Fiche Documentaire n° 5513

Titre La photographie, un outil pour favoriser l’ouverture à l’autre et le vivre ensemble

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l'auteur principal

Auteur(s) SERINA-KARSKY Fabienne
ABIAD LAURE
CARICCHIO ANNABEL
 
     
Thème Recherche action autour de correspondances scolaires et éducatives à travers le monde  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

La photographie, un outil pour favoriser l’ouverture à l’autre et le vivre ensemble

Cette communication rend compte d'une recherche en cours sur un programme de correspondance scolaire et éducative conçu pour faciliter la coopération entre des établissements du monde grâce à l'utilisation d'un support artistique : la photographie. Au-delà des apprentissages scolaires fondamentaux, le programme permet aux enfants et aux jeunes de développer des compétences psychosociales et d’apprendre à vivre ensemble, et ce dès le plus jeune âge. Ce projet participe donc à une dynamique collaborative dont l’objectif serait de réduire les fractures communautaires et identitaires.
Expérimenté depuis 5 ans entre des classes du primaire à Maurice et en France, le programme We are… est mis en place par un organisme de mécénat, le Fonds de dotation pour la coopération en éducation. L'objectif est de donner la possibilité de coopérer au-delà des barrières linguistiques et des différents contextes d'apprentissage et s’adresse à toute structure qui tend à éduquer l’enfant et l’ouvrir sur le monde, qu’il s’agisse d’établissements scolaires ou spécialisés. En posant comme enjeu central la communication, en partant de soi-même, à la quête de l’autre, puis des autres, avec les autres, et dans le monde qui l’entoure, nous verrons en quoi les photographies, en créant des histoires individuelles et groupales, favorisent la création d’une narrativité dans la découverte de l’autre. Concernant les situations de handicap, dans quelle mesure ces échanges participent-ils à modifier les rapports sociaux? Selon le concept de liminalité, développé par Calvez, comment modifier la structure des rapports sociaux des enfants et jeunes impliqués dans ces échanges, en n’assignant pas l’individu à une place sociale définie par ses déficiences mais en rendant visible ce qui se construit dans les interstices ? Ainsi, qu’il s’agisse d’échanges vers une autre culture ou une autre “identité sociale”, liminalité et flexibilité identitaire favorisent-elles l’ouverture à l’autre ?
La recherche collaborative en cours s’inscrit dans une démarche de recherche-action (Chevallier, Bourassa, 2011) qui a pour objectif de révéler les effets d’un programme de correspondance conçu pour faciliter la coopération entre établissements grâce à l'utilisation d’un média, la photographie. Elle implique les différents acteurs de la communauté éducative : élèves, enseignants et éducateurs, parents. L'initiation à un médium artistique comme la photographie implique une approche interdisciplinaire et transversale et la prise en compte de l'enfant dans sa globalité. Sur un plan didactique, les réalisations des enfants participent à construire des outils pédagogiques propices à la coopération. L’évaluation de ce programme d’échange visera à identifier les processus de construction identitaire, et à rendre visibles les pratiques pédagogiques et éducatives développées.
Porteurs de changements, ces projets constituent un dispositif prenant en compte la complexité des environnements et des temporalités, en lien avec la singularité de chacun des projets. Afin qu’il prenne sens pour les enfants, et qu’ils soient acteurs, l’échelle du projet s’adapte à leurs capacités de représentation du monde qui les entoure. L’ouverture et l’échange sont aussi pensés dans une ouverture à l’autre « différent mais semblable » par leur situation, leur histoire. L’objet n’est donc plus la réadaptation, mais l’expression de soi, créant des espaces interstitiels de rencontres, ouvrant ainsi des perspectives d’ouverture, et donc d’un “vivre ensemble” s’appuyant sur le commun, et non sur les différences, sur la réalité mouvante des identités de chacun.
Après avoir posé le contexte et la méthodologie de cette recherche, nous présenterons les premiers résultats, et l'impact du projet sur la coopération entre établissements et sur les compétences développées par les élèves. Enfin, nous examinerons comment un tel projet d'apprentissage coopératif pourrait être développé dans les réseaux existants.

Bibliographie

Calvez M. (1994). « Le handicap comme situation de seuil : éléments pour une sociologie de la liminalité. » In: Sciences sociales et santé. Volume 12, n°1. Handicap : identités, représentations, théories. pp. 61-88; doi : 10.3406/sosan.1994.1283 http://www.persee.fr/doc/sosan_0294-0337_1994_num_12_1_1283
Chevalier J., Bourassa M., et Buckles D.J. (2011). Guide de la recherche-action, la planification et l’évaluation participatives en éducation. Gatineau, Canada: SAS2 Dialogue.
Dubar C. (2005). « Pour une théorie sociologique de l’identité », in La socialisation, Armand Colin. 3è édition
Haelewyck, M. & Gascon, H. (2010). Adolescence et retard mental. Louvain-la-Neuve, Belgique: De Boeck Supérieur. doi:10.3917/dbu.haele.2010.01.
Morin E. (2001). L'identité humaine. Paris : Seuil.
Paugam, S. (2018). Introduction. Dans : Serge Paugam éd., Le lien social (pp. 3-6). Paris cedex 14, France: Presses Universitaires de France.

Présentation des auteurs

Laure ABIAD, enseignante en français langue étrangère, Université Paris 3
Annabel CARICCHIO, enseignante en travail social, Université Paris Nanterre
Fabienne SERINA-KARSKY, chercheur en sciences de l’éducation, Université Paris 8, présidente du Fonds de dotation pour la coopération en éducation

Communication complète

Cette communication rend compte d'une recherche-action en cours sur un programme de correspondance scolaire et éducative conçu pour faciliter la coopération entre des établissements du monde grâce à l'utilisation d'un support artistique : la photographie. Au-delà des apprentissages scolaires fondamentaux, le programme permet aux enfants et aux jeunes de développer des compétences psychosociales et d’apprendre à vivre ensemble, et ce dès le plus jeune âge.

Ce projet participe donc à une dynamique collaborative dont l’objectif serait de réduire les fractures communautaires et identitaires. Après avoir posé le contexte et la méthodologie de cette recherche, nous présenterons les premiers résultats attendus quant à l'impact du projet sur la coopération entre établissements et sur les compétences développées par les élèves. Enfin, nous examinerons comment un tel projet d'apprentissage coopératif pourrait être développé dans les réseaux existants.

Une recherche-action au service de la coopération

Le programme We are… a pour ambition de mettre en lien les enfants du monde à travers une correspondance photo qui favorise le travail en transversalité autour de thèmes sociétaux considérés comme de véritables enjeux pour le monde de demain. Son objectif est de donner la possibilité de coopérer au-delà des barrières linguistiques et des différents contextes d'apprentissage et s’adresse à toute structure qui tend à éduquer l’enfant et l’ouvrir sur le monde, qu’il s’agisse d’établissements scolaires ou spécialisés. Il a été conçu et mis en place par le Fonds de dotation pour la coopération en éducation (FDCE), un organisme de mécénat créé en 2011 et parrainé par Edgar Morin, dont l’objet est de soutenir, promouvoir et réaliser des actions d’intérêt général favorisant la coopération dans le domaine de l’éducation. Il fait suite à une expérimentation qui a eu lieu durant cinq années entre des classes du primaire à l'Île Maurice et en France, autour d’un programme d’apprentissage de la langue française par la photographie. Les résultats ont montré un impact fortement positif sur l’apprentissage de la langue, avec une réussite massive qui s'avère deux fois plus importante pour les élèves ayant suivi le programme, mais également un impact positif sur le climat scolaire, l’ambiance de classe et le comportement des élèves, qui se traduit par une diminution de la violence scolaire et la mise en place de relations de respects mutuels.

La recherche collaborative en cours s’inscrit dans une démarche de recherche-action (Chevallier, Bourassa, 2011) qui a pour objectif de révéler les effets d’un programme de correspondance conçu pour faciliter la coopération entre établissements grâce à l'utilisation d’un média, la photographie. Elle implique les différents acteurs de la communauté éducative : élèves, enseignants et éducateurs. L'initiation à un médium artistique tel que la photographie implique une approche interdisciplinaire et transversale et la prise en compte de élève dans sa globalité. Sur un plan didactique, les réalisations des enfants et des jeunes participent à construire des outils pédagogiques propices à la coopération. L’évaluation de ce programme d’échanges visera à identifier les processus de construction identitaire, et à rendre visibles les pratiques pédagogiques et éducatives développées.

En posant comme enjeu central la communication, en partant de soi-même, à la quête de l’autre, puis des autres, avec les autres, et dans le monde qui l’entoure, les photographies, en créant des histoires individuelles et groupales, favorisent la création d’une narrativité dans la découverte de l’autre.

Coopérer dans un monde complexe

Les résultats attendus du programme We are… concernent la coopération entre des classes d’établissements proches ou éloignés tant géographiquement que culturellement, ainsi que les compétences développées par les élèves. Ce programme d’échanges, fondé sur le travail coopératif, permet de développer des compétences à la fois cognitives, mais aussi socio-relationnelles. Donner à voir son univers, au-delà des barrières du langage, renforce l’estime de soi, qui s’inscrit ensuite dans une dynamique de valorisation de groupe. Ce travail de groupes et d’échanges renforce le climat motivationnel de la classe mais plus généralement la confiance sociale.

Par ailleurs, l’outil photographique est particulièrement adapté à un public d’enfants et de jeunes présentant de nombreuses fragilités à l’écrit et à l’oral. Il peut s’adresser à la fois à des élèves d’un même établissement qui se croisent déjà, mais assignés à des places différentes au regard de leur situation de handicap, mais aussi, à des élèves d’établissements différents, d’une même zone géographique ou plus éloignés. Les compétences développées par les élèves relèvent des compétences psychosociales, de l’ouverture à l’autre, de l’apprentissage du respect aux différences dès le plus jeune âge.

Plus concrètement, lors d’échanges impliquant des enfants en situations de handicap, “ Comment je vis le monde qui m’entoure?” “Comment les autres me voient?” “Comment les autres voient le monde qui nous entoure?”, sont des questions qui, abordées par la photographie, favoriseront l’expression et donneront à voir la perception du monde de ces enfants, trop souvent invisibles, voire invisibilisées. Donner à voir, coopérer est une expérience qui participe à modifier les rapports sociaux des enfants et jeunes impliqués dans les échanges. Comme développé par Calvez dans le concept de liminalité, ceux-ci sont considérés comme acteurs du projet, y apportant chacun son regard, dans un processus qui ne les assigne pas à une place définie par leur déficience, mais rend visible ce qui se construit dans les interstices des relations sociales. Les éléments de flexibilité identitaire émergeront, favorisant respect et écoute de l’autre.

Cet outil qu’est l’expression photographique ouvre droit à la singularité dans la participation sociale, dans une société inclusive, “qui engage à voir autrement ce qui est pleinement humain, à se représenter autrement la place des personnes handicapées dans la société”, tel que le développe Mark Hundayi (2010).

Coopérer pour faire évoluer ses pratiques

Par ailleurs, la coopération participera à donner un “nouveau souffle” aux professionnels exerçant auprès de ces enfants et jeunes dont le rythme d’évolution et d’acquisitions scolaires est “lent”, et participera à faire évoluer les représentations, donc les pratiques professionnelles. La préparation d’une exposition des réalisations photographiques de chacun, impliquant des professionnels exerçant dans différentes institutions du “milieu ordinaire” ou milieu spécialisé, mais aussi issus de divers parcours professionnels enrichira l’interconnaissance par les pratiques coopératives.

Ainsi, tous les acteurs de ce projet, adoptant une attitude humaine fondée sur la transdisciplinarité, participeront à la démarche d’analyse et de compréhension de la complexité du monde dans lequel nous vivons.

Porteurs de changements, ces projets constituent un dispositif prenant en compte la complexité des environnements et des temporalités, en lien avec la singularité de chacun des projets. Afin qu’il prenne sens pour les enfants, et qu’ils soient acteurs, l’échelle du projet s’adapte à leurs capacités de représentation du monde qui les entoure. L’ouverture et l’échange sont aussi pensés dans une ouverture à l’autre « différent mais semblable » par leur situation, leur histoire. L’objet n’est donc plus la réadaptation, mais l’expression de soi, créant des espaces interstitiels de rencontres, ouvrant ainsi des perspectives d’ouverture, et donc d’un “vivre ensemble” s’appuyant sur le commun, et non sur les différences, sur la réalité mouvante des identités de chacun.

Actuellement en phase de recherche exploratoire, le projet We are… est testé d’une part par une vingtaine de professeurs des écoles et d’éducateurs travaillant en établissements spécialisés en France, et d’autre part entre deux écoles, l’une en France et l’autre aux Etats-Unis, appartenant au réseau des Lab Schools, ces écoles laboratoires créées dès la fin du XIXe siècle sous l’impulsion de John Dewey aux Etats-Unis. Nous envisageons également un développement des correspondances dans le cadre du réseau de l’International association for the study in cooperation of education (IASCE) qui travaille sur des valeurs communes et de mise en lien entre des pratiques coopératives de différents pays.

Résumé en Anglais

This paper reports on an ongoing research concerning a school and educational correspondence programme designed to facilitate cooperation between schools around the world through the use of an artistic medium: photography. Beyond basic school learning, the programme enables children and young people to develop life skills and learn to live together from an early age. This project therefore participates in a collaborative dynamic whose objective would be to develop psycho-social skills and learnng to live together.

Experienced for 5 years between primary classes in Mauritius and France, the "We are..." program is set up by a patronage organization, the Endowment Fund for Educational Cooperation. The objective is to provide the opportunity to cooperate across language barriers and different learning contexts and is addressed to any structure that tends to educate the child and open him or her to the world, whether they are schools or specialized institutions.

After having set the context and methodology of this research, we will present the first results, and the impact of the project on cooperation between schools and on the skills developed by the students. Finally, we will examine how such a cooperative learning project could be developed in existing networks.