Fiche Documentaire n° 5483

Titre La reconnaissance des Savoirs Expérientiels dans la formation de pairs-aidants. Analyse d’un dispositif de formation au sein de l’IRTS Île de France - Montrouge-Neuilly sur Marne, visant la participation des personnes concernées.

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Auteur(s) BONNAMI ALAIN  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

La reconnaissance des Savoirs Expérientiels dans la formation de pairs-aidants. Analyse d’un dispositif de formation au sein de l’IRTS Île de France - Montrouge-Neuilly sur Marne, visant la participation des personnes concernées.

Le contexte de la formation initiale et continue des travailleurs sociaux en France se trouve depuis quelques-années interpellé sur sa capacité à intégrer la participation des personnes concernées au sein de son appareil de formation, dispositifs et ingénieries. L’environnement législatif, à travers la promulgation du droit des usagers (Loi de 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale ou médico-sociale) ou encore à travers la promotion de l’inclusion et la citoyenneté des personnes handicapées (Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées), posant ainsi les bases et grandes orientations d’une meilleure visibilité et participation des personnes accompagnées au sein des EFTS. Depuis 2010 des instances officielles et acteurs institutionnels produisent des rapports significatifs sur la place des usagers (Etats généraux du travail social, place des usagers, 2015), sur le mode de désignation, le statut et le rapport à la personne accompagnée, (Conseil Supérieur du Travail Social, Refonder le rapport aux personnes. Merci de ne plus nous appeler usagers, 2014), sur la participation des personnes accompagnées dans le champ du travail social, (Haut Conseil du Travail Social, Participation des personnes accompagnées aux instances de gouvernance et à la formation des travailleurs sociaux, 2017). Pourtant le mouvement en faveur de la promotion et la place des personnes dans le champ du travail social n’est pas nouveau. Des expériences valorisant la place des personnes concernées dans le secteur de la formation initiale et continue des travailleurs sociaux voient également le jour en France, notamment celles menées par l’IRTS de Montrouge-Neuilly sur Marne ou encore l’IRTS des Hauts de France.
L’objectif de cette communication est double, resituer l’impact de la pair-aidance dans le champ de l’inclusion et du travail social, ou encore du secteur AHI. En conséquence, cette communication rend compte et fournit des éléments d’analyse d’un dispositif innovant de formation de pairs-aidants, travailleurs pairs, ancré dans le secteur de l’Inclusion et plus particulièrement AHI et de l’Urgence et mis en œuvre à l’Institut Régional de Travail Social de Montrouge-Neuilly-sur-Marne, l’Armée du Salut et Les Enfants du Canal, dans le cadre des Etats Généraux du Travail Social (2015). Mais aussi comprendre en quoi ces travailleurs-pairs deviennent-ils de nouveaux acteurs de l’intervention et du travail social, notamment par le processus de rétablissement/restauration de « soi » et de soins qui est le leur, leur savoir expérientiel et leur pratique des problématiques relevant des processus d’exclusion. Par conséquent cette communication veut démontrer en quoi les travailleurs-pairs deviennent aujourd’hui des acteurs essentiels de la formation et des programmes de lutte contre l’exclusion, notamment dans le secteur AHI et renforcé par la mesure 35 du plan quinquennal élaboré en juillet 2018 dernier, pour le Logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme (2018-2022).
Rendre compte du caractère innovant de la formation : en quoi cette formation est-elle innovante ?
Cette formation se veut innovante dans la mesure ou notre choix pédagogique vise d’une part à démontrer l’intérêt d’une approche socio-constructiviste et repose d’autre part sur l’hypothèse selon laquelle la mobilisation des savoirs expérientiels issus des contextes et situations liés aux processus d’exclusion des travailleurs pairs, deviennent des enjeux essentiels d’un environnement pensé sous l’angle de la co-formation aux côtés des professionnels de terrain et des formateurs. Ces modalités prennent notamment appui et remettent en question l’usage de la proximité et d’accompagnement envers les publics de l’action sociale.

Bibliographie

Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux, ANESM. (2008). Expression et participation des usagers relevant du secteur de l’inclusion sociale
Arnstein, Sherry R. (1969). « A Ladder Of Citizen Participation ». Journal of the American Planning Association, 35 : 4, 216 — 224
Bacqué M.H & Biewener C. (2013). L’Empowerment, une pratique émancipatrice ?. Paris : La Découverte
Conseil Supérieur du Travail Social (2014). Refonder le rapport aux personnes. Merci de ne plus nous appeler usagers
Déclaration de Vancouver (2015). « Où est la voix des patients et des personnes accompagnées dans la formation des professionnels de la santé et des services sociaux ».
Foudriat M. (2016). La co-construction. Une alternative managériale. Rennes : Presses de l’EHESP
Gardien E. (2010). La pair-émulation dans le champ du handicap : histoire, pratiques et débat en France, in : Rhizome, Bulletin national santé mentale et précarité, nov. 2010, p.p 2-3.
Gardien E. (2017). L’accompagnement et le soutien par les pairs. Grenoble : PUG
Haut Conseil du Travail Social. (2017). Participation des personnes accompagnées aux instances de gouvernance et à la formation des travailleurs sociaux
Lagueux N., Charles N., Harvey D. (2008). Guide de référence à l’usage des milieux embauchant des pairs-aidants. Programme québécois Pairs Aidants Rédeau, Québec
Ministère des Solidarité et de la Santé. (2016). Kit de la la participation citoyenne aux politiques de solidarité, France
Morin P & Lambert A. (2017). « L’apport du savoir expérientiel des personnes usagères au sein de la formation en travail social », Intervention, revue de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, n° 145, pp. 21-30.
Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. (2013). Participation des personnes en situation de pauvreté
Zask J. (2012). Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation. Paris : Le Bord de l'eau




















Présentation des auteurs

Alain Bonnami, Responsable de formation Niv. 1 Master 2 M2 SEPA et Master 1 et 2 MOSS, formation à la pair-aidance et Clément Bosquet, Directeur IRTS Île de France Montrouge-Neuilly sur Marne site de Montrouge

Communication complète

La reconnaissance des Savoirs Expérientiels dans la formation de pairs aidants. Analyse d’une action de formation au sein de l’IRTS Montrouge-Neuilly sur Marne, visant la participation des personnes concernées.



Inscrit dans le cadre d’un appel à projet de la DIHAL (Délégation Interministérielle à l’Hébergement l’Accueil et l’Insertion), ce projet repose sur la mise en œuvre de postes de pairs aidants dans les établissements de la Fondation Armée du Salut, à laquelle est attachée une expérimentation d’un an. L’objet est d’évaluer l’apport en termes de « valeur ajoutée » des travailleurs pairs dans l’intervention sociale, en s’appuyant sur des expériences similaires (ATD Quart-Monde, Les Enfants du Canal, Emmaüs) ayant confirmé la nécessité de travailler avec des pairs aidants dans l’accompagnement des personnes en situation de précarité. Pour rappel, l’action de formation se déroule d’octobre 2016 à juin 2017 et consiste à soutenir l’embauche de travailleurs pairs sur des postes relevant de l’intervention sociale, en appui auprès des équipes de travailleurs sociaux et en accompagnement et soutien auprès des publics concernés. L’objectif général de la formation est de qualifier des travailleurs pairs afin que ces derniers puissent maîtriser l’environnement institutionnel et notamment les dispositifs du secteur AHI dans lesquels ils vont agir, intervenir en soutien auprès des équipes de travailleurs sociaux, intégrer progressivement ces équipes sociale, procéder à l’accompagnement des publics et établir des liens entre les équipes et les publics concernés.



Huit travailleurs pairs ont participé à la formation. six travaillent à Paris, deux à Belfort. Ils ont tous entre 25 et 50 ans, trois ont un niveau d’étude supérieure (Licence, audio-visuel, langue, commerce), cinq un niveau technique et professionnel (BTS, BEPC, CAP, bâtiment, hôtellerie, mécanique, animation socio-culturelle), tous ont une expérience professionnelle variable dans le temps. Tous sont d’anciens bénéficiaires de l’Armée du Salut, (ou y sont actuellement hébergés pour certains) et à ce titre ont bénéficié d’un hébergement et d’un accompagnement socio-éducatif. Ils sont aujourd’hui travailleurs pairs sous forme d’un contrat aidé d’un an et renouvelable avec financement public en partenariat avec le DIHAL. Cinq modules ont composé l’ensemble de la formation pour un total de 126 heures.



En quoi cette formation est-elle innovante ?



Cette formation se veut innovante dans la mesure ou notre choix pédagogique vise d’une part à démontrer l’intérêt d’une approche socio-constructiviste et repose d’autre part sur l’hypothèse selon laquelle la mobilisation des savoirs expérientiels issus des contextes et situations liés aux processus d’exclusion des travailleurs pairs, deviennent des enjeux essentiels d’un environnement pensé sous l’angle de la co-formation aux côtés des professionnels de terrain et des formateurs. Ces modalités prennent notamment appui et remettent en question l’usage de la proximité et d’accompagnement envers les publics de l’action sociale.



Trois objectifs ont priorisé l’action de formation :



 Qualifier les Pairs Aidants afin que ces derniers puissent maîtriser l’environnement institutionnel et notamment les dispositifs du secteur AHI dans lesquels ils vont agir



 Intervenir en soutien auprès des publics, en complément et relais des équipes de travailleurs sociaux, procéder à l’accompagnement des publics et établir des liens entre les équipes et les publics concernés



 Mobiliser leurs savoirs expérientiels liés aux processus d’exclusion, contribuant aux modalités d’intervention socio-éducatifs auprès des personnes accueillies



Un modèle de référence : le modèle socio-constructiviste comme moyen d’émergence et de reconnaissance des savoirs expérientiels des travailleurs pairs



Comment définir une approche socio-constructiviste de la formation, associant pairs et non pairs ?



La diffusion élargie de la notion de co-construction dans la littérature académique et non académique ainsi que dans différents champs, ne facilite pas sa définition. Néanmoins, la comparaison de plusieurs d'entre d'elles montre que quel que soit le champ « la co-construction est pensée comme un processus impliquant des acteurs dont les réflexions et les points de vue n'étaient auparavant pas ou peu pris en compte. Et apparaît comme la résultante d'un ensemble de délibérations entre les acteurs parties prenantes, créateur d'une dynamique rendant possible l'émergence d'un accord ». Dans ce sens, Michel Foudriat définit la co-construction comme « un processus volontaire et formalisé par lequel deux ou plusieurs acteurs, malgré des points de vue divergents, parviennent à s'accorder sur une définition de la réalité (une représentation, une décision, un projet, un diagnostic) ou une façon de faire (une solution à un problème). La visée de ce processus est de définir, d'élaborer, de construire un diagnostic, une analyse, un projet, un changement, une politique, une méthode...L'accord traduit un compromis sur lequel ces acteurs s'entendent et se reconnaissent. »



La co-construction est un processus qui suppose la participation d'acteurs différents. Toutefois, il ne doit pas avoir de confusion entre participation et co-construction. En effet, il n'y a pas de co-construction sans participation, mais à l'inverse toute participation ne suppose pas qu'il y ait co-construction. La participation renvoie à des pratiques distinctes quant au degré d'implication et d'inclusion des acteurs dans les processus délibératifs. La co-construction permet l'émergence, le développement et l'implantation de nouvelles idées à partir d'échanges, de confrontations et de transactions entre des acteurs d'un même système d'action. Ainsi, une innovation naît dans un contexte caractérisé par une pluralité de points de vue et de cadres de référence. Les interactions font émerger des controverses qui introduisent des mises en question de la logique dominante avec laquelle chacun pense la réalité et le fonctionnement organisationnel.



Dans le processus de co-construction (projet, changement, méthode...), les communications y tiennent une place essentielle. La dimension dialogique est recherchée par l'intermédiaire « d'un dispositif socio-technique qui sera défini a priori en tenant compte à la fois d'un certain nombre d'effets visés et des contraintes. » Le dispositif est un outil pour « faciliter le travail de mise en commun des différents points de vue sur l'objet en question et développer le travail de création d'une définition partagée, acceptable et acceptée. Ce travail ne peut évacuer les logiques des acteurs et les rapports de pouvoir inhérents au processus et impliquant l'ensemble des acteurs parties prenantes. » (Foudriat, 2016, p. 31). Au cours des délibérations, chaque acteur a pu faire l'expérience de réaménagements de ses propres arguments, ce qui l'amène à un raisonnement différent. Ainsi, la co-construction vise une sorte de contractualisation entre parties prenantes.



Enseignements du dispositif de co-formation des travailleurs pairs :



Pour la méthodologie de l’observation liée à la formation des travailleurs pairs, nous nous sommes inspirés des travaux de Ruth Kohn et Pierre Negre . Selon ce postulat, l’observation participante est une approche qui implique tout à la fois le groupe restreint mais aussi le formateur ou l’animateur de la session, sur les conditions d’apprentissage et de dynamique de groupe, dans une visée réflexive et d’appropriation. Nous avons donc pris plusieurs « casquettes » ou « postures » tout au long de la formation des pairs et des interactions avec les formateurs. En plus de l’observation participante, pour rappel, nous exploitons un matériau constitué de 7 entretiens longs, compréhensifs, conduits auprès de pairs aidants qui ont fait la formation. Les questions suivantes nous servent donc de fil rouge pour mener l’analyse des données recueillies :



Quelle est la valeur particulière et la spécificité d’un savoir expérientiel détenu par un pair aidant, mis à profit dans la formation et dans le secteur de l’exclusion sociale auprès des publics ?



Qu’est-ce qu’il y a de spécifique chez le pair aidant ? Qu’apporte t-il réellement en terme de compétence ? En quoi son intervention se distingue-t-elle d’un travailleur social diplômé ?



Dans la formation, comment les travailleurs pairs distinguent-ils ce qui relève de leur expertise (savoirs expérientiels) et ce qui relève des savoirs d’action des professionnels travailleurs sociaux ?



Apport du savoir expérientiel des travailleurs pairs à la formation :



Il nous semble pertinent de regrouper les cinq modules de formation (présentés en note de bas de page 8), ainsi que les missions professionnelles des travailleurs pairs (Accompagnement du public dans la vie quotidienne ; Accompagnement dans les démarches ; Médiations avec l’environnement ; Restauration des relations sociales) autour de trois grands axes permettant de cerner l’apport des savoirs expérientiels des pairs mobilisés dans la formation et en lien avec leurs missions professionnelles. Ces trois grands axes peuvent être dénommés ainsi :



• Le savoir expérientiel en lien avec l’environnement institutionnel et les politiques publiques de lutte contre l’exclusion et la pauvreté



• Le savoir expérientiel comme source du travail du Care auprès des personnes vulnérables



• Le savoir expérientiel associé au rétablissement et à la restauration des relations sociales

Résumé en Anglais

The aim of this contribution is to evaluate the impact of peer aid in the field of inclusion and social work. This article will report upon and analyze an innovative project of qualification of peer carers, carried out at the Regional Institute of social work of Neuilly-sur-Marne, in partnership with the Salvation Army Foundation and in the following of French Social Work "States General" (2015). Because of their experiential knowledge of issues related to exclusion processes, peer workers become essential actors in training and anti-exclusion schemes.



A second goal is to take into account the role of experiential knowledge belonging to peers in the area and the process of training. Their “use” and “experiential knowledge" of issues and processes related to exclusion enable peer helpers to make essential contributions to new modes of socio-educational intervention, in association with teams of social workers within social care institutions.



These elements represent a major evolution and transformation of the social and pedagogical relation to peer helpers, and also to social worker teachers. How much does this recognition of experiential knowledge by peer helpers and users change the stakes in the field of training? What impact will it have on training in social work? We will then give a perspective on the recognition of experiential knowledge and the new challenges that face the field of education in social work.