Fiche Documentaire n° 5562

Titre Comment la formation continue adressée aux professionnel-le-s des domaines socio-sanitaires, contribue-t-elle à la promotion des sociétés plurielles et du bien vivre ensemble ?
Analyse des champs de tensions à l’oeuvre dans ce domaine.

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Auteur(s) PRATS Viviane  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Comment la formation continue adressée aux professionnel-le-s des domaines socio-sanitaires, contribue-t-elle à la promotion des sociétés plurielles et du bien vivre ensemble ?
Analyse des champs de tensions à l’oeuvre dans ce domaine.

La période actuelle est très largement marquée par des bouleversements inédits jusqu’ici, et dont nous sous-estimons sans doute les impacts sur le long terme, crises migratoires, défis liés à l’environnement, crise de l’état social, montée des extrémismes. Processus d’exclusion etc., autant de problématiques qui nécessitent des adaptations du travail social « classique » pour s’inscrire dans ses réalités multiples et offrir des solutions novatrices.

La formation continue reste sans aucun doute un moyen adapté pour accompagner le changement et favoriser l’émergence de réponses innovantes au travers de propositions concrètes permettant rapidement la mise en œuvre de programme de formation centré sur l’évaluation des besoins, permettant en partie de faire face aux nombreux défis de ces périodes de changement.

Si nous sommes investis dans ce domaine, c’est aussi au nom d’une conception particulière de la formation continue, au nom d’une vision de ce que celle-ci représente en termes de plus-values pour les professionnel-le-s, mais c’est avant tout et in fine pour leur permettre de relever les défis de la complexité du domaine du travail social, de favoriser la création d’un nouveau champ de connaissances afin de faire émerger des pratiques sociales utiles et novatrices aux terrains et au champ d’action concerné par le travail social favorisant ainsi la question du bien vivre ensemble.

Cette vision du point de vue du formateur est-elle compatible avec celui du-de la professionnel-elle inscrit dans un cursus de formation ?
Ou s’inscrivent-ils-elles dans un processus servant avant tout l’amélioration de leur curriculum et l’acquisition de nouvelles compétences leur permettant surtout de s’engager dans une mobilité socioprofessionnelle intéressante du point de vue de leurs carrières ?

Cette vision entre sans doute également en tensions avec les domaines de l’intervention sociale qui peuvent parfois se sentir en échec dans leurs objectifs d’autonomisation des individus et qui ont souvent des attentes démesurées sur la formation. La formation devenant vite le mauvais objet, sans analyse critique des effets délétères des politiques sociales mises en oeuvre dans un cadre de nouvelle gestion publique par exemple.

Cette vision particulière du bien fondé et de l’importance de la formation continue se heurte également aux contraintes fixées en Suisse par un cadre légal strict, LFCo 2014.
Celui-ci est souvent délétère à la mise en place de formations continues en particulier aux travers des contraintes absurdes de la question de l’autofinancement attendu dans ce contexte.

Le domaine de la formation continue s’inscrit dans le concept vertueux de la formation tout au long de la vie, si chacun reconnaît son importance, par contre les modalités de soutien pour en faire la promotion s’inscrivent dans un désert absolu et le cadre légal précité renvoie systématiquement la question de la formation continue à une responsabilité individuelle. Paradoxalement, il est attendu de celle-ci qu’elle contribue à l’amélioration « de l’égalité des chances effective entre les femmes et les hommes;
 de tenir compte des besoins particuliers des personnes handicapées; de faciliter l’intégration des étrangers; 
de faciliter la réinsertion professionnelle. » CFCo art.8

Les écoles de travail social de la HES-SO ont pour mission le développement de la formation initiale, de la recherche, mais aussi de la formation continue, si ces deux premiers pôles sont largement mis en valeurs et soutenus par les systèmes et par les instances politiques, la formation continue reste souvent le parent pauvre de cette triade.

Peu de recherches en Suisse romande sont effectuées sur les questions, pourtant centrales, de la place de la formation continue dans les curriculum des travailleur-euse-s sociaux-iales.
Ni sur le sens que peut prendre pour les professionnels l’inscription dans des programmes de formation postgrades ou de formation continue cherchant à mettre en perspectives l’émergence de nouvelles problématique et la nécessité d’y apporter des réponses diversifiées servant le bien être collectif, et s’inscrivant souvent dans une critique nécessaire des politiques sociales mises en œuvre.

L’étude de Stéphane Rossini et Catherine Lambelet 2011 sur Les conditions de formation continue dans le domaine de la santé et du travail social permet de relever des éléments jugés comme étant essentiels, afin de trouver des réponses à ces différents champs de tensions qui seront abordés dans l’atelier proposé.

Bibliographie

Les conditions de formation continue dans le domaine de la santé et du travail social, Stéphane Rossini et Catherine Lambelet, rapport de recherche programme fédéral « Egalité des chances dans les Hautes Ecoles » OFTT. Lausanne et Neuchâtel, juillet 2011.

Formation continue en travail social, défis créativité et partenariats multiples, sous la direction de Sylvie Avet L’oiseau et François Tschopp.

Lois sur la formation continue en Suisse ; LFCo 2014.

Présentation des auteurs

Viviane Prats, doyenne responsable de l’Unité de formation continue, Haute école en travail social et de la santé (EESP, école d’études sociales et pédagogiques), Lausanne, Suisse.

Communication complète

La formation continue à l’ère de l’autofinancement





Les écoles de travail social de la HES-SO ont pour mission le développement de la formation initiale, de la recherche, mais aussi de la formation continue. Si ces deux premiers pôles sont largement mis en valeur et soutenus par les systèmes et par les instances politiques, la formation continue reste souvent le parent pauvre de cette triade.



Cette communication se propose d’examiner les conditions de la formation continue dans le cadre des hautes écoles de travail social de Suisse romande. Elle s’inscrit dans une perspective critique construite à partir de l’expérience et cherche de façon pragmatique à mettre en évidence les effets délétères d’un système qui s’appuie avant tout sur une logique de rentabilité. Comme peu de véritables recherches sont actuellement proposées dans ce domaine, les réflexions produites ici s’inscrivent donc dans une dimension parfaitement subjective.



Introduction



La période actuelle est très largement marquée par des bouleversements inédits jusqu’ici et dont nous sous-estimons sans doute les impacts sur le long terme : crises migratoires, défis liés à l’environnement, crise de l’état social, montée des extrémismes, processus d’exclusion, etc., autant de problématiques qui nécessitent des adaptations du travail social « classique » pour s’inscrire dans ses réalités multiples et offrir des solutions novatrices.



La formation continue reste sans aucun doute un moyen adapté pour accompagner le changement et favoriser l’émergence de réponses innovantes au travers de propositions concrètes permettant rapidement la mise en œuvre de programmes de formation centrés sur l’évaluation des besoins, permettant en partie de faire face aux nombreux défis de ces périodes de changement.



La formation continue, engagement et principe



Si nous sommes investi·e·s dans ce domaine, c’est aussi au nom d’une conception particulière de la formation continue, au nom d’une vision de ce que celle-ci représente en termes de plus-value pour les professionnel·le·s, mais c’est avant tout et in fine pour leur permettre de relever les défis de la complexité du domaine du travail social afin de favoriser la création de nouveaux champs de connaissances permettant l’émergence des pratiques sociales utiles aux terrains et au champ d’action concerné par le travail social favorisant ainsi la question du bien vivre ensemble.





Toutefois, cette nécessité de s’inscrire dans ces perspectives se heurte aujourd’hui aux contraintes institutionnelles et à la normalisation du travail qui se développent de plus en plus dans une perspective qui prend en compte avant tout la primauté des aspects économiques, la gestion du travail guidé par les principes fondamentaux du néo-libéralisme et des contraintes imposées par le législateur dans le cadre fédéral de la loi sur la formation continue en Suisse.



Cette vision particulière du bien-fondé et de l’importance de la formation continue se heurte donc aux contraintes fixées par un cadre légal strict (LFCo 2014). Celui-ci est souvent délétère à la mise en place de formations continues, en particulier au travers des contraintes absurdes de la question de l’autofinancement attendu dans ce contexte.



Les règles imposées par les écoles elles-mêmes au travers des tableaux d’activités cherchent à la fois à réguler le travail au sein des écoles, mais également à rendre des statistiques au SEFRI. De fait, elles participent ainsi à cette tentative de vouloir normer le travail en l’inscrivant dans une démarche quantitative, délétère à la réalité du travail des enseignant·e·s de formation continue.



Un cadre légal contraignant



Le domaine de la formation continue s’inscrit dans le concept vertueux de la formation tout au long de la vie. Si chacun reconnaît son importance, par contre, les modalités de soutien pour en faire la promotion s’inscrivent dans un désert absolu et le cadre légal précité renvoie systématiquement la question de la formation continue à une responsabilité individuelle (art. 5, LFCo). Paradoxalement, il est attendu de celle-ci qu’elle contribue à l’amélioration « de l’égalité effective des chances entre les femmes et les hommes ; de tenir compte des besoins particuliers des personnes handicapées ; de faciliter l’intégration des étrangers ;
de faciliter la réinsertion professionnelle » (art. 8 LFCo).



Une double contrainte ?



Il existe aujourd’hui un véritable champ de tension entre le discours reconnaissant l’importance et le bien-fondé de la formation continue et les conditions offertes à sa réalisation. Cette double contrainte a un effet dissuasif sur une partie des enseignant·e·s qui ont de la peine à investir ce domaine de la formation, mais ont aussi un effet pervers sur ceux et celles qui sont investi·e·s dans ce champ de la formation. Les principes de rentabilité évoqués ont une incidence à la fois sur le sens profond du travail des formateurs et formatrices ainsi que sur le développement des cursus de formation. En effet, la tentation est de ne mettre en œuvre que des programmes qui sont à la mode et trouvent un public, au détriment de programmes qui sont plus spécifiques et rencontrent moins de succès et sont donc annulés faute de participant·e·s, même si les thématiques développées sont importantes.



L’objectif de rentabilité et d’autofinancement, la rigueur imposée au travers des tableaux d’activités des enseignant·e·s de formation continue nous poussent à ne plus pouvoir faire notre travail correctement. Nous avons la conscience que le travail qui est le nôtre est avant tout un travail pédagogique, inscrit dans une perspective andragogique, de lien aux terrains, un travail qui prend du temps, qui demande de l’élaboration, un travail en finesse qui nous oblige à la pensée, à la lecture et à la rencontre et à l’élaboration collective. Ce travail est chronophage ; le fait de consacrer le temps nécessaire à l’élaboration de propositions est mis à mal par le système qui nous est imposé aujourd’hui.



Cette pression économique a aussi un coût en matière de collaboration inter-écoles : la Suisse romande, qui compte aujourd’hui un peu plus de deux millions d’habitants, compte quatre écoles de travail social et trois universités qui font toutes de la formation continue. La pression concurrentielle est donc forte. Si notre inclination naturelle entre écoles de travail social est de nous mettre en synergie pour le développement de programmes communs, on voit aussi que les pressions financières de réalisation de la formation continue ont des limites et nous mettent assez naturellement en concurrence.



Par ailleurs, dans le cadre des hautes écoles de la HES-SO, qui regroupe différents domaines du niveau de l’enseignement supérieur en Suisse romande, le Rectorat a une fâcheuse tendance à juger à la même aulne l’ensemble de ces domaines. Or, les conditions de la formation continue ne peuvent être identiques car les contraintes de financement sont sans nul doute différentes entre le domaine de la finance ou celui du travail social ou de la santé. Le cadre légal, le contexte et les contraintes économiques ont donc des effets pervers sur les bonnes intentions des enseignant·e·s, qui cherchent au travers des propositions de formations continues à améliorer les réponses concrètes sur les terrains, mais aussi à pouvoir anticiper et faire face aux évolutions des problématiques sociales.



Le point de vue des professionnel·le·s



Cette vision du point de vue du formateur est-elle compatible avec celui du ou de la professionnel·le inscrit·e dans un cursus de formation ?



L’étude de Stéphane Rossini et Catherine Lambelet, 2011, sur « Les conditions de formation continue dans le domaine de la santé et du travail social » permet de relever des éléments jugés comme étant essentiels à la formation continue dans le domaine du travail social.



Raisons qui sous-tendent la formation continue



98% des répondante·s sur une cohorte de 2224 personnes interrogées évoquent avant tout un choix personnel permettant le perfectionnement professionnel et l’acquisition de compétences spécialisées.



Les objectifs qui sont mis en évidence visent en priorité des éléments de compétences et de connaissances (IBID p. 58) : « L’acquisition de nouveaux savoirs, le renforcement des compétences professionnelles et la mise à jour des connaissances (…) mentionnée respectivement par 99,7%, 98,6% et 98,6% des personnes interrogées ». Mais le 95,5% relève aussi la question du développement personnel comme étant importante.



La formation continue est donc utile aux professionnel·le·s et leur permet d’être mieux armé·e·s pour faire face aux défis de leur quotidien.



Savoirs et compétences



IBID p. 62 : « Développer ses compétences en matière d’innovation des pratiques professionnelles et acquérir de nouveaux savoirs techniques » sont majoritairement plébiscitées respectivement par 94,5% et 93,5 % des répondant·e·s à cette enquête.



Les impacts de la formation continue sont indéniables sur les professionnel·le·s formé·e·s. IBID p.100 : « Les impacts les plus importants de la formation continue se situent plus particulièrement au niveau des compétences d’intervention, de l’efficacité, de la motivation et du positionnement professionnel. (…) Sur les institutions (...) le renforcement de la qualité et l’activité professionnelle, l’accroissement des compétences des collaborateurs·trices et le partage de celles-ci avec les autres collègues (...) pour les usagers (...) car elles contribuent directement à accroître la qualité des services et des prestations allouées aux usagères et usagers. Il s’agit d’une réelle plus-value. »



Les aspects implicites qui motivent les formateurs en formation continue sont donc largement partagés par les participant·e·s inscrit·e·s dans un processus de formation continue.



Mais que disent les professionnel·le·s sur les conditions financières liées à la formation continue ?



Le prix de la formation continue





L’étude Rossini mentionne une grande disparité entre ce que les personnes sont prêtes à investir et la réalité des coûts de la formation continue. Elle met également en perspective que, Rossini p. 57, « leur disposition à investir financièrement dans la formation continue est modeste et en lien avec le niveau global des revenus dans ces secteurs d’activités ». En effet, la gratuité des formations est revendiquée, tous types de formation confondus, par 15,3% des hommes et 22,4% des femmes.



La formation continue est donc chère, ce qui est sans doute un frein pour de nombreux et nombreuses professionnel·le·s. Les choix et les contraintes de l’autofinancement produisent aujourd’hui des paradoxes, comme le démontre également l’étude précitée.



« Appliquer l’autofinancement, comme principe, de manière absolue entraînera inévitablement la suppression de certains cursus de formation continue, faute de participant·e·s. (…) Or, pour élever le niveau des professionnel·le·s et renforcer la qualité des prestations sanitaires et sociales, les cursus de moyenne et de longue durées doivent aussi exister et être soutenus. Ils sont également une « carte de visite », un espace qualitatif de formation exigeant et de haut niveau, qui contribuent à la renommée des hautes écoles. Il serait donc souhaitable que les HES prennent conscience de leur mission de service public en tenant compte des demandes spécifiques du monde du travail social et de la santé en ce qui concerne le financement des formations continues. »



Viviane Prats

Résumé en Anglais


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