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Identités multiples et droit à la différence, le vivre-ensemble à l'épreuve
Moi (et) l’étranger : de la protestation à l’attestation
L’étranger, comme maître de justice et visage qui s’impose, trouble le chez-soi (E. Lévinas). Il est l’hôte qui peut passer d’un ennemi à un ami (H. Nouwen). Il est autre et différent. Il peut dévoiler, à son insu et malgré lui, le soi à soi-même (M. de Certeau) et constituer l’identité : un « soi-même comme un autre » (P. Ricœur). Il peut communiquer une absurdité (A. Camus) ou une étrangèreté (S. Freud, M. Heidegger) qui peut me rendre étranger à moi-même. Il est, pour moi, à la fois, une possibilité d’ipséisation et une possibilité d’aliénation.
Cette dialectique identité/altérité (l’altérité d’autrui) est imprégnée de faillibilité et de la possibilité du passage à la faute. Trois « passions fondamentales » l’infiltrent : la domination qui concerne le sentiment de pouvoir, la possession corrélée au sentiment d’avoir, et l’honneur qui se rapporte au sentiment de valoir (E. Kant, P. Ricœur). Ces passions se déclinent, dans un second degré, en de multiples actions qui vont du déni et de l’indifférence, passent par la manipulation et l’aliénation, et arrivent à la totalisation et à l’englobement. Ces actions qui entravent cette relation duelle et la rongent de l’intérieur forment un ensemble conçu comme « protestation ». Le passage de la protestation, à la contestation et à ce que P. Ricœur appelle « l’attestation » requiert une reconnaissance mutuelle fondée dans l’économie du don et de l’agapè.
Chacune de ces actions interdépendantes et interconnectées réclame un passage correspondant, motivé par la reconnaissance mutuelle. Chacune est structurée par la dialectique volontaire/involontaire qui habite tout acte conscient (P. Ricœur) et, à degrés variables, par la triade des passions. Chacune initie une spirale de violence. La série des actions ci-dessous (cf. tableau 1), corrélée à diverses dimensions de la relation Je-Tu, illustre la complexité de l’acceptation de l’autre.
Cette phénoménologie descriptive de l’altérité et de l’action, bien qu’elle ne soit pas exhaustive, révèle une dialectique interne à l’identité : je suis étranger à moi-même. La figure détestée de l’étranger qui vient chez moi et face à laquelle je proteste, crée en moi et entre nous un processus de contestation. Celle-ci, quand elle est fondée dans l’économie du don, m’ipséise et me pousse à m’attester moi-même comme la figure authentique et vraie de cet étranger. L’égalité entre nous n’est pas celle de la réciprocité de deux monades fermées mais d’une mutualité reconnaissante où circule le témoignage utopique de l’agapè.
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