Fiche Documentaire n° 5685

Titre Regards croisés: rendre visible les besoins de familles fragilisées et éloignées du droit commun.

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l'auteur principal

Auteur(s) LE ROUESNIER julie
SERVES frédéric
 
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Regards croisés: rendre visible les besoins de familles fragilisées et éloignées du droit commun.

Elle porte sur le projet de création d’un lieu d’accueil et d’accompagnement de familles précaires et fragilisées au service de la re narcissisation du lien parental. Ce projet a germé à l’issue d’un voyage d’étude portant sur l’accueil des personnes réfugiées à Hambourg, en 2017. Nous nous sommes inscrits dans un espace d’innovations pédagogiques: réflexion commune, rédaction d’articles, intelligence collective, pédagogie active.
Nous avons pu éprouver la pertinence des regards croisés entre étudiant-es, formateur-trices, documentalistes, élargis progressivement aux professionnel-les et familles accueillies au sein d’établissements d’accueil du jeune enfant.

Ce projet s’est poursuivi dans le cadre d’une recherche action exploratoire qui a permis une réflexion partagée entre différents intervenants : étudiant-es, formateur-trices, chercheur-ses, professionnel-les de la petite enfance, travailleurs-ses sociaux, et familles. Nous avons collectivement recensé et évalué les besoins autour de la fonction parentale, au service du développement du jeune enfant, dans des structures accueillant des familles en situation de grande précarité.

Nous avons ainsi pu mettre en avant les besoins de chacun et chacune. En les identifiant et les rendant visibles, nous avons pu imaginer un lieu tiers où chacun peut continuer à élaborer autour du projet collectif en y associant sa réflexion. Ce lieu « Le banc public », pleinement inscrit dans la dynamique du SocialLab, incubateur d’innovations sociales de l’IRTS PACA Corse, est un lieu d’accueil et de soutien à la parentalité. Véritable espace alliant recherche et pratique dans l’accueil des familles, dans le respect d’une réelle place pour chacun. Il s’adresse en premier lieu aux familles isolées et éloignées du droit commun. Au travers de besoins qui n’ont souvent pas la possibilité d’être entendus par la société actuelle, nous avons souhaité créer un espace afin de les rendre visibles et ainsi de mieux les accueillir, les accompagner. Cette démarche ne peut exister que par le fait qu’elle soit co portée par l’ensemble des acteurs, dont, en premier lieu, par les familles. Notre volonté est de s’inscrire dans un maillage social et partenarial afin de favoriser la croisée des regards et des accompagnements possibles. L’invisible devenant alors visible aux yeux des travailleurs sociaux concernés.

Nous pensons que pour « toucher » l’autre, celui qui reste, qui ne vient pas, qui ne s’invite pas dans nos dispositifs, qui ne frappe pas aux portes ou qui ne se fait pas connaitre … pour « toucher » donc celui que nous pouvons appeler « Invisible », nous sommes convaincus que c’est à nous de nous déplacer de nos dispositifs connus aujourd’hui pour innover jusque sur le palier de familles trop isolées, trop fragiles, trop précaires … et ainsi les entourer d’un projet singulier à chacune, élaboré dans leur temps à elles, pas à pas et qui leur fasse la promesse d’un avenir meilleur, à devenir « Un-Visible ».

C’est en se situant au carrefour entre intervention, recherche et formation que nous avons pu élaborer et complexifier notre recherche pour ainsi répondre aux besoins repérés.

Nous vous proposons d’articuler notre intervention autour de trois points phares de notre projet :
- Un voyage à Hambourg, terrain d’innovations pédagogiques
- Le Social’lab, croisée de regards entre pratique et recherche
- Le banc public, un lieu innovant au service des familles aux besoins « invisibles ».

Bibliographie

SERVES, Frédéric. Un détour par Hambourg. In : Le Sociographe, septembre 2018, Hors-Série n° 11, pp. 201-212.


PETIT, Agathe, SERVES, Frédéric. Créer les conditions propices à l'accueil et à l'accompagnement des jeunes enfants de parents migrants : Des lieux tiers au bénéfice du lien et du soutien à la parentalité. In : Migrations société, octobre-décembre 2019, n° 178, pp. 39-53.

Présentation des auteurs

LE ROUESNIER Julie, vacataire IRTS, éducatrice de jeune enfant, co-porteuse du projet « Le Banc Public ». Actuellement en fonction au sein d'une Maison d'Enfants à Caractère Social, à Marseille.

SERVES Frédéric, co-porteur du projet « Le Banc Public », formateur centre d’activité petite enfance à l’IRTS Paca-corse. Responsable de promotions d'étudiants éducateurs de jeunes enfants.

Communication complète

« Regards croisés: rendre visible les besoins de familles fragilisées et éloignées du droit commun »



Le Rouesnier Julie, vacataire IRTS, éducatrice de jeune enfant, co-porteuse du projet « Le Banc Public »

Serves Frédéric, formateur centre d’activité petite enfance à l’IRTS Paca-corse, co-porteur du projet « Le Banc Public ».



Le « Banc public » est un lieu d’accueil et d’accompagnement de familles précaires et fragilisées au service de la re narcissisation du lien parental. Ce projet de création a germé à l’issue d’un voyage d’étude portant sur l’accueil des personnes réfugiées à Hambourg en 2017.



Voyage à Hambourg, terrain d’innovation pédagogique

En amont de ce voyage, chaque étudiante a reçu un texte la plongeant dans le contexte migratoire existant. (Parents en exil : psychopathologie et migrations MORO M.R. Presses Universitaire de France, Paris, 1994). A la lecture de celui-ci, les chamboulements commencent à apparaitre. Nous sentons chacun-e de notre côté l’appréhension de ce que nous allons découvrir, comment nous allons le vivre. Lorsque nous nous rendons dans un camp de réfugiés, les places et positions dans l’institution (formateur, documentaliste, étudiante) s’effacent. On se soutient. Cette rencontre, ces liens, se tissent « naturellement », comme si nous étions tout à coup égaux face à ce que nous n’arrivons pas à nommer clairement. Le formateur accepte de vaciller, d’être pris dans une émotion déroutante tout comme l’étudiante. Les regards et les sourires soutiennent, le geste sincère incarne l’invisible pédagogique.

C’est ce chemin parcouru ensemble, inconsciemment dans un premier temps, qui permet de s’autoriser à penser collectivement. Chaque membre du groupe est dans une dynamique de proposition, mais aussi d’autorisation à parler le doute, la peur, la tristesse de la façon la plus simple. Sans jugement, sans regard, le groupe est là en tant que pilier, permettant de divaguer puis de se raccrocher. Nous nous inscrivons dans un espace d’innovations pédagogiques : les différentes rencontres, les lieux visités, les personnes côtoyées nous contraignent collectivement et individuellement à sortir de notre zone de confort. Nous ne sommes plus formateurs ou étudiantes, nous sommes sujets. L’apprentissage dans tout ce qu’il y a de nouveau devient l’affaire de tous. Une réflexion commune fait émerger la part d’invisible dans l’espace pédagogique.

A notre retour nous poursuivons dans la même dynamique. Nous créons un espace de recherche action exploratoire. Convaincus de l’utilité de rendre visible l’invisible nous souhaitons une réflexion partagée entre différents intervenant-es : étudiant-es, formateur-trices, chercheur-ses, professionnel-les de la petite enfance, travailleurs-ses sociaux, et familles. Cela permet par exemple à une professionnelle diplômée d’un CAP petite enfance de mener des entretiens de récits de vie auprès des familles, de participer à son analyse et d’en extraire des axes de réflexion. Cette valorisation de son savoir professionnel lui a permis de postuler par la suite au concours d’éducatrice de jeunes enfants. En parallèle, l’expertise de ces récits de vie des familles permet un ajustement des pratiques au sein du multi accueil afin de répondre aux besoins et spécificités notamment culturelles. La mise en mots permet d’exprimer les singularités de chaque enfant et de chaque famille. Lors d’un entretien avec une mère, nous avons ainsi pu prendre conscience que l’impossibilité d’accompagner ses enfants après 9h30 la mettait en difficulté du fait de sa situation professionnelle. Travaillant sans être déclarée, elle ne s’autorisait pas à exprimer cette difficulté. Et c’est parce que formateur et professionnelle référente de l’enfant ont, dans un espace sécure et contenant entretenu cette mère qu’elle a pu se livrer, se dévoiler. Nous recensons collectivement et évaluons les attentes autour de la fonction parentale, au service du développement du jeune enfant, dans des structures accueillant des familles en situation de grande précarité. Chaque professionnelle peut exprimer sa part d’invisible, sa coloration professionnelle, ce don non quantifiable qui éclaire la relation à l’autre, ce plus pédagogique au service de l’usager.



Le social’lab : croisée de regards entre pratique et recherche

Au fil du temps, notre retour d’expérience prend de l’ampleur que ce soit au sein de l’IRTS ou des structures petite enfance dans lesquelles nous nous rendons. De nouveaux professionnel-les, étudiant-es, des usager-es se greffent à la réflexion autour de l’accueil des familles réfugiées à Marseille.

Nous souhaitons alors quantifier et faire reconnaitre les émergences de pratiques au sein des structures petite enfance, non reconnues dans les missions premières. Notre engagement à une participation horizontale entre tous demeure. Nous nous inscrivons dans un lieu d’innovation pédagogique : le social’lab, espace porté par l’IRTS paca corse. Cet espace informel est un lieu de rencontre entre divers acteurs réfléchissant sur un même sujet. Des orientations sont prises et nous répartissons les tâches en fonction des désirs de réflexion.

Le SocialLab est un rendez-vous où les savoirs se créent et se croisent. Nous nous rencontrons un vendredi par mois. Les étudiant-es se familiarisent avec les fondamentaux de la recherche : entretiens, enquêtes, observations de terrain. Les différents entretiens menés par les étudiant-es et formateurs mettent en avant les difficultés que rencontrent ces équipes de professionnelles. Les points soulevés sont la barrière de la langue et plus généralement les différences culturelles. Les professionnelles évoquent aussi l’impact émotionnel des situations vécues et la précarité face à laquelle ces familles doivent faire face.

Quant aux travaux de recueil et d’analyse menés par les professionnelles, ils permettent de rendre visible les familles souvent en marge du droit commun et de fait, leurs besoins. Très vite notre regard se porte sur un accueil inconditionnel pour ces familles « invisibilisées » par les dispositifs.

Une évidence apparaît alors : un lieu doit être crée, un lieu atypique permettant l’accueil de ces familles marginalisées. Persuadés que la construction identitaire se développe dans la re connaissance de sa propre histoire, nous nous inscrivons en acteurs de prévention de l’exclusion.



Le banc public, un lieu innovant au service des familles aux besoins « invisibles »



Comment toucher l’Autre, celui qui ne vient pas jusqu’aux dispositifs de droit commun, celui dont les besoins peinent à se faire entendre. Voilà notre porte d’entrée afin de proposer un lieu ajusté aux besoins repérés. La recherche action permet de pouvoir nous immiscer dans une infime partie du quotidien des personnes ayant vécu un parcours migratoire et ayant eu un enfant pendant ou à l’issu de celui-ci, mais aussi de pouvoir questionner les professionnel-les les accompagnant.

Ce lieu a pour vocation de permettre aux familles se trouvant dans une situation de grande fragilité de pouvoir être accueillie avec son enfant, dans un espace-temps qui lui est dédié, sans dictat de la société impliquant administratif, obligations etc.

Nous accueillons un mardi matin une maman Nigériane avec son enfant de 2 ans qui dans un sourire nous confie : « ouf nous sommes mardi, nous allons enfin avoir du temps pour jouer ! »



Nous élargissons la proposition d’accueil à l’ensemble des familles traversant des situations précaires.

L’usager se situe alors au cœur du projet, de par la dynamique que nous entreprenons mais aussi par la possibilité de ne pas devoir se conformer à un lieu type, et ne pas avoir d’obligation de « rendement ». Nous adoptons en tant qu’accueillant une dynamique horizontale, largement soutenue par les partenaires, et par l’IRTS, financeur du projet.

L’accueil des familles nous permet de nous professionnaliser davantage, de nous renseigner de façon plus large dans le but d’adopter une remise en question constante de nos pratiques tout en se basant sur ce qu’elles nous apportent.



Malgré des capacités d’adaptation constantes dans l’exercice de nos fonctions auprès des usagers au quotidien, ce lieu innovant nous demande de nous y exercer d’autant plus face au profil des familles mais aussi des missions du lieu. Nous affinons notre posture au fil des accueils. Par exemple, un mardi nous accueillons une mère et son enfant de deux ans. L’enfant jette des jouets en l’air. L’un de nous l’observe. Pour nous, il dépasse le cadre. L’observateur intervient afin de rappeler à l’enfant l’interdit (on ne jette pas les jouets). Après réflexion, nous nous rendons compte que nous avons surement été empêchants pour cette maman et cet enfant. Après tout, le but de cet espace est d’accueillir, inconditionnellement, pas d’accompagner à la parentalité (et surtout pas d’imposer notre propre perception et représentation de l’éducation). Nous prenons conscience que ce qui nous semble « naturel » (ne pas jeter les jouets) ne l’est pas forcément pour quelqu’un d’une autre culture. Sans vouloir essentialiser les personnes accueillies, nous avons dû déconstruire, questionner, reconstruire ensemble en mobilisant les personnes accueillies afin, encore une fois, de dynamiser nos réflexions et de construire leur accompagnement ensemble.

Ce projet devrait évoluer et voir le jour de façon plus pérenne à compter de Septembre 2022. Il continuera à se situer au croisement de la recherche, de l’intervention et de la formation. Il a en effet pour objectif de permettre aux formateurs-trice, étudiant-es, professionnel-les et familles de construire ensemble afin de pouvoir s’ajuster en fonction de l’expertise de chacun. Il doit rester un lieu d’expérimentation.

Nous travaillerons la re-narcissisation du lien parental, prémices de nos préoccupations à l’aube du projet. Nous développons également différents aspects de l’accueil et de l’accompagnement. Il s’agit bien sûr d’un espace transitoire où les règles et limites s’assouplissent et se décalent afin d’aller à la rencontre des familles.

L’accueillant n’est pas seul en possession du savoir, nous nous basons essentiellement sur les apports que l’ensemble des acteurs présents peuvent apporter qu’il s’agisse de théorie, de retour d’expérience, d’histoire de vie. Le processus de légitimation du savoir prend tout son sens, puisque chacun l’a en sa possession et participe à la construction constante du projet. Cette horizontalité quant à la prise en compte des savoirs de chacun permet de ne pas être perçu à travers son statut mais bel et bien à travers la personne que nous sommes. A nos yeux, cette méthode permet de dynamiser le croisement des expertises en permettant de prendre place à la réflexion mais aussi d’être à l’aise dans ce lieu où chacun peut amener un morceau de soi, rendre visible et même rendre vivant l’invisible.





Bibliographie:



MORO M.R, Parents en exil : psychopathologie et migrations. Presses Universitaire de France, Paris, 1994)



PETIT, Agathe, SERVES, Frédéric. Créer les conditions propices à l'accueil et à l'accompagnement des jeunes enfants de parents migrants : Des lieux tiers au bénéfice du lien et du soutien à la parentalité. In : Migrations société, octobre-décembre 2019, n° 178, pp. 39-53.



SERVES, Frédéric. Un détour par Hambourg. In : Le Sociographe, septembre 2018, Hors-Série n° 11, pp. 201-212.




Résumé en Anglais


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