Fiche Documentaire n° 5575

Titre Recours aux soins au Liban: perceptions et réalité

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l'auteur principal

Auteur(s) NJEIM CARLA
TOUMA joëlle
CHAYBANE hanane
 
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Recours aux soins au Liban: perceptions et réalité

L’Organisation mondiale de la santé a préconisé l’accès de tous les individus aux services de santé depuis 1978 (1). Une bonne santé est une ressource capitale pour le développement social, économique et personnel et l’accès aux services de santé est un élément majeur du droit fondamental à la santé. Pourtant, l’accès dépend de plusieurs facteurs en lien avec les croyances, les arbitrages individuels et collectifs et d’autres tels que l’environnement géographique, social, économique et médical (2).
Les inégalités en santé se trouvent partout dans le monde. Elles touchent particulièrement les groupes vulnérables et conduisent à un phénomène de non recours ou de recours tardif aux soins, susceptible d’avoir des conséquences catastrophiques tant pour la santé individuelle que publique (3).
Le Liban ravagé par un passé de guerre civile et par la crise syrienne depuis 2011 présente une réalité d’inégalités sociales en santé dont les difficultés d’accès aux soins. L’aspect abordé dans cette recherche- action vise à définir les facteurs déterminant le comportement de recours ou de non recours aux soins des libanais face à la maladie en identifiant les pratiques et connaissances des individus, l’utilisation des services de santé, l’accessibilité géographique et économique aux services, les facteurs socio-culturels, les valeurs et les croyances personnelles.
La démarche méthodologique, basée sur une étude qualitative, a été menée dans des institutions de santé de trois cazas. Trois méthodes de recueil de données ont été utilisées :
• L’observation directe du terrain.
• Les entretiens semi-directifs menés auprès de cinquante-trois libanais.
• Un focus group avec les responsables des centres de soins.
L’analyse des résultats a été basée sur le modèle d’Aday et d’Anderson (4) et le modèle de kreuter et Green (5).
Les principaux résultats de cette étude révèlent d’une part que les barrières financières et géographiques réduisent l’accès aux soins. Les déterminants socio-culturels, les croyances héritées, la perception de la santé, de la gravité de la maladie et des établissements sanitaires, la relation établie avec l’équipe soignante, ainsi que l’influence des expériences vécues influencent directement la décision du recours ou non aux services de santé.
D’autre part, les résultats ont montré que le haut de Kesrouan est une région dépourvue d’hôpital public où le recours aux soins s’effectue dans le cadre de centres de santé primaire et de centres médico-sociaux publics et privés. Ces centres offraient des services mais ne se côtoyaient guère suite aux conflits issus des guerres vécues dans la région. Une autre difficulté du recours de la population locale aux soins dans ces services était due à la présence des déplacés syriens dans les centres.
Ces résultats, nous ont amenés à initier un projet de partenariat en santé avec les centres de soins primaires et les municipalités de la région intitulé « vers un accès, pour tous », basé sur les cinq axes de la charte d’Ottawa (6). Ce projet pilote avait pour objectif de favoriser le recours aux services de santé des habitants libanais de cette région et à réduire les inégalités à ce niveau. Les axes institutionnel et communautaire étaient privilégiés dans l’action. Une coopération administrative et collective de réseau sanitaire de la région a été implantée. Les barrières entre les établissements sanitaires et administratives ont été éliminées. Les municipalités et les dispensaires de la région se sont mobilisés pour mettre en place des actions de conscientisation ou de renforcement des services de la communauté. Un guide de dispensaires a été conçu afin d’informer les habitants sur les services rendus, de modifier leurs perceptions, de les encourager à avoir recours aux soins offerts à des frais abordables.

Bibliographie

1- OMS. (1978). « Déclaration d’Alma Ata sur les soins de santé primaire ». http://www.who.int/topics/primary-health-care/alma-ata-declaration/fr.
2- Clark R., Coffee N. (2011). « Why measuring accessibility is important for public health: a review from the Cardiac ARIA project », in Dermott R. (dir.), Public Health Bulletin SA Rural health in the 21st century: challenges and opportunities, Government of South Australia, vol.8, n˚1, p.3-8. http://www.health.sa.gov.au/pehs/publications/Public%20Health%20Bulletin%20Vol8%20No1-phcc-March2011.pdf .
3- Pascal J., Abbey-Huguenin H., Lombrail P. (2006). « Inégalités sociales de santé : quels impacts sur l’accès aux soins de prévention », Lien social et Politiques, n˚55, p.115-124. http://www.erudit.org/revue/lsp/2006/v/n55/013229ar.pdf
4- Aday L-A., Andersen R-M. (1974). « A framework for the study of access to medical care », Health Services Research, vol.9, n˚3, p.208-220. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1071804/.
5- Green L. (2009). http://www.lgreen.net/precede.htm.
6- OMS. (1986). «Promotion de la santé, Charte d’Ottawa ». http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0003/129675/Ottawa_Charter_F.pdf

Présentation des auteurs

Carla Njeim, licence en Travail médico- social (2005), Master en Santé Publique (2015), DU en Ethique (2018).
• Responsable de l’accueil familial au SESOBEL, conseillère à l'Association Libanaise des Maladies Neuromusculaires., membre du conseil de l’unité de gestion des catastrophes à la Croix Rouge Libanaise.

Chaybane Hanane: Licence en Sciences Infirmières, Master en Santé Publique. Infirmière diplômée de l’Etat- service de cardiologie, enseignante universitaire- Lebanese German University.

Saliba Christiane: PHD, Chef de département du Travail médico-social, Responsable de Master en Santé Publique- Université Libanaise.

Touma Joëlle: Licence en Sciences Infirmières, Master en Santé Publique, Infirmière diplômée de l’Etat (IDE) au SESOBEL, IDE- NICU, éducation à la santé au Ministère de la santé, éducation thérapeutique-Codipha.

Communication complète

INTRODUCTION

Depuis 1978, L’OMS a préconisé l’accès de tous les individus aux services de santé1. L’accès est devenu depuis un droit fondamental. Pourtant, il dépend de plusieurs facteurs en lien avec les croyances, les arbitrages individuels et collectifs ainsi que l’environnement géographique, social, économique et médical2.



Une bonne santé est en effet une ressource capitale pour le développement social, économique et personnel. Pourtant, les inégalités en santé touchent partout dans le monde les groupes vulnérables et conduisent à un phénomène de non recours ou de recours tardif aux soins, susceptible d’avoir des conséquences catastrophiques tant pour la santé individuelle que publique3.



Au Liban, la gestion de la maladie reste principalement du ressort de l’individu et du secteur privé, aussi bien pour la prestation des services de santé que pour leur financement. Ce pays, ravagé par un passé de guerre civile et par la crise syrienne depuis 2011, présente une réalité d’inégalités sociales en santé dont les difficultés d’accès aux soins.



L’aspect abordé dans cette recherche-action vise à définir les facteurs déterminant le comportement de recours ou de non recours aux soins des libanais face à la maladie en identifiant les pratiques, les valeurs et les croyances personnelles, l’accessibilité géographique et économique ainsi que les facteurs socio-culturels.







METHODE







La démarche méthodologique, basée sur une étude qualitative, a été menée dans des institutions de santé de trois cazas. Trois méthodes de recueil de données ont été utilisées:



• L’observation directe du terrain, étalée sur 50 heures, a été effectuée dans 2 hôpitaux publics, 2 privés et 4 dispensaires.



• Les entretiens semi-directifs, basés sur un guide, ont été menés auprès de 53 libanais (32 femmes, 21 hommes) rencontrés dans les institutions sanitaires. Les critères de sélection sont: libanais, âgés de plus de 18 ans, conscients, non admis pour un accident.



• Un focus group a été organisé avec les responsables des centres de soins du Haut Kesrouane.



L’analyse des résultats a été basée sur le modèle d’Aday et d’Anderson4 et le modèle de Kreuter et Green5.



Un consentement éclairé fut signé par tous les participants.







RESULTATS







Les résultats obtenus ont été classés en trois catégories.







1- Les facteurs prédisposants incitent à concevoir une attitude de recours ou non à un service de santé.



L’âge est une composante essentielle de la décision et du choix du type de recours qu’il soit conventionnel ou traditionnel. Il se dégage une tendance à l’utilisation préférentielle des soins modernes pour les enfants.



Le genre du malade et son niveau d’éducation, interviennent aussi dans la prise de décision. Les hommes ont plus de prédisposition que les femmes à être passifs en cas de maladie. Les interviewés ayant suivi des études universitaires ont tendance à utiliser en premier les services médicaux. Ces derniers cherchent à adopter des mesures préventives face aux maladies, mais ceci est parfois bloqué par des obstacles financiers.



Face à la gravité perçue de la maladie, le diagnostic établi par le médecin se révèle un facteur influençant le choix thérapeutique. Les maladies graves incitent le malade à consulter les spécialistes. Pourtant, certaines barrières l’obligent à renoncer aux soins et à avoir recours aux recettes traditionnelles, disponibles et accessibles dans l’environnement.



La perception des établissements sanitaires est un facteur important. La préférence des hôpitaux privés et localisés dans la capitale est forte. Les hôpitaux publics et les dispensaires sont perçus comme destinés aux pauvres.







2- Les facteurs facilitants sont les facteurs non motivationnels, ils sont en lien avec les opportunités.



L’accessibilité financière, renfermant le niveau économique et la couverture médicale, n’influence pas seulement la question du recours mais aussi celle du renoncement. S’orienter vers un établissement offrant des services semi-gratuits ou renoncer aux soins pour des motifs financiers, sont vécus comme une épreuve de privatisation et de frustration. Cependant, la faiblesse des ressources et le manque de couvertures médicales provoquent un sentiment d’insécurité et d’angoisse continu.



La CNSS, couverture principale offerte au Liban, donne au patient la liberté de choisir l’établissement sanitaire désiré et favorise l’accès géographique vers l’institution de proximité. En contrepartie, cette couverture s’arrête à l’âge de la retraite, ne couvre que 80% des frais et oblige le malade à payer les dépenses de soins externes pour être rembourser ultérieurement.



L’assurance privée n’est majoritairement attribuée qu’aux ménages ayant des revenus supérieurs à trois fois le salaire minimal. Pour certains, l’équipe soignante offre aux admis en première classe une meilleure qualité de prise en charge.



La présence des ressources ne suffit pas pour accéder aux soins. Une sous offre de soins peut contribuer à l’explication des formes de non recours. Les difficultés rencontrées se concentrent surtout dans l’absence de médecins spécialistes aux dispensaires et dans la qualité de soins offerts. De plus, il est remarquable que dans les hôpitaux publics le nombre de lits fonctionnels est très restreint et la majorité des services sont fermés.



Les résultats ont montré que dans la région du Haut Kesrouane le recours aux soins s’effectue dans le cadre de centres de santé primaire et de centres médico-sociaux par absence d’hôpitaux. Ces centres offraient des services mais ne se côtoyaient guère suite aux conflits issus des guerres vécues. Une autre difficulté du recours de la population locale aux soins dans ces services était due à la présence des déplacés syriens dans les centres.







3- Les facteurs de renforcement valorisent le comportement et contribuent à son maintien.



L’entourage familial représente une ressource sur laquelle la personne malade peut compter. Elle se présente sous deux formes : la présence auprès du malade et le support financier.



Les résultats ont montré le lien entre l’apparition d’une maladie grave ou le décès d’un parent suite à une inattention attribuée à la santé et entre le recours aux soins. L’impact de ce vécu favorise l’appel aux soins devant toute symptomatologie banale. Par contre, le milieu social et environnemental peut exercer une influence opposée sur l’individu en le poussant vers l’utilisation des remèdes traditionnels.



La relation médecin-malade s’avère importante dans la conservation d’un comportement en santé. D’un côté, le patient se remet au médecin en lui confiant sa santé et en suivant ses directives, de l’autre côté, il abandonne le suivi suite à un sentiment de déception. L’attitude des soignants a été notée comme capitale pour les patients en quête de guérison. Le simple fait que la relation équipe soignante-malade se personnalise, suffit parfois à pousser le malade à adopter un comportement adapté.







DISCUSSION







Cette étude, nous a permis de repérer toutes les preuves montrant la nécessité d’élaborer un projet de promotion en santé dans la région du Haut Kesrouane (10 villages, habités par 44650 libanais et 7250 syriens) :



- L’absence d’hôpital dans la région.



- La présence de cinq dispensaires seulement assurant les soins primaires.



- La disparité des équipements et des services rendus par les dispensaires.



- La plainte des responsables sur le manque de support offert par les ministères.



- La minime collaboration entre les établissements administratifs et sanitaires de la région.



- Le manque de connaissances des habitants sur les services rendus.



- La perception péjorative des habitants envers les services offerts par les dispensaires.



- L’impression prédominante de la population libanaise que les dispensaires ont orienté leurs services aux réfugiés.



La démarche d’action a suivi les étapes suivantes : une planification, une concertation avec les directeurs administratifs et les responsables des centres de soins; des réunions de discussion des causes du non recours aux services de santé et de négociation du plan d’action.



Le projet intitulé « vers un accès, pour tous », basé sur les cinq axes de la charte d’Ottawa6 a été adopté.



Ce projet pilote avait pour objectif de favoriser le recours aux services de santé des habitants libanais de cette région et à réduire les inégalités à ce niveau. Les axes institutionnels et communautaires étaient privilégiés dans l’action. Une coopération administrative et collective du réseau sanitaire de la région a été implantée. Les municipalités et les dispensaires de la région se sont mobilisés pour mettre en place des actions de conscientisation ou de renforcement des services de la communauté. Un guide d’information et d’orientation pour les dispensaires a été conçu afin d’informer les habitants sur les services rendus, de modifier leurs perceptions et de les encourager à avoir recours aux soins offerts à des frais abordables. Dans une étape ultérieure, un service de mammographie a été mis en place et une séance de sensibilisation sur le dépistage du cancer du sein a été effectuée dans les villages des centres concernés.







CONCLUSION







Cette action communautaire visait à apporter une solution collective et solidaire à un besoin commun, à réduire les inégalités sociales et promouvoir la justice sociale. Elle a permis d’assurer la pérennité des services de santé et de favoriser la responsabilisation sociale dans la région du Haut Kesrouane. Toutefois, il serait intéressant de compléter cette recherche en réalisant une étude qualitative sur un échantillon plus représentatif de l’ensemble de la population libanaise afin de mettre en place des politiques d’action nationale.












Résumé en Anglais


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