Fiche Documentaire n° 5677

Titre Les Cultural Studies en contexte d'urgence écologique et de changement social

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l'auteur principal

Auteur(s) Etienne Pierre
MIDREZ PASCAL
 
     
Thème Comment transférer les concepts de l'écologie sociale à la pratique professionnelle d'un travailleur social ?  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Les Cultural Studies en contexte d'urgence écologique et de changement social

Cette communication s’inscrit dans un triple travail mené actuellement au sein de la Haute Ecole Libre Mosane : un projet de recherche intitulé “Les cultural studies en contexte d’urgence écologique et de changement social” ; la participation à l’élaboration d’un cursus de formation en écologie sociale et le développement d’activités d’apprentissage au sein des formations initiales en coopération internationale et en animation socio-sportive. En effet, apparait une évolution identitaire des publics auxquels les étudiants des bacheliers professionnalisants en éducateur.trice spécialisé en activités socio-sportives et en coopération internationale, sont confrontés. C’est face à l’ampleur des défis écologiques et socio-politiques largement documentés que le terme d’urgence est utilisé (Willemez, 2015). Les acteurs étudiés sont les publics dits subalternes organisés en collectifs (Maltcheff, 2011). À son origine, le public subalterne était défini par Antonio Gramsci comme composé de “groupes sociaux marginaux ou de classes fondamentales bien qu’encore non hégémoniques” (Liguori, 2016). C’est dans sa dimension plus antagonique et son rapport avec la notion de “dominant” qu’il est intéressant d’aborder ce concept de subalterne. Ce sont les propositions concrètes de ces collectifs qui constituent le matériel empirique de cette recherche. Les collectifs citoyens investigués ne se réduisent pas au monde du travail mais concernent les problèmes de société (Starck, 2005), par exemple, les zones à défendre (ZAD) ou encore les Gilets Jaunes. Ils ont la particularité de mettre en exergue une crise de confiance entre la société civile (Pirotte, 2010) et le monde politique concernant les enjeux sociétaux majeurs. Dans ce cadre, les Cultural Studies (Cervulle & Quemenner, 2015) alimentent l’approche méthodologique et la démarche ethnographique choisies afin de comprendre et faire connaitre les initiatives d’action existantes de changement face au modèle de société actuel. Par collectif citoyen est entendu toute organisation d’acteurs militants mettant en exergue une crise de confiance entre la société civile et le monde politique concernant les enjeux sociétaux majeurs (Starck, 2005). D’un point de vue méthodologique, cette communication se base sur trente-neuf entretiens semi-ouverts avec des migrants, des militants écologistes, des Gilets Jaunes, des bénéficiaires d’aides sociales, des squatteurs, des zadistes, des zapatistes, des portes paroles d’initiatives, de centres auto-gérés, de fermes coopératives et des auteurs faisant partie de collectifs citoyens. Ceux-ci sont définis par Nancy Fraser comme des contre-publics subalternes : « Ainsi défend-elle l’idée que l’espace public n’est pas la sphère unique, co-extensive à la communauté politique, modélisée par Jürgen Habermas, mais qu’il se constitue aussi de contre-publics subalternes » (Ferrarese, 2015). Ceux-ci sont conçus comme « des arènes discursives parallèles dans lesquelles les membres des groupes sociaux subordonnés élaborent et diffusent des contre-discours, ce qui leur permet de fournir leur propre interprétation de leurs identités, de leurs intérêts et de leurs besoins » (Fraser, 2005). Les observations et entretiens révèlent différentes orientations, propositions et pratiques récurrentes : une idée forte de démocratie directe et locale, un sentiment anticapitaliste explicite, un retour au local et à la nature, un désir pratico-pratique d’être dans le faire et si possible de ses propres mains ainsi qu’une aspiration à un changement social immanent. Dans ce cadre, les idées, productions et actions de ces collectifs citoyens sont investiguées. Clairement explicite lors de la troisième rencontre internationale de l’écologie sociale, la filiation à l’écologie sociale apparait plus subtilement dans les autres contextes investigués. Ainsi, plusieurs acteurs interrogés nous confient que leur engagement précédait leur connaissance de l’écologie sociale. C’est chemin faisant qu’ils découvrent et peuvent se reconnaitre dans cette théorie. Il est en effet intéressant de constater que les pratiques et orientations appliquées et véhiculées par les terrains investigués se confondent avec les principaux concepts développés notamment par Murray Bookchin, Floréal Roméro et Vincent Gerber. Comment transférer les concepts de l’écologie sociale à la pratique professionnelle d’un travailleur social ?

Bibliographie

Bookchin, M. (1982). The ecology of freedom. Repris In Qu’est-ce que l’écologie sociale? 2012. Atelier de création libertaire.

Cervulle, M. & Quemenner, N. (2015). Cultural studies : Théorie et Méthodes. Armand Collin. Paris.

Ciavolella, R. (2015). Un nouveau prince au-delà des antinomies : lectures de Gramsci dans les mouvements sociaux contemporains. Actuel Marx. 57. 112-124.

Ferrarese, E. (2015). Nancy Frazer ou la théorie du prendre part. Laviedesidees.fr.

Fraser, N. (2005). Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution. La Découverte.
Edition Journal.

Gerber, V. (2013). Murray Bookchin et l’écologie sociale ; Une biographie intellectuelle. Écosociété.

Maltcheff, Y. (2011). Les nouveaux collectifs citoyens, pratiques et perspectives. Yves Michel eds. Paris.

Mileschi, C. (2018). Gilets jaunes, ou la révolte des subalternes. Historia Magistra. Rivista di storia critica : 28, 3.

Pirotte, G. (2010). La notion de société civile. La découverte. Paris.

Romero, F. (2019). Agir ici et maintenant. Penser l’écologie sociale de Murray Bookchin. Editions du commun. Paris.

Starck, P. (2005). Un nouveau mouvement social?. Erès “VST - Vie sociale et traitements”. Paris

Willemez, L. (2015). De la cause de l’environnement à l’urgence écologique. Savoir agir. Editions du Croquant. Paris.

Présentation des auteurs

Bénédicte Schoonbroodt : Maître-assistante en socio-anthropologie. Enseignante-chercheure. Licenciée en sociologie et DEA en anthropologie. Assistante et chercheure à l’ULiège de 2003 à 2011 au sein de l’Institut des Sciences Humaines et Sociales.

Pascal Midrez : Enseignant-Chercheur et coordinateur pédagogique @ HELMo-Esas. Mémoire Master en 2012, méthode qualitative sur le thème de la réalisation de soi au travail/Modélisation d’une expérience de terrain (6 ans en ISP) sur le thème de l’Agir Avec et de l’Emancipation (2016).

Pierre Etienne : Enseignant-Chercheur et coordinateur de cette recherche. Chargé de Missions relais avec les milieux professionnels @ HELMo-Esas.

Communication complète

Les Cultural Studies en contexte d’urgence écologique et de changement social :

1.Introduction et Approche Méthodologique:

Cette communication s’inscrit dans un triple travail mené actuellement au sein de l'HELMo:un projet de recherche intitulé “Les cultural studies en contexte d’urgence écologique et de changement social” ; la participation à l’élaboration d’un cursus de formation en écologie sociale et le développement d’activités d’apprentissage au sein des formations initiales en coopération internationale et en animation socio-sportive. C’est face à l’ampleur des défis écologiques et socio-politiques largement documentés que le terme d’urgence est utilisé (Willemez, 2015). Les acteurs étudiés sont les publics dits subalternes organisés en collectifs (Maltcheff, 2011). À son origine, le public subalterne était défini par Antonio Gramsci comme composé de “groupes sociaux marginaux ou de classes fondamentales bien qu’encore non hégémoniques” (Liguori, 2016). C’est dans sa dimension plus antagonique et son rapport avec la notion de “dominant” qu’il est intéressant d’aborder ce concept de subalterne. Ce sont les propositions concrètes de ces collectifs qui constituent le matériel empirique de cette recherche. Les collectifs citoyens investigués ne se réduisent pas au monde du travail mais concernent les problèmes de société (Starck, 2005), par exemple, les zones à défendre (ZAD) ou encore les Gilets Jaunes. Ils ont la particularité de mettre en exergue une crise de confiance entre la société civile (Pirotte, 2010) et le monde politique concernant les enjeux sociétaux majeurs. Dans ce cadre, les Cultural Studies (Cervulle & Quemenner, 2015) alimentent l’approche méthodologique et la démarche ethnographique choisies afin de comprendre et faire connaitre les initiatives d’action existantes de changement face au modèle de société actuel. Par collectif citoyen est entendu toute organisation d’acteurs militants mettant en exergue une crise de confiance entre la société civile et le monde politique concernant les enjeux sociétaux majeurs (Starck, 2005). D’un point de vue méthodologique, cette communication se base sur trente-neuf entretiens semi-ouverts avec des migrants, des militants écologistes, des Gilets Jaunes, des bénéficiaires d’aides sociales, des squatteurs, des zadistes, des zapatistes, des portes paroles d’initiatives, de centres auto-gérés, de fermes coopératives et des auteurs faisant partie de collectifs citoyens. Ceux-ci sont définis par Nancy Fraser comme des contre-publics subalternes : « Ainsi défend-elle l’idée que l’espace public n’est pas la sphère unique, co-extensive à la communauté politique, modélisée par Jürgen Habermas, mais qu’il se constitue aussi de contre-publics subalternes » (Ferrarese, 2015). Ceux-ci sont conçus comme « des arènes discursives parallèles dans lesquelles les membres des groupes sociaux subordonnés élaborent et diffusent des contre-discours, ce qui leur permet de fournir leur propre interprétation de leurs identités, de leurs intérêts et de leurs besoins » (Fraser, 2005). Les observations et entretiens révèlent différentes orientations, propositions et pratiques récurrentes développées dans le point 2. Clairement explicite lors de la troisième rencontre internationale de l’écologie sociale, la filiation à l’écologie sociale apparait plus subtilement dans les autres contextes investigués. Ainsi, plusieurs acteurs interrogés nous confient que leur engagement précédait leur connaissance de l’écologie sociale. Il est en effet intéressant de constater que les pratiques et orientations appliquées et véhiculées par les terrains investigués se confondent avec les principaux concepts développés notamment par Murray Bookchin, Floréal Roméro et Vincent Gerber. Comment transférer les concepts de l’écologie sociale à la pratique professionnelle d’un travailleur social ?

2. Premiers résultats : six logiques d’action identifiées et documentées

2.1 Une aspiration à un changement social immanent, avec une idée forte de démocratie directe et locale, en opposition à l’idée de démocratie représentative autant qu’à l’idée de démocratie participative ;

“Ça c’est une tarte à la crème! Parce que tout le monde se réclame de la démocratie participative (…) Participer ça veut dire venez, venez donner votre avis, ça existe déjà, les conseils de quartier, en France on a ça, on peut y aller autant qu’on veut c’est toujours les élus qui décident. La démocratie directe c’est les citoyens qui décident directement. Et ça les politiques n’en veulent pas. Moi je vois bien même au niveau local à Commercy, on a une charte pour venir sur la liste(...) Donc démocratie participative pour moi ça revient exactement au même que la démocratie représentative aujourd’hui avec de l’enfumage en plus”. (Extrait d’entretien de Claude, Gilet Jaune de Commercy, à l’occasion de La commune des communes à Sampigny, 2020).

2.2 Un sentiment anticapitaliste explicite. Pas le moindre crédit n’est encore accordé à une système économique basé sur une croissance et des ressources infinies ;

2.3 Un retour au local et à la nature, dans un souci de réappropriation des territoires locaux et de leurs spécificités naturelles ;

"Ok il faut que je fasse quelque chose et donc je voulais faire pousser des légumes pour changer le monde. La permaculture, pour moi, c'est la solution” (Extrait d’entretien d’un acteur d’une ferme coopérative, 2021).

2.4 Un désir pratico-pratique d’être dans le faire et si possible de ses propres mains, ceci dans la continuité du souci de réappropriation des territoires locaux, cette fois orienté vers la relation entre les individus et leur environnement. Ceci concerne différentes dimensions comme le rapport à la terre, à la nourriture, au logement – habitat léger - ou encore aux différents services à la collectivité ;

“Après 4 semaines de chantiers, il y a des gens qui changent radicalement leurs perspectives, sans que cela ne passe par le discours, c’est juste dans le faire. Faire une yourte ensemble, c’est tellement émancipateur”. (Extrait d’entretien de Lio, RIES 2019).

2.5 Un principe d’assemblée populaire, application du principe de décision collective basé sur la participation et l’expression de toutes et tous. Ces assemblées sont précédées par de longs débats méthodologiques, afin que l’ensemble des participants puissent garantir l’égalité durant les débats ;

« La façon dont l’idée de démocratie est abordée à la ZAD, elle est abordée presque d’une façon communaliste. » (Extrait d’entretien de Roland D., Gilet Jaune et membre de la ZAD d’Arlon, 2020)

2.6 Une citoyenneté politiquement responsable et engagée localement, que ce soit civilement ou lors d’élections officielles, dans quel cas, à l’instar des listes communales de Gilets Jaunes en France. Cette idée s’accompagne du refus de négociations politiques.

3. Discussion autour de l’écologie sociale et des processus démocratiques observés:

L’écologie sociale est une notion apparue il y a quelques décennies chez différents auteurs (Bookchin, 1982 ; Romero, 2019 ; Gerber, 2019). Pour Bookchin, l’écologie sociale vise à décentraliser le pouvoir afin de sortir des logiques de domination et de revenir à des dynamiques locales moins empreintes de ces logiques. Dans ce mouvement, il y a donc le désir de promouvoir une société sans classe sociale avec des citoyens responsables de la gestion de leur commune, en utilisant une démocratie directe et locale. L’écologie sociale prône ainsi un retour aux besoins essentiels en empêchant la croissance incontrôlable liée au capitalisme. Les citoyens se réapproprient le pouvoir mais aussi le contrôle de la technologie afin de permettre à l’être humain de sortir de l’aliénation.

3.1. Adaptation des formations initiales des étudiants éducateur.trices spécialisés en activités socio-sportives

Parallèlement à l’élaboration des conclusions de cette recherche, nous avons mené une expérimentation au sein d’une UE intitulée : ‘Créer un projet social durable’. Les résultats de cette expérimentation prennent la forme d’une adaptation de la Méthodologie du projet en fonction des principes de l’écologie sociale.

3.2. Compréhension des processus démocratiques observés

3.2.1. Démocratie participative vs directe et locale

Le public investigué jusqu’alors dans le cadre de cette recherche n’adhère pas à ces propositions participatives qu’il juge insuffisantes quant à la remise en cause du capitalisme.

3.3. Implication des publics dans les processus décisionnels (Transdisciplinarité)

La situation sanitaire actuelle a projeté au premier plan et de façon monopolistique dans les médias la parole des expert(e)s. Pourquoi les populations directement impactées par ces mesures ne sont jamais associées aux processus décisionnels ?

Une réponse potentielle est peut-être dans une forme d’approche transdisciplinaire. Dans la définition de la transdisciplinarité sur laquelle reviennent les auteurs-trices dans l’article “Vers une Transdisciplinarité réflexive, intégrer la réflexivité sur les valeurs et les capacités de co-construction dans la recherche partenariale” (Dedeurwaerdere, T., Popa, F., Guillermin, M. and Herrero, P., 2019 : 305-316). N’est-il pas envisageable dès lors d’intégrer cette notion de transdisciplinarité aux futurs modes de gouvernance?

3.4. Des actions légitimes ?

La question de la légitimation des actions et initiatives soulevées par les acteurs est peu fondée car ils se sentent légitimes dans leurs actions et attendent plutôt un soutien de la part de la société via, notamment les analyses et communications de chercheurs.

Conclusion

L’identification des propositions et des pratiques des collectifs citoyens rencontrés est précisée dans cet article, elle permet de mieux cerner le socle commun des initiatives de ces groupes organisés. Il en ressort une orientation politique vers une profonde volonté de changement social, une citoyenneté politiquement responsable et engagée localement.

Résumé en Anglais



Cultural Studies in the context of ecological emergency and social change:

This is part of a triple work currently being carried out within the Haute Ecole Libre Mosane: a research project entitled “Cultural studies in the context of ecological emergency and social change”; participation in the development of a training course in social ecology and the development of learning activities within initial training in international cooperation and socio-sports activities. From a methodological point of view, this communication is based on thirty-nine semi-open interviews with migrants, environmental activists, Yellow Vests, recipients of social assistance, squatters, zadists, zapatistas, doormen words of initiatives, self-managed centers, cooperative farms and authors who are part of citizen collectives. These are defined by Nancy Fraser as subaltern counter-publics.(Ferrarese, 2015). The observations and interviews reveal different orientations, proposals and recurring practices: a strong idea of direct and local democracy, an explicit anti-capitalist feeling, a return to the local and to nature, a practical-practical desire to be in the doing as well as a yearning for immanent social change. Clearly explicit during the third international meeting on social ecology, the filiation with social ecology appears more subtly in the other contexts investigated. How to transfer the concepts of social ecology to the professional practice of a social worker?