Enjeux éthiques dans le champ de l’intervention sociale : quelles préoccupations, analyses et stratégies des intervenant.e.s ? Une recherche collaborative dans quatre pays francophones.
Cette communication s’inscrit dans le projet recherche internationale mené dans le cadre du Groupe de Travail Ethique- UTNIS (Usage Technos Numériques et Interventions sociales) l’AIFRIS intitulé « Enjeux éthiques dans le champ de l’intervention sociale : quelles préoccupations, analyses et stratégies des intervenant.e.s ? Une recherche collaborative dans quatre pays francophones. » Elle mettra en évidence les résultats de la méthode d’analyse en groupe menée en Belgique, à Liège à la Haute école HELMo.
« Ce projet de recherche vise, en s’appuyant sur la méthode de l’analyse en groupe (Van Campenhoudt, Chaumont et Franssen, 2005), à recueillir les points de vue et les expériences d’intervenantes et intervenants sociaux concernant les enjeux éthiques rencontrés dans le cadre de leur pratique professionnelle, plus particulièrement en lien avec l’usage de technologies de l’information et de la communication. Cette démarche internationale se donne pour objectif de mieux connaître ce qui préoccupe les intervenant.e.s sur le plan éthique, ainsi que les analyses et les stratégies qu’elles/ils développent dans des contextes variés. En étant menée dans différents milieux de pratique et dans différents pays, cette démarche collaborative mettra en évidence les points communs ou au contraire les aspects spécifiques des enjeux éthiques se posant dans ces contextes diversifiés. » (extrait du formulaire de consentement de la recherche)
La MAG belge qui a réuni des participants de différents secteurs de l'action sociale (santé mentale, médical, aide à la jeunesse, aide sociale, toxicomanie), atteste de mutations significatives en terme d’identité professionnelle suite à l’introduction des TIC dans leur pratique. Les procédures numériques relatives à l’informatisation des dossiers questionnent l’éthique du travailleur social. Un manque de cohérence et une perte de sens, nouvellement ressentis émanent des témoignages. Les politiques de financement contribueraient à solliciter des travailleurs qu’ils recensent leurs publics et justifient leurs actions dans des canevas informatisés laborieux (parfois plus de 100 items) et inadaptés (en regard des profils des bénéficiaires). Le temps considérable nécessaire à l’encodage, se ferait au détriment du temps indispensable à construire une relation éthique et qualitative.
De cette première approche, nous pouvons avancer que des enjeux de type individuels et relationnels mais également collectifs, organisationnels, institutionnels et relatifs au régime d’historicité témoignent d’une mutation identitaire pour soi et pour autrui (Dubar, 2010) chez les travailleurs sociaux. Les praticiens décrivent des mécanismes d’injonction organisationnels et institutionnels (règlementations, logiciels d’encodage, procédures d’identification) qui traduiraient une certaine altération de la relation d’aide avec les publics. Par ailleurs, l’aliénation liée l’accélération technique (Rosa, 2014), les conséquences de la gestion du risque (Beck, 1986) ou encore la traçabilité contrôlée au service d’un management centré sur la « qualité » (De Gaulejac, 2015) mènent à un questionnement éthique quant aux fondements de cette relation. Les propos recueillis ont mis en évidence que jusqu’à il y a peu, ce lien interindividuel teinté d’un certain art de l’ordinaire (Puaud, 2012) et d’un équilibre entre don et contre-don (Fustier, 2015) se trouverait aujourd’hui morcelé, voire menacé, par l’avènement d’une identité numérique venant remanier les composantes définissant l’essence même de l’intervention sociale (relation de confiance, reconnaissance, contrat d’aide, etc.). Cette métamorphose devrait mener, selon nous, à l’adoption et à la création d’un positionnement individuel et collectif indispensable à la revendication éthique de la relation d’aide (Philippart, 2015).
|