Fiche Documentaire n° 5741

Titre Quand la ville exclut. La voix des femmes marginalisées que nous n'écoutons pas

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l'auteur principal

Auteur(s) Grimard Carolyne
BIDDLE BOCAN charlotte
 
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Quand la ville exclut. La voix des femmes marginalisées que nous n'écoutons pas

Notre communication propose de mettre de l’avant une critique des métropoles d’aujourd’hui là où s’articule la majorité des services d’interventions. Cette critique s’intéressera aux réalités vécues quotidiennement dans les villes par les personnes marginalisées, et particulièrement les femmes, et qui nous permettent de mieux saisir les obstacles à leur prise de parole. Divers obstacles démontrent comment l’intégration des voix des femmes est difficile dans la mise en place de projets structurants qui visent le changement des pratiques d’intervention en lien avec les besoins de ces personnes. D’abord basés sur les constats de géographes féministes, nous énoncerons les dynamiques intrinsèques aux métropoles d’aujourd’hui qui sont construites pour s’adresser à une certaine population au détriment de d’autres. Nous aborderons l’exemple de Montréal pour démontrer comment le design des infrastructures et les structures de pouvoir n’est pas fait pour prendre en compte certaines voix dans le développement de projets. Nous traiterons des stéréotypes genrés qui sont aux centres d’une incompréhension de la diversité des besoins des femmes marginalisées à Montréal (femmes économiquement pauvres, que la société racise, les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes immigrantes, les femmes trans, les femmes travailleuses du sexe). Nous avançons que ces jugements sont souvent au cœur des limites décisionnelles qui empêchent les institutions de réellement comprendre les besoins des femmes. Finalement nous aborderons le paradoxe de l’État. Nous questionnerons le fait que la « démocratie » d’aujourd’hui fait systématiquement référence à l’institution étatique, ainsi qu’à des habitus précis, rendant souvent plusieurs personnes marginalisées réticentes à s’impliquer dans des projets visant à faire entendre leurs voix. L’appel systématique à l’État pour entreprendre des changements structurants et des projets sociaux est au cœur de l’enjeu des initiatives participatives. Or, certaines communautés ont peu à peu perdu leur autonomie politique en raison de la montée en puissance de l’État. Ainsi, la structure sociale actuelle (le financement destiné aux organismes communautaires, les prestations d’aide sociales pour les bénéficiaires, etc.) n’a pas été réfléchie ni construite en ayant l’objectif d’écouter ou de mettre de l’avant les voix diversifiées de la communauté. Cette relecture (historique et contemporaine) de l’institution étatique et de la démocratie est selon nous au cœur du nœud qui explique l’exclusion d’un bon nombre de personnes marginalisées dans les métropoles d’aujourd’hui. Ce constat explique également les frustrations persistantes des acteurs et actrices en interventions qui ne se sentent pas elles et eux non plus écoutées malgré la multiplication des processus consultatifs.

Bibliographie

Amster, R. 2003. Patterns of exclusion: sanitising space, criminalising homelessness, Social Justice, 30, p. 195–221.
Astier, I. 2007. Les nouvelles règles du social. Paris : Presses universitaires de France.
Baillergeau E., Bellot C. (sous la dir. de). 2007. Les transformations de l’intervention sociale : entre innovation et gestion des nouvelles vulnérabilités?, Québec, PUQ.
Bellot, C., M. Bresson et C. Jetté (sous la dir. de) 2013. Le travail social et la nouvelle gestion publique. Québec : PUQ.
Bourque, Denis. 2009. Transformations du réseau public de services sociaux et impacts sur les pratiques des intervenants sociaux au Québec. Chaire de recherche du Canada en organisation Communautaire, Cahier 0907.
Conseil du statut de la femme. 2012. Réflexion sur l’itinérance des femmes en difficulté : un aperçu de la situation. Québec : Conseil du statut de la femme. https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/reflexion-sur-litinerance-des-femmes-en-difficulte-un-apercu-de-la-situation.pdf
DeVerteuil, G., J. May et J. von Mahs. 2009. « Complexity not Collapse : Recasting the Geographies of Homelessness in a ‘Punitive’ Age ». Process in Human Geography, vol. 33, no 5, p. 646-666.
Dupuis-Déri, Francis. Démocratie Histoire politique d’un mot. Lux : Montréal, 2013.
Fontaine, A., F. Lapointe et B. Vallée Doré. 2019. « Une intervention de proximité pour une meilleure inclusion des personnes en situation d’itinérance » Sociographe, vol. 3, n° 67, p. XXIX à XL.
Flatley, J. 2008. Affective Mapping. Melancholia and the politics of modernism. Massachussets: Harvard University Press.
Kern, Leslie. Feminist City : A Field Guide. Between the Lines, 2019.
Klein, N. 2008. The Shock Doctrine. The Rise of Disaster Capitalism. Toronto: Random House.
Preston, S. 2021. « When Security Infects Social Work », Briarpatch, publié en ligne le 5 juillet 2021. https://briarpatchmagazine.com/articles/view/when-security-infects-social-work (consulté le 28 septembre 2021).
Tozzi, P. 2013. « Ville durable et marqueurs d’un « néo-hygiénisme ? Analyse des discours de projets d’écoquartiers français ». Norois [En ligne], n°227, mis en ligne le 30 juin 2015 : http://journals.openedition.org/norois/4700

Présentation des auteurs

Carolyne Grimard, Ph.D est professeure adjointe à l’École de travail social de l’Université de Montréal. Elle s’intéresse aux tensions dans le vivre-ensemble entre les personnes en situation d’itinérance et les personnes domiciliées, les institutions, les politiques sociales, les organismes communautaires et les quartiers qui entourent ces différentes populations. S’intéressant au droit d’habiter la ville, elle développe depuis 2019, en partenariat avec Architecture sans frontières Québec, une programmation de recherche afin d’examine le rôle de l’architecture dans les processus d’inclusion et d’exclusion sociale des personnes en situation d’itinérance.

Charlotte Biddle-Bocan est titulaire d'une maîtrise en science politique et en études féministes ainsi que d'un baccalauréat en relations internationales et droit international. Elle s'intéresse particulièrement aux moyens qui permettent de diffuser les voix des personnes vivant à la croisée des oppressions dans un perspective de changements structurels et interpersonnels. Elle travaille dans le milieu communautaire québécois depuis quelques années, entre autres, dans une maison d'hébergement pour jeunes femmes itinérantes à Montréal. Ses intérêts actuels portent également sur le renouveau des idées politiques à travers le processus créatif.

Communication complète

Notre communication propose de mettre de l’avant une critique des métropoles d’aujourd’hui, là où s’articule la majorité des services d’interventions. Cette critique se basera sur différents constats théoriques qui s’intéressent aux réalités vécues quotidiennement dans les villes par les personnes marginalisées, plus particulièrement les femmes (les femmes économiquement pauvres, que la société racise, les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes que la société racise, les femmes trans, les femmes travailleuses du sexe…), et qui nous permettent de mieux saisir les enjeux entourant leur prise de parole (Amster, 2003; DeVerteuil, May et von Mahs, 2009; Flatley, 2008). Divers obstacles démontrent comment l’intégration des voix des femmes est difficile dans la mise en place de projets structurants qui visent le changement des pratiques d’intervention en lien avec les besoins de ces personnes (Astier, 2007; Baillergeau et Bellot, 2007; Fontaine, Lapointe et Vallée Doré, 2019).



D’abord basés sur les hypothèses théoriques de géographes (Harvey, 2011; Kern, 2019; Springer, 2018) et de féministes (Spivak, 2020; Hill Collins, 2019; Battacharya, 2017; McNally, 2020; Fraser, 2017) nous aborderons différentes dynamiques intrinsèques aux métropoles d’aujourd’hui qui sont construites pour s’adresser à une certaine population au détriment de d’autres. Nous traiterons des stéréotypes qui sont aux centres d’une incompréhension de la diversité des besoins des personnes marginalisées à Montréal et nous avançons que ces jugements sont souvent au cœur des limites décisionnelles qui empêchent les institutions de réellement comprendre leurs besoins. Nous aborderons brièvement certaines réalités propres au contexte montréalais pour concrétiser notre proposition théorique.



Notre communication se centrera sur ce qui apparait être selon nous un « paradoxe » de l’État. Selon nous, la démocratie d’aujourd’hui fait systématiquement référence à l’institution étatique, ainsi qu’à des habitus précis, rendant souvent plusieurs personnes marginalisées réticentes à s’impliquer dans des projets visant à faire entendre leurs voix. Nous pensons que l’appel systématique à l’État pour entreprendre des changements structurants et des projets sociaux est au cœur de l’enjeu des initiatives participatives. En effet, certaines communautés ont peu à peu perdu leur autonomie politique en raison de la montée en puissance de l’État (Dupuis-Déri, 2013). Ainsi, la structure sociale actuelle (le financement destiné aux organismes communautaires, les prestations d’aide sociales, etc.) n’a pas été réfléchie ni construite en ayant l’objectif d’écouter ou de mettre de l’avant les voix diversifiées de la communauté (Côté, 2012). Cette relecture (historique et contemporaine) de l’institution étatique et de la démocratie est selon nous au cœur du nœud qui explique l’exclusion d’un bon nombre de personnes marginalisées dans les métropoles d’aujourd’hui. L’ensemble de ces constats théoriques expliquent selon nous une partie des frustrations persistantes des acteurs et actrices en interventions qui ne se sentent pas nécessairement entendu.e.s malgré la multiplication des processus consultatifs.

Résumé en Anglais

Our presentation proposes to put forward a critique of today's cities. This critique will be based on various theoretical observations that focus on the realities experienced daily by marginalized people, particularly women, and that allow us to better understand the issues surrounding their voice (Amster, 2003; DeVerteuil, May et von Mahs, 2009; Flatley, 2008). Various obstacles demonstrate how difficult it is to integrate women's voices into the implementation of projects aimed at changing intervention practices in relation to the needs of these people (Astier, 2007; Baillergeau et Bellot, 2007; Fontaine, Lapointe et Vallée Doré, 2019). Based on the theoretical ideas of geographers (Harvey, 2011; Kern, 2019; Springer, 2018), and feminists (Spivak, 2020; Hill Collins, 2019; Battacharya, 2017; McNally, 2020; Fraser, 2017) we will address various dynamics intrinsic to contemporary cities that are constructed to address certain types of populations, at the expense of others. We will discuss the stereotypes that are at the heart of a lack of understanding of the diversity of needs of marginalized people in Montreal. We argue that these stereotypes are often at the heart of the decision-making processes, which prevents institutions from truly understanding their needs. We will briefly discuss some realities specific to the Montreal context to concretize our theoretical proposal.