l’IMFRTS est de mener, depuis sa création, il y a un peu plus de 25 ans, des actions à l’international, principalement dans le bassin méditerranéen, dont l’un des principaux inspirateurs fut Claude Lasnel, ce qui nous a conduit progressivement à nous engager, notamment via les financements de l’Agence Française de Développement, dans des Programmes Concertés Pluri-Acteurs (PCPA), dont je voudrais, dans les dernières parties de mon exposé dire quelques mots. La question au bout du compte - et sans doute restera-t-elle posée - étant la suivante : un institut comme le nôtre, comme les nôtres, peut-il participer à l’édification de la société civile ici comme il s’emploie à le faire là-bas ? Autrement dit, peut-il s’inspirer des actions qu’il mène à l’international pour réinventer et rapatrier, sur d’autres territoires, les modes d’intervention qu’il a contribué à initier ailleurs ? Et à l’invention de quels objets de recherche spécifiques (si possible, dans une démarche participative, co-construits avec les autres acteurs de terrain) cette démarche peut-elle le conduire ?



4. Le pôle Coopération Internationale de l’IMFRTS et sa participation à des Programmes Concertés Pluri-Acteurs (PCPA)



Dans la « version finale » du « Bilan évaluatif des PCPA » produit en 2019 par le cabinet RMDA, les auteurs reprennent à leur compte la définition d’un précédent rapport : « S’il nous fallait définir le cœur du projet PCPA, nous pourrions probablement le circonscrire à ce seul objectif d’émergence de sociétés civiles organisées et en capacité de proposer un dialogue constructif aux pouvoirs publics dans le but de permettre l’élaboration ou la consolidation de politiques publiques adaptées aux problématiques des populations vulnérables et participer à l’amélioration de la gouvernance démocratique ». (RMDA, 2019 : 2)

Créés au début des années 2000, par le ministère des Affaires étrangères « dans un contexte d’évolution profonde des principes de l’aide au développement. [Les PCPA] sont l’une des réponses françaises à la promotion d’une gouvernance légitime dans les pays du Sud via une politique volontariste d’appui et de renforcement des sociétés civiles, du Nord comme du Sud. Ils naissent ainsi du postulat établi par le ministère selon lequel « la concertation entre les États et leur société civile est indispensable pour mettre en œuvre des politiques efficaces de lutte contre la pauvreté et les inégalités et construire un État de droit » ». (Ibid.)

Parmi les objectifs affichés par ces programmes, on note ainsi des « résultats en termes de renforcement de la société civile », des « résultats en termes de mise en réseau des acteurs » et des résultats « politiques » », parmi lesquels, la « contribution à la gouvernance démocratique » aux niveaux national et local ainsi que la « contribution à la conciliation voire à la réconciliation » et, selon les cas, à « un apaisement communautaire » et au « rapprochement d’organisations de la société civile de nature très différente ». L’usage de cet instrument étant largement fondé sur « l’hypothèse selon laquelle les sociétés civiles qui dialoguent entre elles, sont plus résilientes et deviennent vecteur de pacification des sociétés » (Ibid : 13).

À ce jour, et depuis 2002, l’IMFRTS s’est engagé dans sept projets de coopération internationale au Maroc, en Algérie et en Tunisie, parmi lesquels trois PCPA et une rapide enquête (qui demande à être poursuivie) auprès de Muriel Lion (RCA de ce pôle), Antoine Passavant (chargé de projets) et Samir Tounzi (acteur historique des PCPA marocains et référent, au Maroc, de l’IMFRTS) donne à penser qu’à travers la conduite de ces actions de coopération s’est développée une conception de l’interculturalité, centrée sur la notion de « réciprocité » chère à Claude Lasnel, selon laquelle le renouvellement des solidarités collectives mais aussi de l’identité personnelle suppose la mise en œuvre de processus de reconnaissance et d’ouverture mutuels qui ne peuvent opérer qu’à travers la rencontre et le dialogue avec celui ou ceux présenté(s) ou vécu(s) initialement comme « autre(s) » voire comme « irréductiblement autre(s) » et qui nécessitent la transgression des frontières balisant cette supposée altérité (radicale) en vue de la construction d’un « commun ». Bref, la solidarité et la reconnaissance mutuelle au cœur de l’interaction et non l’aide, l’assistance ou que sais-je encore… Un vrai changement de paradigme !

En s’engageant dans ce type de projets, l’IMFRTS se découvre donc membre à part entière d’une société civile (française) dialoguant avec d’autres sociétés civiles, à travers des processus de coopération où le plus avancé (notamment sur le plan démocratique) n’est pas nécessairement le représentant du Nord, particulièrement lorsque le représentant du Sud se trouve engagé, comme ce fut le cas en Tunisie, il y a peu ou en Algérie, aujourd’hui, dans une processus d’émancipation collective de type… révolutionnaire. La question pour l’IMFRTS aujourd’hui étant de parvenir à conserver le cadre et les perspectives offerts par ce type d’actions (internationales) dans chacune de celles qu’elle entreprend aujourd’hui, sur le terrain, qu’il s’agisse de formation, de recherche ou d’autres types d’intervention.

Résumé en Anglais


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