Axe 2. La lutte contre les inégalité et défense des droits des minorités,
Titre de la proposition :
Situation des personnes migrantes LGBTI* installées à Barcelone. Évaluation des besoins et conception de propositions d'intervention.
Auteurs :
Adela Boixadós-Porquet, et Josep Maria Mesquida González, Groupe de recherche et d’innovation en travail social (GRITS). Ecole de travail social - Université de Barcelone.
1. Introduction
L’objectif de cette communication est de présenter les résultats de la première phase d’un travail de recherche visant à connaître la situation sociale des personnes LGBTI* migrantes installées à Barcelone et à Toulouse, dans le but de lutter contre les discriminations et d’améliorer l’inclusion. Ce travail a été réalisé en collaboration avec l'association catalane Acathi et des entités toulousaines qui travaillent à la défense de ce collectif. Cette recherche a été rendue possible grâce au projet européen transfrontalier ProspecTsaso qui s’inscrit dans l’axe 5 du Programme Opérationnel de Coopération Territoriale Espagne-France-Andorre 2014-2020 (Interreg - POCTEFA) ayant pour but de renforcer les compétences et l’inclusion au sein des territoires.
La situation des personnes LGBTI* est très variable selon les pays : certains pays sont caractérisés par le respect et des législations protectrices de la diversité sexuelle quand d’autres, au contraire, violent clairement les droits de l'Homme les plus fondamentaux (CEAR, 2015 ; Amnesty International, 2009). Le déplacement vers d'autres territoires à la recherche d'un plus grand respect a souvent été une caractéristique des personnes appartenant à des minorités sexuelles.
Deux facteurs déclencheurs principaux expliquent le phénomène migratoire : le facteur économique et la vulnération des droits et des libertés. Qu’est-ce qui pousse le collectif LGBTI* à la migration ? Bien qu’il puisse exister des doutes sur les causes (émigrer pour améliorer la situation ou pour survivre), les auteurs mentionnent généralement la persécution dans le pays d’origine comme principal facteur du fait migratoire (Hopkinson, 2017 ; Karban, 2015 ; Yue 2013)
2. Le pays d’accueil et ses contradictions
Si pour la migration en général, au-delà du seul collectif LGBTI*, les auteurs mentionnent une perte de statut durant la transition migratoire (Achotegui, 2007), un phénomène inverse peut être détecté lorsqu’on s’intéresse spécifiquement au collectif LGBTI*. Dans le cas de l’Espagne, l’accès du collectif LGBTI* à travers le refuge (Braga do Nascimiento, 2017) permet une meilleure adaptation sociale.
En ce qui concerne l’expérience des personnes qui ont migré, Bennet (2013) relève l’effet de la liberté sexuelle comme expérience positive vécue dans le pays d’arrivée ; Stella (2017) mentionne l’idée de sécurité et de vie normale pour les personnes LGBTI*.
Il est évident que bien qu’arrivant dans des pays offrant un plus grand développement des libertés individuelles, les personnes LGBTI* doivent affronter un double niveau de discrimination existant dans le pays d’accueil dans la mesure où la qualité de migrant et une orientation sexuelle hétéronormative peuvent encore être motifs de discrimination dans la plupart des pays occidentaux (Adur, 2018 ; Moore, 2016 ; Östlun, 2016)
3. L’activisme en faveur des personnes réfugiées LGBTI* : un facteur de protection
L’action sociale en faveur des personnes LGBTI inclut aussi bien les actions professionnelles réalisées dans le cadre des services sociaux que celles menées à bien par les organisations sociales non gouvernementales ou du tiers secteur. Dans le premier cas, la prestation de service à la population réfugiée o demandeuse de protection internationale est sujette au niveau limité de couverture, conséquence des politiques d’austérité appliquées ces dernières décennies. L’aide sociale apportée par les entités a donc une importance capitale, que ce soit pour sa fonction de subsidiarité aux systèmes de protection institutionnels que sa proximité et sa capacité de réponse.
Dans ce contexte, l’activisme LGBT inclut dans ses programmes l’action en faveur de ces personnes. Comme l’indique Monferrer (2010), la protection internationale est en train de préfigurer un nouveau cadre de mobilisation dans une dynamique semblable à celle à l’œuvre avec le travail en faveur de la diversité familiale, l’éducation, la décentralisation territoriale et l’aide aux personnes âgées LGBTI.
4. Le travail social avec les personnes LGBT* réfugiées ou demandeuses de protection internationale
Il n’y a pas en Espagne une grande tradition de travail social en faveur des personnes LGBTI*. C’est à partir des années 80 et 90 qu’a commencé à se développer le travail social dans le domaine de la diversité sexuelle à partir des actions réalisées auprès des personnes affectées par le VIH. L’embauche de travailleurs et travailleuses sociales dans des organisations et l’apport de financements publics et privés spécifiquement destinés à la population LGBTI* permet d’offrir orientation, soutien et aide individuelle aux personnes de ce collectif. A Barcelone, le travail spécifique en faveur du collectif de personnes réfugiées LGBTI* est seulement le fait de l’association ACATHI alors que les services sociaux de la ville n’ont pas développé de ligne spécifique de travail en ce sens.
5. Premiers résultats
La méthodologie utilisée dans la première phase de l’étude est qualitative et a consisté en la réalisation de 20 entretiens avec des personnes LGBTI* réfugiées impliquées dans l’association ACATHI. Les personnes interviewées ont entre 23 et 83 ans et sont arrivées à Barcelone entre 2013 et 2016. 60% d’entre elles proviennent d’Amérique latine, 20% d’Afrique et 20% de l’Europe extracommunautaire. 50% ont un niveau d’études supérieures. Plus de la moitié avaient un emploi au moment de l’entretien.
Les résultats montrent que ce collectif subit différents types de discrimination qui interagissent entre eux et génèrent ainsi de nouvelles inégalités à l’œuvre de manière indépendante. Face à la situation de discrimination et de violence dans leur pays d’origine, 85% des personnes participants à l’étude expliquent qu’elles prirent la décision d’entreprendre un projet migratoire pour fuir l’homophobie et la transphobie. 50 % ont expliqué avoir vécu des situations de discrimination à cause de leur sexualité ou d’identité de genre dans leur pays d’origine.
A leur arrivée à Barcelone, la plupart des personnes LGBTI* réfugiées qui ont participé à l’étude ont vécu de façon plus libre leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur préférence sexuelle, ce qui leur a permis de se sentir plus sûres et de voir s’améliorer leur condition sociale. Les personnes LGBTI* de l’étude ont expliqué qu’elles avaient le soutien de différents acteurs sociaux comme l’association ACATHI.
6. Références
Achotegui, J.(2007). El síndromoe del inmigrante con estrés crónico y multiple: El Sindrome de Ulises. A Talarn, A. (coord.), Globalización y Salud Mental (p.487-524). Barcelona: Herder
Adur, S. M. (2018). In pursuit of love: ‘Safe passages’, migration and queer South Asians in the US. Current Sociology, 66(2), 320–334. https://doi.org/10.1177/0011392117736305
Amnesty Internacional (2009). Estado actual de las violaciones de los Derechos Humanos por causa de orientación sexual e identidad de género a nivel mundial.
Bennett, C., & Thomas, F. (2013). Seeking asylum in the UK: lesbian perspectives. Forced Migration Review, (42), 25–28. Retrieved from https://ezp.sub.su.se/login?url=http://search.ebscohost.com/login.aspx?direct=true&db=aph&AN=87468936&site=eds-live&scope=site
Braga Nascimento, D., Haas, E. De, & Camineiro Baggio, R. (2017). Migration due to sexual orientation and gender identity. Revista Do Direito. UNISC, 1(51), 58. https://doi.org/10.17058/rdunisc.v1i51.9442
CEAR (2015). Discriminación y persecución por orientación sexual e identidad de genero. El camino hacia una vida digna.
Hopkinson, R. A., Keatley, E., Glaeser, E., Erickson-Schroth, L., Fattal, O., & Nicholson Sullivan, M. (2017). Persecution Experiences and Mental Health of LGBT Asylum Seekers. Journal of Homosexuality, 64(12), 1650–1666. https://doi.org/10.1080/00918369.2016.1253392
Karban, K., & Sirriyeh, A. (2015). LGBT asylum seekers and health inequalities in the UK. In J. Fish & K. (Eds. . Karban (Eds.), Lesbian, Gay, Bisexual and Trans Health Inequalities. Bristol: Policy Press. https://doi.org/10.1093/bjsw/bcs140
Monferrer, J. M. (2010). Identidad y cambio social: transformaciones promovidas por el movimiento gay/lesbiano en España. Egales Editorial.
Moore, A. R. (2016). Inclusion and Exclusion: A Case Study of an English Class for LGBT Learners. TESOL Quarterly, 50(1), 86–108. https://doi.org/10.1002/tesq.208
Östlund, R. (2016). “I had some problems back home with a big group of people and it was not safe for me there anymore so I had to run away” How LGBT asylum seekers move. Stockholm University.
Stella, F., Flynn, M., & Gawlewicz, A. (2017). Unpacking the Meanings of a ‘Normal Life’ Among Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Eastern European Migrants in Scotland. Central and Eastern European Migration Review, (July), 1–18. https://doi.org/10.17467/ceemr.2017.16
Yue, A. (2013). Lesbian, gay, bisexual, transgender (LGBT) migration. In I. (Ed. . Ness (Ed.), The Encyclopedia of Global Human Migration (pp. 1–6). Oxford, UK: Blackwell Publishing Ltd. https://doi.org/10.1002/9781444351071.wbeghm344
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