Fiche Documentaire n° 5624

Titre Le dialogue interculturel vecteur du « vivre-ensemble »  interreligieux 

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Auteur(s) AYOUB Rita  
     
Thème Conférence plénière Beyrouth  
Type Autre (poster, ...)  

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Résumé

Le dialogue interculturel vecteur du « vivre-ensemble »  interreligieux 

Animation sociale et interculturalisme, une pratique et un vécu

Animatrice sociale de formation, aujourd’hui coordinatrice de la formation au dialogue islamo-chrétien à l’USJ depuis 2004, j’ai, et je travaille toujours avec la différence de l’autre, car je considère que sa prise en compte est indispensable pour vivre dans la paix.
La dimension personnelle et mon parcours de vie participent très fortement à cet engagement. Ils guident et constituent le cœur même de ma pratique professionnelle. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai souhaité approfondir mon cheminement, en me formant à la Communication Non Violente (CNV)
Dans ma présentation, je m’appuierai sur ces différentes expériences, personnelles et professionnelles indissociables l’une de l’autre, pour témoigner de la place centrale et de la prise en compte de l’interculturalisme dans ma pratique professionnelle.
Je mettrai en lumière trois axes que je continue toujours d’expérimenter.
Le premier axe porte sur la réconciliation après-guerre :
Entre 1975 et 1990, une guerre a lieu au Liban. Hormis les différences politiques et dogmatiques, la religion est utilisée comme prétexte pour la justifier. Dans ce cadre, des déplacements ont eu lieu entre les régions. Entre autres, des chrétiens quittent des dizaines de villages et de quartiers, vers des régions à majorité chrétienne. Vice versa, des musulmans quittent vers des régions à majorité musulmane.
En 1992, une décision politique est prise : le retour des déplacés dans leurs villages et quartiers d’origine. Dans ce cadre, j’ai travaillé sur deux projets avec pour objectifs le retissage des liens, plus précisément dans la région du Mont-Liban sud, entre druzes et chrétiens.
Les actions ont été menées dans des villages mono-religieux, des villages mixtes qui n’avaient pas vécu des massacres sanglants et des villages mixtes ayant vécu des massacres sanglants.
Chacune de ces actions supposait une stratégie d’intervention différente, qui respecte le vécu collectif et individuel.
Le deuxième axe intervient au niveau du dialogue interreligieux, notamment islamo-chrétien :
Au début de la guerre, précisément en 1977, 6 personnes (3 Chrétiennes et 3 Musulmanes) décident d’utiliser le multi religieux comme une force qui rassemble, et fondent l’Institut d’études islamo-chrétiennes (IEIC) de l’USJ.
Sur le plan personnel, un travail s’opérait entre le fanatisme et l’altérité, suite aux conflits violents intra religieux que j’ai vécus. Ce choc m’a conduit au chemin du dialogue, et c’est dans ce cadre que j’ai commencé à participer puis à animer à partir de 1998, des groupes de rencontres islamo-chrétiennes à l’IEIC.
Par ailleurs, dans le cadre de ma coordination de la formation au dialogue islamo-chrétien à l’USJ, des groupes, d’une quinzaine de personnes, chrétiens et musulmans de différentes communautés religieuses, suivent chaque année cette formation qui s’étale entre trois mois et une année. À travers des rencontres interactives, nous partageons nos émotions quant à la discrimination, nous travaillons nos perceptions vis-à-vis de soi-même et de l’autre, et nous apprenons à nous connaître mutuellement en échangeant autour des doctrines et vécus religieux.
Le troisième axe se rapporte à la « Communication Non Violente » (CNV) :
J’ai fait connaissance, il y a 9 ans, de cette démarche et philosophie mise en place par l’Américain Marshall Rosenberg, dans les années 70 du 20ème siècle.
Pensée en occident, elle s’inscrit dans une culture différente de la nôtre. Aussi, je me suis demandée comment l’appliquer dans notre région, tout en restant fidèle, à la fois à sa philosophie de base et à la spécificité de notre culture.
Il m’a fallu par ailleurs traduire et me familiariser avec les concepts en arabe, un exercice loin d’être évident. Car, il ne suffit pas de traduire les mots, mais de traduire l’esprit, et ce, j’insiste, tout en restant fidèle à notre culture.
J’ai commencé ainsi à transmettre la CNV au Liban, d’abord dans le cadre de la formation au dialogue islamo-chrétien, puis en l’ouvrant à d’autres dimensions mono ou interculturelles : des groupes syriens-libanais, des étudiants de disciplines différentes, etc.
Dans ces trois axes, des règles de base ont été approuvées, à savoir : l’importance de la régularité, la diversité et la multiculturalité des groupes, le rapport entre la théorie et la pratique, le nombre des participants et enfin, le respect du rythme de chaque personne.

Pour conclure,
A travers la présentation de ces différentes pratiques professionnelles où les dimensions d’interculturalisme et d’interreligieux constituent le noyau central, l’axe principal d’intervention, j’ai souhaité montrer que la perspective d’un travail social dans un contexte multiculturel est tout à fait envisageable.
Pour cela, il faudrait avoir des travailleurs sociaux qui se dégagent de la communauté locale, promouvoir le travail en équipes multiculturelles, proposer des formations autour de la communication dans un cadre multiculturel et enfin, impulser un travail d’introspection chez les acteurs sociaux.

Bibliographie

Le dialogue interculturel vecteur du « vivre-ensemble » interreligieux

Présentation des auteurs

Animatrice sociale, Coordinatrice de la formation au dialogue Islamo chrétien - Institut d'études islamo-chrétiennes - Faculté des Sciences religieuses, Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban).

Communication complète

Animatrice sociale de formation, aujourd’hui coordinatrice de la formation au dialogue Islamo-Chrétien à l’USJ depuis 2004, j’ai, et je travaille toujours avec la différence de l’autre, car je considère que sa prise en compte est indispensable pour vivre dans la paix.

Je tiens à clarifier, que dans cette présentation, le parallèle entre mon parcours personnel et mon chemin professionnel, est ce qui constitue mon cheminement dans le travail social. J’ai été déplacée de mon village étant enfant, et j’ai donc subi les répercussions de la violence dans mes émotions et dans ma mémoire. Le refus de la différence, le fanatisme ou autres, étaient justifiés et même évidents pour moi. Par conséquent, ce cheminement me permet d’éviter d’être dans le jugement ou la morale, dans des enseignements déconnectés du terrain, dans la théorie ou l’utopie mais bien d’être profondément ancrée et en phase avec la réalité de chacun pour avoir partagé le même vécu. Je m’appuierai donc dans ma présentation, sur les différentes expériences, personnelles et professionnelles pour témoigner de la place centrale et de la prise en compte de l’inter culturalisme / de l’inter-religieux dans ma pratique professionnelle ; et c’est dans ce cadre que je peux soutenir, que la première référence bibliographique est donc « ma vie ».

Je mettrai en lumière 3 axes que je continue d’expérimenter.

Le premier axe porte sur la réconciliation après-guerre :

Entre 1975 et 1990, une guerre a eu lieu au Liban. Hormis les différences politiques et dogmatiques, la religion est utilisée comme prétexte pour la justifier. Dans ce cadre, des déplacements ont lieu entre les régions. Entre autres, des Chrétiens quittent leurs régions vers d’autres à majorité chrétienne et des Musulmans quittent vers des régions à majorité Musulmane.

En 1992, une décision politique est prise : le retour des déplacés dans leurs régions d’origine.

Dans ce cadre, j’ai travaillé sur des projets, avec pour objectifs la réconciliation et le retissage des liens, au Mont Liban sud, entre Druzes et Chrétiens. Chacun de ces projets supposait une stratégie d’intervention différente, respectant le vécu collectif et individuel.

a.Les villages mono-religieux : villages chrétiens dans une région mixte

La stratégie dans ces villages avait pour but de recréer les liens entre les jeunes déplacés et leurs villages natals, et retisser les liens entre les déplacés en cours de retour et les habitants de la région.

Des jeunes des villages déplacés (Chrétiens), et des villages qui n’ont pas connu l’exode (Druzes) se réunissaient autour de séjours dans les villages où s’organisaient des retours des populations : des chantiers de reconstructions de terrain sportifs, des canaux d’irrigations, etc. Dans ce même temps, avaient lieu des formations en communication, des projets pour raconter l’histoire locale, et des activités en commun.

Ces projets, constituaient une sorte de nouvelle histoire commune entre les jeunes des deux communautés religieuses.

b.Les villages mixtes qui n’avaient pas vécu des massacres sanglants

Le besoin exprimé dans ces villages touchait le travail de mémoire auprès des jeunes, de manière à ce qu’ils puissent percevoir et appréhender la possibilité de vivre dans un village multi religieux. En effet, une forte volonté de revivre ensemble animait les adultes Druzes et Chrétiens qui ont connu le village dans sa dimension mixte d’avant la guerre. Ils souhaitaient revoir leurs enfants vivre ensemble et retrouver cette image du vivre ensemble, déformée suite à la guerre.

Le travail était plus facile, car la mémoire n’a pas été marquée et bouleversée par des évènements sanglants.

c.Les villages mixtes ayant vécus des massacres sanglants.

Là, le contexte a été le plus difficile car les conséquences de la guerre étaient particulièrement douloureuses. Un travail à long terme a été nécessaire dans ces villages.

Le travail s’est effectué dans 3 villages. En premier lieu, des rencontres individuelles puis collectives, ont eu lieu pour chaque communauté de chaque village à part. Les premières rencontres ont permis aux personnes de s’exprimer, d’être écoutées, d’évoquer leur vécu, de dégager les émotions refoulées, afin que le travail de négociation puisse alors s’envisager. Les gens commencent à exprimer leurs besoins collectifs : des besoins matériels, mais surtout des besoins moraux : justice, respect de la dignité, besoin de sécurité et de garantir l’absence de représailles.

Cette première phase était essentielle pour pouvoir envisager et commencer la deuxième phase, basée sur des rencontres entre les deux communautés.

Là aussi, des journées de formations, de partage, de communication, d’interactions, durant lesquelles chacun écoute les frustrations, les craintes, les peurs, le vécu de l’autre et fait entendre les siens, pour se rendre compte que finalement, chacun de sa place, avec sa version, peut rejoindre la place et la version de l’autre. Le partage de ces histoires individuelles permet à chacune d’elles de se compléter à partir des vérités de chacun. S’expérimente dès lors un vrai travail de rencontre de l’autre.

Cette deuxième phase dite de réconciliation était absolument indispensable pour ces retours dans les villages. Cette nouvelle cohabitation exigeait ce travail en amont pour tenter de dépasser les haines et d’envisager l’avenir ensemble. Mais, beaucoup reste à faire.



Le deuxième axe intervient au niveau du dialogue interreligieux, notamment Islamo-Chrétien :

Au début de la guerre, précisément en 1977, 6 personnes (3 Chrétiennes et 3 Musulmanes) décident d’utiliser le multi religieux comme une force qui rassemble, et fondent l’Institut d’Etudes Islamo-Chrétiennes (IEIC) de l’USJ.

Sur le plan personnel, après avoir été objet et sujet de fanatisme, suite aux conflits violents intra-religieux (cette fois ci) vécus dans ma communauté, un travail s’opérait entre le fanatisme et l’altérité. Ce choc m’a conduit au chemin du dialogue, et c’est dans ce cadre que j’ai commencé, en 1995, à participer puis à animer à partir de 1998, soutenue et encouragée par Mme Juliette Haddad, des groupes de rencontres autour du dialogue Islamo-Chrétien à l’IEIC. Un pas qui m’a menée à lancer la formation au dialogue islamo-chrétien à l’USJ.

Dans le cadre de ma coordination de cette formation, des groupes, de Chrétiennes et Musulmanes, suivent chaque année cette formation.

Au début, nous nous sommes adressés aux enseignants des religions pour nous permettre d’en savoir davantage sur la religion de l’autre car, au Liban, très rares sont les écoles qui les enseignent simultanément. L’idée était de commencer avec ce qui existait déjà sur le terrain.

Des formations ont permis de se rencontrer pour se connaitre, apprendre et vivre ensemble.

L’objectif de la formation n’était pas de changer les enseignements et les connaissances des uns et des autres, mais bien de modifier la perception que chacun avait de l’autre. Rendre l’autre familier et non un inconnu, un étranger sur lequel on projette des images qui ne lui correspondent pas.

Plus tard, en parallèle, les formations touchaient des étudiants en licence de toutes disciplines.

Ces formations mettent la lumière sur :

•Les discriminations à base religieuse : faits et impacts. Le travail sur ce contexte permet d’exprimer ses émotions et réactions, suite à des discriminations religieuses vécues, tout en écoutant celles de l’autre. Dans ce travail partagé, les participants finissent par découvrir que l’autre a aussi subi les effets de discriminions, il a eu aussi peur, comme si nous étions tous autant bourreau et victime. Le résultat : un pas vers la réconciliation avec soi et avec l’autre.

•Les outils de base de la communication, notamment ceux liés à la communication interreligieuse, paraissent incontournables. Des rencontres de formation, permettent aux participants de prendre conscience de ces outils. Les terminologies et leurs sens, les concepts, les perceptions, l’expression et l’écoute, le feedback. Tout cela s’avère essentiel avant de passer à l’étape de la communication.

•Les perceptions de l’autre, de sa religion et de son vécu socio-culturel, ainsi que les perceptions qu’a l’autre à notre égard. Un long travail interactif en sous-groupes et en groupe permet de dépasser les images des uns vis-à-vis des autres, afin de rencontrer l’autre dans ses convictions, sa foi et comment vivre et exprimer sa religion. Un chemin qui permet d’apprendre la manière d’écouter l’autre pour le connaitre, et non pas pour l’attaquer ou se défendre, ou encore pour chercher à savoir qui détient la vérité.

•Ces trois premières étapes préparent les personnes à mieux s’écouter dans leur différence. Des séances autour des doctrines des uns des autres, permettent de connaitre l’autre et de le comprendre en tant qu’être libre. Ceci permet en second lieu de faire attention les uns aux autres, comme quoi nous sommes responsables de notre bien-être et celui de l’autre.



Tout au long de ce programme, j’ai découvert que la différence et un fait, une réalité ; j’ai à apprendre comment vivre avec, au lieu de l’éviter. J’ai dans ce cadre compris qu’il faut en parler pour se familiariser avec, au lieu de la craindre et la fuir. Après tout, il est beaucoup plus facile de parler de ce qui est commun. Notre défi, c’est d’accepter l’autre dans sa différence, sans avoir l’intention de le changer ou le transformer.

Le troisième axe porte sur la « Communication Non Violente » (CNV) :

Il y a 9 ans, j’ai fait connaissance de cette démarche et philosophie mises en place par l’Américain Marshall Rosenberg.

Pensée en occident, elle s’inscrit dans une culture différente de la nôtre. Aussi, je me suis demandée comment l’appliquer dans notre région, tout en restant fidèle, à la fois à sa philosophie de base et à la spécificité de notre culture.

Il m’a fallu par ailleurs traduire les concepts et la démarche en Arabe, et me familiariser avec ; un exercice loin d’être évident. Car, il ne suffit pas de traduire les mots, mais de traduire l’esprit, et ce, j’insiste, tout en restant fidèle à notre culture.

J’ai commencé ainsi à transmettre la CNV au Liban, d’abord dans le cadre de la formation au dialogue Islamo-Chrétien, puis en l’ouvrant à d’autres dimensions mono ou interculturelles : des groupes Syriens-Libanais, des étudiants de disciplines différentes, entre autres.



A travers ce parcours, quatre éléments me paraissent nécessaires :

L’importance de la flexibilité dans la transmission de la démarche : après tout, c’est une manière nouvelle de communiquer, qui parait étrangère à la culture de la région ; il est donc essentiel d’écouter les appréhensions des personnes, de les prendre en considération.

L’importance du temps accordé, quant à la pratique : la CNV est une philosophie qui, bien qu’elle paraisse facile, elle aide les gens à aller en profondeur dans leur lien avec soi et avec les autres, en se connectant à leurs sentiments et besoins. Une approche bien étrangère là où on éduque les enfants à contourner leurs émotions.

Dans une région qui traine dans les conflits et la violence, il est essentiel d’utiliser la CNV comme un moyen pour préserver et restaurer les liens intra et inter personnels, et non comme un objectif en soi.

Veiller à une traduction de l’esprit de la CNV plutôt qu’à une traduction de mots qui risquerait de déformer le sens, l’esprit même de sa philosophie et de sa démarche.



Enfin, dans ces trois axes, des règles de base ont été approuvées, à savoir :

L’importance de la régularité des rencontres et le respect du rythme de chaque personne.

La diversité et multi culturalité des groupes.

Le rapport entre la théorie et la pratique est évident.

Le nombre des participants est à prendre en considération.

Pour conclure

A travers la présentation de ces différentes pratiques professionnelles, j’ai souhaité montrer que la perspective d’un travail social en lien avec la communication et le dialogue, est envisageable dans un contexte multicultur

Résumé en Anglais


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